« Israël et Yshmaël »
Rav Moshé Shapira
Traduit et adapté par Rav Michael Smadja
Le Ari zal mentionne dans plusieurs écrits la raison de cet antagonisme entre Israël et Yshmaël, la forme de l’homme qui se tient contre le peuple d’Israël.
A propos des peuples qui se tiennent contre le peuple d’Israël, nos sages en ont fait une forme humaine qu’ils appellent « homme sans joug« . La tête correspond au peuple de Bavel, une tête en or qui représente la tête de ce qui est l’anti-homme ; la tête est l’exil de Bavel. Les deux bras représentent les exils de Perse et de Médée. Le corps représente l’exil de Grèce. Les deux jambes représentent les exils d’Edom et d’Yshmaël.
Les deux jambes fonctionnent toujours ensembles, car une seule jambe n’est pas la moitié de deux jambes et au contraire une seule jambe peut entraîner nombre de problèmes si l’autre ne fonctionne pas. Les deux nations que sont Edom et Yshamël ne peuvent réussir à matérialiser leurs exils du peuple d’Israël que s’ils sont unis ensembles.
Ainsi dans le rêve de Daniel est apparu cet homme, assemblage de tous les exils d’Israël en forme d’homme.
Quatre royautés nous ont pris la royauté. Leur domination sur le monde nous a enlevé notre domination qui était du temps du temple sacré. Bavel a détruit le premier temple et a tué le dernier roi de la lignée du roi David. C’est-à-dire que leur domination est venue de notre domination. Notre punition a été que notre puissance s’est retournée contre nous. Ainsi a fonctionné l’exil de Bavel et les trois autres qui sont les exils de Perse-Médée, de Grèce et d’Edom.
La royauté d’Yshmaël n’est pas du même ordre. Elle sort de cette définition. Leur force ne vient pas de notre puissance même mais de la force de Avraham notre patriarche, de la force des alliances au nombre de treize que D-ieu a contracté avec Avraham au sujet de la terre d’Israël. Par la Mitsva de la circoncision, une alliance d’amour et la promesse de recevoir la terre d’Israël. Donc par le mérite de l’alliance de la circoncision, la terre d’Israël a été donnée à Avraham et à sa descendance.
Il est écrit que toutes les royautés qui nous ont été prises, ont été en tant que punition. Bavel détruisant le premier temple, Perse et Médée nous ont pris de Bavel afin de nous exiler de nouveau et ont construit le deuxième temple. La Grèce a pris la domination des mains de Perse et Médée, ont envahi la terre d’Israël et ont fait toutes les atrocités qu’ils ont pu faire. Puis il y a eu la royauté d’Edom que l’on subit encore aujourd’hui. Ces exils que nous avons nous-mêmes entraînés.
Dans le Midrash, il est écrit à propos du verset de la genèse : »Et la terre était tohou et bohou et l’obscurité était sur la surface de l’abîme« . « Et la terre était tohou » cela fait référence à l’exil de Bavel. « et bohou » fait référence à l’exil de Médée ; « et l’obscurité était » c’est l’exil grec qui a obscurci les yeux de Israël par ses décrets ; « sur la surface de l’abîme » c’est l’exil de Edom qui est aussi profond que les abîmes.
Et, à la fin de tous ces exils, il y a l’obligation de retourner sur notre terre ! Mais il y a à ce moment, un obstacle de plus à franchir, c’est Yshmaël, car Yshmaël a une revendication. Le Zohar écrit que le prince d’Yshmaël se tient devant D-ieu depuis plusieurs centaines d’années et affirme que celui qui a accepté l’alliance de la circoncision a droit à une part dans son nom sacré. Et donc par la force de la circoncision, Yshmaël a un droit dans la terre d’Israël qui fait qu’il peut empêcher le peuple d’Israël de rentrer chez lui.
L’exil qui se matérialise n’est pas qu’Yshmaël nous a pris la domination. L’exil d’Yshmaël ne se concrétise pas de la même manière que les autres exils. Ils ne prennent pas de nous la royauté. Ils n’agissent pas comme une royauté qui se dresse contre nous pour nous dominer. Ils ne tirent pas leur force de nos fautes mais de leur propre mérite. Ils ne se dressent pas contre nous pour nous empêcher de dominer le monde mais pour nous empêcher de reprendre notre terre ! Nous ne pouvons pas rentrer dans notre terre car ils nous en empêchent !
