La dimension éternelle du Michkan est due à la générosité de cœur de ceux qui l’ont construit.
Paracha Pékoudé. Réouven Carceles
Générosité de cœur
Leilouy nichmat zhari bat Soulika et réfoua chelema Ruth bat Sarah et Malka bat Sarah
Dans la Paracha de la semaine, Pékoudé, la Torah nous dit : « ceux-là sont les comptes du Tabernacle, Tabernacle du témoignage, qui ont été comptés sur ordre de Moché, le service des Lévis, par l’intermédiaire de Ithamar, fils de Aharon le pontife. Et Betsalel, fils d’Ouri fils de Hour etc… » (Chemoth CH. 38 V. 21 à 23).
La Torah recense ici des personnages de très haute envergure qui ont participé au Michkan. Le Sforno sur place remarque cela, et explique que ceux qui ont participé au Michkan étaient des Tsadikim et dès lors la présence divine a résidé, et le Michkan n’est pas tombé entre les mains des ennemis, car il avait une dimension éternelle. A la différence du premier et du second Beth Hamikdache dans lesquels ces qualités étaient absentes et qui ont fini par être détruits.
Il faudra donc essayer de comprendre, pourquoi ces deux temples n’ont pas eu le droit d’être éternels et quelle qualité leur manquait ? De plus, il est bon de se rappeler ce qui est écrit dans la section Térouma (Chémot Ch. 25 v. 2) : « prenez pour moi un prélèvement, de tout homme généreux de cœur ». Un peu plus loin, il est écrit : « tout celui qui est sage de cœur qu’il vienne, participe et fasse ce qu’Hachem aura ordonné ». A ce sujet, la Guemara dans Chekalim enseigne que cette précision « généreux de cœur » est en même temps une louange et aussi un reproche pour les Bné Israel. En effet, on fait ici l’éloge de ceux qui ont apporté généreusement et avec cœur mais la Torah sous-entend aussi que ceux qui n’étaient pas animés par cet élan de cœur n’ont pas participé. Comment est-il possible qu’une partie de cette génération si élevée ait mis de côté la construction du Michkan ?
Il est possible de répondre selon l’explication de la Michna dans Pirke Avot (4,11) : « Rabbi Yoh’anane Hasandlar a dit : toute réunion qui se tient lechem chamaim (pour le nom de Hachem), elle durera, toute réunion qui n’est pas tenue lechem chamaim, elle ne se maintiendra pas ». Il est évident que tout ce qui est fait pour le nom d’Hachem va durer, et dans le cas contraire, cela ne durera pas, c’est-à-dire qu’il faut au moins qu’au début de l’action, nous ayons cette intention dans le cœur. Si par la suite le mauvais penchant arrive à s’interférer, comme la racine est pure, la fin sera bonne.
Le Hovoth Halevavoth dans son introduction, nous dit que ce qui forme l’essentiel de toute Mitsvah est la partie qui est accomplie dans le cœur de celui qui l’observe. En ce qui concerne les mitsvoth pratiques, cette partie est constituée par l’intention avec laquelle elles sont accomplies. La distinction que l’on opère souvent entre les obligations du cœur et celles du corps tient uniquement au fait qu’il existe des Mitsvoth du cœur qui ne sont réalisées par aucun geste spécifié à l’avance, mais dont on peut s’acquitter avec intention. Nous avions rapporté le Rav Wolbe dans son Alé Chour, que chez l’homme tout est limité, sa durée de vie, ses moyens, et même son esprit. La seule chose chez l’homme qui n’a pas de frontière, c’est son cœur. Hachem a créé l’homme de telle sorte que la profondeur de son cœur puisse dépasser toute limite, à la différence de l’esprit qui ne peut pas capter des choses qui ne sont pas de son niveau, ou qui dépassent ses capacités. En revanche, il n’y a pas de limite aux sentiments qui peuvent aller en grandissant à l’infini. Inversement, la haine, la déception et les mauvaises midot sont également illimitées dans leur potentiel, comme tout ce qui dépend du cœur, puisque le cœur dispose d’une force très puissante, et infinie.
