Second passage – Ma Nishtana
מַה־נִּשְׁתַּנָּה הַלַּיְלָה הַזֶּה מִכָּל הַלֵּילוֹת ? שֶׁבְּכָל הַלֵּילוֹת. אֵין אֲנַחְנוּ מְטַבְּלִין אֲפִלּוּ פַּעַם אַחַת. וְהַלַּיְלָה הַזֶּה שְׁתֵּי פְעָמִים:
שֶׁבְּכָל הַלֵּילוֹת. אֲנַחְנוּ אוֹכְלִין חָמֵץ אוֹ מַצָּה, וְהַלַּיְלָה הַזֶּה כֻּלּוֹ מַצָּה:
שֶׁבְּכָל הַלֵּילוֹת אֲנַחְנוּ אוֹכְלִין שְׁאָר יְרָקוֹת, וְהַלַּיְלָה הַזֶּה מָרוֹר:
שֶׁבְּכָל הַלֵּילוֹת אֲנַחְנוּ אוֹכְלִין וְשׁוֹתִין בֵּין יוֹשְׁבִין וּבֵין מְסֻבִּין. וְהַלַּיְלָה הַזֶּה כֻּלָּנוּ מְסֻבִּין:
Quelle est la différence entre cette nuit et les autres nuits ?
- Toutes les autres nuits, nous ne trempons point ne serait-ce qu’une seule fois ; et cette nuit ci, nous trempons deux fois ;
- Toutes les autres nuits, nous consommons du ‘Hamets ou bien de la Matsa ; et cette nuit ci, nous ne consommons que de la Matsa ;
- Toutes les autres nuits, nous consommons toutes sortes d’autres herbes; et cette nuit-ci, nous consommons du Maror (herbes amères) ;
- Toutes les autres nuits, nous mangeons et buvons soit assis soit accoudés; et cette nuit ci, nous sommes tous accoudés ?
Explication littérale tirée de la Haggada Ish Matslia’h (pages 114-115)
Les sages nous enseignent (Talmoud, traité Péssa’him 116a) : un sage, son fils le questionnera (le soir du sedder) ; sinon, son épouse le questionnera ; sinon (si personne ne le questionne) alors il posera les questions lui-même. En conséquence les sages ont institué ces quatre questions expliquées ci-après :
Quelle est la différence entre cette nuit et les autres nuits ?
- Toutes les autres nuits, nous ne trempons point ne serait-ce qu’une seule fois ; à l’époque de la rédaction de la Haggada, les personnes aisées trempaient les légumes dans du vinaigre et en consommaient avant le repas afin d’ouvrir l’appétit. Le reste du peuple ne trempait pas de cette manière, ne serait-ce qu’une seule fois. En conséquence pour quelle raison, cette nuit ci, trempons-nous deux fois ? (pourquoi) trempons-nous tous le Carpas [cèleri, trempé dans l’eau salée ] et le Maror [Herbes amères, trempées dans le ‘Harosséth, mélange de fruits] avant le repas comme le font des personnes riches ?
- Toutes les autres nuits, nous consommons du ‘Hamets, nourriture des riches, ou bien de la Matsa, nourriture des pauvres; et cette nuit ci, nuit de notre délivrance, nous ne consommons que de la Matsa, nourriture des esclaves?[1]
- Toutes les autres nuits, nous consommons toutes sortes d’autres herbes douces et cette nuit-ci, nuit de notre délivrance, nous recherchons uniquement des herbes amères?[2]
- Toutes les autres nuits, nous mangeons du pain et buvons du vin soit assis soit accoudés, chacun comme il le souhaite; et cette nuit ci, pour la consommation de la Matsa et des quatre coupes de vin, nous sommes tous accoudés ? Et (pourquoi) celui qui se serait trompé et qui aurait mangé de la Matsa ou bu une des quatre coupes de vin sans être accoudé ne serait-il pas quitte de la Mitsva et devra recommencer ? (Shoul’han Aroukh Ch. 472 §67).
En résumé pour quelle raison devons nous faire des choses contradictoires, certaines qui symbolisent l’esclavage et d’autres qui symbolisent la délivrance et la richesse ?
Haggada Kos Eliahou (page 45)
מַה נִּשְׁתַּנָּה Quelle est la différence entre cette nuit et les autres nuits ?
