Divré Torah Parashat Tsav – 5776
Yéhouda Moshé Charbit
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בס״ד
PARACHAT TSAV
La paracha tsav traite particulièrement des différents types d’offrandes que les bné israel devaient offrir devant l’autel pour Hachem, en détaillant les conditions et les règles pour offrir ces sacrifices.
Dans la fin de la paracha, la torah décrit les sept jours d’inauguration, durant lesquels Moshé intronise Aaron et ses fils en tant que Cohanim (Prêtres) du peuple hébreu, et qui seront dès lors chargés de s’occuper de toutes les offrandes du peuple.
Dans le chapitre 6 de Vayikra, la torah dit :
ה/ וְהָאֵשׁ עַל-הַמִּזְבֵּחַ תּוּקַד-בּוֹ לֹא תִכְבֶּה, וּבִעֵר עָלֶיהָ הַכֹּהֵן עֵצִים בַּבֹּקֶר בַּבֹּקֶר; וְעָרַךְ עָלֶיהָ הָעֹלָה, וְהִקְטִיר עָלֶיהָ חֶלְבֵי הַשְּׁלָמִים׃
5/ Quant au feu de l’autel, il doit y brûler sans s’éteindre: le cohen y allumera du bois chaque matin, y arrangera l’holocauste, y fera fumer les graisses du rémunératoire.
ו/ אֵשׁ, תָּמִיד תּוּקַד עַל-הַמִּזְבֵּחַ–לֹא תִכְבֶּה׃
6/ Un feu continuel sera entretenu sur l’autel, il ne devra point s’éteindre.
Sur le dernier verset que nous avons cité, le Chaar Aaron cite un commentaire que rapporte le Chlah Hakadoch au nom du mékoubal Rav Moshé Kordovéro : « un ancien nous a appris à annuler notre pensée (l’influence du mal dans notre esprit) en disant ce verset à plusieurs reprises, et à mes yeux il est clair que cet ancien n’était autre qu’Éliyahou Hanavi qui, par sa grande humilité ne voulait pas se dévoiler. »
Tentons de percer le secret qui se cache derrière ce verset. Pourquoi possède-t-il la capacité de détruire l’influence du mal ?
Pour avoir une amorce de réflexion, il convient de s’arrêter sur une question fréquemment posée sur les sacrifices. En effet, comme nous le voyons depuis la semaine dernière, la torah énumère les différents procédés à suivre pour faire les sacrifices, et de fait, elle cite toutes les catégories de sacrifices. Ainsi, en fonction du but recherché, que ce soit la réparation d’une faute, ou encore le désir de remercier le Maître du monde, il existe un sacrifice précis. Plus encore, la nature du sacrifice est parfois dépendante des moyens dont dispose la personne qui l’offre. Toutefois, nous constatons que, quel que soit le sacrifice ou les moyens de son propriétaire, jamais la torah ne suggère d’apporter un animal issu des milieux marins, aucun poisson ne figure dans la liste des possibilités de sacrifice.
Pourquoi la torah exclue-t-elle cette espèce animale, qui est pourtant plus que nombreuse sur notre planète ?
Une approche adéquate de ce sujet nécessite la définition de ce qu’est un sacrifice, de son utilité. Comme chacun le sait, pour vivre, l’homme a besoin d’une âme et d’un corps. Par nature, ces deux composants ne se correspondent pas et se repoussent mutuellement, d’où la nécessité de leur fournir une énergie de liaision. Cette fonction est assurée par la nourriture. Rav ‘Haïm de Volozhin (dans le Néfech HaHaïm) nous explique sur ce modèle, que le monde est également constitué d’un corps et d’une âme ! Le corps du monde est constitué par l’univers physique et tangible, tandis que son âme est la présence divine, à savoir Hachem ! La comparaison est bien connue de Hazal qui n’ont de cesse d’expliquer que si Hakadoch Baroukh Hou se retirait un instant du monde, il retournerait au néant, à l’image de l’âme qui, lorsqu’elle quitte le corps humain provoque sa mort. La matière est le corps de l’univers, son âme n’est autre que Dieu lui-même. Ainsi, de même que la nourriture constitue l’énergie de cohésion entre l’âme et le corps de l’homme, il existe une nourriture particulière qui permet le maintien de la présence divine dans l’univers. Cette nourriture s’appelle korban, sacrifice ! C’est d’ailleurs pour cela que la Torah abonde de termes comparant les sacrifices au « repas » du Maître du monde ! Cela n’a rien d’étonnant dans la mesure où, le mot korban lui-même provient de la racine karev qui signifie « rapprocher ». Le korban est donc le vecteur du rapprochement entre l’âme, la présence divine, et le corps, le monde. De même qu’un homme mange des animaux pour survivre, de même le monde a besoin de sacrifices pour maintenir la che’hina dans ses frontières.
