Quarante septième passage – En conséquence, nous sommes tenus de remercier
לְפִיכָךְ אֲנַחְנוּ חַיָּבִים. לְהוֹדוֹת. לְהַלֵּל. לְשַׁבֵּחַ. לְפָאֵר. לְרוֹמֵם. לְהַדֵּר וּלְקַלֵּס. לְמִי שֶׁעָשָׂה לַאֲבוֹתֵינוּ וְלָנוּ אֶת כָּל-הַנִּסִּים הָאֵלּוּ הוֹצִיאָנוּ מֵעַבְדוּת לְחֵרוּת. וּמִשִּׁעְבּוּד לִגְאֻלָּה. וּמִיָּגוֹן לְשִׂמְחָה. וּמֵאֵבֶל לְיוֹם טוֹב וּמֵאֲפֵלָה לְאוֹר גָּדוֹל וְנֹאמַר לְפָנָיו הַלְלוּיָּה:
En conséquence, nous sommes tenus de remercier, de louer, de vanter, de glorifier, d’exalter, d’honorer et de magnifier, Celui qui a réalisé pour nos Pères et nous même tous ces miracles. Il nous a fait sortir de l’asservissement à la liberté, de la servitude à la délivrance, de l’angoisse à la joie, du deuil au jour de fête, des ténèbres à une grande lumière. Entonnons devant Lui Hallélouiah.
1) Haggada Kos Eliahou de Ribbi Eliahou ben Harosh, page 77
לְפִיכָךְ אֲנַחְנוּ חַיָּבִים, En conséquence, nous sommes tenus de remercier : cela signifie que puisque nous-mêmes sommes sortis, alors tous les miracles faits pour nos pères l’ont été également pour nous-mêmes : En conséquence, nous sommes tenus de remercier etc .. Celui qui a réalisé pour nos Pères et nous même tous ces miracles. On dit ici « nous a fait sortir de l’asservissement à la liberté, etc. », le Magguid utilise cinq termes différents qui semblent être en fait un seul sujet (de l’esclavage à la liberté) et ce ne sont que des répétitions qui utilisent des termes différents.
Cependant, l’intention du Magguid lorsqu’il utilise ces cinq locutions différentes est en réalité de mettre en regard de chacune d’elles les cinq sujets (aspects) pénibles subis par nos ancêtres en Egypte :
- Il était consigné dans les archives Egyptiennes qu’aucun esclave ne pouvait s’enfuir d’Egypte ;
- Les travaux pénibles qui leur incombaient ;
- L’affliction et les gémissements consécutifs aux travaux pénibles permanents comme il est écrit וַיֵּאָנְחוּ בְנֵי-יִשְׂרָאֵל מִן-הָעֲבֹדָה, וַיִּזְעָקוּ, Les enfants d’Israël gémirent du sein de l’esclavage et se lamentèrent,
- Le fait que les Egyptiens jetaient leurs enfants mâles dans le Nil ; nos maîtres enseignent que Pharaon égorgeait 150 enfants et se baignait dans leur sang[1];
- Les Egyptiens les faisaient pratiquer l’idolâtrie.
En regard du premier aspect « aucun esclave ne pouvait s’enfuir d’Egypte », on dit « Il nous a fait sortir de l’asservissement à la liberté », en regard du second aspect « les travaux pénibles » on dit « de la servitude à la délivrance », face au troisième « L’affliction et les gémissements » on dit « de l’angoisse à la joie », face au quatrième « qu’ils jetaient leurs enfants mâles dans le Nil et égorgeaient 150 enfants chaque jour» ce qui entrainait le deuil pour leur famille on dit « du deuil au jour de fête » et face au cinquième qui est « l’idolâtrie » dont les dévots s’égarent dans l’irrationnel et marchent dans la noirceur on dit « des ténèbres à une grande lumière ».
