Une femme qui doute si elle a – oui ou non – récité le Birkat Hamazon Rav David Pitoun
Femme Birkat Hamazon
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QUESTION
Une femme qui a consommé un repas accompagné de pain, qui en a consommé une quantité minimale de Kazaït (27 g), et qui est également rassasiée de sa consommation mais qui a le doute si elle a – oui ou non – récité le Birkat Hamazon, doit-elle de nouveau le réciter dans le doute, comme c’est le cas pour un homme ?
DECISION DE LA HALAKHA
Lorsqu’on a un doute, ou bien lorsqu’il y a divergence d’opinion Halakhqiue parmi les décisionnaires sur la récitation d’une bénédiction, on ne la récite jamais par doute, selon.
Cependant, lorsqu’il s’agit du Birkat Hamazon dont l’obligation est ordonnée par la Torah, dans le cas d’un doute on est tenu de le réciter de nouveau si l’on est rassasié de ce que l’on a consommé.
Mais attention !!!
Ceci ne concerne qu’un homme dont l’obligation de réciter le Birkat Hamazon Min Ha-Torah est clairement établi dans le Talmud et les décisionnaires.
Mais lorsqu’il s’agit d’une femme – dont l’obligation Min Ha-Torah de réciter le Birkat Hamazon reste un doute (la femme n’en est pas moins tenue de le réciter par ordonnance de nos maîtres) – en cas de doute une femme ne récitera pas de nouveau le Birkat Hamazon, mais il est bon dans ce cas qu’elle l’entende de quelqu’un qui ne la pas encore réciter pour lui-même et qui pensera à acquitter cette femme qui aura – elle aussi – l’intention de s’acquitter par audition.
Puisque l’obligation Min HaTorah (par ordonnance de la Torah) pour une femme de réciter le Birkat Hamazon n’est pas clairement établie dans le Talmud et les décisionnaires, une femme ne peut également pas acquitter un homme du Birkat Hamazon si cet homme est rassasié de sa consommation.
Cependant, si l’homme n’a simplement consommé qu’une quantité de Kazaït de pain (27 g) sans être rassasié par d’autres aliments, la femme pourra l’acquitter du Birkat Hamazon.
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SOURCES ET DEVELOPPEMENT
Dans les précédentes Halakhot, nous avons expliqué le principe du Din de «Safek Berakhot Lehakel » (« Lors d’un doute sur la récitation d’une bénédiction, on ne la récite pas »), selon lequel chaque fois où l’on a un doute si l’on a – oui ou non – récité une bénédiction, on ne la récite pas dans le doute, puisque nous avons un principe selon lequel « Safek Derabbanan Lehakel » (« Lors d’un doute sur une loi instaurée par nos maîtres, nous allons à la souplesse »), or puisque le principe des bénédictions n’est que Miderabbanan (instauré par nos maîtres), on ne récite pas de nouveau la bénédiction dans le doute.
On n’est pas autorisé dans ce cas à s’imposer la rigueur de réciter malgré tout la bénédiction, car en agissant ainsi on s’introduit dans un risque de récitation de bénédiction inutile dont l’interdiction est très grave, en raison de la prononciation du Nom d’Hashem en vain.
Nous avons écrit que tout ceci est valable uniquement pour les bénédictions dont l’obligation n’est pas Min Ha-Torah (ordonnée par la Torah), mais lorsqu’il s’agit du Birkat Hamazon dont l’obligation est Min Ha-Torah, en cas de doute si l’on a – oui ou non – récité le Birkat Hamazon, on est tenu de le réciter de nouveau, comme nous l’avons expliqué en citant des détails sur ce point.
Nous devons maintenant débattre au sujet d’une femme qui a consommé du pain et s’est rassasiée de ce qu’elle a mangé, mais qui a le doute si elle a – oui ou non – récité le Birkat Hamazon. Doit-elle réciter de nouveau le Birkat Hamazon dans le doute – exactement comme un homme – ou non ?