Il s’avère donc que le risque d’éloignement de la présence divine doit être compensé, et c’est justement le rôle que jouent les offrandes. Toutefois, pourquoi la présence d’Hachem a-t-elle tendance à fuir notre monde ? Pourquoi ne reste-t-elle pas naturellement ancrée dans la sphère terrestre ?
Nos sages expliquent que ceci est dû à la faute, qui cause une incompatibilité entre le saint et le profane. Dieu ne se manifeste qu’au travers de la pureté qui se veut opposée à la faute. Ceci nous amène donc à constater que le premier éloignement de Dieu s’est produit suite à la première faute, celle d’Adam Harichone.
À ce titre, Rachi évoque le champs d’action de cette dernière. En effet, la torah dit (Béréchit, chapitre 3, verset 6) :
וַתֵּרֶא הָאִשָּׁה כִּי טוֹב הָעֵץ לְמַאֲכָל וְכִי תַאֲוָה-הוּא לָעֵינַיִם, וְנֶחְמָד הָעֵץ לְהַשְׂכִּיל, וַתִּקַּח מִפִּרְיוֹ, וַתֹּאכַל; וַתִּתֵּן :גַּם-לְאִישָׁהּ עִמָּהּ, וַיֹּאכַל
La femme jugea que l’arbre était bon comme nourriture, qu’il était attrayant à la vue et précieux pour l’intelligence; elle cueillit de son fruit et en mangea; puis en donna aussi à son époux, et il mangea.
Rachi note que le mot en gras semble inutile, signifiant un enseignement supplémentaire. C’est pourquoi, il explique qu’en plus de donner à Adam de ce fruit, ‘Hava en a donné aux animaux domestiques et sauvages. La contamination ne s’est donc pas limitée à l’homme. Pourquoi les animaux ont-ils également subi cette déchéance ? Qu’est-ce qui les unit à la transgression de l’homme ?
Nous avons en réalité déjà abordé cette question (cf dvar torah béréchit 5774, pour plus de développement sur le sujet). Lorsque Dieu crée le monde, il demande à la terre de faire pousser des arbres fruitiers. Sur cela, Rachi (béréchit, chapitre 1, verset 12) évoque la désobéissance de la terre face à l’ordre du Maître du monde. Effectivement, la lecture des versets nous montre qu’Hachem a demandé des arbres fruitiers donnant des fruits. L’ordre était de créer un arbre qui a lui-même le goût du fruit qu’il produit. Cependant, la terre n’a pas fait ainsi ; elle a fait pousser des arbres produisant des fruits, mais n’ayant pas eux-mêmes le goût du fruit. C’est pourquoi, par la suite lorsque l’homme fautera, la terre aussi sera punie de cette désobéissance et sera donc maudite.
Cette « désobéissance » de la terre est induite par la création de l’ange du mal qui la précède, et qui de facto génère un manque, une partie incomplète dans le monde. C’est justement à l’homme, de par ses bonnes actions, d’élever la création à un niveau supérieur. Or, nous constatons que la base d’action du mal, le point sur lequel il s’est exprimé dans la création du monde, est la terre et ses produits. Ceci a pour conséquence évidente de créer un lien qui réunit tous les produits de la terre. Puisque l’objectif de ce manque que Dieu a autorisé, est d’être comblé par les bonnes actions, cela nous amène à déduire que les mauvaises actions ont le résultat inverse, et empirent les choses, elles ont un effet destructeur. La faute d’Adam détériore donc tout ce qui est issu de la terre, de sorte que les animaux et même les végétaux en pâtissent. C’est pourquoi, la faute concernait également le règne animal !
