Parashat Shémini (5774) – Yéhouda Moshé Charbit
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בס״ד
PARACHAT CHÉMINI
La paracha de Chémini débute par le récit des différents sacrifices et offrandes qu’Aaron et ses fils ont apportés pour inaugurer le michkan. Les sacrifices terminés, Moshé et Aaron entrent ensemble dans la tente d’assignation pour implorer Hachem. À leur sortie, ils bénissent le peuple et, un feu sort et consomme les offrandes sur le michkan. C’est à ce moment que Nadav et Avihou, les fils d’Aaron, apportent un feu étranger qui n’avait pas été réclamé. À cause de cette erreur, un feu divin les dévore et leur ôte la vie. Moshé demande alors d’évacuer les corps des défunts à l’extérieur du camp. Cependant, malgré leur douleur, il fut interdit à Aaron et ses fils restants de prendre sur eux le deuil, du fait qu’ils se trouvaient dans les jours d’inauguration du michkan. Ils ont donc poursuivi leur office. La paracha se poursuit par l’explication aux bné-Israël des lois distinguant les animaux permis à la consommation de ceux qui sont interdits. Hachem explique au peuple que toute consommation de ces animaux interdits rend l’âme impure. Or, en tant que peuple d’Hachem, de à son image, nous devons être pur.
Dans le chapitre 10 de Vayikra, la torah dit :
א/ וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ, וַיִּתְּנוּ בָהֵן אֵשׁ, וַיָּשִׂימוּ עָלֶיהָ, קְטֹרֶת; וַיַּקְרִיבוּ לִפְנֵי יְהוָה, אֵשׁ זָרָה–אֲשֶׁר לֹא צִוָּה, אֹתָם׃
1/ Les fils d’Aaron prirent, Nadav et Avihou, chacun son encensoir, y mirent du feu, y placèrent de l’encens et apportèrent devant Hachem un feu étranger qu’il ne leurs avait pas ordonnés.
ב/ וַתֵּצֵא אֵשׁ מִלִּפְנֵי יְהוָה, וַתֹּאכַל אוֹתָם; וַיָּמֻתוּ, לִפְנֵי יְהוָה׃
2/ Un feu sortit de devant Hachem, les consuma et ils moururent devant Hachem.
ג/ וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה אֶל-אַהֲרֹן, הוּא אֲשֶׁר-דִּבֶּר יְהוָה לֵאמֹר בִּקְרֹבַי אֶקָּדֵשׁ, וְעַל-פְּנֵי כָל-הָעָם, אֶכָּבֵד; וַיִּדֹּם, אַהֲרֹן׃
3/ Moshé dit à Aaron : C’est ce que Hachem a dit en disant : « Je serais sanctifié par mes proches et face à tout le peuple je serais honoré » ; Aaron se tut.
ד/ וַיִּקְרָא מֹשֶׁה, אֶל-מִישָׁאֵל וְאֶל אֶלְצָפָן, בְּנֵי עֻזִּיאֵל, דֹּד אַהֲרֹן; וַיֹּאמֶר אֲלֵהֶם, קִרְבוּ שְׂאוּ אֶת-אֲחֵיכֶם מֵאֵת פְּנֵי-הַקֹּדֶשׁ, אֶל-מִחוּץ, לַמַּחֲנֶה׃
4/ Moshé appela Michaël et Eltsaphane, les fils d’Ouziel, l’oncle d’Aaron et leur dit : « Approchez, portez vos frères hors du sanctuaire à l’extérieur du camp ».
ה/ וַיִּקְרְבוּ, וַיִּשָּׂאֻם בְּכֻתֳּנֹתָם, אֶל-מִחוּץ, לַמַּחֲנֶה–כַּאֲשֶׁר, דִּבֶּר מֹשֶׁה׃
5/ Ils approchèrent et les portèrent par leurs tuniques à l’extérieur du camps comme Moshé avait dit.
Plusieurs questions se posent sur cet événement de la mort des deux fils d’Aaron. À plusieurs égards, l’attitude des deux frères interpelle. Le premier détail qui attire l’attention est la faute elle-même ? Qu’est-ce qui peut motiver de tels hommes à agir ainsi ? Pourquoi ont-ils apporté ce feu ?
