Le commentaire du Malbim sur Parachat Béréchit.
Malbim Parachat Béréchit
Traduit et adapté par Rav Michael Smadja.
Le Malbim sur la Parachat Béréchit
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Il est écrit « au commencement » (béréchit) et non « en premier » (barichona) car le mot « richon » sous-entend un compte (un premier puis un deuxième) et pour notre cas, cela n’est pas possible car tout a été créé le premier jour ex-nihilo. Pour cela, le mot « au commencement » est plus adéquat car cela évoque une création finie en un seul moment. Et il y a une différence entre « au commencement » et « au départ » (téh’ila). Celui-ci ne s’emploie que dans un contexte de durée alors que » commencement » s’emploie soit dans un contexte de durée (au commencement du règne du roi Yéhovikim) soit dans tout autre contexte, comme dans « au commencement de ta récolte » qui se traduit par « les prémices de ta récolte ». Il y a une autre différence: le mot « réchit » ne fait référence qu’au futur, ce qui va se passer et non sur ce qui s’est déjà passé, alors que le mot « téh’ila » fait référence à ce qui s’est déjà passé. « Au commencement » va expliquer les conséquences du futur, alors que « au départ » explique un sujet qui précédait une autre chose: « au départ les choses étaient comme cela, puis cela a changé » alors que « au commencement de la création » cela va expliquer la formation de ce qui va être créé. « Au départ » sous-entend une coupure, et cela veut évoquer aussi le statut d’avant, alors que le mot « au commencement » évoque le départ de quelque chose, donc ce qui va se dérouler dans le futur. Pour cela dans notre verset il est employé le mot « réchit » pour évoquer la formation de la matière qui va évoluer dans le temps. De la même manière ce mot est l’évocation du temps qui est en train de se créer et qui commence à ce moment. Comme dans l’expression « le cœur est le commencement de la vie » (lev hou réchit hah’aï), cela ne vient pas du tout évoquer une notion de temps, une évolution mais la constitution primaire de l’être humain. Du cœur, la vie tire son énergie. Alors que le mot « téh’ila » évoque une flèche du temps qui ferait dire que le temps a été créé avant la matière. Le mot « réchit » m’enseigne que le temps et la matière ont été créés en même temps car le mot « réchit » fait référence aussi au temps.
Il y a 3 expressions pour évoquer l’action de créer:
- boré: ex-nihilo
- yotser: la création d’éléments qui vont s’associer à partir de quelque chose qui est déjà créé.
- ossé: l’association de tous les éléments qui vont arriver à une création finie.
Dans la création des éléments terrestres, il y a eu ces 3 systèmes de création alors que pour les éléments célestes, il n’y a eu qu’une création ex-nihilo.
Dans tout l’ordre de la création, il n’est mentionné que le nom de D-ieu:
« Elokim« . Il est écrit dans les principes que le fait qu’il soit évoqué par son nom « Elokim » au pluriel fait référence à toutes les forces qui se diffusent dans toute la création. Car il est étonnant de comprendre comment de telles forces innombrables et complètement différentes l’une de l’autre aient pu sortir d’un seul et unique D-ieu d’une unité insondable, au point que nombres d’idolâtres se soient trompés et aient donné autant d’importance à chacune de ses forces génératrices de vie à tel point qu’ils les ont considérées comme des énergies créatrices indépendantes l’une de l’autre, de véritables divinités éternelles que la Torah mentionne en tant que dieux étrangers.
Hachem nous enseigne dans la création des univers que toutes ces forces proviennent d’un D-ieu unique comme il est écrit: « berechit bara (au singulier) Elokim ». De la même manière qu’un homme engendre de nombreuses actions et de nombreuses forces qui en fait ne sont que les conséquences de l’énergie de son âme animale, ainsi Hachem dans la création, a insufflé toutes ces forces créatrices qui ne sont les résultantes que de son incroyable unité et toutes les créations qu’il a créées depuis le début et jusqu’à la fin des temps peuvent se voir comme un seul corps qui englobe de nombreux membres différents l’un de l’autre. L’énergie divine qui illumine dans tous les mondes et qui les fait vivre est comme l’âme animale qui donne vie au corps où il est visible qu’une seule volonté engendre toutes ces multiples forces. Ainsi il en est pour tous ces univers qu’ils soient matériels ou spirituels. Et donc, D-ieu se définit par le nom « Elokim » au pluriel pour montrer que ces nombreuses forces qui se diffusent dans l’univers ne sont que de son fait.
Et il y a une différence entre le nom « youd-ké-vav-ké » « havaya » [le tétragramme] et le nom « Elokim »: le nom « avaya » est employé soit pour le dénommer soit pour montrer qu’il est celui qui donne vie à toutes les existences. Mais lorsqu’il est appelé sur le fait qu’il a mis des limites à sa puissance, il est appelé « Elokim » qui représente les nombreuses forces qui sont fixées et limitées. Et de ce point de vue, le nom « avaya » représente la qualité de la clémence et le nom « Elokim » représente la qualité du jugement. Car du fait qu’il a diffusé une énergie génératrice phénoménale et fait vivre toute la création, cela est du ressort de la qualité de la clémence mais puisqu’il a fixé des lois, a placé des limites à toute chose dans son infinie sagesse et a conscrit sa lumière selon ce que la forme pouvait contenir, c’est ce que les sages appellent » le jugement », combien la forme est capable de supporter comme lumière divine.
