Dix-neuvième passage – Les Egyptiens nous maltraitèrent
La Haggada continue par un verset et en commente chaque expression (passages 19 à 21)
וַיָּרֵעוּ אֹתָנוּ הַמִּצְרִים וַיְעַנּוּנוּ. וַיִּתְּנוּ עָלֵינוּ עֲבוֹדָה קָשָׁה:
וַיָּרֵעוּ אֹתָנוּ הַמִּצְרִים. כְּמוֹ שֶׁנֶּאֱמַר. הָבָה נִתְחַכְּמָה לוֹ פֶּן יִרְבֶּה. וְהָיָה כִּי תִקְרֶאנָה מִלְחָמָה וְנוֹסַף גַּם הוּא עַל שֹׂנְאֵינוּ. וְנִלְחַם בָּנוּ וְעָלָה מִן הָאָרֶץ:
Les Egyptiens nous maltraitèrent, nous opprimèrent et nous imposèrent de dures corvées (Deutéronome Ch. 26, v6)
Les Egyptiens nous maltraitèrent, comme il est dit (Exode Ch. 1, v10):
Eh bien! Ingénions nous contre ce peuple; de peur qu’il ne se multiplie, et si une guerre survenait, il se joindrait lui aussi à nos ennemis, nous combattre et sortir du pays.
1) Haggadah Kos Eliahou du rav Eliahou Ben Harosh page 58-59
Les Egyptiens nous maltraitèrent, le Magguid éprouve une difficulté du fait que ces mauvais traitements devraient être attribués à Pharaon et non aux Egyptiens, puisqu’il est écrit (Exode Ch. 1, v11)
וַיָּשִׂימוּ עָלָיו שָׂרֵי מִסִּים, לְמַעַן עַנֹּתוֹ בְּסִבְלֹתָם; וַיִּבֶן עָרֵי מִסְכְּנוֹת, לְפַרְעֹה–אֶת-פִּתֹם, וְאֶת-רַעַמְסֵס.
Et l’on imposa à ce peuple des officiers de corvée pour l’accabler de labeurs et il bâtit pour Pharaon des villes d’approvisionnement, Pithom et Ramsès.
A cela le Magguid nous indique que ces constructions et cet asservissement n’ont été faits que sur les conseils des Egyptiens, car un peu avant il est écrit (Exode Ch. 1, v9)
וַיֹּאמֶר, אֶל-עַמּוֹ: הִנֵּה, עַם בְּנֵי יִשְׂרָאֵל–רַב וְעָצוּם, מִמֶּנּוּ
Il dit à son peuple: « Voyez, la population des enfants d’Israël surpasse et domine la nôtre.
Pharaon craignait que les enfants d’Israël croissent encore plus et ne lui fassent la guerre et prennent le pouvoir. Il prit conseil auprès de son peuple en leur disant (Exode Ch. 1 v10)
הָבָה נִתְחַכְּמָה, לוֹ: פֶּן-יִרְבֶּה
Allons, agissons avec sagesse (stratagème) de peur qu’il ne se multiplie
ce qui signifie « trouvons un conseil convenable afin de réduire leur nombre ». Les Egyptiens lui ont conseillé de les asservir continuellement dans des travaux du bâtiment qui sont des travaux pénibles. Par de tels travaux et qui plus est de manière continue, il est certain que leur force allait diminuer et qu’ils ne pourraient plus avoir de relation conjugale et ainsi leur nombre ira en diminuant. Ceci est d’autant plus vrai si on considère les paroles des sages qui nous enseignent que les Egyptiens les asservissaient jour et nuit. On trouve une preuve dans le verset qui vient juste après (Exode Ch. 1 v11)
וַיָּשִׂימוּ עָלָיו שָׂרֵי מִסִּים
Ils imposèrent à ce peuple des officiers de corvée
Le verbe «Ils imposèrent » est au pluriel et non au singulier; c’est à dire que c’est ce conseil inique donné par les Egyptiens à Pharaon qui a entraîné toute cette servitude et Pharaon a mis en œuvre ce conseil. En conséquence, il est tout a fait normal que ce conseil inique et les maltraitances qui suivirent leur soient attribués.
2) Haggadah ‘Hazon Ôvadia page 57
Les Egyptiens nous maltraitèrent וַיָּרֵעוּ אֹתָנוּ הַמִּצְרִים
(On pourrait traduire également par « les Egyptiens nous rendirent mauvais » )
Le Magguid vient nous dire en allusion que les Egyptiens nous ont rendus mauvais et ont fait de nous des pêcheurs car ils nous ont habitué à pratiquer l’idolâtrie. Comme on l’explique dans le Midrash (Cantique des cantiques) à propos du verset (Exode Ch. 6, v9)
וַיְדַבֵּר מֹשֶׁה כֵּן, אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל; וְלֹא שָׁמְעוּ, אֶל-מֹשֶׁה, מִקֹּצֶר רוּחַ, וּמֵעֲבֹדָה קָשָׁה
Moïse redit ces paroles aux enfants d’Israël mais ils ne l’écoutèrent point, ayant l’esprit oppressé par une dure servitude.
que lorsque Moshé est venu accomplir sa mission, il fut très difficile aux Hébreux de se détacher de l’idolâtrie. C’est ce que dit le Magguid וַיָּרֵעוּ אֹתָנוּ הַמִּצְרִים, les Egyptiens nous ont rendus mauvais (mécréants) le mot “lanou” n’est pas utilisé, ce qui signifierait « les Egyptiens nous ont fait du mal » [« lanou » exprimant que le mal est fait envers nous, « otanou » exprimant que c’est nous même qui sommes mal/mauvais]. Cela vient donner en allusion ce qu’enseigne le Midrash à savoir qu’il leur fut très difficile de se détacher de l’idolâtrie. Par cet enseignement du midrash, on peut répondre à la question très connue à propos du verset (Exode Ch. 6, v12)
וַיְדַבֵּר מֹשֶׁה, לִפְנֵי ה׳ לֵאמֹר: הֵן בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל, לֹא-שָׁמְעוּ אֵלַי, וְאֵיךְ יִשְׁמָעֵנִי פַרְעֹה, וַאֲנִי עֲרַל שְׂפָתָיִם.
Mais Moïse s’exprima ainsi devant l’Éternel: « Quoi! les enfants d’Israël ne m’ont pas écouté et Pharaon m’écouterait, moi qui ai la parole embarrassée! »
Le raisonnement a fortiori fait par Moshé semble erroné puisque les enfants d’Israël n’ont pas écouté Moshé « à cause de leur souffle court et de leur dure servitude » ; il n’en était pas de même avec Pharaon à qui ne s’appliquait pas cette raison. Par notre explication ci-dessus, les choses collent bien car la raison pour laquelle ils n’ont pas écouté Moshé étaient qu’ils étaient empêtrés dans l’idolâtrie ; à plus forte raison pour Pharaon dont la bouche était pleine de blasphème en disant (Exode Ch. 5, v2) « Quel est cet Éternel dont je dois écouter la parole en laissant partir Israël? »