Secondement, pourquoi la punition est-elle si sévère ? Hachem les brule littéralement ! Qu’ont-ils fait de si grave ? Imaginons qu’une telle scène se soit produite plus tard dans l’histoire, la punition aurait-elle était semblable ? Hachem serait-il intervenu lui-même pour bruler les protagonistes ?
De même, la lecture du passage suggère clairement que les enfants d’Aaron ont mal agit. Mais d’un autre côté, Rachi apporte les paroles de consolation que Moshé a dit à Aaron : « Aaron, mon frère, je savais que le sanctuaire serait sanctifié par les intimes d’Hachem. J’étais persuadé que se serait soit par ma mort, soit par la tienne. Maintenant, je vois qu’ils sont plus grands que moi et que toi ! ». Il apparaît donc, vu les propos de Moshé, que Nadav et Avihou n’ont finalement rien fait de mal. Il semble même que se soit le contraire.
Un point est également à souligner. Nos sages expliquent que seuls les corps de Nadav et Avihou ont brulé et pas leurs âmes. Ils ajoutent même que, par la suite, ces deux âmes se sont réincarnées en Pin’has, qui acquerra plus tard le titre de cohen. Tout le problème de ce commentaire se situe dans l’état particulier de ces âmes. Lorsque nous parlons de réincarnation, il s’agit d’une âme qui est montée auprès d’Hachem puis redescendue sur terre dans une nouvelle enveloppe charnelle. Elle se revient donc au cours d’une naissance et entre dans un corps nouveau. Mais là, les néchamot de Nadav et d’Avihou sont entrées dans le corps de Pin’has qui était déjà vivant ! Cela est particulièrement étrange.
Pour comprendre ce qui se passe réellement, le zohar précise que les enfants d’Aaron avaient en réalité, l’intention de réparer la faute d’Adam Arichone. Effectivement, Rabbi Chimone (Zohar, section Noa’h, pages 73b) explique que la faute du feu étranger dont nous parlent les versets était plus précisément l’ivresse dû au vin !
Il faut savoir que d’après cet avis, le fruit de l’arbre dont Adam et Hava ont gouté, celui de la connaissance, n’était autre qu’un raisin. Il s’agit plus précisément d’une raisin pressé sous forme de vin. Car, seul le vin peut faire tourner l’esprit de l’homme et c’est se qui s’est passé après la faute, Adam a perdu la conscience divine.
Plus tard dans l’histoire, la torah raconte que Noa’h, en sortant de la téva suite au déluge, a planté de la vigne et en a fait du vin. Il en est devenu ivre et s’est dénudé à cause de cela. En réalité, nous explique le zohar, Noa’h a tenté à cet instant, de réparer la faute d’Adam Harichone mais a échoué. Un avis avance même l’idée selon laquelle, la vigne qu’a planté Noa’h provenait du gan eden. Il s’agissait bien de l’arbre de la connaissance ! L’échec de Noa’h est remarquablement lié avec celui d’Adam car, suite à leur faute, Adam et Hava se sont rendus compte de leur nudité. Parallèlement, Noa’h après avoir consommé ce vin, s’est déshabillé par ivresse. La corrélation est plus qu’évidente et appuie bien l’idée que Noa’h agissait sur le même plan qu’Adam en tentant de réparer sa faute.
La tentative de Noa’h était parfaitement fondée, dans la mesure où le moment semblait plus que propice. En effet, la faute d’Adam est survenue au début de l’histoire. Il paraît donc logique de penser que lorsque le monde repart de zéro, que Noa’h est seul sur terre, les forces en jeu sont les mêmes que pour la faute d’Adam. C’est donc l’occasion idéale pour rejouer la scène et réparer la faute d’Adam. Seulement, Noa’h échoue.
Visant le même objectif, Nadav et Avihou vont combattre sur le même plan. L’ivresse dont nous parlent nos sages concernant les enfants d’Aaron, provient en réalité de la même ivresse vécu par Adam et Noa’h. Nadav et Avihou avaient à l’esprit que la création du michkan reflétait la création du monde. L’inauguration du michkan constituait donc une opportunité de rejouer encore la scène et de réparer définitivement la faute commise par Adam. L’ivresse dont nous parlent nos sages a donc la même source que celle d’Adam, il s’agit de l’ivresse issue de la vigne de l’arbre de la connaissance.
Nadav et Avihou n’avait donc aucune mauvaise intention, au contraire. Tout ce qu’ils souhaitaient était d’accomplir le bien, de supprimer le mal et réparer la faute d’Adam Harichone !
