Chaque juif est créé à l’image du Michkan – Paracha Vayak’hel – Réouven Carcéles
Michkan
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Leilouy Nichmat Zhari bat Solika
Dans la Paracha de la semaine, Vayak’hel, la Torah nous dit : « Et le travail d’apporter les matériaux leur était suffisant pour tout le travail pour le faire et il en restait » (Chémot chap. 36 v. 7).
Il nous faut tout d’abord comprendre cette contradiction remarquée par le Or Ha’Haim, entre « suffisant » et « il en restait« . D’autre part, Rachi explique: et le travail d’apporter était suffisant pour ceux qui accomplissaient le travail, pour toute la construction du sanctuaire pour l’exécution, c’est-à-dire qu’il y avait deux travaux, celui de rassembler et celui de construire. Le Ben Ich Hai pose donc la question, en quoi consiste ce travail d’apporter ?
Il faut savoir que Betsalel et ses compagnons, qui fabriquaient les ustensiles du sanctuaire, effectuaient, en plus du travail matériel, un travail spirituel par leurs intentions qu’ils amenèrent sur le tabernacle. Une sainteté donnait à cette construction matérielle un supplément de valeur; c’est-à-dire que grâce à leurs kavanot (intentions) qui les accompagnaient dans chaque action matérielle en fonction de sa racine supérieure, ils faisaient descendre une lumière sainte sur ces ustensiles matériels. Les Sages nous disent que le travail spirituel de Betsalel et de ses collègues a conféré au tabernacle un degré d’éternité. Comment est-ce possible ?
Il est tout d’abord bon de rappeler, que le Michkan devait être le réceptacle de la présence divine, après la sortie d’Egypte. A ce titre, nous avions rapporté au nom du Midrach (Chémot Rabba), la raison pour laquelle le Maître du monde nous demande de Lui construire un sanctuaire sur terre : pour pouvoir y résider parmi nous, c’est-à-dire dans le cœur de chacun. En effet, la Torah ne se trouve que sur terre et nulle par ailleurs, au point qu’Hachem a besoin de descendre du ciel et résider parmi nous et donc prés de Sa Torah, si nous savons bien sûr attirer sa présence, grâce à l’étude de tout cœur et désintéressée, comme Il le dit lui-même : « m’en séparer, je ne peux pas !« .
Le Zohar nous explique la source de cette interprétation : l’organisation du corps est semblable à celle du Michkan, c’est-à-dire que la structure spirituelle d’un juif ressemble à la structure du sanctuaire. Comment est-ce possible ? Comment l’homme a-t-il le pouvoir de réaliser ce travail spirituel à l’intérieur du sanctuaire, qu’il a construit pour Hachem, et à plus forte raison a-t-il le pouvoir d’introduire la présence divine à l’intérieur de lui-même, lui qui a été créé à l’image de D. ?
Il est possible de répondre, selon l’explication du Rav ‘Haim de Vologine, dans le Néfech Hahaim, que la relation entre D. et l’homme est justement symbolisée par le Michkan, qui constitue en réalité le microcosme de toute la création. Chaque détail du Michkan correspond à ce qui existe dans les mondes supérieurs, tous les objets sacrés du Michkan ont été conçus selon le modèle céleste, sous inspiration divine.
Il est dit dans Michlé Ch. 3, v.19-20, que D. a fondé la terre avec sagesse, il a établi les cieux avec intelligence, et son savoir ; et le temple a été construit avec ces trois mêmes qualités. En conséquence, une personne du peuple saint, qui réunit en elle ces trois éléments de l’ensemble de la création, est une réplique de la structure du Michkan et de tous ses instruments, l’articulation de ses membres, ses nerfs et de toutes ses forces, reproduit son organisation. C’est peut-être ce que veut interpréter le Zohar qui répartit l’ensemble de la structure du sanctuaire et de ses objets, en montrant que tout se retrouve en allusion chez l’homme. C’est d’ailleurs ce qui est rapporté dans le Nefech Hahaim, que le Michkan est le microcosme du monde et donc de l’homme. Comment comprendre cette notion ? La réponse est, que le cœur de l’homme au centre du corps unifiant l’ensemble, est le reflet du Saint des saints.
Le Méchekh ‘Hokhma, explique que cette notion de sacrifice de soi, pour atteindre ces qualités, n’est possible que lorsqu’on laisse de côté tous les calculs et les approfondissements. C’est lorsque l’homme abandonne les réflexions superflues qu’il mérite la sagesse, la connaissance, et le savoir.
Bétsalel était le petit-fils de Hour, qui se sacrifia pour empêcher le peuple de commettre la faute du veau d’or. Il appartenait à la Tribu de Yéhouda qui, derrière Na’hchone ben Amidav, fit preuve de sacrifice de soi face à la Mer Rouge en sautant le premier dans l’eau. Il mérita que D. le choisisse et lui octroie la sagesse et la compréhension. La Guémara (Bérakhot 55a) nous enseigne qu’il connaissait les combinaisons de lettres avec lesquelles D. avait créé le ciel et la terre. Sa sagesse ne se limitait donc pas à la simple construction matérielle des objets du Michkan, il devait également avoir les pensées adéquates, pour réaliser l’union du Michkan avec les mondes supérieurs, conformes aux ordres divins.
Nous voyons donc que l’homme a le pouvoir de réaliser un certain « Olam aba » (monde futur) à l’intérieur du sanctuaire qu’il a construit pour Hachem et donc à l’intérieur de lui-même. De même que le sanctuaire doit être totalement saint depuis le début jusqu’à la fin de sa réalisation, à plus forte raison l’homme doit, depuis le début et jusqu’à la fin de toute action entreprise, agir avec un but de kedoucha (sainteté) pour que la présence divine règne en lui. Il est fondamental, que chacun d’entre nous puisse y arriver.
Le Rav Wolbe explique dans son Alé Chour que l’homme est tout à fait limité, sa durée de vie est limitée, ses moyens le sont aussi, même son esprit et son intelligence sont évidemment limités. Il y a une seule chose chez l’homme qui n’ait pas de véritable frontière : c’est son cœur. Hachem a créé l’homme de telle sorte que la profondeur de son cœur puisse dépasser toute limite. Le H’ovot Halevavot explique, que l’homme doit s’efforcer de faire sortir de son cœur l’amour qu’il a pour le ‘olam ‘hazé (monde présent = monde matériel) et qu’il fasse grandir l’amour pour le olam abba (monde futur = monde spirituel).
Bétsalel avait ces qualités, et était apte à ce travail, au point que le Si’hot Tsaddikim rapporte qu’il connaissait même les pensées de chaque personne ayant fait un don au tabernacle. En fonction de la pureté de la pensée de chacun, il fixait l’endroit et le but de chaque offrande, jusqu’au saint des saints (à savoir le cœur). Une offrande pure, exempte de tout intérêt personnel, du désir d’être honoré, de fierté et d’autres pensées étrangères, était utilisée pour la fabrication des objets les plus sacrés du tabernacle.
Chaque juif, quel que soit son niveau spirituel, est créé à l’image du Michkan, et selon ses actions, il peut entraîner un flux de sainteté dans son cœur et créer une résidence pour Hachem, ou au contraire, un flux d’impureté dans le monde.
Shabbat shalom
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Le texte complet de la Paracha Vayak’hel, en français, peut se trouver sur le site sefarim.fr