Birkat Ha-Gomel après un voyage en voiture ou en train – Rav David Pitoun
Birkat Ha-Gomel après un voyage en voiture ou en train
Article de l’auteur, Rav David Pitoun, initialement publié sur son blog http://ravdavidpitoun.blogspot.com/
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QUESTION
Doit-on réciter le Birkat Ha-Gomel lorsqu’on a voyagé en voiture ou en train d’une ville à l’autre ?
DECISION DE LA HALA’HA
Toutes les routes sont présumées dangereuses.
Selon l’usage Séfarade, on récite le Birkat Ha-Gomel si l’on a voyagé d’une ville à l’autre, et que le voyage a duré au moins 72 mn, quel que soit le moyen de transport (voiture, train,…).
Selon l’usage Ashkénaze, on ne récite cette bénédiction que lorsqu’on a voyagé d’un pays à l’autre, et que le voyage a duré au moins 72 mn.
Si la durée du voyage entre les 2 villes est inférieure à 72 mn, mais qu’en additionnant l’aller et le retour, on obtient les 72 mn, on récitera Birkat Ha-Gomel, à condition d’avoir fait l’aller et le retour dans la même journée, même si l’aller s’est fait le matin et le retour dans la nuit.
Une personne qui voyage plusieurs fois dans la semaine, d’une ville à l’autre, récitera Birkat Ha-Gomel 1 fois par semaine (Shabbat), et pensera à inclure tous ses voyages.
Il n’y a aucune différence entre un homme et une femme vis-à-vis du devoir d’adresser à Hashem des bénédictions de reconnaissance
Par conséquent, une femme qui a voyagé durant 72 mn est tenue – elle aussi – de réciter Birkat Ha-Gomel en présence d’un Minyan (à la synagogue, dans la partie réservée aux femmes par exemple), comme elle est tenue de le réciter après une maladie ou un accouchement. (Une future Hala’ha sera – b’’h – exclusivement consacrée au Birkat Ha-Gomel pour la femme).
La prochaine Hala’ha sera consacrée – b’’h – au Birkat Ha-Gomel après un voyage en bateau ou en avion.
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SOURCES ET DEVELOPPEMENT
Dans les précédentes Hala’hot , nous avons expliqué qu’il y a 4 situations à la suite desquelles, nous avons l’obligation de réciter Birkat Ha-Gomel en présence d’un Minyan (10 hommes).
L’une de ces situations est celle de celui qui a traversé le désert, et est arrivé à destination.
Aujourd’hui, nous allons – avec l’aide d’Hashem -, donner la définition de cette situation.
Il est enseigné dans le Talmud Yéroushalmi (Béra’hot chap.4 Hala’ha 4) :
Toutes les routes sont présumées dangereuses.
Ce qui veut dire que chaque route que l’on emprunte, d’une ville à l’autre, est définie comme potentiellement dangereuse.
Nous pouvons déduire de là que l’institution de Birkat Ha-Gomel ne concerne pas seulement la traversée d’un véritable désert, où le niveau de danger est très élevé à cause des bandits et des animaux sauvages, mais également n’importe quelle route que l’on emprunte pour se déplacer d’une ville à l’autre (vis-à-vis de la bénédiction, le niveau de danger sur une route n’est pris en considération que lorsqu’il s’agit d’un déplacement d’une ville à l’autre). Lorsqu’on arrive à bonne destination, nous devons réciter Birkat Ha-Gomel en présence d’un Minyan.
Le RAMBAN, – dans son livre Torat Haadam ainsi que dans ses commentaires sur Béra’hot 54b – écrit que nous devons remercier Hashem après avoir emprunté n’importe quelle route, car nous avons appris dans le Yeroushalmi que « Toutes les routes sont présumées dangereuses. »
Le TOUR (O.H 219) atteste que tel était l’usage en Espagne.
Rabbenou David ABOUDARHEM (page 340, il est cité par le Beit Yossef O.H 219) atteste que selon l’usage répandu, on récite le Birkat Ha-Gomel même si l’on a voyagé seulement d’une ville à l’autre. Il cite l’auteur du Hala’hot Guédolot (sur Béra’hot chap.4) selon qui on récite la Téfilat Ha-Dére’h seulement si on entreprend un voyage d’une distance d’une Parsa (env.4 Km), mais pour une distance inférieure, on ne récitera pas Téfilat Ha-Dére’h. Rabbenou David ABOUDARHEM en déduit que la distance significative d’un voyage est de 1 Parsa. Il en est donc de même pour le Birkat Ha-Gomel lorsqu’on voyage d’une ville à l’autre.