Pour cette raison, dans toute cette paracha, il n’est mentionné que le nom « Elokim » car au moment de la création, Hachem a mesuré et a fixé des limites à toute la création, a restreint sa lumière et son influence bénéfique selon ce que la matière pouvait supporter afin de pouvoir exister. Et les corps matériels constitués de l’association des 4 éléments basiques de la matière se font sans nouvelle création si ce n’est que leurs réalités n’apparaissent que par une dislocation de leurs formes précédentes. Et la vitalité de chacun de ces éléments qui constituent la matière est en perpétuel instabilité, se dépouillant d’une forme pour s’envelopper d’une autre forme. Et uniquement de cette manière, la matière peut subsister car si Hachem avait créé la matière avec le nom « avaya », où l’émission de sa lumière et de sa bonté est sans limite et sans mesure, alors la création aurait été illimitée et sa puissance éternelle non vouée au changement et sans voile où la présence divine serait constante non liée au changement et donc l’homme aurait été immuable de même que toute la nature et tous les univers spirituels. Car même eux sont limités par ce nom « Elokim ».
Par exemple les anges n’ont pas une aussi grande luminosité que les séraphins qui se situent au niveau du trône divin. Pour cela dans tout l’acte de la création, il n’est évoqué que le nom « Elokim » et non le nom « avaya ». Toutes les innombrables forces qui s’éveillent dans toutes les parties de la création ne se matérialisent qu’avec mesure et restriction, chacune d’elles selon les capacités de la forme ou de la matière qui lui sont assignées. Et dans ce monde de création et de destruction, au moment où la création naît de la destruction, le manquement n’est pas complètement enlevé pour qu’au moment où la vitalité s’estompe, se dévoile de nouveau avec virulence le manquement qui était son principe de départ limité et fixé. Un exemple: lorsque s’épuise la force vitale naturelle qui se diffuse dans tout le corps pour le faire perdurer, la mort amère vient et le manque qui découle d’elle. Et de cette manière de réfléchir, nous pouvons dire que « Elokim » engendre la mort le mal et l’obscurité. Non pas que ce nom génère ces manques car ils sont déjà intégrés dans la création, c’est-à-dire que dans son nom lui-même sont intégrées la vie et la mort, ou bien du fait que la mort et tous les manques ne sont qu’une non-révélation de la vie, comme l’obscurité est née d’un manque de lumière sans réalité propre. Et ce, du fait que l’énergie déployée dans la création était dispensée avec mesure ce qui a laissé la possibilité aux manquements de venir et de se propager après l’expiration de la limite ordonnée.
Le prophète Yéchaya (Isaïe) a sermonné le peuple en montrant que le mal qu’Hachem envoie n’est pas du fait qu’il envoie lui-même le mal pour faire le mal mais bien parce que celui-ci est inclus dans la matière, est une condition à la création de la matière. Et qu’uniquement de cette manière les créatures peuvent être créées. Et donc même le mal est issus du bien que diffuse Hachem sur la création. Il est impossible de trouver dans la création que du bien si ce n’est avec une touche de mal. C’est-à-dire la qualité du jugement.
Mais à partir de la paracha « voici les engendrements des cieux » est associé le nom « avaya » avec le nom « Elokim » car après la création par la qualité du jugement et de la loi, Hachem diffuse sa bonté par l’intermédiaire de la qualité de la clémence car la conduite du jugement pur ne peut se tenir durablement.
Et à partir de la paracha (du passage) « et Adam a connu H’ava » où la providence divine particulière va s’exprimer par les notions de salaire et de punition selon les actions de l’homme, ne se dévoile alors que le nom « avaya » car cette providence n’a aucun lien avec les lois fixées au moment de la création qui sont incluses dans la qualité du jugement. Ces 2 conduites divines qui sont diffusées par les noms « avaya » et « Elokim » sont aussi appelées « h’essed » pour « avaya » et « émet » pour
« Elokim ». Et c’est ce qu’enseigne rabbi Ytsh’ak au sujet du début de la création: » le début de tes paroles sont émet ».
Une grande discussion philosophique est née à savoir: est-ce que l’univers est une création ou non. Et s’il est une création, est-ce une création ex-nihilo ou d’une matière déjà créée? Et s’il est créé ex-nihilo, est-ce que la création s’est faite par étapes dans un enchaînement de causes et d’effets ou d’Hachem directement sans intermédiaire, sans élément déclencheur autre que la volonté divine? De même si nous disons que l’univers a été créé ex-nihilo sans intermédiaire cela veut dire directement d’Hachem ou bien Hachem a utilisé des mondes anciens pour recréer une nouvelle création. Nombres de philosophes se sont cassés la tête pour arriver à la vérité et la Torah en une phrase a donné la réponse: » au début de tes paroles est la vérité »
Le 1er verset explique: « béréchit » au commencement, cela fait référence à un début donc une création nouvelle ex-nihilo et même cela fait référence à la création du temps et pour cela, il n’est pas écrit: » batéh’ila » au début. « Elokim » cette création est engendrée uniquement d’Hachem « les cieux et la terre » de véritables cieux et non une énergie vaporeuse qui se matérialise petit à petit. Et sur le fait d’avoir écrit: » berechit bara Elokim » et non « berechit Elokim bara » cela vient nous enseigner qu’Hachem ne peut être perçu dans sa nature mais dans ses actes c’est-à-dire qu’il est mentionné en premier son acte (bara) il a créé, puis son nom (Elokim) pour nous dire qu’uniquement par sa création nous pouvons le percevoir et jamais sa nature sera accessible pour une intelligence de quelque nature qu’elle soit (angélique ou humaine puisque créée donc limitée). Car dès que l’on comprend que nous sommes une création, nous comprenons qu’il y a un créateur.
Cependant au temps du roi Talmaï, où nombres de philosophes ont cru que l’univers n’était pas une création, les sages ont été obligés de traduire le 1er verset ainsi: « Elokim bara berechit » (D-ieu créa le commencement) afin de prouver qu’Hachem avait créé le monde et le temps.
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