Quarante sixième passage – A chaque génération
בְּכָל-דּוֹר וָדוֹר חַיָּב אָדָם לְהַרְאוֹת[1] אֶת עַצְמוֹ כְּאִלּוּ הוּא יָצָא מִמִּצְרַיִם. שֶׁנֶּאֱמַר. וְהִגַּדְתָּ לְבִנְךָ בַּיּוֹם הַהוּא לֵאמֹר. בַּעֲבוּר זֶה עָשָׂה ה׳ לִי בְּצֵאתִי מִמִּצְרָיִם. שֶׁלֹּא אֶת אֲבוֹתֵינוּ בִּלְבַד גָּאַל הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא. אֶלָּא אַף אוֹתָנוּ גָּאַל עִמָּהֶם. שֶׁנֶּאֱמַר. וְאוֹתָנוּ הוֹצִיא מִשָּׁם. לְמַעַן הָבִיא אוֹתָנוּ. לָתֵת לָנוּ אֶת הָאָרֶץ אֲשֶׁר נִשְׁבַּע לַאֲבוֹתֵינוּ
A chaque génération tout individu doit se montrer [autre version : se considérer] comme étant personnellement sorti d’Egypte. Comme il est écrit (Exode Ch. 13, v8)
וְהִגַּדְתָּ לְבִנְךָ, בַּיּוֹם הַהוּא לֵאמֹר: בַּעֲבוּר זֶה, עָשָׂה ה׳ לִי, בְּצֵאתִי, מִמִּצְרָיִם.
Tu donneras alors cette explication à ton fils: ‘C’est dans cette vue que l’Éternel a agi en ma faveur, quand je sortis de l’Égypte (וְהִגַּדְתָּ signifie tu raconteras, tu guideras)
Car ce n’est pas seulement nos ancêtres que l’Eternel a sauvés d’Egypte mais également nous-même qu’Il a délivrés avec eux. Comme il est écrit (Deutéronome Ch. 6, v23) :
וְאוֹתָנוּ הוֹצִיא מִשָּׁם לְמַעַן הָבִיא אֹתָנוּ לָתֶת לָנוּ אֶת-הָאָרֶץ אֲשֶׁר נִשְׁבַּע לַאֲבֹתֵינו
Et nous même, il nous fit sortir de là pour nous amener ici, pour nous gratifier du pays qu’il avait promis à nos pères.
1) Explication littérale issue de la Haggadah היגד לעמו du Rav Hanina Bouggid Saâdoun (page 168)
A chaque génération, peut être que lorsque le Magguid dit « A chaque génération » cela signifie « que ce soit une génération libre ou une génération subissant des exils et des souffrances » malgré cela il faut se considérer comme étant soi-même sorti d’Egypte car cela donne apaisement et espoir au cœur de l’homme, car de la même manière que nous avons eu le mérite de sortir de l’exil et de la souffrance d’Egypte, Hashem va nous donner le mérite de sortir du présent exil et ne nous abandonnera pas (à D. ne plaise).
De se considérer לראות, telle est la version juste et non להראות (se montrer) [Aboudraham] c’est à dire que quelqu’un doit se considérer et se voir lui-même comme s’il avait été esclave et qu’il sort d’Egypte pour la liberté ; et c’est ce que dit le verset (Deutéronome Ch. 5, v14)
וְזָכַרְתָּ, כִּי עֶבֶד הָיִיתָ בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם
Et tu te souviendras que tu fus esclave au pays d’Egypte,
[…] Car ce n’est pas seulement nos ancêtres que l’Eternel a sauvés d’Egypte, c’est à dire que nous faisons parti nous même de tous les miracles qu’a accompli l’Eternel au profit de nos ancêtres en Egypte qui en sont sortis, car s’ils n’en étaient pas sortis nous serions nous-même encore en Egypte (Rashi); et cela se rapporte à ce que nous avons vu dans le troisième passage (עבדים, Esclaves nous fûmes) « et si l’Eternel ne nous avait pas fait sortir d’Egypte, nous y serions encore nous, nos enfants et nos petits-enfants …. »
C’est ce qu’enseigne Rava dans le Talmoud (Pessa’him, 115b) qu’il faut dire « Et nous même, Il nous a fait sortir de là-bas » ce qui correspond d’ailleurs à la réponse donnée au fils sage à la fin de la Parasha Vaet’hanane. Bien que cela ait déjà été enseigné plus haut dans le troisième passage ( עבדים) le Magguid revient sur le sujet et enseigne à nouveau ce thème pour nous dire que si on ne se considère pas comme sorti d’Egypte personnellement alors on n’est pas quitte de la Mitsva ; le Maguid apprend cela de וְאוֹתָנוּ, הוֹצִיא מִשָּׁם « Et nous-même il nous a fait sortir de là-bas» qui vient rajouter[2] un enseignement supplémentaire, car il est déjà écrit וַיּוֹצִאֵנוּ ה׳, מִמִּצְרַיִם, « L’Eternel nous fit sortir ». Ce rajout venant nous apprendre que nous devons nous considérer personnellement comme étant sorti d’Egypte, et sans cela nous ne sommes pas quittes de la Mitsva (au nom du Colbo).
