La providence et le libre-arbitre
Daat tévounot: L’expérience des connaissances
Du Ramhal
Cours du rav chriqui
Transcrit et adapté par Rav M. Smadja
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Il y a la conduite (« anhaga ») et la surveillance (« achgah’a »). La conduite est la matérialisation de l’acte qui agit et qui stimule le bien et le mal, son but étant le dévoilement de l’unité divine. Bien que sa conduite dans ce monde se fasse par le jugement, le bien et le mal, le salaire et la punition, le but est le dévoilement de Son unité, d’amener toute la création à Sa perfection. Et cette perfection rend possible la réception ou la perception, et la jouissance de son unité. Bien que ceci soit la fin des enchaînements, cependant ce qui stimule la force de l’agissement de cette conduite, ou au minimum son dévoilement, est le bien et le mal, le salaire et la punition. Et, bien qu’en fin de compte le bien et le mal disparaîtront car il s’avérera que cela n’est qu’un processus de réparation de la création, en lui enlevant le mal, elle aura la possibilité d’atteindre la perfection ou le dévoilement de son unité.
Il y a écrit dans le livre à la page 260 : « Et cependant, tu dois connaître un grand principe au sujet du service qui est exigé de l’homme, c’est que toutes les créatures dépendent de leur créateur et n’ont rien d’autre que ce que le créateur leur dispense. Pour cela, elles ne sont pas maîtresses de leurs agissements et de leurs actes mais ceux-ci sont exécutés de manière contrainte et forcée du fait qu’elles sont influencées directement et en continu par D-ieu. Seulement l’homme a une particularité singulière: il a en sa main le libre-arbitre. Et il a la force d’agir selon sa propre volonté, sans aucune contrainte extérieure. » Et c’est ce que nos sages expliquent : « Tout vient des cieux à l’exception de la crainte des cieux ».
Le Ramhal veut maintenant parler d’un sujet que tous les sages ont essayé de définir: le libre-arbitre, ou plutôt quelle est ma place dans la conduite divine dans ce monde ? De nombreux sages expliquent que celui qui arrive à percevoir ce qu’est réellement le libre-arbitre, a réussi à atteindre la connaissance réelle de la création et la perception parfaite de D-ieu. Il y a une grande discussion si le libre-arbitre existe ou s’il n’existe pas. Le Ramhal commence son discours en affirmant que l’homme dispose d’un libre-arbitre. Mais il essaie de trouver les limites de ce libre-arbitre. Il est certain que si l’homme est enlevé de cette influence divine, il ne peut exister. L’homme n’a aucune maîtrise sur l’endroit où il va naître et dans quelle famille, dans quelle situation et dans quelle génération. Donc son libre-arbitre ne peut se matérialiser dans ces sujets. Quelle est notre part dans toute cette providence divine, dans cette conduite de ce monde ? Car dans la majorité des cas, je n’ai aucune influence et donc mon libre-arbitre ne s’applique pas !
En vérité, tout est automatique et diffusé par D-ieu. Tout est décrété d’en-haut. Mais il y a une force inhérente à l’homme qui fait qu’il peut agir d’une manière indépendante sans être obligé d’agir. Ce n’est pas écrit dans le Ramhal, que ce que l’homme va vouloir, cela va se réaliser car il est enseigné : « Beaucoup de pensées se trouvent dans le cœur de l’homme et seul le conseil de D-ieu s’accomplit ». Mais d’un point de vue théorique, « l’homme a le pouvoir d’agir de manière volontaire sans aucune obligation aucune ». C’est-à-dire qu’il y a une situation où l’homme agit avec sa propre volonté et par cela, nous comprenons l’enseignement qui dit : « Tout est programmé par les cieux à l’exception de la crainte des cieux ». Que veut dire cet enseignement, « tout vient du ciel » ? Rien n’est selon notre propre volonté, tous nos actes sont dictés et exécutés par D-ieu. Une seule chose est entre nos mains: « notre crainte de D-ieu ». Comment définir la « crainte de D-ieu« ? Il y a beaucoup de choses qui peuvent être incluses dans cette notion ! La prière, donner l’aumône, étudier la Torah…mais être beau, puissant, riche….ne dépend pas de sa propre volonté. Tout le monde est d’accord avec cette fragmentation des actes de l’homme mais malgré cela, qu’englobe réellement la « crainte divine » ? En fait le Ramhal explique que même l’homme est englobé dans toutes les autres créatures sur le fait que D-ieu influe directement sur lui et que rien ne peut se faire sans sa volonté, mais simplement l’homme a une qualité singulière en plus, que plus tard il va expliquer. Mais sur toute chose où l’homme croit être son propre maître, ayant l’impression de décider et de dominer ses actes, en vérité, il n’est simplement qu’une sorte de robot dont les actes sont programmés et effectués d’une manière automatique de sa part.
