PARACHAT Pékoudé (5776)
Yéhouda Moshé Charbit
Nous vous recommandons vivement le site de Y. M. Charbit : Yamcheltorah
Pour télécharger le fichier correspondant : Télécharger “Parashat pékoudé 5776 - Yéhouda Moshé Charbit” pékoudé-5776.pdf – Téléchargé 240 fois – 110,13 Ko
בס »ד
PARACHAT PEKOUDÉ
La paracha pékoudé clôture le deuxième livre de la torah. Dans cette section, Moshé poursuit le dénombrement, à la seule différence que ce ne sont plus les bné israel qui sont ici recensés, mais les offrandes qu’ils ont réunit pour la conception du michkan. Ainsi Moshé énumère le compte exacte des offrandes d’or, d’argent et de cuivre afin d’expliciter la façon dont Betsalel s’en servira pour fabriquer le michkan et tous les ustensiles qui l’accompagne. Suite à quoi, Moshé décrit la fabrication des habits du cohen. Une fois le travail finit, Moshé érige lui-même le michkan, enfin prêt pour recevoir la présence divine qui se manifeste par une colonne de nuée recouvrant la tente d’assignation. Notre paracha décrit enfin l’étape finale de la fabrication du michkan. Une fois cela terminé, Moshé Rabbénou béni les bné-Israël en leur souhaitant que la présence divine puisse résider parmi eux.
Dans le chapitre 38 de Chémot, la torah dit :
:כא/ אֵלֶּה פְקוּדֵי הַמִּשְׁכָּן מִשְׁכַּן הָעֵדֻת, אֲשֶׁר פֻּקַּד עַל-פִּי מֹשֶׁה: עֲבֹדַת, הַלְוִיִּם, בְּיַד אִיתָמָר, בֶּן-אַהֲרֹן הַכֹּהֵן
21/ Ce sont les comptes du tabernacle, le tabernacle du témoignage, qui ont été comptés sur l’ordre de Moshé ; service des Léviim sous la direction d’Ittamar fils d’Aaron le Cohen.
:כב/ וּבְצַלְאֵל בֶּן-אוּרִי בֶן-חוּר, לְמַטֵּה יְהוּדָה, עָשָׂה, אֵת כָּל-אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה אֶת-מֹשֶׁה
22/ Et Betsalel, fils d’Ouri, fils de ‘Hour, de la tribu de Yéhouda, fit tout ce qu’Hachem avait ordonné à Moshé.
:כג/ וְאִתּוֹ, אָהֳלִיאָב בֶּן-אֲחִיסָמָךְ לְמַטֵּה-דָן–חָרָשׁ וְחֹשֵׁב; וְרֹקֵם, בַּתְּכֵלֶת וּבָאַרְגָּמָן, וּבְתוֹלַעַת הַשָּׁנִי, וּבַשֵּׁשׁ
23/ Et avec lui, il y avait Aholiav fils d’A’hissamakh de la tribu de Dan, graveur, artiste et brodeur en étoffes d’azur, de pourpre, d’écarlate,et de lin fin.
Sur le premier verset, Rachi remarquable que le mot » משכן tabernacle » est écrit deux fois et commente : « Deux fois, en allusion au temple qui a été pris en gage ( le mot » משכן tabernacle » peut se prononcer » משכון gage ») lors de deux destructions à cause des péchés d’Israël ».
Rabbénou Bé’hayé approfondi l’allusion mentionnée par Rachi en relevant que le mot » המשכן le tabernacle » tel que mentionné en premier dans le verset, a pour valeur numérique 415, ce qui, en ajoutant le collel de chaque lettre (c’est-à-dire en comptant chaque lettre comme une valeur), fait référence au temps durant lequel le second Beth Hamikdach a existé. De même, le mot » משכן tabernacle », apparaissant en second dans le texte, a pour valeur 410 renvoyant à la durée de premier temple. Plus encore, le mot »העדת témoignage » a pour valeur 479 (avec le collel de chaque lettre) afin de refléter les années qui sépare le » משכן tabernacle » construit par les hébreux dans le désert à l’époque de Moshé, et le premier Beth Hamikdach apparue à l’époque de Chlomo.