2) Explication plus approfondie issue de la Haggadah היגד לעמו du Rav Hanina Bouggid Saâdoun dans la partie פּסח מדבר (pages 168-169)
A chaque génération, Le Shiboulé Haléqeth nous indique que cela revient sur ce qui a déjà été enseigné dans le troisième passage de la Haggadah עבדים, « Esclaves nous fûmes » ; ledit passage nous apprend que si nos ancêtres n’étaient pas sortis d’Egypte nous serions encore « eclavagisés » à Pharaon, nous, nous enfants …et donc lorsqu’ils sont sortis, nous-mêmes en sommes sortis.
Cependant nous éprouvons une difficulté ; car si cette génération n’était pas sortie, comment peut-on affirmer qu’une autre génération n’aurait pas pu sortir ? Il s’est passé plusieurs millénaires et il est donc possible qu’un autre roi aurait libéré notre peuple. De plus l’Eternel a promis de libérer les Hébreux après quatre cents ans et avec de grandes richesses, comment peut-on affirmer que nous même, nos enfants … serions encore esclaves de Pharaon ?
Certains expliquent que si Hashem ne nous avait pas fait sortir d’une main puissante, il est possible que nous ayons été libérés mais nous aurions été encore appelés des « esclaves de Pharaon » ; c’est à dire que Pharaon nous aurait affranchi mais nous aurions gardé ce lien d’esclavage de la même manière que nous sommes appelés « Séfaradim » ou « Ashkénazim » alors que l’expulsion d’Espagne de 1492 a eu lieu il y a plus de 500 ans, malgré tout nous sommes encore appelés par leur nom. De la même manière si un roi nous avait affranchi volontairement, nous aurions été encore surnommés en son nom « ceux qui étaient esclaves de Pharaon et ont été affranchis par lui ».
De plus, serait restée la générosité de ce roi qui nous aurait affranchi et une éternelle reconnaissance s’en serait suivie ; et donc à toute demande nous aurions répondu positivement compte tenu de la reconnaissance que nous aurions éprouvé ! Nous n’aurions pas pu nous détourner de cette demande et aurions été ses obligés ! Dans sa grande bonté, l’Eternel a induit dans le cœur de Pharaon de vouloir conserver les Hébreux et ne pas les laisser partir, jusqu’à ce que s’abattent sur lui les dix plaies et qu’il soit obligé de nous renvoyer et en conséquence que nous n’ayons plus aucun lien avec l’assujettissement à Pharaon, aucun rattachement à lui, aucune reconnaissance.
Nous pouvons trouver une analogie dans l’histoire contemporaine, il y a environ 150 ans l’état a interdit l’esclavage et a décrété que toute personne possédant un esclave devait l’affranchir. Il y avait à Djerba un homme riche qui possédait un esclave de 5 ans et qui l’a affranchi. Malgré tout, lorsque cet affranchi a atteint l’âge de 70 ans on le nommait encore « esclave de telle personne», et ce surnom ne s’est jamais effacé. Nous avons même entendu dire que cet esclave est devenu métayer de son ancien maître, et lors de l’insurrection de 5725 lorsque les bédouins se sont levés contre les juifs de Djerba le jour de Kippour et qu’ils ont saccagé presque toutes les maisons et magasins juifs, lorsqu’ils sont arrivés à la maison de ce riche ils y ont trouvé cet affranchi qui se dressait devant la porte et s’opposait à ce qu’ils rentrent dans la maison. Lorsque la situation s’est apaisée, le riche voulut donner le champ (du métayage) à cet affranchi. L’affranchi ne voulut pas l’accepter considérant que le bien qui lui avait été prodigué lorsqu’il avait été affranchi et avait eu un travail (de métayer) était suffisant. Malgré tout le temps passé il se sentait redevable et reconnaissant ; et de lui-même il avait envi de donner du bien à son ancien maître.
En conséquence, si les hébreux étaient sortis de la coupe de Pharaon volontairement et calmement, malgré tout, après de nombreux siècles, ils auraient encore été surnommés « esclaves de Pharaon » et auraient été ses obligés accomplissant ses volontés. Mais maintenant que nos ancêtres sont sortis de force et que les hébreux ont acquis leur liberté par Sa main puissante, nous n’avons plus aucun lien de subordination. C’est pour cela que dans le passage de עבדים, le Magguid nous dit que si l’Eternel ne nous avait pas fait sortir par une grande force et une main puissance nous et nos enfants aurions été assujettis à Pharaon même après de nombreuses générations et aurions été affublés de l’étiquette « serfs de pharaon ». Pour cela, dans notre présent passage on nous dit « A chaque génération un homme se doit de se considérer comme s’il était personnellement sorti d’Egypte; car sans la bonté de Hashem qui nous a sorti d’Egypte avec une grande force nous ne serions pas sortis avec une liberté pleine et entière et serions encore entachés du surnom « esclaves de Pharaon ».
[1] Il existe ici deux versions לְהַרְאוֹת qui signifie « montrer » et לראות, qui signifie « se considérer » sans forcément montrer extérieurement.
[2] Le sujet ayant déjà été enseigné ; cette phrase vient donc rajouter une loi supplémentaire qui est, enseigne le Magguid, le fait de DEVOIR se considérer comme étant soi-même sorti d’Egypte. Si nous ne nous somme pas considéré comme personnellement sorti d’Egypte, nous ne sommes pas quittes.