Douzième passage – Béni soit Celui qui a conservé Sa promesse envers Israël,
בָּרוּךְ שׁוֹמֵר הַבְטָחָתוֹ לְיִשְׂרָאֵל בָּרוּךְ הוּא. שֶׁהַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא [1]חִשֵּׁב ] מֵחַשֵּׁב [אֶת הַקֵּץ, לַעֲשׂוֹת כְּמוֹ שֶׁאָמַר לְאַבְרָהָם אָבִינוּ בִּבְרִית בֵּין הַבְּתָרִים, שֶׁנֶּאֱמַר: וַיֹּאמֶר לְאַבְרָם, יָדֹעַ תֵּדַע כִּי גֵר יִהְיֶה זַרְעֲךָ בְּאֶרֶץ לֹא לָהֶם, וַעֲבָדוּם וְעִנּוּ אֹתָם אַרְבַּע מֵאוֹת שָׁנָה: וְגַם אֶת הַגּוֹי אֲשֶׁר יַעֲבֹדוּ דָּן אָנֹכִי. וְאַחֲרֵי כֵן יֵצְאוּ בִּרְכֻשׁ גָּדוֹל:
Béni soit Celui qui a conservé Sa promesse envers Israël, béni soit-Il. Car le Saint, béni soit-Il avait calculé (avantageusement) la fin de l’esclavage, pour réaliser ce qu’Il avait dit à Abraham notre patriarche lors de « l’Alliance entre les morceaux » comme il est dit (Genèse Ch. 15, v. 13-14) :
D.ieu dit à Abram: « Sache-le bien, ta postérité séjournera sur une terre étrangère, où elle sera asservie et opprimée, durant quatre cents ans. Mais, à son tour, la nation qu’ils serviront sera jugée par Moi; et alors ils la quitteront avec de grandes richesses ».
1) Haggada Kos Eliahou pages 53-54
בָּרוּךְ שׁוֹמֵר הַבְטָחָתוֹ Béni soit Celui qui a conservé Sa promesse envers Israël. Les commentateurs éprouvent une difficulté, en effet qu’y a-t-il d’étonnant à ce que l’Eternel accomplisse/garde sa promesse ? Même pour une créature de chair et de sang il n’est pas convenable qu’elle n’accomplisse pas ses promesses ! On éprouve également une autre difficulté par le passage suivant וְהִיא שֶׁעָמְדָה C’est ELLE [cette promesse] qui a soutenu nos pères et NOUS soutient nous-mêmes ; comment cette promesse subsiste-t-elle également pour NOUS ? Cette promesse ne s’appliquait-elle pas uniquement à la génération sortant d’Egypte ?
De plus, il y a une autre difficulté. Que signifie [passage 14] Va déduire, ce que voulait faire Laban l’Araméen [la forme en Hébreu suggère que Laban avait commencé à concrétiser l’acte] ? Il aurait dû dire “ce que Laban l’Araméen a pensé faire ” [sa volonté n’ayant pas été concrétisée]. De plus il y a une autre difficulté, pourquoi le Magguid a-t-il éprouvé la nécessité de rappeler que Pharaon n’a décrété (la mort) que sur les garçons ? Le verset du passage 14 dit également אובֵד « l’araméen [se] perd, mon père », la forme utilisée est une forme intransitive (פועל עומד), il aurait dû dire האביד « l’araméen perd mon père » c’est-à-dire utiliser la forme transitive (פועל יוצא). A cette dernière question, il est possible de répondre que la « perte » se rapportait à l’Araméen lui-même (forme intransitive), comme un homme qui fait dépendre sa malédiction de son prochain [je suis perdu, par la faute de Yaâkov].
Rabbi David Aboudraham a modifié la version des livres qui dit généralement מחשב « calcule » (au présent) parce que ce calcul de la fin de l’exil a déjà été dépassé, il l’a remplacée par חִשֵּׁב « a calculé »; malgré cette modification il reste une difficulté puisque le verbe est au présent « Shomer » et pas au passé « Shamar ».