Mais le ROSH écrit dans son commentaire sur la Guémara Béra’hot (chap.9 section 3), « qu’en Allemagne et en France, nous n’avons pas l’usage de réciter Birkat Ha-Gomel lorsqu’on se déplace d’une ville à l’autre, car nos maîtres n’ont institué cette bénédiction que pour celui qui traverse un véritable désert où les formes de dangers sont très fréquentes. Le Talmud Yéroushalmi qui atteste que « toutes les routes sont présumées dangereuses », fait allusion à la Tefilat Ha-Dere’h, la prière que l’on fait lorsqu’on entreprend un voyage, et non pas à Birkat Ha-Gomel que l’on récite après le voyage. Pour ce qui est de Tefilat Hadere’h, effectivement, toutes les routes sont présumées dangereuses, et il faut donc prier avant d’emprunter n’importe quelle route, pour qu’Hashem nous préserve durant notre voyage. » Fin de citation.
Nous pouvons constater qu’il y a une divergence d’interprétation sur ce Yéroushalmi :
Selon le ROSH, cet enseignement ne parle que de Tefilat Hadere’h
Selon le RAMBAN, et le témoignage du TOUR sur l’usage en Espagne, cet enseignement parle bel et bien de Birkat Ha-Gomel.
MARAN, dans le Shoul’han ‘Arou’h (O.H 219-7) – après avoir cité l’usage en France, ainsi que l’usage en Espagne – écrit : « Mais toutefois, si l’on a voyagé moins d’une Parsa (moins de 4 km environ), on ne récite pas Birkat Ha-Gomel.
Sauf si l’endroit où nous nous sommes rendu, est réputé pour être un danger mortel (par exemple, une personne qui s’est égarée, et qui se retrouve en territoire palestinien), dans ce cas, même si l’on n’a pas voyager une Parsa (voir plus haut), on récite quand même Birkat Ha-Gomel. »
Sur le plan pratique :
- Selon l’usage Séfarade, conformément à l’opinion de MARAN l’auteur du Shoul’han ‘Arou’h et de l’usage en vigueur en Espagne, on récite le Birkat Ha-Gomel si l’on a voyagé d’une ville à l’autre, et que le voyage dure au moins 72 mn, quel que soit le moyen de transport (voiture, train,…).
- Selon l’usage Ashkénaze, on ne récite cette bénédiction que lorsqu’on a voyagé d’un pays à l’autre, et que le voyage dure au moins 72 mn.
Il faut maintenant définir la notion de Parsa citée par les Rishonim et MARAN dans le Shoul’han ‘Arou’h.
Représente-t-elle une notion de distance ou de temps ?
C’est-à-dire : Est-ce que l’obligation de réciter Birkat Ha-Gomel dépend du simple fait d’avoir parcouru une Parsa – qui équivaut à environ 4 km – que l’on a parcouru cette distance à pied ou même en voiture, ou bien dépend-elle du temps qu’il faut pour parcourir cette distance à pied, c’est-à-dire environ 72 mn ? Dans ce cas, dès l’instant où l’on a voyagé pendant 72 mn (le temps qu’il faut pour parcourir une Parsa à pied), on est tenu de réciter Birkat Ha-Gomel, quel que soit le moyen de déplacement.
Sur le plan pratique, notre maître le Rav Ovadia YOSSEF Zatsal conclut – dans son livre ‘Hazon Ovadia – Béra’hot (page 364 parag.14) – que l’obligation de réciter Birkat Ha-Gomel dépend du temps qu’il faut pour parcourir 1 Parsa à pied, c’est-à-dire environ 72 mn.
Dès l’instant où l’on a voyagé pendant 72 mn (le temps qu’il faut pour parcourir une Parsa à pied), on est tenu de réciter Birkat Ha-Gomel, quel que soit le moyen de déplacement.
Mais si l’on voyage durant un laps de temps assez court (moins de 72 mn), même si l’on a parcouru une distance de 1 Parsa (4 km environ), on ne récite pas Birkat Ha-Gomel.
Il est vrai que notre maître le ‘HYDA – dans son livre Lé-David Emet (chap.23 note 9) – écrit que lorsqu’on se rend de la ville vers des villages, ou bien vers une destination proche, on ne récite pas le Birkat Ha-Gmel, même si le voyage dure plus du temps qu’il faut pour parcourir 1 Parsa (72 mn).
Il est possible que le ‘HYDA parle de routes pratiquées et maîtrisées par les gens, et de ce fait, le danger n’existait pas.
Cependant, Rabbenou Asher Ben ‘Haïm (qui est un décisionnaire de l’époque médiévale) – dans le Sefer Ha-Pardess (page 77) – rapporte que Rabbenou Ya’akov Hé’Hassid (certainement Rabbi Ya’akov de Mervich) procéda à « Sheelat ‘Halom » (questionna le Ciel au moyen du rêve) sur le fait de réciter Birkat Ha-Gomel lorsqu’on voyage d’une ville à l’autre, et on lui répondit qu’il était un devoir de remercier Hashem chaque fois qu’il nous sauve d’un danger.
