Vingt quatrième passage – l’Éternel entendit notre voix
וַיַּרְא אֶת עָנְיֵנוּ זוֹ פְּרִישׁוּת דֶּרֶךְ אֶרֶץ כְּמוֹ שֶׁנֶּאֱמַר. וַיַּרְא אֱלֹהִים אֶת בְּנֵי יִשְׂרָאֵל וַיֵּדַע אֱלֹהִים:
Il vit notre misère, ceci se réfère à la séparation conjugale, comme il est dit (Exode Ch. 2, v 25) : Le Seigneur vit les enfants d’Israël et Il leur prêta attention [il sut].
1) Haggada Higguid léâmo, partie פּירוש מלוקט, explication littérale, Ribbi Bouguid Saâdoun pages 101-102 [1/2] (explication longue que je propose de couper en deux)
Il vit notre misère, il s’agit des relations conjugales ; la racine du mot עָנְיֵנוּ est la même que celle du mot עֹנָתָהּ utilisé dans le verset
אִם-אַחֶרֶת, יִקַּח-לוֹ–שְׁאֵרָהּ כְּסוּתָהּ וְעֹנָתָהּ, לֹא יִגְרָע
S’il lui en adjoint une autre, il ne devra point la frustrer de sa nourriture, de son habillement, ni du droit conjugal.
On trouve également un langage de souffrance associé à l’abstinence comme dans ce verset (où Laban parle à Jacob après l’avoir rejoint ; Jacob s’était enfui de chez Laban avec femmes et enfants ; les deux femmes de Jacob étaient les filles de Laban) :
אִם-תְּעַנֶּה אֶת-בְּנֹתַי, וְאִם-תִּקַּח נָשִׁים עַל-בְּנֹתַי–אֵין אִישׁ, עִמָּנוּ; רְאֵה, אֱלֹהִים עֵד בֵּינִי וּבֵינֶךָ.
Si tu outrageais mes filles; si tu associais d’autres épouses à mes filles nul n’est avec nous; mais vois! D.ieu est témoin entre moi et toi!. (le mot en hébreu souligné a la même consonance que עֹנָתָהּ simplement la lettre נ a un point [daghesh], la Torah n’étant pas ponctuée cela laisse la possibilité à des commentaires), comme cela est expliqué dans le traité talmudique Yoma (77b) et ce mot de notre second verset est l’inverse de conserver le droit conjugal. On trouve de nombreux mots dont l’orthographe est très proche et dont le sens est contraire (par exemple ער « éveillé » et aussi « vivant » et ערירי « seul » et aussi « mort »).
Modestement il me semble pouvoir dire également que dans notre passage de la Haggada, comme il n’est pas écrit וַיַּרְא אֶת עונתנו « il vit notre droit conjugal (bafoué) » mais c’est le terme עָנְיֵנוּ qui est utilisé, l’intention est de pouvoir interpréter également qu’il s’agit d’une souffrance ענּוי, pour nous dire en allusion qu’il s’agit de la souffrance de la séparation conjugale. Le mot עָנְיֵנוּ est donc utilisé sciemment pour indiquer à la fois la souffrance ענּוי de l’absence de devoir conjugal עונה.
La raison pour laquelle le Magguid interprète עָנְיֵנוּ par le devoir conjugal et pas par la souffrance liée au travaux est que dans le verset interprété précédemment (Passage 19 et suivants) Les Egyptiens nous maltraitèrent, nous opprimèrent et nous imposèrent de dures corvées. (Deutéronome Ch. 26, v6) les travaux pénibles sont déjà mentionnés ; s’il ne s’agissait pas d’apprendre quelque chose de supplémentaire il aurait suffi que le verset dise « et Il vit ce qu’on nous a fait » [ce dont on était déjà au courant] ; de plus à la fin de notre verset est mentionnée l’oppression, il fallait donc interpréter différemment עָנְיֵנוּ, le Magguid nous indique qu’il s’agissait de l’absence (forcée) de relations conjugales.
Même si nous ne voyons pas que les Egyptiens ont décrété aux hommes de se séparer de leurs épouses, cela est tout de même une conséquence d’un autre décret. En effet les Egyptiens avaient décrété de tuer tout nouveau né mâle et que tout nouveau né mâle devait être noyé dans le Nil ; ils étaient obligés de se séparer car ils se disaient « à quoi bon engendrer si c’est pour qu’ils soient perdus ? ».