Le ‘Hatam Sofer justifie la nécessité de compter le collel de chaque lettre pour le cas du second temple, car cette valeur ajoute cinq unités au calcul. Cela est à mettre en corrélation avec ce qu’enseignent nos sages dans la guémara (traité Yoma, page 9b) : « Cinq choses manquaient dans le second temple (mais étaient présentent dans le premier) : L’arche avec son couvercle et les chérubins, le feu, la présence divine, l’esprit saint, et les Ourim Vétoumim. ». C’est pour souligner ce manque entre les deux temples que la torah a volontairement retiré le chiffre cinq que seul l’ajout du collel compense.
La question qui se pose à ce niveau est de comprendre la raison de cette allusion. Pourquoi la torah vient faire une remarque sur la destruction des deux temples au moment de la construction du » משכן tabernacle » ? Il s’agit de moment que tout oppose et le choix du message semble donc inapproprié.
De même, la suite du commentaire de Rachi attire l’attention : « » משכן העדת tabernacle du témoignage » : c’est un témoignage pour Israël qu’Hakadoch Baroukh Hou a renoncé à les punir pour la faute du veau d’or puisqu’Il a fait résider Sa présence parmi eux. »
Cette analyse de Rachi est surprenante, dans la mesure où, de façon générale, lorsque la torah emploi les mots ‘ משכן העדת tabernacle du témoignage » cela fait référence au fait que l’arche contenait les tables de la loi qui sont appelées »témoignage ». Pourquoi Rachi, extrêmement méticuleux à respecter le sens littéral des versets, s’oriente plutôt vers une explication en relation avec le veau d’or, et n’explique pas le verset dans son sens évident ? Qu’a t-il vu pour faire la corrélation avec le veau d’or ?
Le Malbim (erets ‘hemda, chémot, page 36) demande pourquoi Moshé a compté et pesé tous les matériaux du michkan, alors que cela semble dangereux. En effet, nos sages enseignent que la bénédiction ne repose que dans ce qui est « caché de l’oeil », à savoir que le recensement, le fait de mesurer attire le mauvais œil et s’avère donc risqué. Dans le cas du michkan, l’attitude de Moshé est donc surprenante et incohérente. Bien-sûr, venant de Moshé, il est fort probable que cela soit la suite d’une réflexion sur le sujet, et non un simple caprice. Justement, le Malbim explique l’enseignement que nous venons d’évoquer. Ainsi, la bénédiction ne repose que sur ce qui est caché car ainsi, l’homme n’a pas d’emprise dessus, c’est seulement le Maître du monde qui la gère sans être affecté par quoique ce soit d’externe. À l’inverse, lorsque les choses sont mesurées, alors l’homme dispose d’un semblant de gestion, du moins en apparence. À savoir que les actes de l’homme auront une répercussion sur la bénédiction qu’il recevra.
Cela nous permet de comprendre le choix de Moshé, de compter chaque élément du michkan. Par cela, Moshé »abaisse » la puissance de ce dernier en le rendant dépendant de l’homme. Initialement, si le michkan n’avait pas subit ce processus, en tant que construction destinée au Maître du monde, qui de plus a été érigé par Moshé lui-même, alors, ce dernier se serait inscrit dans un cadre parfaitement spirituel, sans défaillance, le rendant éternel et donc indestructible. La conséquence de ce niveau de perfection aurait été fâcheuse pour le peuple. Moshé, connaissant la nature des bné-Israël, est parfaitement conscient de l’avenir qui se profile devant eux, et ce dernier est malheureusement chargé de lourdes fautes. En donnant la possibilité au michkan d’être affecté par le mauvais œil, d’être sous l’emprise de l’homme, Moshé confère à ce dernier un statut inférieur à celui qu’il aurait pu être. Ceci est fait a dessein, car de la sorte, le michkan ne s’inscrit plus dans l’éternité, au contraire, il dispose de failles, il dépend de l’attitude de l’homme. Par cela, Moshé assure la survie des bné-Israël au fil de l’histoire, permettant de faire subir au michkan et donc au temple qui lui succédera, le sort qui aurait du s’abattre sur les bné-Israël. C’est justement ce qui se produit, lorsqu’Hachem détruit le Beth Hamikdach, et laisse Sa colère de répandre sur le bois et les pierres de Son sanctuaire plutôt que sur les membres de Son peuple.