« Mais au sujet du service divin, il lui a été donné une réalité dans laquelle il ne dépend pas de son créateur » c’est-à-dire le lien que l’homme tisse avec son créateur, c’est-à-dire sa confiance en D-ieu : « cela ne dépend pas de son créateur du tout mais de sa propre volonté et c’est ce qui est enseigné: « tout vient du ciel, à l’exception de la crainte du ciel ». Et voici que les âmes elles-mêmes lorsqu’elles sont dans le monde des âmes, avant de descendre dans le corps, ne sont pas différentes des autres créatures telles que les anges, ou toute autre créature de la création qui dépend des lois qui agissent sur elle, car elles n’ont pas là-bas de travail assujetti au libre-arbitre. Et c’est seulement lorsque l’âme descend dans le corps, qu’il lui a été donné le libre-arbitre. Car c’est cette union de l’âme avec le corps, qui va matérialiser le libre-arbitre. L’âme, avant de descendre dans la matière, est comme une chose qui est reliée à sa racine et qui ne bouge qu’en fonction de ce que sa racine lui demande de faire. Mais lorsqu’elle descend dans le corps, elle a deux mondes. L’animal n’a qu’un seul monde. Tout ce qu’il fait ne se fait qu’instinctivement. Il mange, tue, boit, dort, se reproduit. Tout ne se fait que par instinct. Un ange a une fonction, un travail. Il ne fait aussi que ce que son créateur lui ordonne de faire. Cela s’appelle les décrets de la « nature ». Mais il n’a pas de libre-arbitre.
« L’âme, au moment où elle descend dans le corps, acquiert cette particularité. Et par cette particularité, elle dépend d’elle-même et non de son créateur. Cependant dans toute autre chose, il est certain que l’homme dépend entièrement de son créateur, comme il est dit « tout vient du ciel à l’exception de la crainte du ciel ». C’est-à-dire que dans la richesse, la sagesse, l’intelligence, la grandeur, tout dépend du créateur. Toute action que l’homme fait pour acquérir de la richesse, et qu’il réussit, ce n’est pas parce qu’il l’a voulu mais parce que le créateur l’a décrété. Mais il y a une chose où l’homme est « homme » et où il révèle la particularité qu’il a en lui, le service divin.
Le Ramhal écrit ainsi : « D’où vient à l’homme cette force de libre-arbitre ? Car l’âme, avant sa descente dans le corps, n’a pas dans son essence cette particularité. Elle ne veut et ne peut que faire la volonté divine. Elle ne veut que se rapprocher, se coller à cette source divine. Elle n’est absolument pas séparée de son créateur. Elle ne tire sa force que de lui, elle n’est qu’une sorte d’énergie angélique ! Mais tout cela, uniquement par la « honte ». C’est-à-dire sans pouvoir demander, sans avoir de désirs propres. Les âmes n’agissent que comme des robots. C’est ce qui est exprimé par ces mots « dos à dos ». La situation où la présence divine se trouve « derrière » et non « face » à nous. C’est-à-dire que l’âme reçoit de D-ieu sans ressentir qu’elle reçoit, sans désirer recevoir. »
« Mais la volonté du créateur a été qu’il y ait un travail accompli par l’homme qui lui, ne vient pas du ciel et donc, il y a un besoin que la volonté supérieure place en lui une particularité qui fera qu’il devienne indépendant de sa source divine, au contraire de toutes les autres choses, pouvant agir par son propre libre-arbitre ». Et ceci se fait par le fait que « la mère » « אימה » sort de « la petite face » « זער אנפין » et rentre dans la « féminité » « נוקבה ».
