Divré Torah Parashat Chémini – 5778
Y. M. Charbit
Parashat Chémini
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בס״ד
Parashat Chémini
La paracha de Chémini débute par le récit des différents sacrifices et offrandes qu’Aaron et ses fils ont apportés pour inaugurer le michkan. Les sacrifices terminés, Moshé et Aaron entrent ensemble dans la tente d’assignation pour implorer Hachem. À leur sortie, ils bénissent le peuple et, un feu sort et consume les offrandes sur le michkan. C’est à ce moment que Nadav et Avihou, les fils d’Aaron, apportent un feu étranger qui n’avait pas été réclamé. À cause de cette erreur, un feu divin les dévore et leur ôte la vie. Moshé demande alors d’évacuer les corps des défunts à l’extérieur du camp. Cependant, malgré leur douleur, il fut interdit à Aaron et ses fils restants de prendre sur eux le deuil, du fait qu’ils se trouvaient dans les jours d’inauguration du michkan. Ils ont donc poursuivi leur office. La paracha se poursuit par l’explication aux bné-Israël des lois distinguant les animaux permis à la consommation de ceux qui sont interdits. Hachem explique au peuple que toute consommation de ces animaux interdits rend l’âme impure. Or, en tant que peuple d’Hachem, à son image, nous devons être purs.
Dans le chapitre 10, verset 16, la torah dit :
וְאֵת שְׂעִיר הַחַטָּאת, דָּרֹשׁ דָּרַשׁ מֹשֶׁה–וְהִנֵּה שֹׂרָף; וַיִּקְצֹף עַל-אֶלְעָזָר וְעַל-אִיתָמָר, בְּנֵי אַהֲרֹן, הַנּוֹתָרִם, לֵאמֹר
Au sujet du bouc expiatoire, Moshé fit des recherches, et il se trouva qu’on l’avait brûlé. Irrité contre Éléazar et Ithamar, les fils d’Aaron demeurés vivants, il dit:
…
Plus loin, au chapitre 11, verset 42, la torah dit :
כֹּל הוֹלֵךְ עַל-גָּחוֹן וְכֹל הוֹלֵךְ עַל-אַרְבַּע, עַד כָּל-מַרְבֵּה רַגְלַיִם, לְכָל-הַשֶּׁרֶץ, הַשֹּׁרֵץ עַל-הָאָרֶץ–לֹא תֹאכְלוּם, כִּי-שֶׁקֶץ הֵם
Tout ce qui se traîne sur le ventre, ou se meut soit sur quatre pieds, soit sur un plus grand nombre de pieds, parmi les reptiles quelconques rampant sur le sol, vous n’en mangerez point, car ce sont des choses abominables.
Les deux versets que nous avons cités, n’ont pas de lien direct entre eux, si ce n’est leur positionnement dans la torah. En effet, en ce qui concerne le premier verset, nos maîtres précisent que les mots en gros s’avèrent être à la moitié de la torah lorsque nous recensons tous les mots. Parallèlement, la lettre « ו vav » que nous avons mis en grand format dans le deuxième verset, doit non seulement se présenter dans ce format dans le sefer torah, mais plus encore, elle se trouve au milieu de toutes les lettres de la torah.
Cette remarque peut paraître enfantine, mais il ne s’agit pas d’un jeu auquel les sages se livrent que de compter les mots et les lettres. S’ils prennent la peine de nous faire cet enseignement c’est nécessairement parce qu’il a un sens. Que cherchent-ils à nous apprendre ?
Un deuxième point mérite d’être soulevé. Sur le dernier verset que nous avons cité, Rachi précise que justement, le mot où la lettre « ו vav » se trouve, qui parle des rampants, cible le serpent. Bien que cette précision puisse paraître évidente, elle engendre une question. Si la torah veut parler de ce reptile, pourquoi ne le mentionne-t-elle pas directement ? Pourquoi passe-t-elle par une allusion ?