En réalité, cette question dépend d’une autre question :
Les femmes sont-elles tenues Min Ha-Torah (selon la Torah) de réciter le Birkat Hamazon ou pas (elles le sont de toutes façons au moins Miderabbanan) ?
Si nous considérons que les femmes sont tenues Min Ha-Torah de réciter le Birkat Hamazon, il est certain que la femme doit – elle aussi – en cas de doute réciter de nouveau le Birkat Hamazon, mais si nous considérons que la femme n’est tenue que Miderabbanan (seulement par institution de nos maîtres) de réciter le Birkat Hamazon, de ce fait le Birkat Hamazon est pour la femme exactement comme toutes les autres bénédictions instaurées par nos maîtres, et en cas de doute, elle ne doit pas de nouveau le réciter.
Cette question est débattue dans la Guemara Berakhot (20b) :
En effet, selon la Mishna citée sur place, les femmes sont soumises à l’obligation de réciter le Birkat Hamazon.
Mais Ravina (un sage de la Guemara) demande à Rava si cette obligation pour les femmes est Min Ha-Torah ou Miderabbanan.
Rashi explique que l’interrogation de Ravina provient du fait qu’il est écrit dans le verset de la Torah à travers lequel nous apprenons l’obligation de réciter le Birkat Hamazon : « Tu mangeras, tu te rassasieras et tu béniras Hashem ton D. sur la terre qu’Il te donne. »
Or, la terre d’Israël n’a pas été donnée aux femmes par Hashem lors du partage de la terre, puisqu’à ce moment-là les femmes n’ont pas reçu d’héritage de la terre de façon indépendante, car le partage de la terre ne se faisait que par tribu.
Tossafot expliquent que dans le Birkat Hamazon , nous mentionnons « Berit Ve-Torah » (« l’alliance par l’étude de la Torah »), or d’une part, les femmes ne sont pas soumises à cette alliance puisqu’elles sont exemptes de l’obligation d’étudier la Torah (excepté les Halakhot qui les concernent), et d’autre part elles ne peuvent dirent le Birkat Hamazon en omettant ces termes puisque la Guemara tranche plus loin (49a) que si l’on a récité le Birkat Hamazon sans faire mention des notions de « Berit Ve-Torah », on n’est pas quitte et l’on doit recommencer.
Selon l’une ou l’autre de ces 2 explications, on peut apparemment dire que les femmes sont exemptes Min Ha-Torah de réciter le Birkat Hamazon (mais restent soumises à cette obligation Miderabbanan).
Rashi fait remarquer que les filles de Tselof’had ont reçu une part de la terre d’Israël, et de ce fait les femmes sont donc concernées par le partage de la terre.
Mais Rashi réfute lui-même cet argument du fait que la part reçue par les filles de Tselof’had revenait à l’origine à leur père qui avait fait partie de ceux qui étaient sortis d’Egypte, mais de par elle-même, elles n’auraient rien reçu, car l’héritage de la terre ne se faisait que selon les tribus qui étaient affiliées au père.
De ce fait, nous pouvons encore dire que les femmes sont exemptes Min Ha-Torah de réciter le Birkat Hamazon.
Hormis le sujet de notre question, il existe une autre incidence pratique au fait de définir si une femme est soumise à l’obligation de réciter le Birkat Hamazon Min Ha-Torah ou seulement Miderabbanan.
En effet, selon un principe « seule une personne soumise à une obligation peut acquitter une autre personne de cette même obligation ».
Or, dans l’hypothèse où la femme est soumise à l’obligation de réciter le Birkat Hamazon seulement Miderabbanan, elle ne peut pas acquitter un homme qui a consommé du pain et qui est rassasié de sa consommation puisqu’il est – lui – soumis à cette obligation Min Ha-Torah. Mais si l’on considère que la femme est soumise elle aussi à l’obligation de réciter le Birkat Hamazon Min Ha-Torah, elle peut tout à fait acquitter un homme qui a consommé du pain et qui est rassasié de sa consommation.
