Vingt septième passage – Il nous fit sortir de l’Egypte
וַיּוֹצִיאֵנוּ ה׳ מִמִּצְרַיִם. בְּיָד חֲזָקָה וּבִזְרֹעַ נְטוּיָה וּבְמֹרָא גָּדוֹל. וּבְאֹתוֹת וּבְמֹפְתִים:
וַיּוֹצִיאֵנוּ ה׳ מִמִּצְרַיִם. לֹא עַל יְדֵי מַלְאָךְ. וְלֹא עַל יְדֵי שָׂרָף. וְלֹא עַל יְדֵי שָׁלִיחַ. אֶלָּא הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא בִּכְבוֹדוֹ וּבְעַצְמוֹ. שֶׁנֶּאֱמַר. וְעָבַרְתִּי בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם בַּלַּיְלָה הַזֶּה. וְהִכֵּיתִי כָּל-בְּכוֹר בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם מֵאָדָם וְעַד בְּהֵמָה. וּבְכָל- אֱלֹהֵי מִצְרַיִם אֶעֱשֶׂה שְׁפָטִים. אֲנִי ה׳:
[Dévarim/Deutéronome, Ch. 26, v8] Il nous fit sortir de l’Egypte avec une main puissante et un bras étendu, et en imprimant la terreur, et en opérant signes et prodiges.
L’Eternel nous fit sortir d’Egypte, non par l’intermédiaire d’un ange, ni par l’intermédiaire d’un Séraphin, ni par l’intermédiaire d’un autre émissaire, mais le Saint, béni soit-Il, Lui-même dans toute sa gloire, comme il est écrit (Shémot/Exode Ch. 12, v12):
Je parcourrai le pays d’Égypte, cette même nuit; je frapperai tout premier-né dans le pays d’Égypte, depuis l’homme jusqu’à la bête et je ferai justice de toutes les divinités de l’Égypte, moi l’Éternel!
1) Haggadah Higguid Léâmo du Rav Bouguid Saâdoun Zatsal pages 106-107
Il nous fit sortir de l’Egypte avec une main puissante il s’agit du quatrième verset concernant les prémices, le Magguid va l’interpréter « mot à mot » comme il l’a fait pour les versets précédents.
avec une main puissante et un bras étendu dans la Parasha Vaet’hanane il est écrit (Deutéronome Ch. 4, v34)
אוֹ הֲנִסָּה אֱלֹקִים, לָבוֹא לָקַחַת לוֹ גוֹי מִקֶּרֶב גּוֹי, בְּמַסֹּת בְּאֹתֹת וּבְמוֹפְתִים וּבְמִלְחָמָה וּבְיָד חֲזָקָה וּבִזְרוֹעַ נְטוּיָה, וּבְמוֹרָאִים גְּדֹלִים: כְּכֹל אֲשֶׁר-עָשָׂה לָכֶם ה׳ אֱלֹהֵיכֶם, בְּמִצְרַיִם–לְעֵינֶיךָ.
Et quelle divinité entreprit jamais d’aller se chercher un peuple au milieu d’un autre peuple, à force d’épreuves, de signes et de miracles, en combattant d’une main puissante et d’un bras étendu, en imposant la terreur, toutes choses que l’Éternel, votre D.ieu, a faites pour vous, en Egypte, à vos yeux?
Ce verset décompte sept éléments (soulignés en hébreu) alors que celui de notre passage n’en rapporte que cinq. On peut répondre en s’appuyant sur ce que dit Rashi sur la Torah que pour le combat (la guerre), il s’agit de la mer comme il est écrit (lorsque les Egyptiens sont dans la mer avant qu’elle ne se referme) :
וַיֹּאמֶר מִצְרַיִם, אָנוּסָה מִפְּנֵי יִשְׂרָאֵל–כִּי ה׳ , נִלְחָם לָהֶם בְּמִצְרָיִם
Alors l’Égyptien s’écria: « Fuyons devant Israël, car l’Éternel combat pour eux contre l’Égypte! »
En fait le verset de notre passage ne considère que les éléments qui permettent la sortie d’Egypte comme le sous-entend le début du verset Il nous fit sortir de l’Egypte (« le combat » ne compte donc pas).