Commentaire
[Le Ramhal énonce un principe extrêmement important, ce que le Ari Zal nomme la « séparation » la « Nessira« . Séparer la présence divine de la divinité elle-même, dans notre modèle, c’est la séparation de Adam et de H’ava. C’est cette séparation qui va créer le libre-arbitre. Le Ramhal appelle la présence divine « existence », « metsiout » (« מציות »). L’existence de la création et celui qui fait que cette existence se matérialise se trouve dans une situation de « dos à dos » où le divin n’est pas ressenti. Où trouve-t-on cette notion de « face à face », « פנים בפנים »? C’est en fait la connexion avec le divin, l’amour qui découle de cette conscience. Lorsqu’un homme se tourne dans une direction, il se dirige vers la racine. C’est en cela qu’est le principe du libre-arbitre. Comment arrive-t-on à cette situation de « face à face »? Le Ari Zal nous dévoile que c’est le principe de la séparation. Séparer la présence divine de sa source. Le Ramhal dit que la présence divine, « Chekhina« , est une « existence ». A partir du moment où elle s’est séparée de sa source, il y a une chose que la « Chekhina » ne reçoit pas de D-ieu lui-même, la perfection].
Suite du Ramhal
« Et elle se sépare de lui et se construit toute seule, et c’est ce qui donne dans la racine inférieure la force de ne plus avoir besoin de la lumière supérieure. Est enraciné en son essence le fait de ne plus fonctionner de manière forcée mais avec la force indépendante du libre-arbitre ».
Commentaire
Dans leur essence, les âmes sont comme des anges avant leur descente dans ce monde. Quel est le pic du niveau d’un ange ? Le service. Être un serviteur ! En un mot: la « crainte » et uniquement la crainte de D-ieu. En lui-même, un ange pourrait se séparer de son service, mais il a tellement peur qu’il ne peut « bouger ». Un ange n’est qu’une intelligence qui perçoit D-ieu. Chaque mouvement est d’une précision extrême où aucune pensée autre que son mouvement ne peut naître. Aucune autre action ne peut être créée par lui à ce moment. C’est-à-dire que plus la chose devient extrême, moins elle a une réalité particulière.
Il y a une existence particulière qui a été donnée au premier homme. Il a deux possibilités. La première est le fait d’agir comme le créateur et s’unir à cette sagesse divine qui s’appelle « l’arbre de vie ». Il ne s’agit pas d’une sagesse inférieure mais au contraire d’une sagesse supérieure. Et il y a une autre possibilité qui est issue de la connaissance inférieure qui est influencée par les sens. « Et elle a vu que le fruit était agréable aux yeux », c’est-à-dire l’envie de comprendre par soi-même. L’âme lorsqu’elle arrive dans ce monde, s’habille d’un habit qui va faire écran entre elle et le corps. Trois niveaux d’âmes rentrent en jeu: le « Néfech », la « Néchama », et le « Roua’h ».