Certains expliquent que les Egyptiens les empêchaient de retourner dormir chez eux en argumentant qu’il leur serait impossible de se lever à l’aube et de produire la quantité de briques dues ; ainsi les Egyptiens les faisaient dormir dans les champs. Lorsque les épouses ont vu cet état de fait, elles sont allées dans les champs apporter à leurs époux du pain et un repas et exprimaient leurs besoins d’eux entre les parcs de troupeaux (l’expression vient de Psaumes Ch. 68, v14), sous les pommiers (l’expression vient du Cantiques des Cantiques Ch. 8 v5). Lorsqu’elles étaient enceintes elles allaient dans les champs pour y accoucher. Tout cela est raconté avec moult détails dans la Guémara (Sotta 11b), voir également Méâm Loêz.
2) Haggada Higguid léâmo, partie פּירוש מלוקט, explication littérale, Ribbi Bouguid Saâdoun pages 101-102 [2/2]
דֶּרֶךְ אֶרֶץ il s’agit des relations conjugales; nous trouvons le même termeדֶּרֶךְ dans le verset (il s’agit de Loth et ses deux filles; les deux filles ont eu une relation avec leur père en prétextant que le monde était totalement dépeuplé hormis eux trois)
וַתֹּאמֶר הַבְּכִירָה אֶל-הַצְּעִירָה, אָבִינוּ זָקֵן; וְאִישׁ אֵין בָּאָרֶץ לָבוֹא עָלֵינוּ, כְּדֶרֶךְ כָּל-הָאָרֶץ.
L’aînée dit à la plus jeune: « Notre père est âgé et il n’y a plus d’homme dans le monde, pour s’unir à nous selon l’usage de toute la terre.
comme il est dit : Le Seigneur vit les enfants d’Israël et Il leur prêta attention [il sut]. Le Magguid fait une sorte de Guézéra Shava (deux versets utilisant la même expression peuvent permettre d’apprendre l’un de l’autre) « Il vit notre misère » et « vit les enfants d’Israël » [Abarbanel] Selon le sens littéral du verset, le Magguid vient nous dire simplement qu’ils avaient de la souffrance liée à l’absence de relation conjugale. On interprète la fin du verset « et l’Eternel sut » sur la souffrance liée aux relations conjugales car il s’agit d’une relation intime entre deux personnes que personne ne connaît à part l’Eternel qui connaît toute chose. De même on utilise le mot « sut/connut » ידע pour une relation conjugale comme dans le cas d’Adam et Eve (Genèse Ch. 4 v1):
וְהָאָדָם, יָדַע אֶת-חַוָּה אִשְׁתּוֹ; וַתַּהַר, וַתֵּלֶד אֶת-קַיִן, וַתֹּאמֶר, קָנִיתִי אִישׁ אֶת-ה׳.
or, l’homme s’était uni à Ève, sa femme. Elle conçut et enfanta Caïn, en disant: « J’ai fait naître un homme, conjointement avec l’Éternel! ».
De même (Samuel I, Ch. 1 v19)
וַיַּשְׁכִּמוּ בַבֹּקֶר, וַיִּשְׁתַּחֲווּ לִפְנֵי ה׳, וַיָּשֻׁבוּ וַיָּבֹאוּ אֶל-בֵּיתָם, הָרָמָתָה; וַיֵּדַע אֶלְקָנָה אֶת-חַנָּה אִשְׁתּוֹ, וַיִּזְכְּרֶהָ ה׳.
Le lendemain de bon matin, ils se prosternèrent devant l’Eternel, puis s’en retournèrent à leur demeure à Rama. Elkana s’unit à Hanna, et le Seigneur se souvint d’elle.
וַיֵּדַע אֱלֹקִים Et l’éternel sut, le nom de D.ieu utilisé est celui de l’attribut de rigueur et non celui de miséricorde (le tétragramme) pour nous dire que même l’attribut de rigueur était d’accord pour être miséricordieux envers les enfants d’Israël ; c’est pour cela que le terme וַיֵּדַע est utilisé, c’est un langage de miséricorde car l’Eternel a eu pitié d’eux y compris avec le coté de rigueur.