2) Haggadah שערי ארמון (pages 152-153) au nom de Kol rinna vishouâh
Des ténèbres à une grande lumière, En réalité comment un homme peut-il passer de l’obscurité à une lumière éclatante sans devenir aveugle ? Sans avoir de période d’adaptation ? Ceci vient nous montrer un grand fondement et un principe de valeur. Le Magguid de Douvna nous le fait comprendre par une parabole :
Il y avait un homme riche qui avait un fils unique et chéri ; il lui confectionna un vêtement précieux, un manteau de très grande valeur, fourré intérieurement d’un tissu épais et solide afin que le manteau soit solide et puisse servir longtemps. Le fils rentra à la maison le manteau plein de boue, le jour suivant le manteau était enduit d’huile et de tâches de nourriture, le jour suivant le manteau avait en plus de la poussière et de la terre. Le père s’énerva et demanda au tailleur d’inverser les coutures du côté de la doublure et le fils se déplaçait dès lors comme un enfant de paysan, vêtu d’un manteau de lin épais.
L’ami de son père le vit et partit se plaindre auprès du père « je récrimine contre toi de pouvoir laisser ton fils habillé avec un tel manteau ! Tu devrais avoir honte ! Ne possèdes-tu donc rien pour ne pas lui acheter un beau manteau de bonne qualité ? »
Le père lui répondit, ne t’énerve pas je te prie, le manteau que tu vois est de très bonne qualité et très beau, il suffit à mon fils d’améliorer son comportement et de prendre sur lui de le protéger et immédiatement j’ordonnerai au tailleur de remettre les coutures à l’endroit ; le manteau sera alors dégraissé et semblera tout à fait neuf.
La comparaison est que le peuple d’Israël est un peuple saint et pur, limpide et élevé ; et même s’ils reviennent en arrière de dix niveaux (plus profond dans les niveaux d’impureté) et s’ils dégringolent jusqu’au 49ième niveau d’impureté, malgré cela en un très court instant leur sort peut s’inverser, « comme une poule qui se débarrasse de sa poussière » selon l’expression du Midrash ; et ils reviendront alors à leur essence, leur lumière et leur splendeur.
3) Haggadah Pirsoumé Nissah du Rav Yaâkov Raqa’h (page 309 [ב])
Il nous a fait sortir de la servitude à la délivrance …, Entonnons devant Lui Hallélouiah; il est possible d’expliquer cela par ce que dit le Zohar Haqadosh, au début de la parasha Béaâlotékha : « Et Israël chantent et entonnent des louanges à voix haute et alors Hachem les a rendus libres de tout » et c’est ce que dit ici le Magguid, « Il nous a fait sortir de la servitude à la délivrance » et alors comme nous avons mérité cela entonnons un chant à voix haute, comme le dit le Zohar « et alors Hachem les a rendus libres de tout ».
4) Haggadah Ôléloth Haguéfen de Ribbi Guidône Âttiah (page 176)
En conséquence, nous sommes tenus de remercier, de louer, de vanter, de glorifier, d’exalter, d’honorer et de magnifier il y a lieu de comprendre pourquoi on multiple les louanges, or les sages enseignent dans le Talmoud (Bérakhot 33b) à propos de cet homme qui est monté sur l’estrade pour être officiant en présence de Ribbi ‘Haninah et a dit « le D.ieu [tout-puissant], Le Grand, Le Rigoureux, Le Redoutable, Le Majestueux, Le Puissant, Le Vigoureux, L’Energique, L’Honorable», Ribbi Hanina a attendu qu’il termine la prière et lui demanda : as-tu terminé tous les louanges possibles envers ton Créateur ? [2] En fait même ce que nous disons dans la Âmida[3] « Le Tout-Puissant, Le Grand, Le Rigoureux, Le Redoutable » si Moshé Rabbénou ne l’avait pas dit dans la Torah et que les membres de la grande assemblée ne l’avaient pas instauré dans la prière, nous n’aurions pas eu le droit de le dire ; et toi tu viendrais terminer toutes les louanges devant ton créateur ?[4]
Donnons une parabole, il y avait un roi de chair et de sang qui possédait des millions de pièces d’or, on le magnifiait pour son argent. En fait n’est-ce pas quelque part une insulte envers lui ?[5]
De même les sages enseignent (Talmoud, Méghila 18a) que louer plus (que ce qui est dans la prière) n’est pas permis, comme l’enseigne Ribbi Elâzar sur le verset (Psaumes, Ch. 106 v2)
מִי–יְמַלֵּל גְּבוּרוֹת ה׳ יַשְׁמִיעַ כָּל-תְּהִלָּתוֹ
Qui saura dire la toute-puissance de l’Eternel, exprimer toute sa gloire?