Par cela, nous comprenons pourquoi Rachi relie les versets qui entament notre paracha avec la destruction futur des temples, car justement, les premiers mots de la paracha, sont « aaaaaa ». Ce que Rachi met donc en avant, c’est que dès son apparition, le michkan est liée au mauvais œil, au risque de disparaître, car il est dénombré !
Toutefois, cela ne peut suffire, car Rachi justifie la destruction des temples par la faute des bné-Israël. Or, même si le verset souligne le risque lié au recensement, où trouve t-on un rapport avec les fautes que commettront les bné-Israël ?
Le Malbim apporte une citation du talmud yérouchalmi qui va nous permettre de comprendre : « Si les bné-Israël n’avaient pas fauté avec le veau d’or, les mains de Moshé seraient devenues les ustensiles saints destinés à s’occuper des tables de la loi, de sortes qu’il serait entré avec eux en Israël, et aucune nation n’aurait alors pu les dominer. Mais à cause de la faute du veau d’or, il a fallu posé les tables dans l’arche encadré par la tente qui constitue le michkan ». Cette citation met un relief une notion extraordinaire : le fait que le michkan contienne les tables de la loi est la preuve de l’erreur des bné-Israël, c’est un témoignage de leur faute ! Car dans des conditions optimales, les mains de Moshé auraient dû jouer ce rôle ! La présence du michkan est donc un rappel criant de la faute provoquant la « mise à l’écart » de Moshé. Sans cela, il aurait accompagné le peuple dans sa conquête de la terre sainte, rendant cette dernière définitive ! C’est pour cette raison que le verset est formulé de la sorte : « אֵלֶּה פְקוּדֵי הַמִּשְׁכָּן מִשְׁכַּן הָעֵדֻת Ce sont les comptes du tabernacle, le tabernacle du témoignage ». Comme l’a dit Rachi : « en allusion au temple qui a été pris en gage lors des deux destructions à cause des péchés d’Israël », car le fait que le tabernacle, soit le » tabernacle du témoignage » qui, comme nous l’avons dit ramène dans son sens premier au fait que les tables de la loi y résidaient, soulignent le fait qu’elles ne sont plus entre les mains de Moshé ! Plus précisément la torah souligne ici la faute du veau d’or, responsable de cette situation ! C’est dans cette mention inscrite en filigrane que nos sages voient la faute comme cause à la destruction futur des bné-Israël. Plus encore, cela répond à notre seconde question concernant Rachi. Nous nous demandions pourquoi comprenait-il notre verset comme faisant allusion à la faute du veau d’or plutôt qu’aux tables de la loi. Justement, Rachi ne s’éloigne pas de l’explication littéral, et en effet, le verset parle des tables de la loi, seulement, ce que vient ajouter le maître est l’explication de cette mention, pourquoi met-on en avant les tables de la loi à ce niveau. Et la réponse qu’il apporte suit son précédent enseignement : « à cause des péchés d’Israël » qui apporteront la destruction des temples, qui aurait pu être évité sans la faute du veau d’or qui aurait permis à Moshé d’entrer en Israël !