S’il en est ainsi, pourquoi ont-ils été brulés ? Pourquoi n’ont-ils pas pu finir le travail ?
La réponse se trouve peut-être dans la différence fondamentale entre le moment où Noa’h a tenté sa chance, et celui où les enfants d’Aaron ont tenté la leur. Lorsque Noa’h agit, nous nous trouvons sur une planète où lui et sa famille sont seuls. En clair, seule une poignée de personne doit-être aptes à vivre cette réparation. Si ce petit nombre d’individu est en mesure d’avoir un tel mérite, alors la réparation est envisageable. Par contre, lors de la tentative de Nadav et Avihou, tout un peuple se tient derrière eux ! Si eux sont méritant et peuvent réparer la faute originelle, il n’en n’est pas nécessairement le cas pour l’ensemble du peuple ! En définitive, s’ils étaient parvenus à réparer la faute, alors le monde se serait trouver dans un état de sainteté inadapté ! D’où leur erreur ! C’est pourquoi, Hachem ne « peut » les laisser agir et intervient.
Tentons d’aller plus en avant dans le développement. Certes, il fallait intervenir, mais pourquoi les tuer ? Pour ne pas simplement les stopper ?
C’est la toute la subtilité du raisonnement. Comme nous venons de le dire, les bné-Israël n’étaient pas prêt à cela, mais eux, l’étaient ! Nadav et Avihou, pour reprendre les mots de Moshé, sont plus grands que Moshé et Aaron ! Dans le sens où, ils ont mérité d’échapper au venin de la faute d’Adam. Eux peuvent, à titre individuel, réparer cette faute ! Or, le corps est le siège du yetser hara depuis la faute d’Adam. C’est pourquoi, Hachem supprime leur corps mais pas leur âme. Celles-ci restent dans ce monde. En clair, Nadav et Avihou ne sont pas mort comme nous l’entendons. Ils ont simplement étaient débarrassés de leur corps ! Mais leur néchama est restée sur terre ! Ce qui explique pourquoi, lorsque nos sages parlent de leur réincarnation en Pin’has, cela ne pose aucun problème. Car il ne s’agit pas d’une réincarnation à proprement parler. Il faut plutôt comprendre que les néchamot de Nadav et Avihou, encore présentes sur terre, ont investi Pin’has et se sont manifestés par son intermédiaire ! Car ils n’ont pas été tués en tant que sanction, mais plutôt en tant que récompense !
Finalement, le seul détail qui leur a échappé est parfaitement résumé dans le verset « אֲשֶׁר לֹא צִוָּה, אֹתָם Qu’il ne leurs avait pas ordonnés ». L’erreur qu’ils ont commis et de ne pas avoir attendu qu’Hakadoch Baroukh Hou le leur ordonne. Car en l’état, seul un ordre de sa part convient. Personne d’autre que lui ne sait si oui ou non, le moment est propice, si le peuple mérite et est apte à réparer la faute d’Adam. Cela rejoint d’ailleurs l’opinion qui explique que leur faute est d’avoir enseigné une halakha devant Moshé leur maître alors que cela est parfaitement inconvenable. En effet, ils auraient dû demander et non agir de leur propre chef. Dès lors, leur tentative, bien que motivée d’un bon sentiment, n’était pas correcte. Agir en suivant nos propres idées, notre propre raisonnement est risqué. Car nous ne pouvons pas estimer les choses objectivement.
C’est pour cela qu’en ce qui concerne Moshé, la torah atteste régulièrement qu’il agissait sur ordre de Dieu. Car il ne prenait pas la décision lui-même, mais ne faisait qu’obéir à la demande d’Hakadoch Baroukh Hou. Ceci est un message qui mérite d’être véhiculé. Il ne faut surtout jamais agir en nous basant sur notre propre raisonnement. Ce qu’il faut, c’est agir comme Hachem nous l’a ordonné. Cela peut sembler évidement, mais trop souvent les gens établissent des échelles d’importance et évaluent eux-même ce qu’ils doivent faire. Cette attitude est mauvaise car elle ne reflète pas la volonté d’Hachem, mais notre propre volonté. Tel est le travail de l’homme : faire de sa volonté notre volonté. C’est le seul moyen de ne pas se tromper et de suivre la vérité sans écart. Yéhi ratsone que nous puissions toujours suivre ce chemin. Amen véamen.
Chabbat Chalom.