Le « Néfech » est l’âme animale située dans le foie, l’organe qui n’est constitué que de sang. C’est le centre de toutes les pulsions, des désirs secrétés par le corps: vouloir manger, boire, dormir. Toutes les envies que le corps diffuse sont issues du néfech. La néchama, ou âme divine, n’est attirée que par la proximité divine. Elle a des désirs de pureté, elle veut prier, acquérir la sagesse supérieure, s’unifier aux mondes supérieurs. Et il y a une partie moyenne qui fait le lien entre ces deux âmes, le « Roua’h » : c’est le « vêtement » qui recouvre l’âme divine afin de rentrer dans le corps et fait la jonction avec le « Nnéfech ». Et c’est ce « Roua’h » qui choisit, là où le Roua’h veut « aller », nous allons. Il choisit soit d’amener le corps dans l’impureté, soit dans le monde de l’éternité. C’est lui qui dirige tout. En réalité qu’est-ce qui va être jugé dans le monde de la vérité? La « Néchama » retourne au monde des âmes, le « Néfech » retourne à la poussière et c’est le « Roua’h » qui va être jugé. C’est lui qui va rendre des comptes dans les temps futurs. Tout est fixé par décret divin, même notre Torah. Cela ne rentre pas dans les limites de la crainte. Même la sagesse n’est que don divin, et toutes les qualités que l’homme s’est forgées par son labeur et sa peine ne sont que don divin. Où est la part de l’homme dans tout ceci ?
Dans le livre « Adir Bamarom », le Ramhal explique les mots à propos du premier homme et H’ava: « Et leurs yeux sont devenus intelligents ». C’est ce que le serpent primordial leur a dit au départ : « vos yeux deviendront intelligents ». Car au début, ils étaient pratiquement comme des anges qui sont dirigés selon leur racine, qui est la source divine, à l’exception d’une seule Mitsva, qui était la matérialisation de la crainte divine dans ce monde et dans laquelle le libre-arbitre s’est appliqué. Et donc à part cette Mitsva, ils allaient selon les mouvements de leur « racine ». Ils étaient réellement comme des aveugles s’appuyant sur celui qui les conduisait. Et c’est cela la sérénité qui s’épanchait du jardin d’Eden car ils ne se « conduisaient » que selon la lumière supérieure que D-ieu propageait en eux à chaque moment. Et selon ce qu’ils recevaient, ils se comportaient. Ils ressentaient et vivaient le mouvement énergétique divin tel qu’il était sans perdition aucune. Et lorsqu’ils sont tombés de leur niveau, il leur a été donné la sensation d’avoir un regard, une perception sur toutes leurs actions et par ceci, ils étaient obligés de porter constamment leurs pensées sur tout ce qu’ils faisaient et même au sujet du service divin, car la lumière ne venait plus d’une manière ouverte et dévoilée à eux mais uniquement de manière cachée. [C’est-à-dire que leur esprit était en perpétuel mouvement, devenant soucieux de tout ce qui leur arrivait, ressentant que tout dépendait de leurs décisions (que faire ? Comment vais-je nourrir ma famille ? Etc. Même au sujet de la Torah, je me pose des questions : comment dois-je étudier, où étudier ?)]. Car de toute façon l’homme ne fera que ce que D-ieu veut, mais il leur a laissé une place où leurs pensées seront toujours en mouvement, pensant et se souciant de tout ce qui leur arrive. Et par cela, ils en sont arrivés à ressentir le besoin de se préoccuper de leur subsistance et de leur survie dans ce monde. C’est ce que D-ieu leur a dit : « A la sueur de ton front tu mangeras le pain ». Et même après cette prédiction divine, personne ne peut faire plus que ce qui a été décrété sur lui et ce que D-ieu a voulu pour lui. Mais le chemin est ainsi : au début, l’homme était dans la sérénité la plus totale. Alors est venu le serpent et a fait savoir à H’ava qu’il y avait un autre chemin dans la perception de ce monde où au contraire, l’homme ressent ce qu’il fait, se préoccupant de ses actions et faisant le bien par l’unique force de sa bonne décision et de sa sagesse parfaite, le plus grand des délices étant d’arriver à la plénitude par ce chemin. Cela fut agréable aux yeux de H’ava et elle a persuadé Adam de la suivre, et alors l’homme est descendu vers l’arbre de la connaissance. « Et il lui a été donné ce qu’il devait avoir, ce que lui avait voulu par la force de son libre-arbitre ».
