Daat Tévounot – Alinéa 18 -Pourquoi D.ieu a-t-il voulu créer les créatures ?
Rav Michael Smadja
Daat Tévounot
Daat Tévounot Alinéa 18
Pour pouvoir saisir tout le sens de cette question, il faut savoir que Dieu est le bien parfait. Cependant, il y a une loi qui découle de ce bien parfait, qui est de le prodiguer. Pour cette raison Dieu a créé les êtres vivants, afin de leur prodiguer du bien, car s’il n’y a pas de bénéficiaire de ce bien, celui-ci n’a pas d’existence concrète.
Lorsque le Ramh’al dit que D.ieu est le bien parfait, il ne parle pas de l’essence même de Dieu, ni de sa volonté avant d’avoir décrété le bien; car D.ieu n’a aucune obligation à créer la création. Aucune obligation ne repose sur Lui, car il n’est qu’unité totale.
»Car tant qu’il n’a pas voulu décréter cette volonté de prodiguer le bien, les créatures (les êtres créés) n’avaient pas la possibilité d’exister. Au contraire, selon la nature même de D.ieu, il n’y avait aucune possibilité, pour la création, d’exister, car aucune loi inéluctable n’oblige à créer l’homme. Seul D.ieu a une existence obligatoire. C’est uniquement Sa volonté de créer l’existence (les créatures donc l’homme) qui a amené ce décret de faire le bien, et conséquemment à la création de l’existence » (les créatures donc l’homme).
De cette notion de bien nous ne parlons qu’à partir du moment où cette volonté a été décrétée et non avant, car il est interdit, car c’est impossible, de réfléchir à un moment antérieur à la création ; et à plus forte raison de réfléchir sur l’essence de Dieu. Au niveau de cette volonté de prodiguer le bien nous pouvons aller jusqu’au niveau du Kéter, qui est le niveau qui se rapproche le plus du Eïn Sof. Cette volonté étant le bien parfait, elle nécessite inéluctablement la création de l’existence pour faire le bien.
Cependant, afin que ce bien soit un bien parfait, D.ieu dans Sa grande sagesse, savait que les bénéficiaires de ce bien devaient le recevoir par leur propre travail. Par ce travail, ils deviendront de parfaits réceptacles de la bonté divine, et ne ressentiront aucune honte de recevoir ce bien parfait, tel un pauvre recevant l’aumône [qui ressent une honte].
D’où naît cette honte ? D.ieu n’aurait-il pas pu donner le bien parfait aux hommes sans qu’ils aient honte ? [en affirmant une obligation reposant sur D.ieu, je Le Limite (Has Véshalom)]
Le Ramh’al dans Adir Bamarom explique cette notion de honte ainsi: « Il faut que tu saches que D.ieu est l’expression parfaite du bien et Sa volonté est de faire le bien de manière parfaite. Et cela inclut le retour du mal au bien. Et ceci dépend de la perception de l’unité divine d’être UN dans toutes sortes d’unités, et pour se faire, le mal ne doit et ne peut continuer à dominer et à exister, car sinon, le bien et le mal seraient perçus comme deux existences créatrices différentes. Par la force de Son unité de bien, tout mal doit revenir au bien. Tu comprendras que deux notions se réunissent par celà: le désir de faire le bien, et également que le mal revienne au bien. Tout ce qui a été énoncé ci-dessus était déjà en potentiel avant même la réalisation de cette volonté. Mais, au moment de la mise en place de cette volonté, le bien s’est réalisé mais pas le retour du mal au bien, car le mal n’était pas encore en actions. C’est pour cela que D.ieu a créé le monde, afin que le mal puisse se concrétiser et avoir ainsi la possibilité de revenir au bien. Dans ces conditions, le fait de faire le bien aux autres peut se réaliser. Ces deux notions ne sont pourtant que les éléments d’une seule et même fonction, car le mal ne peut se matérialiser que si les créatures sont créées. Afin de prodiguer le bien aux créatures, le bien parfait ne doit rester que potentiel afin que le bien relatif puisse se matérialiser, en parallèle avec le mal relatif, pour que la créature puisse exister. Nous comprenons alors que Dieu a voulu prodiguer le bien par mérite et non par aumône. Car le mal ne peut se matérialiser que par la création, la création véhiculant elle-même le mal. Si le mal devait uniquement être sous la domination du bien ou même détruit, cela ne s’appellerait pas le retour du mal au bien, et donc la perfection potentielle ne pourrait se concrétiser. De plus, tant que le mal est matérialisé, la honte va habiller les créatures et le bien ne sera jamais parfait. Car tant que la honte est sur l’homme, la perfection ne l’habite pas, et donc le mal ne revient pas au bien. Ainsi le jugement selon le libre-arbitre est nécessaire afin de ramener le mal au bien. Ainsi, ce qui se trouvait en potentiel (le bien parfait), se concrétisera par l’homme, dans la création, pour amener l’unité parfaite dans le monde. »
Cette notion de honte ne peut donc être comprise que grâce à la notion du retour du mal au bien. Dominer ou supprimer le mal ne suffit pas, il faut qu’il revienne au bien. En vérité, cette notion du retour du mal au bien existait déjà en potentiel (Békoa’h), mais elle n’a pu se concrétiser (Bépo’al) que par la matérialisation du mal [sa concrétisation]. Alors, le besoin de ce retour devient réel et donc le libre-arbitre et la conduite du jugement sont alors nécessaires, afin que les hommes agissent selon leur propre volonté et ainsi ressentent la honte générée par la faute qui est le révélateur que le mal n’a pas été réparé.
Le Ramh’al dans Adir Bamarom écrit: »Je vais vous expliquer ce qu’est la notion de honte. La honte est un affaiblissement de la Néchama que l’homme provoque par un acte qui n’est pas à la hauteur de à sa valeur. La honte générée par la faute ne vient pas de la faute elle-même, mais du fait de ne pas pouvoir supporter le regard de l’autre ». Donc la honte n’est générée que par la dualité entre le jugement et le libre-arbitre. Il est évident que le bien parfait ne peut être reçu tant que la honte est encore ressentie par la créature, la honte étant le signe que la dualité existe toujours et donc que le mal est toujours matérialisé. Le bien parfait n’étant toujours pas atteint.