בְּמַסֹּת ramené dans le second verset signifie « avec des épreuves » ; cela n’a pas entrainé la sortie d’Egypte (et il reste donc bien 5 éléments qui eux ont entraînés la sortie d’Egypte)
L’Eternel nous fit sortir d’Egypte, [textuellement : Il nous fit sortir l’Eternel d’Egypte] non par l’intermédiaire d’un ange, c’est-à-dire que le verset possède une redondance et le texte aurait du dire « Il nous fit sortir d’Egypte », puisque précédemment on dit déjà « L’Eternel entendit notre voix », donc on sait de qui on parle, en fait on rajoute le nom divin (le tétragramme) pour nous dire que c’est l’Eternel « en personne » qui nous a fait sortir d’Egypte et pas par l’intermédiaire d’un ange etc. …
ni par l’intermédiaire d’un ange, il s’agit vraiment d’un ange (le mot pouvant vouloir dire également émissaire éventuellement humain),
ni par l’intermédiaire d’un Séraphin, il s’agit d’un autre type d’ange. Comme on le voit dans le prophète Isaïe,
ni par l’intermédiaire d’un autre émissaire certains expliquent qu’il s’agit de Moshé Rabbénou comme il est écrit (Exode, Ch. 3 v10)
וְעַתָּה לְכָה, וְאֶשְׁלָחֲךָ אֶל-פַּרְעֹה; וְהוֹצֵא אֶת-עַמִּי בְנֵי-יִשְׂרָאֵל, מִמִּצְרָיִם
Et maintenant va, je te délègue vers Pharaon; et fais que mon peuple, les enfants d’Israël, sortent de l’Égypte.
Où le mot émissaire שליח (émissaire) est explicitement utilisé ; le Magguid nous signifie que Moshé n’était qu’un émissaire pour parler à Pharaon et que l’essentiel de la sortie d’Egypte était par la main de l’Eternel. Certains expliquent que « l’émissaire » était un autre type d’ange en se basant sur les versets (Exode Ch. 23, v20 et Nombres Ch. 20 v16)
הִנֵּה אָנֹכִי שֹׁלֵחַ מַלְאָךְ, לְפָנֶיךָ, לִשְׁמָרְךָ, בַּדָּרֶךְ; וְלַהֲבִיאֲךָ, אֶל-הַמָּקוֹם אֲשֶׁר הֲכִנֹתִי
Or, j’enverrai devant toi un mandataire, chargé de veiller sur ta marche et de te conduire au lieu que je t’ai destiné.
וַנִּצְעַק אֶל-ה׳, וַיִּשְׁמַע קֹלֵנוּ, וַיִּשְׁלַח מַלְאָךְ, וַיֹּצִאֵנוּ מִמִּצְרָיִם; וְהִנֵּה אֲנַחְנוּ בְקָדֵשׁ, עִיר קְצֵה גְבוּלֶךָ
Mais nous avons Imploré l’Éternel, et il a entendu notre voix, et il a envoyé un mandataire, qui nous a fait sortir de l’Egypte. Or, nous voici à Kadêch, ville qui confine à ta frontière.
Le Magguid prend ces trois types [Ange, Séraphin, Emissaire] en relation avec les trois « restrictions » [Je parcourrai le pays d’Égypte, est une restriction « je et non un autre », Je frapperai est une seconde restriction, Je ferai justice est la troisième restriction] utilisées dans le verset rapporté dans notre passage וְעָבַרְתִּי.
Certains expliquent que « l’ange » correspond à l’ange Michael qui est «l’ange de la miséricorde » [protecteur et avocat d’Israël], « Séraphin » correspond à l’ange Gabriel qui est « l’ange du feu » [qui réclame justice] et « émissaire » se rapporte à l’ange Métatron [voir Shémot/Exode Ch. 23 v 21/22 ; Rashi explique dans ces versets Car mon Nom est en son milieu Cette partie du verset complète son début : « Prends garde à lui car mon Nom lui est associé ! » Nos maîtres ont enseigné que c’est le Métatron, dont le nom est le même que celui de son Maître, et dont la guematria (valeur numérique des lettres qui composent son nom) est la même que celle du nom de D.ieu שׁ־ד־י Chaqqaï (Sanhèdrin 38b) ] qui est « ministre de l’intérieur » et est l’émissaire de l’éternel et l’ange du monde [la qualité moyenne entre bonté et rigueur].
