La confiance en D.ieu
Rav Yéhésquiel Lévinstein
Traduit et adapté par Rav M. Smadja
Je ferai tenir la torah sur un seul précepte. « צדיק באמונתו יחיה » le juste par sa confiance, il vivra. (מכות כג)
Le Sabba de Kelm explique que Habakouk était un des derniers prophètes et a fait tenir l’accomplissement de toute la Torah sur un seul principe: la confiance en D-ieu.
Lorsqu’un homme a le mérite de conquérir un peu de croyance en D-ieu, il a tout acquis. Car la confiance est le principe vital et fondateur du peuple d’Israël Toutes les qualités tirent leur source de la confiance. L’homme qui a atteint la perfection dans la confiance, acquiert automatiquement toutes les bonnes qualités qu’un homme a le pouvoir de développer car la confiance en D-ieu crée et construit les bonnes qualités. Et ainsi le contraire, celui qui développe des mauvaises qualités, est à l’antipode de la אמונה car ses mauvaises qualités empêchent sa confiance en D-ieu de s’exprimer. Pour cela, le prophète a fait tenir l’accomplissement de la Torah sur un seul principe: « le juste par sa confiance vivra ».
Explication: la confiance est une notion qui n’est pas liée à une croyance pieuse « image d’Epinal ». Mais plutôt une confiance basée sur l’expérimentation. Ressentir que rien ne peut nous affecter. C’est cela la véritable confiance. Ma perception des messages que mon esprit reçoit va dépendre de mon niveau de confiance. Plus je mettrais ma confiance en D-ieu, moins je vais « m’approprier » ces messages que je perçois. Moins je vais développer d' »ego ». Et automatiquement les bonnes qualités vont se développer. Car les mauvaises qualités ne surgissent uniquement lorsque l' »ego » prend possession du message. Lorsque je m’abandonne et que je m’en remets complètement à D-ieu, je ne m’attache plus à rien et ainsi le désir la haine la jalousie l’envie de ce monde disparaissent pour laisser place à l’amour la générosité la paix intérieure le silence et la sérénité. Alors apparaîtra la présence divine. D-ieu n’est pas une notion extérieure à nous. C’est notre perception qui nous cache le divin qui est en nous. D-ieu est partout. Le fait de toujours s’approprier ce monde en créant un « ego » sur-dimensionné, nous empêche de vivre dans le monde de la vérité, le monde de la stabilité où de la même manière que son créateur est sans altération ainsi son œuvre est sans altération. Découvrir D-ieu est un travail non pas de recherche mais d’abandon. C’est pour cela qu’il y a interdiction de lui donner une image, une forme ou même une définition. Car cela est déjà « donner » une réalité à ma perception. Même une idée tout aussi pure soit-elle est source d’illusion. Notre patriarche Avraham a combattu toute sa vie pour éradiquer cette pratique d’offrir en sacrifice les enfants. Quelle a été la dernière des épreuves qu’il a subie? le « sacrifice de Itshak ». Même la plus pure idéologie qu’il avait développée, D-ieu lui demande de la sacrifier. En fait il lui a demandé de sacrifier son « ego ». La plus aboutie des épreuves.
Lorsqu’un homme reçoit une bonne nouvelle il est joyeux et lorsqu’il reçoit une mauvaise nouvelle il est triste. Comment cela se fait-il? Car son « ego » s’est accaparé ces informations et alors son esprit devient fluctuant allant au gré de ses humeurs, dans un monde d’illusion. Mais si au contraire, il s’abandonne c’est-à-dire qu’il n’essaie pas de prendre possession du message en lui donnant une connotation bonne ou mauvaise, alors à ce moment précis sa confiance pourra apparaître du plus profond de son être et interprété le message tel qu’il est sans distorsion aucune. Message divin qui fera surgir en lui une sérénité incroyable, un bonheur éternel du moment présent que rien n’affecte. C’est cela la confiance expérimentale.
Cependant nous sommes très éloignés en vérité de cette confiance expérimentale, sensitive que nous venons de décrire. Et nous nous suffisons de notions très schématiques qui nous ont toujours suivies depuis notre plus tendre enfance. Regardons un peu la définition de la confiance dans la Torah.
Et Avraham et Sarah devenaient vieux, Sarah ne pouvait plus avoir d’enfant. Et Sarah a ri en elle-même en disant comment puis-je avoir des enfants maintenant que ma chair est flétrie et que mon maître est vieux. Et D-ieu a dit à Avraham : pourquoi Sarah a rit en disant: est-il possible que j’enfante alors que je suis vieille? Y-a-t-il quelque chose d’impossible devant D-ieu? A cette même période je reviendrais vers toi et Sarah aura un enfant ».