Il me semble qu’on peut répondre à toutes ces questions et conserver la version classique des livres car les Sages ont enseigné (Guémarah Sotah 31a) que, ce qui s’est produit pour les pères est un signe pour ce qui se produira pour les descendants dans le futur. La promesse qui a été faite à Abraham que « ta postérité séjournera sur une terre étrangère, …. et alors ils la quitteront ….. » est un signe pour le peuple d’Israël à chaque épisode malheureux qu’ils vivront dans le futur : quoi qu’il en soit ils s’en sortiront et en seront libérés.
C’est ce que nous enseigne le Magguid, Béni soit Celui qui a conservé Sa promesse envers Israël, c’est-à-dire qu’à chaque génération Il conserve cette promesse qu’Il avait faite à Avraham, pour en faire bénéficier les enfants d’Israël. Bien que, stricto-sensu, cette promesse ne s’adressait qu’à la génération sortant d’Egypte, l’Eternel l’a conservée pour les enfants d’Israël à tout moment. Hachem, à toute période pénible, considère la fin de cette détresse actuelle afin de les en délivrer et juger les peuples qui les asservissent. La raison pour laquelle la promesse faite à Avraham à propos de la génération sortant d’Egypte « ta postérité séjournera sur une terre étrangère, …. et alors ils la quitteront ….. », s’applique également aux Juifs à chaque instant, est en vertu du principe « ce qui est fait pour les pères est un signe pour les descendants » [suite au passage 12-2]
2) Haggada Kos Eliahou page 54 (suite du passage 12-1)
Nous avons également une allusion à ce que nous venons de dire [au passage 12-1] lorsque le verset dit « בְּאֶרֶץ לֹא לָהֶם » « dans une terre que ne sera pas leur ». Le verset aurait du dire « en terre d’Egypte ». Cela vient nous apprendre que ce n’est pas seulement lors de l’exil d’Egypte, mais de toute contrée qui ne leur appartient pas et dans laquelle les juifs seront plus tard exilés, que cette promesse s’applique. Cela se voit bien mieux dans le texte de la promesse וְגַם אֶת-הַגּוֹי et AUSSI le peuple, les mots AUSSI וְגַם et אֶת sont « en trop »[2]. Un des deux mots en trop correspond à la fuite de Yaâkov de chez Laban dont il est sorti avec une grande richesse comme il est écrit (Genèse Ch. 31 v. 9)
וַיַּצֵּל אֱלֹקִים אֶת-מִקְנֵה אֲבִיכֶם, וַיִּתֶּן-לִי
C’est D.ieu qui a dégagé le bétail de votre père et me l’a donné
Laban a également été jugé. En effet, les sages nous indiquent[3], que Laban est la même personne que Bilâm, à propos duquel on dit
אֵת בִּלְעָם בֶּן-בְּעוֹר, הָרְגוּ בֶּחָרֶב
plus Balaam, fils de Beor, qu’ils firent périr par le glaive
Le deuxième mot « en trop » vient inclure les autres exils et, plus particulièrement, notre exil, le dernier, qui s’adresse à tout Israël comme l’était celui d’Egypte, et dans le futur nous en sortirons emplis de richesses comme l’écrit le prophète Isaïe (Ch. 60, v.17)
תַּחַת הַנְּחֹשֶׁת אָבִיא זָהָב, וְתַחַת הַבַּרְזֶל אָבִיא כֶסֶף, וְתַחַת הָעֵצִים נְחֹשֶׁת, וְתַחַת הָאֲבָנִים בַּרְזֶל; וְשַׂמְתִּי פְקֻדָּתֵךְ שָׁלוֹם, וְנֹגְשַׂיִךְ צְדָקָה.
Où il y avait de l’airain, Je mettrai de l’or; où il y avait du fer, Je mettrai de l’argent; Je remplacerai le bois par l’airain, les pierres par le fer. Pour toute magistrature, Je te donnerai la Paix, pour autorité souveraine la Justice.
