La force de la parole Parachat Mattot – Réouven Carceles
La force de la parole Parachat Mattot
Un Homme, lorsqu’il vouera un vœu à Hachem, ou jurera un serment pour assujettir une défense sur son âme, il ne profanera pas sa parole, comme tout ce qui sortira de sa bouche il doit l’accomplir. (Nombres chapitre 30 verset 3)
Le début de la Paracha nous parle des vœux, c’est-à-dire que lorsqu’une personne veut prendre sur elle une interdiction de ne pas manger ou de ne pas faire telle chose, le fait de le prononcer et de vouer le vœu à Hachem, alors à partir de cet instant, elle ne pourra pas profaner sa parole, jusqu’à ce qu’elle aille trouver un sage qui puisse la délivrer de son vœu !
De là, nous comprenons, combien ce qui sort de la bouche de l’homme est grand et saint et combien une énorme force est cachée derrière la parole, peut changer la réalité en un seul instant !
En vérité la question qu’on se pose ici, c’est quelle est la véritable définition du vœu, ou du moins, comment une simple parole, peut avoir autant de poids et d’influence aux yeux d’Hachem, à tel point que seul le juste peut nous en délivrer ? De plus, pourquoi Rachi sur place, vient-il nous préciser au début du verset : « pour assujettir une défense, il ne profanera pas sa parole » ? Pour signifier, que l’on a le droit de s’interdire ce qui est permis, et non de se permettre ce qui est interdit ? Il rajoute au nom du Sifri, qu’il ne fera pas de ses paroles quelque chose de profane.
Rabbi Eliezer Papo, écrit dans son « Pélé Yoéts » : que « tout le labeur de l’homme est dans sa bouche » et il explique que « la mort et la vie, sont au pouvoir de la langue« . Nombreux sont ceux qui négligent les interdits dépendant de la parole et les considèrent comme permis : la médisance, la flatterie, la mauvaise plaisanterie, le serment vain, la mention vaine du nom divin…etc . Par conséquent, l’Homme devra faire attention à museler énergiquement sa bouche et se taire : « celui qui parle trop, entraîne la faute« . Pour compléter cela, il est écrit dans le Messilat Yécharim (chap13), qu’un homme qui aspire à être juste, doit se sanctifier uniquement par ce qui est permis, c’est à dire de s’interdire les choses permises, afin de ne pas frôler les choses interdites, ne prendre de ce monde que le strict nécessaire, et alors, dans un tel contexte, c’est évident que l’homme s’astreindra à parler peu, à se garder de conversations vaines et à ne pas regarder au-delà des quatre coudées de la Halakha!
Tout ceci, en réalité, doit nous amener, à avoir un point de vue totalement différent sur notre façon de parler, sur l’importance de « la sainteté du langage » et donc des paroles que nous faisons sortir de notre bouche ; qu’en réalité, la parole est le principal outil du juif, et qu’elle est reliée à son comportement et à sa relation avec la matière, car d’un côté elle peut amener à la faute et d’un autre coté à la vie !
C’est ce qu’a voulu nous faire comprendre Rachi : « il ne profanera pas sa parole« , c’est à dire, il ne fera pas de ses paroles quelque chose de profane. Cela signifie que l’homme doit être conscient de ce qui sort de sa bouche, il doit être conscient qu’avant de proférer un vœu à Hachem, il y a une préparation derrière et qu’un homme doit se sanctifier, être saint, pour avoir un langage saint. On ne prononce pas le nom d’Hachem comme ça, et s’il n’est pas conscient, s’il n’a pas fait le travail sur lui, et donc qu’il ne tient pas ses promesses ou qu’il prononce des paroles interdites, et donne libre cours à sa langue, alors « la faute ne s’arrêtera pas » et là, Rachi vient nous mettre en garde, de ne pas se permettre ce qui est interdit, par contre, s’il prononce des paroles sacrées, alors chacune sera considérée comme un décret que D.ieu doit accomplir, du moment bien sûr, où il aspire à cela, qu’il ne prend de ce monde que le strict nécessaire, ne pas regarder au-delà des quatre amot (coudées) de la Halakha. C’est cela être saint, se séparer du permis, alors là oui, l’homme peut faire un vœu au maître du monde, dans un langage saint, et c’est ce que veut dire Rachi : on a le « droit » de s’interdire ce qui est permis !
Pour conclure, Rav David Pinto explique au nom du Tanna (pirke avot 1,2) : « le monde repose sur trois choses, la Torah, les sacrifices et la générosité« , et l’essentiel de ces trois choses est dans la parole.
- « La Torah » : c’est l’étude de la thora qui se passe dans la bouche.
- « Les sacrifices » : ils sont remplacés aujourd’hui par la prière, qui passe par la parole, donc la bouche aussi.
- « La générosité » : on peut par sa bouche rendre des services énormes, comme encourager ceux qui sont déprimés, réjouir ceux qui sont tristes etc…
Nous voyons bien que la force de la parole est considérable et que beaucoup de choses reposent sur elle, et c’est là qu’il faut se renforcer, surtout dans cette période de « bein hametsarim » (période entre le 17 Tamouz et le 9 Av). La Guémara dit (yoma 9b) que le deuxième temple a été détruit à cause de la haine gratuite, et c’est évident que c’est le résultat de trop de paroles de Lachone Hara. Nous ne devons utiliser la force de la parole que dans un contexte de sainteté, comme nous le demande la Torah !
Il faut prendre leçon de ce que nous dit le Tanna (Pirke Avot 1,17) : » Je n’ai rien trouvé de meilleur pour le corps que le silence« .
Shabbat Shalom
Réouven Carceles
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