mais le Saint, béni soit-Il, Lui-même dans toute sa gloire, comme il n’est pas possible de Lui donner un nom ni de Le faire dépendre d’une quelconque parole ou d’une quelconque chose, on utilise une langage indiquant qu’Il s’est dévoilé dans Sa gloire, en utilisant les mêmes mots que les versets suivants
מְלֹא כָל-הָאָרֶץ, כְּבוֹדו
Toute la terre est pleine de sa gloire! [Isaïe Ch. 6, v3]
הַשָּׁמַיִם, מְסַפְּרִים כְּבוֹד-אֵל; וּמַעֲשֵׂה יָדָיו, מַגִּיד הָרָקִיע
Les cieux racontent la gloire de D.ieu, et le firmament proclame l’œuvre de Ses mains. [Psaumes Ch. 19, v2]
Et de même de très nombreux versets. C’est à dire que par Ses actes et l’expression de Sa puissance, Il dévoile Sa gloire dans le monde. Ici aussi, de la même manière, via les miracles et les actes puissants effectuées en Egypte Il dévoile Sa gloire et Sa force et Son nom en est ainsi fortement agrandi dans le monde ainsi qu’en sort agrandie la foi en Lui. C’est ce qu’exprime le verset (dans la Shira)
שָׁמְעוּ עַמִּים, יִרְגָּזוּן; חִיל אָחַז, יֹשְׁבֵי פְּלָשֶׁת.
A cette nouvelle, les peuples s’inquiètent, un frisson s’empare des habitants de la Philistée.
C’est bien ce qu’exprime le Magguid, mais le Saint, béni soit-Il, Lui-même dans toute sa gloire, c’est à dire par le dévoilement de Sa gloire. Le mot וּבְעַצְמוֹ “Lui même” désigne « Sa force, Sa puissance, …» comme ce mot (même racine) utilisé dans le verset
וְאָמַרְתָּ, בִּלְבָבֶךָ: כֹּחִי וְעֹצֶם יָדִי, עָשָׂה לִי אֶת-הַחַיִל הַזֶּה
et tu diras en ton cœur: « C’est ma propre force, c’est le pouvoir de mon bras, qui m’a valu cette richesse. »
Le Gaon de Vilna explique ce sujet de Lui-même dans toute sa gloire en indiquant que le mot עצםdésigne la force et le mot כבוד désigne la grandeur et donc « Il nous a fait sortir d’Egypte avec Sa Grandeur et Sa Force » ; le principe de la force et de la puissance de Sa création sont ce que nous nommons « Ses Puissances » [Sa Puissance][1].
comme il est écrit Je parcourrai le pays d’Égypte, dans le sens premier, le Magguid nous apporte ici une preuve comme quoi c’est l’Eternel personnellement qui les a sortis d’Egypte, Je parcourrai, vient dire que ce n’est pas un autre. Même si ce verset ne parle pas de la sortie d’Egypte mais parle de « traverser le pays d’Egypte » et de « frapper les premiers nés » ceci entraîne la sortie d’Egypte ipso-facto ; par cela Pharaon et son peuple sont obligés (soumis) de laisser partir les juifs.
Je parcourrai [je passerai]: Rashi explique Je passerai « Comme un roi qui « passe » d’un endroit à un autre, sauf que c’est en un seul passage et en un seul instant que tous seront frappés (au nom de la Mekhilta). »
tout premier-né dans le pays d’Égypte, Rashi explique : y compris les premiers-nés des autres peuples dès lors qu’ils étaient en Egypte (Mekhilta). Et d’où sait-on que les premiers-nés Egyptiens qui se trouvaient ailleurs qu’en Egypte ont été aussi frappés ? Du verset : « … qui a frappé l’Egypte en ses premiers-nés » [c’est à dire tous ses premiers nés où qu’ils se trouvent] (Tehilim 136, 10).
depuis l’homme jusqu’à la bête Le châtiment commence par frapper celui qui a fait le mal en premier.
Et à tous les dieux de l’Egypte Les idoles de bois ont pourri, celles de métal ont fondu et ont coulé à terre.
2) Haggadah Kos Eliahou du rav Eliahou Ben Harosh pages 61-62
Comme le verset rapporté dans notre passage est constitué de trois parties (avec trois verbes) Je parcourrai …; Je frapperai – Je ferai justice et chacune de ces parties a été faite par l’Eternel et non par un émissaire comme on le voit des mots du verset [première personne du singulier]; c’est pour cela que le Magguid considère trois sortes d’émissaires susceptibles d’accomplir ces missions c’est-à-dire les trois mots « Anges, Séraphin, Emissaire ». Le Ritva explique que les anges sont inférieurs aux séraphin (en sainteté) ; les anges changent de mission chaque jour et prennent une apparence humaine pour accomplir leur mission. Au dessus des séraphin il y a les anges de feu qui se tiennent en dessous du trône divin et qui se trempent chaque jour dans un fleuve de feu qui passe devant le trône divin etc. L’émissaire est le grand-ange Métatron qui est coutumier d’avoir des missions de sauvegarde du peuple d’Israël ; à lui s’applique le verset (Exode Ch. 23, v20)
הִנֵּה אָנֹכִי שֹׁלֵחַ מַלְאָךְ, לְפָנֶיךָ, לִשְׁמָרְךָ, בַּדָּרֶךְ; וְלַהֲבִיאֲךָ, אֶל-הַמָּקוֹם אֲשֶׁר הֲכִנֹתִי
Or, j’enverrai devant toi un mandataire, chargé de veiller sur ta marche et de te conduire au lieu que je t’ai destiné.
