Dvar Torah Kippour 5777 – Y. M. Charbit
Dvar Torah Kippour
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בס״ד
Pour l’élévation de l’âme Yéhouda Ben David Lalou ainsi que ‘Hanna bat Esther.
Pour la réfoua shéléma de Yitshak Ben Chimone.
Dix jours après Roch Hachana nous repassons un jugement, qui se place cette fois sous une optique différente, celle de la miséricorde, celle de la confiance de se voir pardonner par Hachem. Comme chacun le sait, ce jour est le jour où les bné-Israël ont obtenu le pardon pour la faute du veau d’or, après que Moshé se soit tenu devant le Maître du monde durant quarante jours afin de l’implorer. C’est au terme de ce processus qu’Hachem a prononcé les mots : « J’ai pardonné selon tes paroles » et qu’Il nous a offert les secondes tables de la loi.
Sur la notion de la téchouva, le Rambam (hilkhot téchouva, chapitre 2, halakha 1) écrit : « Qu’est-ce qu’une téchouva complète ? Quand la personne se retrouve dans la même situation qu’auparavant, avec l’opportunité de commettre la même faute, et se refuse à celle-ci du fait de sa téchouva, non par crainte, ni par incapacité. »
Sur cette base, il convient d’apporter la remarque du Sfat Émet (sur yom kippour, année 662). Comme chacun le sait, la faute du veau d’or est intervenue juste avant que Moshé ne redescende accompagné de la torah. Cette faute a valu la destruction des tables et ce n’est que par la téchouva collective du peuple, que les secondes tables ont pu être écrites. De fait, de même qu’à la veille du premier don de la torah, le yetser hara s’est intensifié de toutes ses forces afin de s’opposer au peuple, il convient de dire que pour obtenir un pardon réel, atteindre le vrai niveau de la téchouva, le peuple a dû se tenir et se confronter aux mêmes forces qui lui ont valu sa chute. En clair, la veille de Yom Kippour, le satan a répété sa tentative et s’est acharné sur le peuple pour le faire fauter à nouveau. C’est justement à ce moment et pas avant, qu’Hachem a dit « J’ai pardonné selon tes paroles » car c’est là que le peuple, en se confrontant au mal, parvient à le vaincre et à prouver la sincérité de son repentir. Dès lors, la faute qui a causé la perte des tables s’annule et le peuple devient de nouveau apte à recevoir la torah. En ce sens, le Sfat Émet précise que la veille de Yom Kippour est un moment où les forces du mal s’intensifient à cause de la colère qu’il a ressentie face à cet échec.
L’essentiel de la réparation que vit le peuple à cet instant, vient des tables elles-mêmes. En effet, la
torah dit « et Je déverserai sur eux des eaux pures », sur quoi nos sages enseignent que la mention de l’eau renvoie à la torah. En clair, c’est le don de la torah et le fait d’être un réceptacle capable de la recevoir qui purifie le peuple.
Sur ce commentaire du Sfat Émet une question importante se pose. Nos sages enseignent que jusqu’à aujourd’hui nous payons la faute du veau d’or, plus encore, chaque punition qui frappe le peuple contient une part de la faute du veau d’or ! Dès lors, le commentaire précédent est dur à comprendre. Puisque les bné-Israël ont été soumis au même niveau de yetser hara que celui qui les a conduits à fauter, et qu’ils en sont sortis victorieux, alors la faute devrait-être intégralement réparée. Or, nous voyons que ce n’est pas le cas ?
Le Sfat Émet (année 663) apporte lui-même un élément de réponse, en précisant que l’attribut de rigueur est plus faible que celui de la bonté. De fait, de même que chaque sanction contient une part de celle du veau d’or, de même chaque téchouva que le peuple fait et chaque pardon qu’il obtient, renferme une partie de la réparation du veau d’or !
Qu’est-ce que cela signifie ?
Pour comprendre plus en profondeur, il nous faut définir la raison pour laquelle les tables de la loi sont elles-mêmes la source de la réparation du veau d’or. Une question courante se pose concernant cette faute : comment, les bné-Israël, avec tous les miracles qu’ils ont pu voir, de la sortie d’Égypte, en passant par la traversée de la mer rouge, jusqu’au don de la torah, en sont-ils arrivés à commettre une telle faute? Il faut comprendre que les bné-Israël venaient d’écouter les premiers commandements de la torah sortis directement de la « bouche » d’Hachem. Or l’idolâtrie est l’antithèse même de la croyance en Hakadoch Baroukh Hou. L’incohérence de l’attitude des bné-Israël est donc totale. Toutefois, en nous plongeant dans l’étude des commentaires de nos sages, nous sommes surpris de voir combien de mensonges sont présentés devant le peuple afin de l’inciter à fauter.