Il y a réellement un libre-arbitre mais il n’est placé que dans la pensée. C’est en fait une décision que je prends pour arriver en fin de compte à ce que D-ieu veut que je fasse. C’est-à-dire que je choisis comment arriver là où je dois arriver, soit d’une manière « détournée », prenant le chemin de la causalité et de la dualité, soit d’une manière « directe », unité divine, percevant que tout ce que je fais n’est que volonté divine, n’ayant aucune influence sur ce qui a été décrété sur moi. Cette perception de la réalité est la perception par la conduite appelée « l’arbre de vie », alors que la conduite faite de causes et effets est la conduite de « l’arbre de la connaissance ». Ce que le premier homme devait recevoir par une conduite issue de la confiance divine, il l’a reçu par une conduite faite d’épreuves et d’engendrements. C’est ce qui est écrit : « Dans le chemin que l’homme veut prendre, D-ieu le fait aller ». Là où tu dois aller, tu iras, mais le chemin que tu vas prendre c’est toi qui le choisis. Où est le libre-arbitre ? A priori, le libre-arbitre va se matérialiser dans la manière dont on va arriver au décret. Soit dans la forme qui est issue de la conduite de « l’arbre de vie », soit dans la forme qui est issue de la conduite de « l’arbre de la connaissance ». Donc l’enseignement qui émet l’idée que « tout est dicté par les cieux sauf la crainte des cieux » peut ainsi se comprendre facilement : on peut percevoir la vie selon la conduite sacrée où tout n’est qu’unité, ou bien percevoir la vie selon la conduite « profane » où il y a D-ieu bien sûr, mais où je me place en tant qu’intermédiaire particulier qui décide et qui agit selon ce que je ressens être ma décision. C’est la même personne qui va faire les mêmes choses, mais la différence va se faire dans sa perception psychique. Soit il perçoit réellement que son acte n’est que le résidu de la prédiction « à la sueur de ton front tu mangeras le pain », son acte n’ayant aucun impact dans le décret qui a été décrété sur lui, mais il le fait car ainsi il en a été décrété. Il ressent que son acte n’a aucune incidence sur le résultat que doit produire son acte. Cela est la conduite de « l’arbre de vie ». Et il y a l’autre conduite de « l’arbre de la connaissance » où je ressens que l’acte que je fais produit un impact dans ce qui est décrété sur moi. Et cette conduite est tellement présente en l’homme qu’il lui est pratiquement impossible de s’en extraire, d’enlever de son esprit cette impression de domination sur les événements, cette pensée, cette idée où tout est réglé par la nature dans une conduite qui a sa propre sagesse, ses propres lois, un monde où les actes ne sont issus que de déclencheurs proches, c’est-à-dire la volonté humaine. Même le peuple d’Israël au pied du mont Sinaï a été influencé par cette conduite lorsqu’il a voulu faire le veau d’or, c’est-à-dire revenir dans la conduite de l’arbre de la connaissance, agréable à l’esprit car D-ieu peut aussi se percevoir dans ce chemin mais au combien pernicieux. S’il n’avait pas fauté, il n’aurait eu besoin que de la Torah écrite mais maintenant que les enfants d’Israël ont fauté, il y a besoin de la Torah orale, le Talmud de Babylone, le travail par l’intellect, par le raisonnement, mais dans une conduite sacrée. Travailler dans cette conduite du monde par le prisme de la Torah, par tous les sujets de ce monde, le vol, la perte d’un objet, tous les interdits liés à ce monde…le Talmud est la réparation de « l’arbre de la connaissance », c’est-à-dire que la lumière ne peut être perçue que par l’obscurité. Il faut repousser l’obscurité pour voir apparaître la lumière divine. Je comprends une chose par son contraire. Donc l’homme se trouve dans le bien et le mal. Mais, dans la conduite de « l’arbre de vie », l’homme n’a pas la perception de la faim par la satiété. Je ne comprends pas les choses par leurs manques. Ce n’est pas le besoin qui va déclencher l’envie. Mais dans ce monde que je perçois par la conduite de « l’arbre de la connaissance », même dans cette conduite, le libre-arbitre va agir de cette manière: est-ce que je perçois le manque et je le comble par l’intermédiaire du sacré où non ? Est-ce que j’élève le profane dans le sacrée ou non ? Je profite de ce monde pour mon propre intérêt ou pour le sanctifier ? En résumé, je perçois que ce que je reçois vient de D-ieu, que là où je me trouve est là où je dois être. La pensée qui m’a fait faire cette action, c’est D-ieu qui l’a introduite dans mon esprit. Dans cette conduite de « l’arbre de la connaissance », il y a aussi le moyen d’être « face à face » ou bien « dos à dos ». Le libre-arbitre n’est là que pour diriger ma pensée, soit je perçois D-ieu, soit je ne le perçois pas.