Le mot Métatron vient de la racine shémirah « protéger » car la traduction en araméen de « protection/garde » est « מטרא». Le Ramban donne une explication similaire, mais explique le nom Métatron comme signifiant « montrant le chemin » comme le rapporte le Sifri « le doigt de l’Eternel est devenu un Métatron pour Moshé et lui a montré toute la terre d’Israël ».
La preuve du Magguid comme quoi c’est l’Eternel « en personne » qui a frappé l’Egypte provient du changement de langage effectué car plus haut lorsque Moshé se tient devant Pharaon (Exode Ch11, v4-5) un langage plus concis est utilisé (une seule locution verbale littéralement je m’avancerai à travers l’Égypte et mort [sera] tout premier-né ..)
וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה, כֹּה אָמַר ה׳ : כַּחֲצֹת הַלַּיְלָה, אֲנִי יוֹצֵא בְּתוֹךְ מִצְרָיִם. ה וּמֵת כָּל-בְּכוֹר, בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם–מִבְּכוֹר פַּרְעֹה הַיֹּשֵׁב עַל-כִּסְאוֹ, עַד בְּכוֹר הַשִּׁפְחָה אֲשֶׁר אַחַר הָרֵחָיִם; וְכֹל, בְּכוֹר בְּהֵמָה
[v4] Moïse ajouta: « Ainsi a parlé l’Éternel: Au milieu de la nuit, je m’avancerai à travers l’Égypte ; [v5] et alors périra tout premier-né dans le pays d’Égypte, depuis le premier né de Pharaon qui devait occuper son trône, jusqu’au premier-né de l’esclave qui fait tourner la meule; de même tous les premiers-nés des animaux.
Notre verset aurait pu également dire Je parcourrai le pays d’Égypte, cette même nuit et mort [sera] tout premier-né.
Le verset indique « et je tuerai » afin que cette action lui soit attribuée « en personne » et comme cette action est effectuée par Lui même, en personne, nous savons que je parcourrai et je ferai justice de toutes les divinités de l’Égypte sont également effectués par lui-même en personne.
Cette explication est conforme à ce qu’enseigne la Mekhilta à propos du verset (Exode Ch. 12, v29)
וַיְהִי בַּחֲצִי הַלַּיְלָה, וַה׳ הִכָּה כָל-בְּכוֹר בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם, מִבְּכֹר פַּרְעֹה הַיֹּשֵׁב עַל-כִּסְאוֹ, עַד בְּכוֹר הַשְּׁבִי אֲשֶׁר בְּבֵית הַבּוֹר; וְכֹל, בְּכוֹר בְּהֵמָה.
Or, au milieu de la nuit, le Seigneur fit périr tout premier-né dans le pays d’Égypte, depuis le premier-né de Pharaon, héritier de son trône, jusqu’au premier-né du captif au fond de la geôle et tous les premiers nés des animaux.
La Mékhilta explique le Seigneur fit périr tout premier-né, j’aurais pu penser que cela a été fait par l’intermédiaire d’un ange ou d’un émissaire, un autre verset précise [celui de notre passage] ; je frapperai tout premier-né [à la première personne du singulier] c’est à dire ni par l’intermédiaire d’un ange, ni par l’intermédiaire d’un Séraphin ni par celui d’un émissaire. On est obligé de dire qu’a partir des mots de ce verset la Mékhilta attribue à Hashem les actes et non aux trois autres [le Seigneur fit périr].
Ainsi, ce qu’exprime ensuite « Moi l’Eternel, Moi-même et nul autre » (le passage suivant, 28) est une explication sur un autre sujet. Le Magguid vient nous donner une raison pour laquelle il faut que la plaie des premiers nés soit effectuée par l’eternel « en personne » ; comme on l’explique dans le Talmoud (Bava Métsiâh, page 72b) « Je suis celui qui sait distinguer la goutte qui a donné un premier-né et celle qui n’a pas donné un premier-né». Et c’est ce que dit le Magguid Moi-même [littéralement Je suis celui] je suis celui qui est capable de distinguer ces gouttes et nul autre [ne peut le faire].
[1] Notre perception de Sa puissance est à travers Sa création (et Ses actes) ; nous n’avons pas accès (ni même le droit de réfléchir) à Son essence.