Nous voyons bien que l’exil d’Edom est fini car dans toutes les parties du monde, nous sommes libres à l’exception de notre propre terre. Dans toutes ces années d’exils, nous ne pouvions pas faire ce que nous voulions, nous étions assujettis à une puissance extérieure qui nous dominait physiquement. Cela était un exil de domination. L’exil doit se terminer par l’entrée en terre d’Israël et cette entrée est empêchée par Yshmaël.
« L’entrée en terre d’Israël », c’est-à-dire d’être ici comme nous devons être, comme tout autre individu vivant dans sa terre natale. Ceci, nous n’avons pas, ils nous en empêchent ! Ils nous ont pris cette possibilité, ce point de traverse qui nous empêche de sortir de l’exil. La fin de l’exil est que nous soyons dans la terre d’Israël, car ici est notre maison. Ils ne nous laissent pas en paix. C’est le plus terrible des empêchements.
Qu’est-il essentiel de connaître ? C’est le service qu’il nous est demandé maintenant à par ce qu’il nous est demandé de tout temps, de faire le bien dans ce monde. Il y a une chose qui nous est demandée explicitement en ce temps !
Il est écrit dans le Midrash que D-ieu n’a pas associé son nom aux soixante-dix nations qui peuplent le monde sauf à deux peuples qui sont Israël et Yshmaël. « Malheur à celui qui se tiendra contre Yshmaël, car D-ieu a mis au même niveau le nom de Yshmaël et de d’Israël. Qui pourra survivre à la fin des temps, au moment où les malheurs que ce peuple va engendrer, vont s’abattre sur la terre du fait que D-ieu lui a associé son nom ! »
Seuls deux peuples ont le nom de D-ieu dans leurs noms : « Israël » et « Yshmaël » ! Le nom « el » est le nom de la puissance. Seuls deux peuples ont la puissance divine en eux !
« Ton nom sera Israël car tu as vaincu les puissances divines (l’ange de Essav) et les hommes (Essav et son armée) »
Il y a aussi dans Yshmaël, le nom « el », c’est-à-dire la force qui va se dresser contre Israël ! Une puissance qui va empêcher cette puissance de se matérialiser ! Puissance contre puissance : »malheur à celui qui va se tenir contre cette puissance divine » !
Il est écrit à propos de la naissance de Yshmaël : » et l’ange divin dit à Hagar (mère de Yshmaël) : Voici que tu vas enfanter un fils et tu appelleras son nom « Yshmaël car D-ieu a entendu ta souffrance ». Mais lorsque l’enfant est né, il est écrit : « Avraham l’appela « Yshmaël » sans qu’il ait entendu l’ange dire à Hagar « et tu l’appelleras « Yshmaël » ! Avraham a ressenti en lui-même qu’il fallait l’appeler « Yshmaël »
Le Midrash explique que l’ange a demandé à Hagar d’appeler l’enfant « Yshmaël » car plus tard D-ieu va entendre et écouter la plainte des enfants d’Israël sur les souffrances que le peuple de Yshmaël va faire endurer à Israël à la fin des temps ». Le nom « Yshmaël » évoque la promesse qui nous a été faite d’être délivrés ! D-ieu va entendre la plainte des enfants d’Israël !
Yshmaël se tient contre Isthak. Ce sont deux frères uniquement par leur père ! Essav et Yaacov sont deux frères jumeaux par leur père et leur mère !
L’opposition de Yshmaël envers le peuple d’Israël est née de son opposition avec Itshak, alors que l’opposition de Essav est née de son opposition avec Yaacov.
Yaacov est le pilier de la Torah alors que Itshak est le pilier du service divin, étant lui-même un sacrifice intègre, étant l’essence même du service. Il ne « servait » pas mais était lui-même « service », étant un sacrifice déjà approché sur l’autel.
Éssav est en opposition au pilier de la Torah que représente Yaacov. Tout le temps que la voix de Yaacov est entendue dans les synagogues et les maisons d’études, les mains de Essav ne se font pas ressentir. Les mains de Essav ne sont là que pour empêcher la voix de Yaacov de se faire entendre. Si la voix de Yaacov se fait entendre, alors les mains de Essav n’ont plus de puissance.
Yshmaël est en opposition avec Itshak. Ici l’opposition se fait contre le pilier du service, de la prière.