De plus, le Gaon Rabbi Avraham Its’hak Ha-COHEN KOOK z.ts.l écrit dans son livre Shou’t Ora’h Mishpat (chap.45) que même si de notre époque, le danger a relativement diminué, car nous ne trouvons pas spécialement de bandits ou de bêtes sauvages sur les routes, malgré tout la Takana (l’institution) de nos maîtres de réciter Birkat Ha-Gomel, persiste, et cela, même si la raison à cette Takana peut sembler avoir disparue.
Tout ceci par opposition à l’opinion du Gaon et Tsaddik Rabbi Ben Tsion ABBA SHAOUL z.ts.l rapportée dans le livre Shou’t Or Lé-Tsion (tome 2 chap.14 note 42) qui pense que de notre époque où les routes sont fréquentées par des voitures, on ne doit pas réciter le Birkat Ha-Gomel lorsqu’on a voyagé d’une ville à l’autre.
Le Gaon Rabbi Moshé FEINSTEIN z.ts.l ajoute – dans son livre Shou’t Iguérot Moshé (sect. O.H chap.59) – que si les Sefaradim ont l’usage de réciter Birkat Ha-Gomel même pour un déplacement d’une ville à l’autre, c’est parce que le fait que les bandits et les bêtes sauvages ne se trouvent pas sur notre route constitue en soi un ‘Hessed d’Hashem (une bonté d’Hashem), et nous devons adresser un remerciement à Hashem pour cela.
D’autant plus qu’une autre forme de danger se fait de plus en plus fréquente de notre époque : les accidents de la route.
Le Gaon Rabbi Yéhoshoua’ MAMAN Shalita atteste également – dans son livre Shou’t ‘Emek Yéhoshoua’ (tome 1 sect. O.H chap.41) – que l’usage est de réciter le Birkat Ha-Gomel lorsqu’on a voyagé d’une ville à l’autre pendant 72 mn.
Telle est également l’opinion du Gaon Rabbi Moshé ‘Halfon Ha-Cohen dans son livre Shoel Vé-Nish’al (tome 3 chap.180).
Le Gaon auteur du Kaf Ha-‘Haïm (sur O.H 219 note 40) s’appuie sur les propos du Kenesset Ha-Guédola pour justifier le fait que même lorsqu’on a voyagé plus d’1 Parsa (plus d’1 Km), il ne faut pas réciter le Birkat Ha-Gomel.
Mais en réalité, lorsqu’on consulte directement le Kenesset Ha-Guédola, on constate qu’il ne fait que relater une attitude adoptée par les gens de sa ville, et le Kenesset Ha-Guédola lui-même émet une critique à l’égard de cette attitude qui est contraire au Din, comme il le souligne sur place.
Si la durée du voyage entre les 2 villes est inférieure à 72 mn, mais qu’en additionnant l’aller et le retour, on obtient les 72 mn, on récitera Birkat Ha-Gomel, à condition d’avoir fait l’aller et le retour dans la même journée, même si l’aller s’est fait le matin et le retour dans la nuit, comme on le déduit des propos du Maamar Mordé’haï (sur 227 note 3).
Une personne qui voyage plusieurs fois dans la semaine, d’une ville à l’autre, récitera Birkat Ha-Gomel 1 fois par semaine (Shabbat), et pensera à inclure tous ses voyages.
Tout ceci correspond exclusivement à la tradition Sefarade, conforme à l’opinion de MARAN dans le Shoul’han ‘Arou’h, selon laquelle on récite Birkat Ha-Gomel, même pour un voyage d’une ville à l’autre (72 mn).
Mais selon la tradition Ashkenaz, on ne récite cette bénédiction que lorsqu’on a voyagé d’un pays à l’autre.
Par contre, pour ce qui est de Tefilat Ha-Dere’h, tous les usages sont en accord.
Dès lors où l’on va voyager durant 72 mn d’une ville à l’autre, on récite Tefilat Ha-Dere’h en débutant le voyage.
Il n’y a aucune différence entre un homme et une femme vis-à-vis du devoir d’adresser à Hashem des bénédictions de reconnaissance, comme l’écrivent plusieurs décisionnaires comme le Gaon Rabbi Its’hak ABOUL’AFIYA dans son livre Péné Ist’hak (sect. « bénédictions » note 69).
Par conséquent, une femme qui a voyagé durant 72 mn est – elle aussi – tenue de réciter Birkat Ha-Gomel en présence d’un Minyan (à la synagogue, dans la partie réservée aux femmes par exemple).
Rédigé et adapté par R. David A. PITOUN France 5770 [email protected]
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