Un commentaire du ‘Hatam Sofer (torat Moshé, au début de notre paracha) nous met sur une piste intéressante. Il précise qu’initialement, les forces du mal que le serpent symbolise, auraient dû participer à notre pratique de la torah. Il s’agissait alors de leur confier la tâche de nous accompagner et de réaliser tous les besoins matériels, afin que l’homme puisse s’adonner à l’étude et à la pratique des mitsvot dans le jardin d’Éden. Cela nous explique pourquoi le serpent était si ressemblant à l’homme (intelligence, capacité à marcher droit…), car sa fonction résonnait avec la nôtre. En clair, le serpent constituait la moitié de l’accomplissement de la torah. Cependant, lorsqu’il a fait fauter l’homme, il a inséminé son venin sur l’humanité, altérant sa fonction initiale, au point de pénétrer au plus profond d’Adam. Au lieu que ce soit l’homme qui lui accorde sa part de mérite, il a cherché à l’obtenir directement en pénétrant la chair des humains et en profitant directement de leur action. Cette effraction brutale dans le domaine d’Adam, contraint ce dernier à devoir extraire la présence étrangère, à supprimer de ses entrailles, le mal qui s’est installé.
C’est cette idée que viennent relever nos sages. En effet, il faut savoir que dans sa configuration originelle, la torah ne contient pas les espaces nécessaires à la formation des mots. La torah n’était alors qu’une suite de lettre, qui représentent en réalité les noms d’Hakadoch Baroukh Hou. Dès lors, dans cette version, la version authentique, nous ne pouvons parler de milieu de la torah qu’en fonction du nombre de lettre. C’est pourquoi, ce centre se trouve précisément dans la mention renvoyant au serpent, car, il constituait alors, la moitié de la démarche. Cependant, lorsque le mal change les choses et insère ses crocs dans l’homme, il détruit cette harmonie parfaite, il altère la perception et le potentiel humain. La torah mue et s’adapte à une nouvelle configuration. Il ne s’agira plus d’étudier en collaboration avec le serpent, mais plutôt de le traquer afin de guérir de son venin. Il s’agit du coup, d’un effort différent, l’homme perd sa capacité à accéder directement à la torah d’origine, il doit passer par une démarche de réflexion et d’approfondissement. La fonction de l’étude change et de facto, la torah s’habille différemment, elle prend un nouvel aspect compatible avec le nouvel état de l’homme : les mots apparaissent pour occulter les noms divins. C’est au travers de l’effort et de la recherche, que les bné-Israël parviennent à déchiffrer le code. Dans cette nouvelle version de la torah, le milieu change. Puisque jusqu’alors, le milieu de la torah caractérisait la mission première, celle de travailler en harmonie avec le serpent, dans la nouvelle configuration, le centre de la torah devra témoigner de la nouvelle affectation de l’étude de la torah. Celle qui consiste à approfondir et à extraire l’information pour dissocier le serpent de notre être. Il n’est donc pas étonner de trouver que dans cet état, celui où la torah s’articule autour de mots, le milieu apparaît dans les mots « דָּרֹשׁ דָּרַשׁ מֹשֶׁה Moshé fit des recherches » !
Il ressort que ces deux milieux que nos sages repèrent, marquent la transition entre une torah dévoilée dont la lecture décrit tous les secrets, et une torah morcelée et obscure, qui nécessite une explication. Il s’agit de la dissociation entre une torah qui concentre toute l’information et une torah qui se divise en un texte et son commentaire, la torah écrite et la torah orale.
Un enseignement fabuleux du Gaon de vilna est apporté dans le livre Matok Haor. Nos sages enseignent (traité baba kama, page 23a) que le venin du serpent se trouve entre ses dents. Cette précision semble évidement superflue dans la mesure où, elle décrit une réalité connue de tous. Toutefois le Gaon de vilna en dévoile la substance. Comme chacun le sait, le serpent est le pendant matériel du Satane. Les deux agissent en tandem. En hébreu, le mot serpent se dit « נחש na’hach », tandis que le mot Satane s’écrit « שטן ». Nos maîtres précisent que le Satane chevauche le serpent pour faire fauter l’homme. C’est à ce titre, qu’en superposant les deux mots, nous pouvons voir apparaître trois mots à la verticale : « שן dent », « חט faute » et encore « שן dent ». Ainsi, le Gaon de vilna nous dévoile le message de nos sages : entre les dents du serpent, l’une à droite, l’autre à gauche, se tient son venin. Quel est ce venin ? Il s’agit de la faute ! C’est en transgressant la volonté du Créateur, que nous laissons les poisons s’infiltrer en nous et altérer notre perception de la torah.
Il est important à ce niveau de généraliser le propos. Il ne s’agit pas spécifiquement de la faute d’Adam, mais de toutes les fautes que nous sommes amenés à commettre !