Le verset dit que son nom « Yshmaël » est la matérialisation du fait que « D-ieu a écouté sa souffrance ». C’est la prière qui a fait vivre Yshmaël. Il n’a pu exister que par le mérite de la prière. La signification du nom « Yshmaël » est: « D-ieu écoute sa prière et celle de sa mère pour son fils ». Et sa prière a été écoutée et entendue. Pour cette raison, sa mère l’a nommé « Yshmaël ».
La raison pour laquelle son père (Avraham) l’a appelé « Yshmaël » est parce que plus tard, D-ieu va écouter notre prière sur ce que Yshmaël va nous faire à la fin des temps.
Ici se tient la force contre la force.
Yshmaël a grandi dans la maison de Avraham et, par cela, il croit dans le D-ieu de Avraham. Il prie le D-ieu de Avraham, et se prosterne devant le D-ieu de Avraham. Le Rambam explique que dans leur croyance en l’unité divine, il n’y a aucune erreur. Dans d’autres perceptions divines se trouvent leurs erreurs, mais dans la perception de l’unité de ce monde, ils ont une croyance parfaite ! Leur prière est dans la bonne direction ! Et c’est le principe même de leur puissance.
Avraham, lorsque D-ieu lui promet une descendance, répond ainsi : « pourvu que Yshmaël vive devant toi » ! C’est-à-dire: « que toutes les alliances que D-ieu a contractées avec Avraham, s’accomplissent avec Yshmaël! » Comment comprendre l’intention de Avraham? Comment les alliances avec Avraham pourraient-elles se réaliser en Yshmaël?
Nous pouvons comprendre cela à travers le prisme du Gaon de Vilna et du Ari zal: ils expliquent qu’entre chaque niveau de création, il y a un lien, une sorte de création qui fait le lien entre chaque niveau de création. Il y a quatre niveau de création dans la matière: le minéral- le végétal- l’animal et l’homme. Il existe un passage entre chaque sorte de création (la théorie de l’évolution). Entre le minéral et le végétal, il y a une espèce qui s’appelle le « corail ». Ainsi entre le végétal et l’animal, le Talmud explique qu’il y a une espèce qui s’appelle « le maître des champs » et de même entre l’animal et l’homme, il y a le singe. Entre chaque niveau de création, il n’y a pas tant que cela d’écart insurmontable. Il y a une échelle spécifique et bien ordonnée où chaque niveau est relié au niveau inférieur et supérieur. Des chemins de traverse sont créés pour faire le lien entre chaque niveau de création. Ainsi le lien entre la terre d’Israël et les autres terres se concrétise par le fleuve appelé « Jourdain». Entre le langage saint et les autres langages, il y a l’araméen.
Entre Israël et les nations, c’est-à-dire entre le niveau de création qui s’appelle « homme » et ce qui ne s’appelle pas « homme », qui s’appelle « être humain », il y a « l’homme sauvage » qui a en lui une des caractéristiques qui définissent l’homme. C’est « Yshmaël »! Le Ramhal écrit que Yshmaël a une partie en lui qui peut se connecter à la sainteté! Yshmaël vient de la maison de Avraham ce qui n’est pas le cas de Edom qui a voulu désacraliser le divin qui est nous. Yshmaël n’a pas profané ce côté divin qui est en eux. Ils sont dans l’erreur au niveau de la prophétie mais ils n’ont pas d’autres dieux.
Tout ce qui a été créé et dévoilé dans la maison de Avraham peut échapper aux nations. Yshmaël est le peuple qui a un pied dans la maison de Avraham, pour cela, ce peuple a une part dans l’alliance de la circoncision et une part donc dans la terre d’Israël.
Yshmaël fait parti des 70 nations. C’est une nation parmi les autres nations qui a en lui un lien avec la Mitsva de la circoncision et de la Mitsva d’habiter en terre d’Israël. Il a un lien avec Avraham. Ce que Avraham a découvert en lui et qu’il a amené dans ce monde, peut être ressenti par tout être humain de ce monde. C’est sa prière au sujet de Yshmaël: « pourvu que Yshmaël vive devant toi ». Que toutes ces alliances que tu a contractées avec moi, se réalisent en lui et par lui. Car« Avraham » est le signifiant de « père » de tout celui qui rentrer sous les ailes de la providence divine. Yshmaël devenant le chemin de traverse, l’échelon qui va faire le lien avec D-ieu et par celui-ci, ils pourront se connecter au divin.