Le Ramhal demande dans le livre « Le chemin de D-ieu » [Dérekh Hashem] : « Pourquoi a-t-on besoin de prier ? Afin de restreindre le plus possible l’influence de la matière sur nous ». En me tournant vers D-ieu, je réduis l’influence de la conduite de la nature sur moi.
Le Rambam écrit que le libre-arbitre est là uniquement pour choisir d’être ou bien juste ou bien mécréant, mais pas riche ou pauvre, fort ou faible. Mais qui est appelé « juste » ? Seul D-ieu connaît ses propres comptes car cela n’est pas dans la quantité d’actions. En effet, parfois l’homme, avec une seule action, accède à son monde. Il en va de même pour le contraire. En fait cela tient dans la qualité de l’action, dans la confiance envers D-ieu que l’homme développe au moment de son acte. C’est ce qui transforme un acte profane en une Mitsva. Combien est-on prêt à se sacrifier pour accomplir une Mitsva ? Combien est-on prêt à perdre pour accomplir une Mitsva ou pour ne pas transgresser un interdit ? Pour cela, nous ne pouvons pas connaître qui est juste ou non car cela ne se voit pas extérieurement.
Tout le libre-arbitre d’après le Ramhal se situe au niveau de la conduite, et non au niveau du « fruit ». Ce n’est pas « que vais-je faire ? », « que vais-je recevoir ? » (Je fais cela donc je reçois).Ce n’est que dans la pensée, dans la manière de percevoir, pas dans l’acte que je réalise. Lorsque quelqu’un tue une autre personne, c’est qu’elle devait mourir ! Mais de même que « l’on donne un mérite à quelqu’un qui est méritant, ainsi est donnée une punition à quelqu’un qui est coupable ». Même le mécréant ne peut tuer que celui qui est condamné à mort !
Donc à priori, les mécréants n’ont pas de libre-arbitre puisqu’ils sont sous l’emprise de la conduite divine dite de la « nature » ! Il est plus facile d’être régi et dirigé par la nature plutôt que de décider de « résider dans la maison de D-ieu » car cela ne se fait que d’une manière « automatique ».
Voici les paroles du Ramhal : « Combien est grand l’honneur qu’a réservé le créateur aux justes en les considérant comme ses associés ». C’est cela le libre-arbitre ! Est-ce que je fais partie de la réparation de ce monde, ou bien je me désolidarise de ma responsabilité pour entrer dans la conduite naturelle?
Le Ramhal avait une question: quel est le but de ce libre-arbitre ? Car en fin de compte, je reçois ce que je dois recevoir ! Le libre-arbitre est là pour que l’homme devienne associé, membre actif dans la complétude de ce monde. Et seuls les justes ont une part dans ce travail et part cela, ils réparent toutes les fautes de leur génération. Le but du libre-arbitre est d’être associé tout en étant conscient, ressentant que D-ieu agit par notre intermédiaire, c’est la véritable joie que nous réserve D-ieu. C’est la réparation personnelle de l’homme au départ, de devenir associé au plan divin.