Ainsi, Rachi (chémot, chapitre 32, verset 1) commente les mots « כִּי-בֹשֵׁשׁ מֹשֶׁה Que Moshé tardait » en précisant que les bné-Israël se sont trompés dans leur décompte sur la date de retour de Moshé Rabbénou. Ainsi, ils devancèrent l’heure prévue de six heures, car Moshé ne devait en réalité arriver que le 17 Tamouz. Le 16 Tamouz, vint le Satan et mit la confusion dans le monde, et répandit une apparence de ténèbres insinuant qu’à l’évidence Moshé était mort! Le Satan vint leur dire: « Moshé est mort, car sont déjà dépassés les six heures et il n’est pas venu… ».
Cependant, le Satan ne s’est pas arrêté là. En effet, Rachi, de nouveau, commente la suite du verset et explique sur les mots « כִּי-זֶה מֹשֶׁה הָאִישׁ Car ce Moshé, l’homme« , que le Satan leur montra que l’on portait Moshé en l’air dans l’espace céleste. Certains midrashim disent même que c’est son tombeau qui leur fut montrer!
Ensuite vint un verset (le 4ème de ce chapitre), qui est lui-même choquant, car voici que non seulement, les bné-Israël se trouvent en plein mensonge, mais pour accroitre le phénomène, l’idole qu’ils fabriquent parle d’elle-même et se présente comme étant une divinité: וַיֹּאמְרוּ–אֵלֶּה אֱלֹהֶיךָ יִשְׂרָאֵל, אֲשֶׁר הֶעֱלוּךָ » מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם Voici tes D.ieux Israël, qui t’ont fait monter du pays d’Égypte » !!!
Ces trois faits répondent à ceux qui se demandent comment les bné-Israël ont-ils pu commettre la faute du veau d’or, car effectivement devant de tels arguments, difficile de se douter qu’il ne s’agit en fait que d’une idole qui n’a rien de divin. Cependant, cela nous pose un problème, celui de savoir comment Hachem a t-il pu autoriser le Satan à mentir au peuple! Nous attirer vers le mal est certes sa mission, mais si pour cela, les arguments que le Satan nous présente vont jusqu’au mensonge, surtout lorsqu’il est si bien mis en scène, il est légitime de se demander comment les bné-Israël auraient-ils pu ne pas fauter?! La mission du Satan l’autorise t-elle d’aller jusqu’à nous mentir avec des preuves à l’appui? Tout esprit rationnel croit les faits lorsqu’il les voit ou lorsque l’on peut les lui prouver. Or, le cas de la faute du veau d’or est non seulement accompagné de la vue de la mort de Moshé, mais également de la preuve de la divinité du veau d’or qui se met à parler. La raison ayant ses limites, il est quasiment impossible pour quiconque voit de telles choses de ne pas y croire, ce serait même déraisonnable! Or, si nous comprenons ainsi ce passage, non-seulement il est difficile de comprendre comment le Satan peut-il avoir tant de liberté, mais surtout, qu’y a-t-il de reprochable aux bné-Israël, qui n’ont, vraisemblablement, pas eu un choix équitable?