Notre raisonnement est appuyé par un autre événement de l’histoire des bné-Israël, celui du don de la torah, qui remet parfaitement en place le schéma que nous venons de développer. À cet instant, les bné-Israël parviennent à réparer la faute d’Adam et suppriment les traces du venin. La torah se manifeste alors et le table de la loi sont confiées à Moshé.
Le Chem Michmouël (sur chémot, parachat ki tissa, année 673) explique la différence fulgurante entre les deux fois où Moshé reçoit les tables de la loi. Lors du premier don, les bné-Israël sont de retours au niveau d’Adam avant qu’il ne soit contaminé par le serpent. Dès lors, la lumière qu’ils parviennent à percevoir leur permet, à la simple lecture du texte des tables, de déduire tous les secrets de la torah, d’en interpréter tous les détails, d’en extraire toutes les lois ! La torah réapparait dans sa configuration d’origine ! Seulement, lors du deuxième don, après que le peuple ait fauté, une telle performance n’est plus de mise, la torah apparaît comme un simple texte, la lumière qui en jaillit n’est plus assez puissante pour pénétrer toutes les merveilles qui se cachent dans le texte. La torah orale redevient nécessaire pour expliquer sa jumelle écrite.
Cela met en relief un commentaire extraordinaire du Péri Tsadik (dévarim, parachat ékev, alinéa 2). Ce dernier remarque que les premières tables comptent 17 lettres de moins que les deuxièmes tables. Il s’avère justement que le nombre 17 correspond à la valeur numérique du mot « טוב bon ». Cette différence de 17 lettres, correspond à la remarque de nos sages (traité baba kama, page 55) qui soulignent que le mot « טוב bon » est absent des premières tables de la loi tandis qu’il est présent dans les deuxièmes. Le Péri Tsadik explique que la différence se trouve dans la lumière que la torah cache, cette fameuse lumière qu’Hachem a réservé à ceux qui étudient la torah orale. Dans les premières tables, cette lumière n’a pas besoin d’être mentionnée, puisqu’elle est apparente, la torah orale se dévoile d’elle-même à la simple lecture de la torah écrite. Par contre, le mot « טוב bon » se doit d’être présent dans le dernière table, pour avérer le fait que la lumière est dorénavant cachée, et le retour de la torah orale se manifeste comme le moyen de déceler cette lumière.
Plus encore, lorsque nous portons le raisonnement jusqu’au bout, nous nous apercevons que 17 est également la valeur numérique du mot « חט la faute », qui se cachait entre les dents du serpents ! En somme, c’est bien celle-ci qui a eu pour conséquence la disparition de la lumière et donc le besoin de mentionner le mot « טוב bon », de même valeur numérique, pour expliquer au peuple comment supprimer le venin !
Nous pouvons maintenant envisager de répondre à notre dernière question laisser en suspens. Pourquoi la torah ne mentionne pas directement le serpent et préfère y faire allusion en parlant des rampants ?
La réponse devient maintenant accessible. Dans l’état voulu par Hachem, le serpent est sensé caractérisé la moitié de la torah comme nous l’avons vu. Toutefois, au lendemain de la faute, ce serpent n’est plus, il a disparu, il a mué dans une nouvelle version qui n’a plus rien à voir avec la précédente. Et la torah nous en fait l’allusion en choisissant la lettre « ו vav » comme milieu originel du texte. Cette lettre a pour particularité d’être droite, il s’agit d’un trait vertical, car il caractérise la posture initiale du serpent, qui se tenait droit face à l’homme. Toutefois, cela n’est plus qu’un vestige du passé puisqu’il avance maintenant « עַל-גָּחוֹן sur le ventre » et passe à l’horizontale. L’absence de la mention directe du serpent, symbolise sa transformation, sa perte dans la centralité de la torah qui passe alors sur l’expression de la torah orale, celle qui permet, au travers des mots et non plus des lettres, d’accéder à la lumière divine.
Cela nous éclaire sur l’importance que revêt l’étude de la torah. Elle est le remède face au poison, et nous permet d’être débarrassé de l’intrus qui nous empoisonne. Yéhi ratsone que notre étude éclaire nos yeux de cette si douce lumière qu’Hachem nous a réservé depuis la création du monde, amen véamen.
Chabbat chalom.