Nos maîtres les Rishonim (décisionnaires de l’époque médiévale) débattent afin de définir si en définitif, cette question fut – oui ou non – résolue dans la Guemara.
De nombreux Rishonim – comme le ROSH (dans ses décisions Halakhiques sur Berakhot) ; Rabbenou Zera’hya Ha-Levy auteur du Maor ; le RAAVAN (chap.154) ; le RAVEYA (sur Berakhot sect.61) ; le RAMBAM (chap.5 des Hal. relatives aux bénédictions, Hal.15 et 16) et d’autres… – considèrent que la Guemara n’a pas réussi en définitif à définir si la femme est soumise à l’obligation de réciter le Birkat Hamazon Min Ha-Torah ou seulement Miderabbanan.
Selon cette opinion partagée, une femme ne peut donc pas acquitter de Birkat Hamazon un homme qui a consommé du pain et qui est rassasié de sa consommation.
En revanche, d’autres Rishonim – comme le RAAVAD (dans ses remarques contre le RIF) ; le RAMBAN (dans son livre Mil’hamot Hashem sur Berakhot) selon qui tel serait également l’avis du RIF et des Gueonim ; le RASHBA (dans ses commentaires sur Berakhot) ; le RYTBA (dans ses commentaires sur Soukka 38a) ; le Meïri (dans ses commentaires sur Soukka 38a) ; le RAN (dans ses commentaires sur Soukka) – considèrent explicitement que la femme est soumise Min Ha-Torah à l’obligation de réciter le Birkat Hamazon et de ce fait, elle peut tout à fait acquitter d’autres personnes de cette Mitsva.
Mais d’autres Rishonim tranchent explicitement que les femmes ne sont soumises à l’obligation de réciter le Birkat Hamazon que seulement Miderabbanan et de ce fait, ne peuvent pas acquitter un homme qui a consommé du pain et qui est rassasié de sa consommation.
Parmi ces décisionnaires :
Rabbenou Yona (dans ses commentaires sur Berakhot) ; l’auteur du Nimouké Yossef (dans ses commentaires sur Bava Batra 81a) ; c’est également ce qui est rapporté dans les propos du Zohar Ha-Kaddosh (Terouma page 168b)
Du point de vue de la Halakha, le TOUR ainsi que MARAN dans le Shoul’han ‘Aroukh (O.H 186) tranchent que la question reste un doute et l’on ne sait pas si les femmes sont soumises Min Ha-Torah à l’obligation de réciter le Birkat Hamazon, ou seulement Miderabbanan, et de ce fait, elles ne peuvent pas acquitter un homme qui a consommé du pain et qui est rassasié de sa consommation. Si par contre l’homme n’a consommé qu’une quantité de Kazaït de pain et n’est pas rassasié de ce qu’il a consommé, une femme peut l’acquitter du BirKat Hamaazon puisque dans ce cas précis ils sont tous les deux soumis seulement Miderabbanan à l’obligation de réciter le Birkat Hamazon.
C’est pourquoi, sur le plan pratique, en raison d’un doute sur des bénédictions, notre grand maître le Rav Ovadia Zatsal Zatsal a rédigé une formidable Tshouva sur cette question dans son livre shou’t Ye’havé Da’at (tome 6), et conclut que puisqu’il y a un doute si la femme est soumise à l’obligation de réciter le Birkat Hamazon Min Ha-Tora ou seulement Miderabbanan, par conséquent une femme qui a le doute si elle a – oui ou non – récité le Birkat Hamazon, ne doit pas le réciter de nouveau dans le doute.
Malgré tout, puisque cette question reste un doute, si la femme en a la possibilité, il est bon dans ce cas là qu’elle écoute le Birkat Hamazon de la bouche d’un homme ou d’une autre femme qui n’ont pas encore récité le Birkat Hamazon, qui penseront à l’acquitter de son obligation, et la femme elle aussi pensera à s’acquitter de son obligation en écoutant ce Birkat Hamazon. En agissant ainsi, elle est quitte sans le moindre doute, et elle mérite que repose sur elle la Bénédiction.
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