La première question est que ces trempages que nous faisons le soir de Pessa’h, nous n’avons pas l’habitude de les faire le reste de l’année, ils sont réservés à des personnes riches et honorables. S’il s’agit de faire une différence cette nuit, afin de ressembler à des « grands » du fait de notre liberté, en fait les autres nuits nous ne trempons même pas une seule fois et il était suffisant pour faire une différence de ne tremper qu’une seule fois. Pour quelle raison, cette nuit-là, trempons-nous deux fois ?
La seconde question est que chaque nuit nous consommons ce qui se présente, que ce soit du ‘Hamets ou de la Matsa et il n’y a pas d’exclusive, alors que cette nuit-là nous ne consommons que de la Matsa. S’il s’agit de se souvenir que nos ancêtres, lors de la sortie d’Egypte, « n’ont pas eu le temps de laisser leur pâte fermenter » comme l’explique le Magguid plus tard, il était possible de consommer les deux, pour quelle raison consomme-t-on exclusivement de la Matsa et le ‘Hamets n’est même pas vu.
La troisième question est que chaque nuit qui n’est pas une nuit de miracle, nous consommons toutes sortes d’autres herbes qui sont « douces » et il n’est pas du tout usuel de consommer quelque chose d’amer si ce n’est qu’à titre de médication, ou équivalent, et cette nuit pendant laquelle il y a eu un miracle nous mangeons des choses amères, qu’est-ce que cela signifie ?
La quatrième question est que chaque nuit on ne fait pas attention à être accoudé ou pas et chacun se comporte comme il le souhaite, il y a donc des personnes accoudés et d’autres qui ne le sont pas; et cette nuit nous avons tous l’obligation d’être accoudés.
Les réponses à ces questions sont données par le Rav au passage suivant (voir Passage 3-1)
Haggada שערי ארמון (p 41) au nom de Tolédoth Adam
כֻּלָּנוּ מְסֻבִּין Nous sommes tous accoudés Le Magguid de Drétshin ZatsaL raconte qu’un Talmid ‘Hakham (érudit) eut un jour le mérite d’être invité le soir du sedder chez le Gaon, Rabbi Zalman de Vilna ZatsaL. Rabbi Zalman s’aperçut que son invité ne s’accoudait pas, il l’interrogea à ce sujet. L’invité répondit :
- Notre maître, vous êtes un Rav qui ressemble à un ange, connaissant à fond toute la Torah et on sait que la Halakha (tranchée dans le Shoul’han Âroukh Ora’h ‘Haym Ch. 472 alinéa 5) dit que lorsqu’il y a un Sage, un des grands de la génération, alors même quelqu’un qui n’a rien appris de lui est considéré comme son élève et ne doit pas s’accouder!
Lorsqu’il entendit ces propos, le Gaon trembla et dit, « qu’as tu donc fait de me considérer comme un ange, comme un très grand Talmid ‘Hakham alors que je ne suis qu’un « homme qui ressemble à un souffle » (voir Psaume 144 v. 4, cela signifie « pas grand-chose ») vide de toute sagesse ! » Immédiatement le Rav se leva et fit les 100 pas, de long en large, dans la salle à manger, se rappelant par cœur les paroles de nos sages qui enracinent en nous la modestie. Comme par exemple ce que dit le Talmoud (Yoma 27a) : lorsque Rav[3] vit que le peuple l’accompagnait alors qu’il allait faire une Dérasha (un discours de Torah) il dit alors les versets de Job (Ch. 20, v 6-7) :
Dût sa stature monter jusqu’au ciel et sa tête atteindre les nuages, aussi sûrement que ses excréments, il périra sans retour: ceux qui le voyaient diront: « Où est-il? »
De même, lorsque Rav Zoutra était porté jusqu’au Beth Hammidrash (maison d’étude), il disait (Proverbes ch.. 27 v 24) « Car les biens ne dureront pas toujours ».
Rabbi Zalman répéta ce type d’enseignements, jusqu’à ce qu’il revienne à table et dise avec dédain « Il me donne le titre de Rav ? J’ai fait une grande introspection et je ne me suis trouvé qu’une seule qualité: l’amour de la vérité. Et par la force de cette qualité je fixe que si je compare mes connaissances avec ce que je ne connais pas, en fait je ne connais rien ! »
[1] Ce qui constitue un paradoxe.
[2] Ce qui constitue un paradoxe
[3] Rav est un des très grands Amoraim, sages du Talmoud