Ces paroles sont étonnantes car dans le Ramban, il est précisé que Sarah la prophétesse ne savaient pas que les visiteurs étaient des anges comme le Midrash explique que ces anges avaient pris la forme de bédouins. Et Sarah pensait que leur bénédiction n’était qu’une simple formule de politesse. Ce n’était pas plus qu’une bénédiction émise par un simple homme. Pour cela Sarah n’a pas cru en leur bénédiction. Elle a regardé ses entrailles et pensé qu’il était impossible qu’elle puisse porter un jour un enfant. Alors quel est ce propos que D-ieu lui reproche : » Pourquoi a-t-elle rit? ». Voici logiquement une femme de 90 ans, de plus, stérile et sans avoir reçu une prophétie directement de D-ieu mais uniquement une bénédiction de la bouche de simples gens, est-ce si absurde de sa part de s’étonner et de douter de ces paroles?
Le Ramban précise que Sarah aurait dû croire malgré tout que cela était possible et répondre à cette bénédiction carl’obligation du parfait croyant est de croire que rien n’est impossible à D-ieu de faire. Être croyant est de croire que tout est possible. Car le véritable croyant a l’obligation de savoir et de connaître qu’il n’y a aucun décret et loi naturelle dans la création. Mais que tout n’est que volonté divine et qu’il n’y a aucune réalité aux raisons de la création comme il est dit: » y a-t-il quelque chose d’impossible pour D-ieu? ». Car de même que D-ieu a créé le monde ainsi il peut changer toute son ordonnance car il renouvelle de son bien chaque jour continuellement l’acte de la création. Il se trouve donc que chaque instant est une nouvelle création et il est certain qu’il peut en changer les règles et les conduites. Et ce qu’il fait de ne pas changer ses principes n’est pas du fait de son incapacité à le faire mais plutôt parce que de notre point de vue, nous ne sommes pas aptes à percevoir ces changements de la nature que D-ieu pourrait effectuer. Pour cela, il est de notre devoir de parfait croyant de dire sur chaque événement ״qu’il en soit ainsi״ même sur les plus improbables. Car en fait nous demandons qu’il change les ordonnances de la nature pour nous. Il est de notre obligation de ne jamais perdre l’espoir dans n’importe quelle situation que ce soit, même les plus désespérées, même sur le point de mourir.
Ces paroles sont explicites dans le Midrash: « y a-t-il quelque chose d’impossible pour D-ieu? » C’est la parabole d’une personne qui tient deux bouteilles en verre dans ses mains et les amène au souffleur de verre et lui demande s’il peut les arranger. Et le souffleur lui répond: les remodeler, cela je peux faire, les arranger cela m’est impossible. Ainsi D-ieu dit: recréer Avraham et Sarah, je peux le faire, leur redonner leur jeunesse je ne peux le faire ».
Observons notre situation et réfléchissons si nous sommes de véritables croyants. Voici, lorsque nous voyons que les conditions ne sont pas en notre faveur, immédiatement nous sommes perdus désespérés abandonnant tout espoir de salut. Il se trouve donc que nous sommes très éloignés de la parfaite croyance qui est de croire que les causes ne sont pas les phénomènes déclencheurs. Et ne croyons pas que cette manière de voir la vie est la qualité réservée à une élite mais c’est un grand principe dans les fondements de la croyance et sur ce principe nous devrons rendre des comptes. Et lorsque les causes ne sont pas présentes, il faut toujours croire que les raisons ne sont là que pour cacher la vérité mais qu’en réalité seule la volonté de D-ieu est le déclencheur et que tout est possible même si les conditions causales naturelles sont absentes. Et il nous le sera reproché le jour du grand jugement même sur des situations plus qu’improbables: pourquoi n’avons-nous pas cru en la délivrance de divine? Car devant le roi des rois, nous nous tenons et devant lui, il n’y a aucune différence entre la réalité liée à l’enchaînement des causes et effets et la réalité parfaite détachée de cet enchaînement.
Notre situation spirituelle est tellement désastreuse que même lorsque nous ressentons que les événements tournent en notre faveur, nous ne faisons dépendre notre réussite non pas en D-ieu mais dans des circonstances favorables qui étaient propices à cette réussite ou encore pire dans cette formidable intelligence qui nous habite: ״ma force et la puissance de ma main fait cette guerre״.
Et tout ceci est inclus dans les paroles prophétiques « le juste par sa confiance il vivra ». Et ceci est évident car la pure croyance est perfection sans compromis aucun. Et lorsqu’un homme ne pense pas que D-ieu puisse changer l’ordre naturel de la création, il se trouve qu’il limite si l’on peut s’exprimer ainsi, la puissance divine et donc sa croyance n’est pas une véritable croyance. Il faut savoir que la puissance divine est non-sujette aux limites et en un moment il peut faire repousser à un manchot, un bras. Et ce n’est que parce que nous ne sommes pas aptes à vivre dans une réalité faites de miracles dévoilés que D-ieu dirige le monde dans une direction causale illusoire.
Et cette confiance ne peut s’acquérir qu’en supprimant totalement notre « ego ». C’est celui-ci qui se raccroche aux explications naturelles réflexe de survie car il ne peut supporter de disparaître. Mais cela n’est qu’une illusion car en fait plus on va dominer cet « ego » plus nous allons être conscient, plus nous allons laisser entrer en nous le divin, plus nous allons vivre une vie d’éternité sans aucune limite ni dans le temps ni dans la matière car aucune loi ne régira notre véritable être.