Et, plus tard, les peuples seront jugés comme il est écrit (Zacharie, Ch. 14, v. 12)
זֹאת תִּהְיֶה הַמַּגֵּפָה, אֲשֶׁר יִגֹּף ה׳ אֶת-כָּל-הָעַמִּים, אֲשֶׁר צָבְאוּ, עַל-יְרוּשָׁלִָם; הָמֵק בְּשָׂרוֹ, וְהוּא עֹמֵד עַל-רַגְלָיו, וְעֵינָיו תִּמַּקְנָה בְחֹרֵיהֶן, וּלְשׁוֹנוֹ תִּמַּק בְּפִיהֶם
Or, voici de quelle plaie l’Eternel frappera tous les peuples qui auront fait campagne contre Jérusalem: leur chair se décomposera, eux étant encore sur pied, leurs yeux s’useront dans leur orbite, et leur langue pourrira dans leur bouche.
Ce que dit donc notre verset דָּן אָנֹכִי s’adresse à tous les peuples, que ce soit explicite (comme les Egyptiens) ou les supplémentaires (implicites, appris à partir des deux mots en trop).
Par cette explication on peut expliquer également pourquoi nous avons un langage doublé, par l’utilisation deux fois du mot בָּרוּךְ. Une première fois s’adresse à nos ancêtres qui sont sortis d’Egypte et la seconde fois s’adresse à leur descendance. Et c’est cette promesse elle même (en tant que telle) qui a fait tenir nos ancêtres et nous-mêmes dans chaque génération. Par cette explication la version וְהִיא « et elle » (début du passage suivant) avec une conjonction de coordination (que d’autres versions n’ont pas) est une version plus précise puisque « et elle » se rapporte à cette promesse [de notre passage] et le passage suivant est totalement la suite de notre passage. Ensuite le Magguid ramène une preuve que cette promesse s’applique [aussi] aux Patriarches, à partir de l’épisode de la fuite de Jacob de chez Laban.
3) Haggada Pirsoumé Nissah, Rabbi Yaâkov Raqa’h pages (230-232)
[א] Il y a lieu de comprendre pourquoi on dit מחשב את הקץ, « calcule la fin [de l’exil] ». Le mot את semble de trop, il aurait suffit de dire מחשב הקץ. On peut répondre en disant que le Magguid nous indique, par allusion, que c’est la Shékhina (la Présence divine) qui a complété le nombre des années. C’est ce que dit le Magguid « Hachem a considéré את » [ce mot] qui représente la Shékhina. La Shékhina a complété les הקץ 190 années manquantes par rapport aux 400 ans prévus [קץ ayant pour valeur numérique 190, le ה est l’article défini]. C’est ce que dit le Magguid « Hachem a considéré את » puisque את a pour valeur numérique היא השכינה = c’est la Shékhina [qui a complété le nombre des années d’exil prévues].
[ב] Sache-le bien, ta postérité séjournera sur une terre étrangère [littéralement : qui n’est pas à eux] on peut dire que Hachem avait déjà donné en allusion à Avraham le lieu de l’exil, car בְּאֶרֶץ לֹא לָהֶם (qui n’est pas à eux) a la même valeur numérique que זה במצרימה « c’est en Egypte », c’est-à-dire que c’est uniquement en Egypte que le décret annoncé à Avraham, dans « l’Alliance entre les morceaux » pouvait s’accomplir.
[ג] ta postérité séjournera sur une terre étrangère [littéralement : qui n’est pas à eux] et si tu t’interroges sur le fait qu’une mauvaise rumeur pourra alors sortir : « si les égyptiens possédaient les juifs, à plus forte raison possédaient-ils leurs épouses », c’est pour cela que le verset se termine par un pluriel (alors qu’il débute par un singulier) וַעֲבָדוּם וְעִנּוּ אֹתָם [littéralement] «ils les asservirons et les opprimeront» car comme les Hébreux se sont multipliés dans des conditions non conformes à la nature, cette mauvaise rumeur s’annule d’elle même. En effet, Hachem ne fait pas de miracle sur des iniquités[4], des mensonges. De plus, ils sortirent avec une grande richesse, cette richesse est sur le même registre que הִנֵּה נָתַתִּי אֶלֶף כֶּסֶף , voilà je te donne 1000 pièces d’argent. Cet argent correspond à celui donné par Avimelekh à Avraham (Genèse Ch. 20, v. 16) lorsqu’il avait kidnappé Sarah Iménou (l’épouse de Avraham) ; Avimelekh croyant que Sarah était célibataire l’a prise dans son « palais », lors de la libération et « en compensation » il donna à Abraham 1000 pièces d’argent. Miraculeusement, il était devenu impuissant.