Il y a une loi qui dit qu’un converti peut apporter les prémices de ses récoltes et dire « …car je suis venu dans la terre que tu as promis à nos ancêtres de nous donner ». Car les patriarches sont aussi les ancêtres des convertis comme il lui est promis: « le père de nombreuses nations tu seras ». Il est le père de celui qui rentre sous les ailes de la providence divine. En prononçant ces paroles « pourvu que Yshmaël vive devant toi », il donne la possibilité à tous les êtres humains de pouvoir rentrer en contact avec le divin. Yshmaël lui-même n’est pas la descendance qui était promise à Avraham, mais, par son intermédiaire, il est possible d’y accéder. Le pont de traverse entre la maison de Avraham et les nations du monde, c’est Yshmaël car il a un lien très fort avec Avraham. Tous les patriarches en fait ont la force de pouvoir ramener tous les êtres humains vers D-ieu. Pour cela, Avraham, Itshak et Yaacov sont appelés les patriarches.
Il est enseigné que les patriarches ont institué les prières quotidiennes et cette réalité est aussi accessible à Yshmaël car Avraham est la racine de toutes sortes de prière et par cela, Yshmaël a la force en lui de prier. C’est par la force de « nos patriarches ont institué les prières » que Yshmaël peut prier. C’est le côté « homme » qu’il a en lui.
La valeur numérique cachée du mot « homme » en langage saint est « celui qui prie ». Car « homme » se dit « אדם » les lettres étant composée elles-mêmes de lettres: le א se décomposant « א.ל.ף » donc les lettres cachées sont « ל.ף » qui ont la valeur numérique de 110. le ד se décomposant « ד.ל.ת » les lettres cachées étant « ל.ת » qui ont la valeur numérique de 430. le מ se décomposant « מ.ם » la lettre cachée étant « ם » dont la valeur numérique est 40. En tout, cela fait 110+430+40=580 ; la même valeur numérique que « מתפלל » « celui qui prie » ! L’essence de l’homme étant la prière. Il n’est que prière. C’est Itshak, le pilier du service! Étant le sacrifice lui-même et non celui qui approche le sacrifice. Yshmaël étant nommé dans la Torah « פרא אדם » « homme sauvage », « פרא המתפלל » le prieur sauvage ». Il a en lui aussi la prière qui le relie à D-ieu.
Le nom » Yshmaël » a en lui deux significations: Yshmaël a en lui la puissance de la prière qui est perçue par D-ieu et aussi la promesse qu’à la fin des temps, D-ieu entendra les plaintes du peuple d’Israël, ses prières.
L’ange a dit à Hagar d’appeler son fils « Yshmaël » alors que Avraham l’a appelé de lui-même « Yshmaël ». L’intention de Avraham était que D-ieu écoute la prière de la descendance de Avraham de ce que Ishmaël va lui faire à la fin des temps.
Ici se trouve l’opposition, le point de bataille entre Israël et Yshmaël. Les « mains de Essav » sont là pour faire taire la « voix de Yaacov ». L’intention de Yshmaël est d’annuler le service de Itshak. Le travail de Itshak, ce qu’il nous reste de son service est le service du cœur, la prière, la seule partie du service divin qu’il nous reste de Itshak.
Ces terribles épreuves doivent arriver obligatoirement car c’est le décret de l’exil qui à été décrété sur nous. La fin de l’exil est Yshmaël. Ce sont eux qui nous empêchent d’en terminer avec l’exil et de rentrer en terre d’Israël. Tout le temps que la force est avec eux, ils ne nous laisseront jamais rentrer. Ils ne deviendront jamais meilleurs.
Le seul moyen pour que l’exil se termine est que notre prière prenne le dessus sur leur prière. Notre prière doit redevenir la prière que « nos patriarches ont instituée ». La prière venant du principe même de la confiance que les patriarches ont révélée. La véritable prière venant du plus profond du cœur. Prière jaillissant de la véritable confiance divine. La prière n’étant que la transpiration de notre confiance en D-ieu. Uniquement cette prière nous sauvera de ce qu’ils veulent nous faire subir.
L’unique solution pour se sauver est de s’annuler, de se fondre dans la prière. Devenir une prière comme Itshak est devenu un sacrifice. Et ceci ne peut venir que de la force enfouie en nous qu’est la confiance divine que nos ancêtres nous ont transmise.