Toutefois, Rav Tsadok de Louvline, remarque que ceci n’est pas le cas pour le monde sous-marin et pour deux raisons. Non seulement, il paraît impossible de concevoir que ‘Hava ait eu accès aux poissons pour la simple et bonne raison qu’elle n’est pas allée jusque dans les océans pour les contaminer. Mais plus encore, les poissons sont créés à partir de l’eau et non de la terre. Ce qui rendrait leur contamination inutile car le défaut, l’imperfection ne concerne que ce qui provient de la terre.
Le poisson n’entre donc pas dans le cadre de la faute d’Adam Harichone ! Cela nous amène à comprendre quelque chose d’extraordinaire. D’après les sources profondes, la faute dont nous parlons a provoqué la naissance du pire ennemi d’Israël, il s’agit du peuple d’Amalek (cf, dvar torah tétsavé 5773). La définition que nous venons de fournir, nous montre le champs d’action de ce peuple : tout produit de la terre est donc concerné, de l’homme à la plante. Seuls les poissons, n’étant pas liés à la terre sont affranchis de ce mal qui ronge le monde. Cela amène le Maassé Avot Simane Labanim (tome 2, page 156) à une corrélation époustouflante. La torah atteste que dans le peuple juif, celui qui est en mesure de faire face à Essav et donc à Amalek qui est son descendant, n’est autre que Yossef. Comme le note Rachi (béréchit, chapitre 30, verset 25) lorsque Ra’hel accouche de Yossef, Yaakov décide de retourner chez lui, et ne s’inquiète plus de son frère Essav car, pour reprendre son propos : « L’ennemi d’Essav est venu au monde (Beréchith raba 73, 6), ainsi qu’il est écrit : » la maison de Yaakov sera feu, la maison de Yossef flamme, et la maison d’Essav, paille » (‘Ovadya 1, 18). Un feu sans flamme n’a pas d’impact sur ce qui est à distance. Lorsque Yossef est né, Yaakov a été assuré qu’Hakadoch Baroukh Hou lui donnerait la victoire et il a pris la décision de rentrer chez lui. »
Quelle est dont la particularité de Yossef, pour qu’il puisse, plus que quiconque, s’opposer à Essav ?
La réponse se trouve dans la bénédiction que Yaakov octroie à son fils avant sa mort (parachat vayé’hi, chapitre 48, verset 16) lorsqu’il dit : « וְיִדְגּוּ לָרֹב, בְּקֶרֶב הָאָרֶץ Puisse-t-il multiplier à l’infini au milieu de la terre. » Sur quoi, Rachi souligne l’origine du mot »וְיִדְגּוּ » qui tire sa source dans la racine »דג un poisson » et explique la bénédiction de Yaakov comme suit : « Comme les poissons (daguim) qui fructifient et se multiplient sans que le mauvais œil ait prise sur eux. » Par là, nous comprenons, que les forces du mal, n’ont pas d’impact sur le poisson, et ceci se justifie parfaitement au vu de ce que nous avons expliqué. Ainsi, Yossef, qui est symbolisé par cet animal, dispose de l’antidote contre Amalek, et se positionne donc en tant qu’ennemi de ce dernier.
Plus encore, nous remarquons que le mois d’Adar, mois durant lequel le peuple juif a vaincu Haman, descendant d’Amalek, est justement symbolisé par le poisson. Il s’avère que la même dichotomie s’applique au mois de Adar et à Yossef. Comme chacun le sait, il n’existe pas de tribu de Yossef, car ce sont ses deux fils qui ont hérité d’une lignée à part entière. Ainsi, la torah parle tantôt de la « tribu de Yossef » au singulier pour englober les deux sous-tribus, tantôt, au pluriel en séparant les tribus d’Éphraïm et Ménaché. Parallèlement, le mois d’Adar est régulièrement doublé dans le calendrier, avec certaines années, un seul mois et d’autres deux mois d’Adar !