Maintenant que nous avons compris le cheminement de Rachi, il convient de poser une dernière question. Dans le deuxième commentaire que nous avons cité, Rachi explique que la michkan est la preuve qu’Hachem a renoncé à punir le peuple pour sa transgression. Toutefois, ceci un autre commentaire du maître. En effet, dans la paracha Ki tissa, concernant la réponse d’Hachem à la prière de Moshé, Rachi écrit (chapitre 32, verset 34) : « Maintenant Je t’ai écouté pour ne pas les détruire en une fois, et toujours, toujours quand Je les punirai de leurs fautes, Je rappellerai à leur propos un peu de cette faute en plus des autres fautes. Aucune punition ne vient surIsraël sans qu’il n’y ait un peu de châtiment pour la faute du veau d’or. »
Nous voyons donc clairement qu’Hachem n’a pas réellement renoncé à punir le peuple, Il a simplement étalé cette dernière dans le temps afin de ne pas anéantir les bné-Israël d’un seul coup. Dès lors, pourquoi Rachi dit-il dans notre paracha, que le michkan est la preuve qu’Hachem a renoncé à punir le peuple ?
Pour répondre à cela, penchons-nous sur un commentaire du Rabbi Avraham Azoulay, le ‘Hida (‘Hessed léavraham, mayane 4, naar 7) : « Lors de la création du monde, Adam se trouvait dans le Jardin d’Eden, toutefois, le reste du monde n’a pas été créé pour rien. En réalité, Adam sortait du Jardin pour tous ses besoins corporels. Le Jardin était pour lui comme le Beth Hamikdach, comme une synagogue pour prier, comme une beth hamidrach pour étudier la torah et prophétiser avec Hachem. Le reste du monde lui servait pour sa vie matérielle. »
Nous voyons par là une chose remarquable. Le Jardin d’Éden constituait le lieu de sainteté et de connexion avec Dieu, tandis que le reste du monde servait pour le reste de ses activités. Suite à sa faute, Adam est expulsé de ce lieu de liaison avec Hachem, et n’a plus le droit d’y retourner. Or, nos sages enseignent que la faute du veau d’or est dans son essence la même que celle d’Adam. Dans les faits, comme nous le mentionnons souvent, au moment du don de la torah, les bné-Israël avaient réparé la faute d’Adam, ce qui signifie qu’ils auraient du pouvoir retourner au Jardin d’Éden, lorsqu’ils auraient atteint l’expression complète de leur adhésion à Hachem, à savoir en entrant en Israël. Ainsi, le veau d’or les a privés de cela, tout comme Adam lorsqu’il a commit son pêché ! Seulement nous constatons une grande différence entre Adam et les peuples hébreux. Lorsqu’Adam faute, il est purement et définitivement chassé du Jardin, sans aucun moyen de retours, ni aucune substitution à ce lieu. Par contre, lorsqu’il s’agit de la faute du veau d’or commise par les hébreux au moment du don de la torah, nous observons qu’Hachem leur demande de créer un michkan, un lieu où la présence divine s’exprimerait, le lieu des sacrifices, le lieu où le Maître du monde s’adressait à Moshé ! En clair, bien que privés du lieu ultime qu’était le Jardin d’Éden, le peuple dispose d’un recours, chose dont n’a pas bénéficié Adam au lendemain de sa faute !
En ce sens, peut-être que nous pouvons comprendre les deux commentaires de Rachi que nous croyions contradictoires. Ainsi, en effet, Hachem n’a pas pardonné la faute du veau d’or et nous en fait toujours subir les conséquences. Seulement, bien qu’ayant perdu le mérite d’une proximité avec Lui comme celle que connaissait Adam, Il a du moins accordé l’opportunité de le côtoyer de façon intense au travers du michkan, réplique réduite de ce lieu initial ! Hachem a donc fait preuve de plus clémence avec le peuple qu’avec Adam. Le Michkan est donc bien la preuve qu’Hachem a pardonné !
Puissions-nous bientôt contempler la splendeur qui se dégageait du Beth Hamikdach afin d’achever définitivement la réparation de nos fautes !
Chabbat chalom.