(En vérité, il faut réellement prendre conscience de ce choix. Devenir un ustensile dans les mains de D-ieu n’est pas chose facile, cela n’est qu’une question de ressenti. Est-ce que mon corps me domine et diffuse un ego illusoire ou bien est-ce que je le fais taire et par cela, j’arrive à ressentir le divin qui est en moi et deviens l’associé de D-ieu dans son plan, qu’il va de toute façon accomplir, avec ou sans moi).
Le Zohar rapporte une prophétie : « tu es mon peuple », « ami ata » et il l’interprète ainsi : « tu es avec moi », « imi ata ». Car en vérité le créateur a laissé une part au peuple d’Israël dans la réparation du monde et sa complétude jusqu’à ce que la réparation du monde soit « divisée » en deux parties, ne pouvant se réaliser que par l’association de l’homme avec D-ieu. Et voici, si l’on peut dire, que le cœur de l’assemblée d’Israël a une attirance vers D-ieu comme une femme envers son mari. Ceci venant du fait d’avoir une part dans la réparation du monde et par cela, elle peut argumenter et relever la tête, car n’étant pas comme « une personne mangeant ce qui ne lui revient pas », elle profite de la présence divine avec une joie indicible et avec fierté. C’est ici que se situe le point de balance, le point de libre-arbitre : être comme un esclave envers son maître ou une femme avec son mari. Quel a été le but de la « séparation » du premier homme et de H’ava? La rencontre, la réunification. Les âmes, avant de venir dans ce monde, se trouvent dans une situation de « attirées contre leurs volontés », esclaves. Mais lorsqu’elles arrivent dans ce monde, elles ont une existence propre. Ceci étant provoqué par la séparation du premier homme et de H’ava. C’est cette autonomie qui va faire que l’âme se trouvant dans un corps aussi trouble qu’il puisse être, ressente qu’elle a perdu le contact avec D-ieu. Et tout son but sera de revenir au divin dans ce monde : c’est cela son association avec D-ieu. Lorsque l’homme se marie avec D-ieu par la pensée, alors il prend part à la réparation du monde : « Maître du monde, fais que je réussisse dans mon chemin aujourd’hui ». Dans toutes mes actions, même les plus « basses », dans l’obscurité totale, si je me tourne, si je tourne mes pensées vers D-ieu, alors je suis dans la révélation divine totale dans ce monde. C’est à ce moment que se fait le mariage et alors l’effort devient sacré. Il y a des efforts qui sont vains, impurs, où l’ego intervient en tant qu’élément indispensable mais lorsque réellement, l’homme s’annule et ressent que tout ce qu’il fait n’est qu’une action divine, alors il devient associé avec D-ieu. C’est cela la véritable association, lorsque je ressens que c’est D-ieu qui agit dans ce corps et non moi. Celui qui ne comprend pas cette notion, ne comprend pas ce qu’est le libre-arbitre. Car ceci est le véritable principe du libre-arbitre : être le rôle de la femme avec D-ieu dans cet accouplement, accoupler sa pensée avec la pensée divine et c’est cela la véritable association, et. je peux ainsi prendre part dans la réparation de ce monde ou bien ressentir une réalité indépendante et par cela me dissocier par la pensée du projet divin et détruire le monde. Un homme peut être très simple mais vouloir se connecter avec D-ieu. Alors il devient l’égal d’un ange, car il se soucie de la réparation du monde et devient l’associé de D-ieu. Et ce n’est que grâce à la séparation que le face à face peut se faire. Et c’est ce que fait le libre-arbitre : d’une situation de « dos à dos » rentrer dans une situation de « face à face ». C’est la séparation entre la présence divine et D-ieu lui-même.