La réponse à nos questions est en réalité très basique. Comme nous l’avons dit en guise d’explication, les bné-Israël, se trouvaient au lendemain du dévoilement de Hakadoch Baroukh Hou, qu’ils ont pu entendre leur parler. Ainsi, nul doute ne persiste dans la pensée de gens qui assistent à un tel phénomène, dans la mesure où chacun est alors conscient de la présence et de l’existence du Maître du monde. Surgit alors le problème de la place du libre-arbitre. Devant un dévoilement sans précédent, le libre-arbitre disparaît. Car la définition même du libre-arbitre est un choix d’action totale entre le bien ou le mal. Ce choix est possible, lorsqu’il y a dans l’esprit de l’homme, un infime moment de doute. Comme le dit le Rambam : l’homme ne faute que lorsqu’un souffle de bêtise pénètre son esprit. Or ce passage par le doute, ce souffle de bêtise, ne peut exister lorsqu’il nous est donné de voir Hachem de nos propres yeux! Le libre-arbitre n’est donc plus de mise dans ces conditions. C’est pourquoi, dans le but de maintenir le libre-arbitre, le Satan va jusqu’au mensonge! De même qu’il est évident et indiscutable qu’Hachem est l’unique divinité, de même, le Satan crée une situation qu’il est impossible de remettre en cause, celle du veau d’or! C’est uniquement lorsqu’il n’est pas claire dans nos esprits qu’Hakadoch Baroukh Hou est notre maître que nous pouvons fauter. Or cette possibilité de faute définit l’essence même du libre-arbitre. Donc si Hachem se dévoile, et qu’il devient alors indéniable qu’Il est le Maître, le seul moyen de faire douter l’évidence est de créer une autre évidence, indiscutable également! Et c’est uniquement sous ces conditions que les bné-Israël avaient un choix authentique et devaient combattre leur mauvais penchant! Chose qu’ils n’ont malheureusement pas faite et qui constitue donc une vraie faute!
En partant de cette base, nous comprenons que pour réparer complètement la faute du veau d’or, il faudrait que le peuple atteigne à nouveau une conception parfaite et indiscutable de la réalité divine et qu’ensuite, le Satan puisse parvenir à leur susciter un niveau de mensonge absolu, comme il l’a fait lors de la faute. Le seul problème est que cela est impossible ! En effet, comme nous l’avons dit, la grandeur du mauvais penchant de l’homme est dépendante de sa grandeur en sainteté. Plus une personne s’élève, plus son penchant vers le mal s’intensifie pour maintenir le libre-arbitre. En somme, suite à chaque faute, les forces de l’homme en question s’amenuisent de même que la capacité du yetser hara à l’atteindre. Du coup, au lendemain de la f aute du veau d’or, le satan ne peut plus se manifester contre le peuple de la même façon qu’il l’a fait lors du premier don de la torah. Ce qui a pour conséquence d’empêcher la réalisation d’une réparation complète !
C’est pourquoi, Hachem va pardonner de façon partielle. Le repentir du peuple suffira pour lui accorder la survie, mais pas pour effacer la faute de façon définitive. Dès lors, chaque fois que le peuple est puni, Hachem étale dans la sanction un peu de la faute du veau d’or, pour compléter la réparation. Et parallèlement, chaque fois que nous nous repentons, Hachem ajoute un peu plus de pardon à celui qu’Il nous a accordé la veille de Kippour. L’objectif étant d’accumuler le tout pour atteindre le pardon intégral.
Cela nous conduit à une conséquence importante. Puisque les bné-Israël n’ont pas pu atteindre le niveau de l’avant faute, ils ne peuvent plus prétendre obtenir la torah de la même façon, une différence doit se manifester. Cette différence est celle de »l’oubli ». En effet, nos sages enseignent que lors du premier don de la torah, les bné-Israël pouvaient accéder au savoir sans risquer de le perdre, ce n’est qu’après la faute, que la torah ne reste plus gravée dans l’esprit des hommes !
Un des efforts essentiel de l’étude de la torah est donc celui de la mémorisation qui consiste à incorporer les informations de façon totale. Or, la connaissance de la torah est ce qui conduit à la connaissance d’Hachem. De facto, la mémorisation de la torah est ce qui ramène le peuple à l’état de l’avant faute, celle où sa connaissance de Dieu devient parfaite et permanente ! Une perception du divin qui ne s’inscrit plus dans un simple cadre humain, mais dans un cadre d’éternité. C’est pourquoi, le jour de Kippour est un jour si particulier, il est le jour où nous nous comportons comme des anges, en ne mangeant et ne buvant pas. Par cela, nous témoignons que notre volonté est de ressembler à cet état de la connaissance, ce niveau où nous côtoyons Hachem. Au jour de notre pardon, nous demandons pardon d’être descendu de ce niveau que nous n’aurions jamais dû quitter !
Yéhi ratsone que ce pardon qui nous est octroyé à Yom Kippour atteigne son paroxysme afin que nous puissions afin rétablir la connaissance parfaite d’Hachem. Amen véamen.
Gmar ‘hatima tova, tizkou léchanim rabbot né’imot vétovot !
Y.M. Charbit
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