Dracha Yom Kippour – Yéhouda Moshé Charbit
Dracha Yom Kippour
בס״ד
YOM Kippour
Yom Kippour est le jour où Hachem accorde à son peuple la possibilité de se racheter de ses fautes. Il s’agit du fameux jour où, après quarante jours de prières intensives, Moshé obtient le pardon du peuple pour la faute du veau d’or. Hachem lui dit alors : « J’ai pardonné selon tes paroles » ! Il est intéressant de noter que ce jour en lui-même est réparateur. Il ne s’agit pas tant d’un phénomène de repentir, quoique ce dernier soit indispensable. Il s’agit plutôt de comprendre que les forces dévoilées en cette journée sont aptes à réparer et à absoudre les fautes. Le procédé qu’Hachem met en place durant ce jour particulier est voué à accorder le pardon et à « forcer » une reconstruction.
Avant d’amorcer notre développement soulignons un commentaire extraordinaire du Sfat Émet (yom Kippour, année 655) concernant cette fête. Il cite les mots du Tanah dévé Éliyahou, qui rapporte que durant les quarante jours où Moshé implorait la miséricorde divine, les bné-Israël se sont joints à lui en s’affligeant par le jeûne du matin au soir. Seulement, le dernier jour, le peuple décide de jeûner depuis la veille et c’est ce fameux jour où le peuple a obtenu le pardon. Il s’agit du jour de Kippour. Les bné-Israël ont ainsi respecté le jeûne de Kippour sans même avoir reçu la loi concernant cette fête. Ils ont par cela réalisé un grand tikoun (réparation).
Nos sages expliquent en effet, que la faute du veau n’était pas anodine mais calculée. Pensant Moshé mort, le peuple a jugé utile de lui créer un remplaçant qui serait désigné pour canaliser les forces qu’Hachem aurait données à Moshé pour accomplir tous les miracles. Seulement, il s’agissait d’une grande erreur dans la mesure où, Hachem n’avait confié aucun pouvoir à Moshé, ce dernier n’étant qu’un émissaire de la puissance divine. Penser qu’un homme est dépositaire d’un quelconque pouvoir est de l’idolâtrie. Cela fait donc ressortir l’idée selon laquelle le peuple a fauté au terme d’une réflexion et non par simple tentation. En ce sens, le peuple a brisé un fondement de son alliance avec Hachem. En effet, lorsqu’Hachem propose la torah aux bné-Israël, ces derniers scandent une phrase extraordinaire : « נעשה ונשמע nous ferons et nous entendrons ». Cette attitude marque la dévotion totale des hébreux pour leur Créateur car le peuple affirme par là, sa volonté d’accomplir dans un premier temps, sans même rechigner ni s’interroger sur les intentions du Maître du monde « d’abord nous ferons ! ». Ce n’est qu’ensuite, s’ils le méritent, qu’ils pourront tenter de comprendre « et après nous entendrons. » Il apparaît donc que la faute du veau d’or se place aux antipodes de cette attitude car, le veau d’or est issu d’un processus où le peuple a réfléchi de par lui-même et ne s’est pas intégralement soumis. Il s’agit donc d’une démarche dans laquelle l’attitude vis-à-vis d’Hachem consiste d’abord à raisonner et à tenter de comprendre, pour aboutir à la pratique. Cette faute a donc « brisé » le « נעשה ונשמע nous ferons et nous entendrons », ciment de l’alliance entre Hachem et son peuple.
C’est justement là qu’intervient la réparation du peuple quant à son jeûne, le jour de Kippour, car avant même d’entendre les commandements sur le sujet, le peuple a accompli le commandement de Dieu. Sans s’en rendre compte, ils ont de nouveau fait vivre le « נעשה ונשמע nous ferons et nous entendrons » que le veau d’or a abimé, rendant le jugement divin favorable à leur égard.
Toutefois, il convient de comprendre que la torah précédait le monde, et donc les lois de Kippour devancent cet événement. Ainsi, ce n’est pas le fait que les bné-Israël aient jeûné qui leur a valu de « créer » Kippour. C’est parce qu’il s’agissait déjà de Kippour, même s’ils ne le savaient pas, que leur attitude a porté ses fruits et que leur jeûne a fait pencher la balance ! Dès lors, qu’est-ce qui se cache derrière ce jour pour que le pardon soit garanti ? Quelles forces sont mises en jeu en cette période si particulière ?
Pour obtenir une approche, rappelons ce que nous avons déjà dit concernant le chabbat. En effet, le Néfech Ha’haïm évoque une notion extraordinaire. L’être humain est un microcosme. À ce titre, tout ce qui existe dans l’homme existe dans le monde. Il apparaît donc que de même que l’homme dispose d’un corps et d’une âme, le monde s’inscrit dans cette configuration. Qu’est-ce qui constitue le corps et l’âme du monde ? Le corps est évidemment le monde lui-même en tant que matière. Son âme n’est autre que la présence divine elle-même! Ainsi le chabbat prend une toute autre dimension. La torah atteste que le septième jour Dieu a cessé ses activités « כי בו שבת מכל מלאכתו car en lui Il a cessé tous ses travaux », pourtant le septième jour est compté comme le septième jour de la création, il a lui-même été acteur de la création du monde. Comment résoudre cette apparente contradiction ?