Par ailleurs, lorsque le mois d’Adar est doublé, il y a alors treize mois dans un calendrier sensé n’en comporter que douze. Cela place le mois d’Adar chéni dans un cadre surnaturel, il ne fait pas partie du temps d’une année normale. Or, tous les mois de l’année sont placés sous un « mazal », en ce sens où les forces naturelles gouvernent ces périodes. La conséquence évidente à cela est d’affirmer que le mois d’Adar chéni sort du cadre de gouvernance régi par les lois de la nature car il n’existe que douze mazalot, et ce mois se positionne en treizième partie. Nous trouvons d’ailleurs un commentaire extraordinaire du ‘Hizkouni (béchala’h, chapitre 17, verset 9) qui explique lors de la guerre contre Amalek, que Moshé a enjoint Yéhochoua de choisir des hommes nés durant le second mois d’Adar. De la sorte, aucune sorcellerie issue d’Amalek ne pourra les atteindre car ils ne sont placés sous aucun signe astral.
Cet effet spécifique découle peut-être de l’astre qui dirige normalement le mois d’Adar lorsqu’il n’y en a qu’un seul. En effet, nous pourrions nous demander pourquoi, de tous les mois de l’année, est-ce celui d’Adar qui est doublé ? Nos sages auraient pu choisir d’autres périodes, par exemple, le mois de ‘Hechvan, qui se veut plus neutre, dans la mesure où aucun événement n’y prend place ?
Peut-être pouvons-nous avancer l’idée suivante. À savoir qu’en temps normal, le mois d’Adar est sous le signe du poisson, celui-là même que nous avons défini comme détaché de l’impact du mal. Comme Rachi l’a souligné plus haut, les poissons « se multiplient sans que le mauvais œil ait prise sur eux. » Quel mois est donc le plus désigné pour s’extraire du cadre naturel, pour se soustraire à l’emprise des forces du mal dans une expression parfaite ? D’autant que, c’est lorsqu’il y a deux mois d’Adar, que la réelle valeur de cette période est atteinte, car c’est seulement dans ces conditions que la descendance de Yossef est intégralement représentée.
Nous pouvons maintenant revenir à notre propos initial afin d’y apporter une réponse. Notre développement nous amène à la conclusion que, de toutes les espèces que Dieu a créé, il en est une, qui n’a pas de lien avec le mal, qui n’est pas soumise à son emprise, à sa domination. Il s’agit du poisson. Or, comme nous l’avons vu, l’objectif profond des sacrifices est de résorber la distance que la faute engendre entre Hachem et ce monde. Cette distance étant conséquence de la charge négative qui impacte notre monde lors d’une faute, il convient alors, de réduire cette charge en détruisant ce qui la cause. C’est pourquoi, seuls les produits de la terre sont présentés sur l’autel des sacrifices, car leur combustion détruit les forces du mal qui planent sur la terre et de facto, cela rapproche la présence divine. Nous comprenons donc parfaitement que le poisson ne trouve aucunement sa place dans les sacrifices, dans la mesure où il n’a pas de lien avec cette distance, il n’est pas impacté par le mal, et sa combustion ne peut donc être le vecteur d’un retour de la présence d’Hachem.
À ce titre, nous comprenons le conseil extraordinaire d’Éliyahou Hanavi. La torah demande la présence d’un feu permanent sur l’autel des sacrifices. En clair, en permanence le beth hamikdach doit s’opposer à la présence du mal, le brûler, le détruire afin d’attirer la présence divine. D’où l’aspect purificateur de ce verset, qui évoque la suppression des forces négatives. Le marmonner sans cesse est donc forcément rédempteur, et permet d’écarter tout impact du yetser hara sur notre esprit !
Yéhi ratsone qu’Hachem réamorce rapidement cette démarche de destruction du mal, en brûlant définitivement l’ange du mal afin de nous permettre de nous dévouer à Son service, amen véamen.
Chabbat chalom.
One Comment
amar
RECEVOIR PARAHA DE LA SEMAINE ..MERCI