C’est sûrement de cela dont nous parlent les Sages dans la Guemara (Yoma 9b) lorsqu’ils posent la question : Pour quelle raison le premier Temple a-t-il été détruit ? De répondre : à cause de l’idolâtrie, des unions interdites et du meurtre. Mais à l’époque du deuxième Temple, les Bné Israël respectaient la Torah et les Mitsvot et pratiquaient la charité ! Pourquoi donc a-t-il été détruit ? A cause de la haine gratuite.
La Guemara pose la question de savoir quelle faute était la plus grave , celles qui ont détruit le premier Temple ou celle du deuxième Temple ? Elle répond : nous constatons que les premiers Bne Israel ont vu la reconstruction du Temple, ce qui n’est pas le cas des derniers. S’il n’a pas encore été reconstruit au bout de deux mille ans, il est évident que la haine gratuite est une faute plus importante que celles qui avaient été commises par les premiers. De là, nous pouvons voir la force illimitée du cœur et que si l’esprit ne le ramène pas vite à la raison, les conséquences peuvent être catastrophiques (la preuve en est, que jusqu’à ce jour, nous n’avons toujours pas vu le Temple se reconstruire).
Rabbi Hayim de Volozhin nous dit que c’est dans le cœur de l’homme que se trouve le vrai temple, comme le dit le verset : « je résiderai parmi eux (Chémot Ch. 25 v. 8) ». Il explique que le premier et le second Temple ne servaient que d’instrument à ce temple intérieur. C’est pourquoi, lorsqu’ils ont corrompu le Temple intérieur à savoir le cœur, celui de l’extérieur, désormais privé de raison d’être, a été détruit. Le Hovoth Halevavoth de rajouter un détail incroyable, on ne parle pas ici de rechaim (impies) qui commettent des fautes ou de gens de petit niveau. Il s’adresse même et surtout aux tsadikim qui font exactement tout ce que leur demande la Torah mais qui n’ont pas encore réussi à unifier leur cœur pour n’aimer et n’aspirer qu’à l’attachement au prochain et au Maître du Monde.
Nous pouvons donc mieux comprendre l’insistance de la Torah sur le fait que tous ceux qui ont participé au Michkan devaient avoir une générosité de cœur, une sagesse de cœur ou une élévation dans leur cœur, afin que toutes les œuvres du Michkan deviennent le réceptacle à recevoir l’infini de la présence divine et à durer éternellement. Hachem a même été très pointilleux en demandant à tous les donateurs une intention pure et une générosité de cœur afin que même les prélèvements qui devaient servir aux œuvres soient imprégnés de l’amour pour la Torah et les Mitsvot. Le Michkan est certes limité, mais grâce à la totale dévotion de tous ceux qui ont participé à sa construction, à l’instar de Moché, Betsalel et tous les tsadikim porteurs de l’infini, la présence divine a pu y résider.
Nous pouvons peut-être expliquer qu’une partie des Bné Israel n’a pas participé aux œuvres et donations du Michkan, parce qu’ils n’ont pas eu la pureté de cœur nécessaire. Et c’est sûrement pour cela que les deux premiers Temples, bien que ceux qui en ont dirigé leurs œuvres étaient de grands Hommes et prophètes, n’ont pas eu le même sort que le Michkan qui fut caché et jamais détruit par l’ennemi. Comment est-ce possible ? La réponse est en allusion à notre développement, à savoir le Michkan était certes plus petit et réalisé avec beaucoup moins d’or et d’argent qu’à l’époque de Chlomo Hamélekh mais tout fut réalisé, depuis les donations jusqu’à la mise en forme, avec un cœur réservé pour la Torah et une intention pure.