La réponse est extraordinaire ! Le mot « שבת chabbat » connote le fait d’être assis. De façon imagée, Dieu s’est assis dans le monde durant le chabbat. De façon claire, le chabbat est le jour où le monde a reçu son âme ! Le monde est littéralement né le jour du chabbat car c’est en recevant son âme qu’il a pris vie ! La création du monde en sept étapes est donc une mise en place pour le monde de sa capacité à vivre, à recevoir la présence de Dieu. Le chabbat est donc à la source de la vie, il est l’étape créatrice ultime. Dès lors, de même qu’il a donné la vie, il a le pouvoir de la reconstituer et de rétablir les défaillances que nos fautes ont provoquées.
Toutefois, le chabbat repose sur une notion particulièrement complexe. Il s’agit d’unir la matière dans son expression la plus basse, avec le spirituel, au travers du raffinement que nous appliquons à la matière. Ceci constitue une des sphères les plus abouties du travail de l’homme et de fait, sa réalisation est extrêmement périlleuse. D’un côté le matériel représente la source de tous nos désirs et donc des forces du mal, et de l’autre côté, l’état spirituel de ce jour du chabbat est extrêmement élevé provoquant une grande capacité d’attraction vers la sainteté. Il est donc extrêmement difficile de lier ces deux notions bien qu’il s’agisse là de l’objectif absolu à atteindre. Dès lors, la vertu réparatrice du chabbat devient relativement inaccessible à celui qui est incapable de parfaitement dominer la matière pour l’élever spirituellement. C’est pourquoi il existe un chabbat particulier où Hachem « force » cet état des choses, permettant au commun des mortels de pouvoir jouir d’une telle puissance reconstructrice.
Il est impressionnant de noter combien la torah et nos sages relient le chabbat à Yom Kippour alors qu’un détail fondamental les oppose. En effet, Kippour est appelé le chabbat des chabbat et les règles qui s’y appliquent, incluent toutes les lois de chabbat. Cependant, une des plus importantes règles du chabbat est le ‘oneg, le profit matériel de ce jour, qui se caractérise par l’alimentation, chose qui est prohibée durant le jour de Kippour. Dès lors, placer ces deux instants sous le même drapeau est délicat. Pourquoi une des lois les plus importantes du chabbat est-elle exclue et même formellement interdite durant le chabbat des chabbats ?
La réponse se trouve peut-être dans ce que nous évoquions sur la complexité du chabbat. Justement le ‘oneg, cette touche marquée du monde matériel, rend difficile l’accès au dévoilement du chabbat. Et de facto, le pouvoir réparateur de ce jour échappe à nombre de juifs. C’est pourquoi, le jour de Kippour distingue le ‘oneg d’une part et le dévoilement spirituel d’autre part. En effet, il existe une règle importante concernant le jeûne de Kippour : il doit être précédé de nombreuses séoudot ! La veille de Kippour est marquée par de grands repas, il y a une mitsvah particulière de manger et de boire à satiété ! En clair, Yom Kippour est un chabbat réparti sur deux jours. Le 9 Tichri est le ‘oneg chabbat dans lequel nous devons matériellement nous épanouir, tandis que le 10 Tichri est le jour où le dévoilement n’est que spirituel sans la difficulté de le lier avec le ‘oneg ! La conséquence est phénoménale. Ce jour permet à tout juif, même celui de basse condition, d’accéder au pouvoir reconstructeur du chabbat dans toute son essence sans avoir à affronter la difficulté de joindre matériel et spirituel.
Ceci nous permet de comprendre un enseignement du talmud (traité béra’hot, page 31b) : « Rabbi Élazar a dit au nom de Rabbi Yossé ben Zimra : »quiconque s’engage dans un jeûne pendant chabbat, le tribunal céleste annule pour lui un décret même de soixante-dix ans de mal. » Et malgré tout cela, ils (le tribunal céleste) reviennent et le punissent pour avoir négligé le ‘oneg chabbat. Quelle est sa réparation (pour se repentir de sa faute) ? Rav Na’hman bar Yits’hak a dit : » il doit observer un jeûne supplémentaire » ».
Ce texte évoque d’une part la vertu expiatoire du jeûne le chabbat et d’autre part sa vertu accusatrice. C’est justement là que se condense tout notre propos. Le chabbat dispose de cette puissance de réparation des fautes, cependant il faut être en mesure d’y accéder par le biais du ‘oneg. Ainsi, celui qui jeûne en ce jour, supprime la difficulté et parvient à une source indiscutable de repentir : un décret pouvant aller jusqu’à soixante-dix années de souffrance sera littéralement détruit ! Par contre, agir de la sorte n’est pas le procédé requis pour le chabbat, car il s’agit de supprimer le ‘oneg qui est crucial en ce jour. C’est pourquoi, cela constitue également une faute qu’il conviendra de réparer par un nouveau jeûne. Par contre, Kippour est un jour où justement, cette attitude est requise afin d’accéder à l’étape expiatoire de façon certaine. Il s’agit d’un jour où nous supprimons la difficulté et sommes amenés au pardon ! Il dispose de tout le pouvoir réparateur du chabbat sans la complexité du ‘oneg !