Pour qui est-il convenable de raconter toute la puissance de l’Eternel ? Uniquement celui qui est capable d’exprimer toute Sa louange. Et personne n’est capable de dire toutes les louanges envers Hachem ! De même Ribbi Yo’hanan enseigne « toute personne qui raconte les louanges envers Hachem, plus que nécessaire, sera déracinée du monde » comme il est écrit (Psaumes Ch 65 v2)
לְךָ דֻמִיָּה תְהִלָּה
A toi, ô D.ieu, l’attente confiante, la louange[6]
De même on dit que le meilleur des encens est le silence ; et donc comment est-il possible de permettre dans notre passage de multiplier les louanges envers l’Eternel ?[7]
On peut expliquer que cette nuit-là, il y a une particularité qui est la reconnaissance des bienfaits prodigués par l’Eternel, et en conséquence il est possible de multiplier les louanges ; c’est comme le dit le Magguid au début de la Haggada (passage 3) « tout celui qui augmente le récit de la sortie d’Egypte est digne de louanges ». [ce qui permettrait de louer plus que d’ordinaire]
Cependant dans la Haggadah ‘Hazon Ôvadia, il est expliqué (dans le passage « âvadim ») qu’augmenter le récit de la sortie d’Egypte [les actes de l’Eternel] n’a pas de rapport avec le fait de louer l’Eternel dans Son Essence. D’après ses propos, on peut dire que tout notre sujet de ce soir, de multiplier le récit de la sortie d’Egypte ne nous donne pas le droit d’exagérer dans les mérites de l’Eternel, même cette nuit-là. Nous sommes donc obligés de dire que puisque ces propos ont été instaurés[8] par les Sages dans la Haggada, les dire n’est pas considéré comme une exagération des louanges envers l’Omnipotent.
Il nous faut comprendre : en regard de quoi les sages ont-ils instauré ces sept louanges, ni plus ni moins ? J’ai vu que Tossafoth (Pessa’him 116b) expliquent que cela vient en regard des sept cieux. En vérité, cela nécessite explication car quel lien entre ces louanges et les sept cieux ? J’ai vu dans le livre « Shéva’h Pessa’h » qui explique en utilisant ce que disent les sages (Midrash, Béréshith Rabba) : l’essentiel de la Shékhina (la présence divine) était ici-bas. Lorsqu’Adam a fauté, la Shékhina s’est éloignée au premier ciel ; lorsque Caïn a fauté la Shékhina s’est éloignée au second ciel ; lorsque la génération d’Enoch a fauté, la Shékhina s’est éloignée au troisième ciel; lorsque la génération du déluge a fauté, la Shékhina s’est éloignée au quatrième ciel; lorsque la génération de la tour de Babel a fauté, la Shékhina s’est éloignée au cinquième ciel ; lorsque les habitants de Sodome ont fauté, la Shékhina s’est éloignée au sixième ciel ; lorsque les Egyptiens ont fauté pendant la génération d’Abraham la Shékhina s’est éloignée au septième ciel.
Face à ces fauteurs, il y a eu sept Tsadiqim (justes) : Abraham, Isaac, Jacob, Lévy, Qéhat, Amram, Moïse. Abraham a fait descendre la Shékhina au sixième ciel, Isaac a fait descendre la Shékhina au cinquième ciel, Jacob a fait descendre la Shékhina au quatrième ciel, Lévy au troisième ciel, Qéhat au deuxième ciel, Amram au premier ciel et Moïse l’a faite descendre sur terre.
Grâce à cela nous faisons le lien avec le passage précédent, car nous avons montré que par l’exil et la délivrance d’Egypte, le monde a été purifié et par cela nous avons mérité de nous rapprocher et de nous attacher à l’Eternel, car la Shékhina est descendue sur terre lors du don de la torah ; c’est pour cela que nous devons louer avec sept langages différents de louanges pour rappeler que grâce à la libération d’Egypte la Shékhina a fini de descendre des sept cieux sur terre et, au don de la Torah, la réparation s’est achevée pour faire résider la présence divine ici- bas.
[1] Chaque matin et chaque soir
[2] Ce qui n’est évidemment pas possible
[3] Prière debout et à voix basse
[4] C’est à dire qu’il borne les capacités du Créateur
[5] On le limite à son argent
[6] La louange appartient à Hachem
[7] Plus que dans la prière
[8] Ce qui est une exagération par rapport à l’habitude