[Explication : Le verset dit en effet
Et à Sara il dit: « Voici, j’ai donné mille pièces d’argent à ton parent : certes! il est pour toi comme un voile Pour tous ceux qui sont avec toi ; tous, tu peux les regarder en face. »
Rashi explique : Pour tous ceux qui sont avec toi Ils leur couvriront les yeux afin qu’ils ne te méprisent pas. Car si je te renvoyais les mains vides, il s’en trouverait pour dire : « Il la chasse de chez lui après avoir abusé d’elle ! » Mais du moment que j’ai dû engager une telle dépense pour te fléchir, tout le monde comprendra que c’est sous la contrainte, et par l’effet d’un miracle, que je t’ai renvoyée.
Cet argent prouve donc l’inanité du mauvais renom]
[ד] Autre explication, «ils les asserviront et les opprimeront…. et alors ils la quitteront avec de grandes richesses» comme l’explique le Rav נפתלי שׂבע רצון que la raison pour laquelle les Hébreux ont eu le mérite de sortir avec une grande richesse est dû au fait que les Egyptiens ont fait sortir un mauvais renom envers les Hébreux en se moquant d’eux et disant «Si les Egyptiens possédaient les juifs, à plus forte raison possédaient ils leurs épouses », et tous les Juifs étaient en conséquence des « bâtards». Or, la sanction pour quelqu’un qui médit (faussement) sur la fidélité d’une épouse est de payer 100 pièces d’argent.
C’est pour cela que les Hébreux ont pris les richesses d’Egypte, pour indiquer que cette médisance était injustifiée. C’est ce qui est dit dans notre verset ils les asserviront et les opprimeront pendant quatre cents ans, et, ne craint pas cette médisance que les Egyptiens auraient abusé des femmes juives car après, du fait de cette médisance injustifiée et alors ils la quitteront avec de grandes richesses, c’est-à-dire que de la même manière que celui qui est sanctionné pour avoir médit sur la fidélité d’une épouse et qui doit 100 pièces d’or, les Hébreux sont sortis avec des richesses.
[י] וגם (et aussi) : ce mot a la même valeur numérique que הטלה, l’agneau, qui est la divinité d’Egypte. L’agneau représente l’Ange d’Egypte [on dit également le « Prince » d’Egypte] (c’est-à-dire l’ange qui représente cette nation dans les sphères supérieures) et « l’Ange d’Egypte » a également été jugé par l’Eternel. C’est ce que dit le verset « et aussi le peuple » ce « aussi » qui est de « trop » vient inclure l’ange représentant l’Egypte. De plus, אֲשֶׁר יַעֲבֹדוּ qu’ils serviront le mot אשר lorsqu’on prend sa valeur numérique (501) et qu’on y ajoute le nombre de lettres (3) et on y ajoute 1 représentant le mot lui-même[5], on obtient 505 qui est la valeur numérique de השׂר « le Prince » (l’Ange d’Egypte). Egalement אשר peut se décomposer en א שר c’est-à-dire le « prince un », car D.ieu a commencé par faire succomber le Prince d’Egypte en premier.
[יא] Egalement כן יצאו ברכושׁ גדול , alors ils la quitteront avec de grandes richesses, lorsqu’on prend les dernières lettres de ces mots on trouve le mot לשון « lashon »= langue, cela vient nous rappeler ce qu’enseignent les Sages dans le midrash Rabba que les Hébreux n’ont pas changé de langue en Egypte, et grâce à cela, il en sortirent.
[1] Autre version מֵחַשֵׁב
[2] Il n’y a rien en trop dans la Torah. Si ces mots sont « en trop », c’est qu’ils viennent nous apprendre quelque chose de plus.
[3] Ndt : dans le Midrash Yalqouth Shimôni
[4] Le fait que les Hébreux auraient pu être des enfants de pères Egyptiens
[5] Ce type de Guématria est très classique