Cela nous permet de comprendre un fait notoire de ce jour dans lequel nous disons la fameuse phrase « ברוך שם כבוד מלכותו לעולם ועד Béni soit le Nom de la gloire de Son règne à jamais ! » à voix haute. Comme chacun le sait, toute l’année nous chuchotons ce passage du chéma. Cette attitude est conséquente à celles de Yaakov et Moshé. Le premier a mentionné cette assertion à voix haute à ses fils, le jour de sa mort, tandis que le second a préféré la taire. Pour convenir aux deux attitudes, celle de Yaakov et celle de Moshé, nous la disons toute l’année mais à voix basse. Toutefois, le jour de Kippour, nous sommes comparables aux anges et la disons à voix haute. Cette façon de faire est justement la suite logique de ce que nous évoquons. Yaakov fait face à ses douze fils, tous tsadikim, lorsqu’il prononce cette phrase. Il s’agit de gens parfaitement aptes à atteindre les sphères les plus saintes bien que vivant dans un monde matériel. De fait, cette phrase d’une sainteté hors du commun, peut être prononcée devant eux. Par contre, Moshé, lui, a à faire à tout un peuple. Il est parfaitement concevable que devant une telle population, certains ne soient en mesure de prétendre à une telle dimension et ne soient donc pas capable d’exprimer le spirituel au travers du matériel. Il convient donc de taire cette phrase. Par contre, le jour de Kippour, où le matériel est complètement détaché du spirituel, tout juif atteint une perception dépourvue des souillures de notre monde. Ainsi le peuple dans son ensemble peut crier « ברוך שם כבוד מלכותו לעולם ועד Béni soit le Nom de la gloire de Son règne à jamais ! ».
Cette démarche de séparation des difficultés matérielles pour l’élévation spirituelle se poursuit même jusque dans le service que le cohen devait accomplir durant la journée. Une des lois que le cohen devait accomplir est celle des deux boucs, l’un pour Hachem, l’autre pour Azazel. D’après les sources profondes, Azazel fait référence au Satan (cf pirké dérabbi Éliézer chapitre 46). Cela soulève une question très connue. Offrir un sacrifice à un ange, qui plus est, l’ange du mal, constitue clairement de l’idolâtrie comme l’explique le Rambam (chapitre 2, halakha 1): « Principe fondamental des lois de avoda zara: Ne servir aucune créature: ni les anges, ni le soleil, ni les étoiles…. ». Comment une telle attitude peut-elle être de mise le jour de Kippour ?
À cela, le Or Ha’haïm (Vayikra, chapitre 26, verset 7) apporte une réponse passionnante. De façon simpliste, ce bouc destiné à Azazel est chargé de toutes les fautes du peuple. En effet, avant de l’envoyer, le cohen s’appuie sur l’animal afin de lui transmettre au travers de sa confession, l’impact négatif de toutes les fautes commises par le peuple. Partant du principe que chaque faute génère une source d’impureté, cette étape dans laquelle le cohen s’appuie sur le bouc, transmet toute la souillure du peuple à l’animal qui est destiné aux forces du mal. Il ne s’agit donc absolument pas d’un acte d’idolâtrie, mais le contraire ! Il s’agit de dénigrer totalement le mal et de l’affaiblir en ne lui accordant que l’impureté que nous séparons du peuple. Ainsi, ce procédé prolonge la démarche de Kippour qui consiste à séparer le matériel et son attrait négatif, pour pouvoir exprimer uniquement un état spirituel, en connexion totale avec Hakadoch Baroukh Hou !
Tel est l’enjeu crucial de ce jour qui transcende le monde. Un jour où tout est mis en place pour permettre l’accès aux sources les plus hautes du repentir, du retour à la sainteté ! Cela nous fournit d’ailleurs une façon cohérente de comprendre l‘entame de la prière de Kippour dans laquelle nous commençons par proclamer que nous acceptons les fauteurs à se joindre à nos prières. Bien que dans l’année, il y a une réticence à la présence des réchaïm, en ce jour, ils sont tolérés bien que mauvais. Il est maintenant évident que cela est motivé par notre certitude de les voir réussir à accéder au pardon par un simple effort, dans la mesure où tout est mis en œuvre pour qu’eux aussi soient pardonnés. Il ne leur suffira que de peu d’investissement et déjà, ils accèderont à de hauts niveaux de téchouva !
Yéhi ratsone que cette source intarissable de pardon que constitue Yom Kippour, se déverse sur tout le Klal Israël afin d’accorder à tous une bra’ha et une hatsla’ha dans toute l’oeuvre de nos mains ! Amen véamen.
Gmar ‘hatima tova.
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