Divré Torah Parashat Shémini – 5776
Yéhouda Moshé Charbit
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בס״ד
PARACHAT CHÉMINI
La paracha de Chémini débute par le récit des différents sacrifices et offrandes qu’Aaron et ses fils ont apportés pour inaugurer le michkan. Les sacrifices terminés, Moshé et Aaron entrent ensemble dans la tente d’assignation pour implorer Hachem. À leur sortie, ils bénissent le peuple et, un feu sort et consume les offrandes sur le michkan. C’est à ce moment que Nadav et Avihou, les fils d’Aaron, apportent un feu étranger qui n’avait pas été réclamé. À cause de cette erreur, un feu divin les dévore et leur ôte la vie. Moshé demande alors d’évacuer les corps des défunts à l’extérieur du camp. Cependant, malgré leur douleur, il fut interdit à Aaron et ses fils restants de prendre sur eux le deuil, du fait qu’ils se trouvaient dans les jours d’inauguration du michkan. Ils ont donc poursuivi leur office. La paracha se poursuit par l’explication aux bné-Israël des lois distinguant les animaux permis à la consommation de ceux qui sont interdits. Hachem explique au peuple que toute consommation de ces animaux interdits rend l’âme impure. Or, en tant que peuple d’Hachem, à son image, nous devons être purs.
Dans le chapitre 11 de Vayikra, la torah dit :
ד/ אַךְ אֶת-זֶה, לֹא תֹאכְלוּ, מִמַּעֲלֵי הַגֵּרָה, וּמִמַּפְרִסֵי הַפַּרְסָה: אֶת-הַגָּמָל כִּי-מַעֲלֵה גֵרָה הוּא, וּפַרְסָה אֵינֶנּוּ מַפְרִיס–טָמֵא הוּא, לָכֶם
4/ Mais ceci vous ne mangerez pas parmi ceux qui font remonter la nourriture et ceux qui ont le sabot fendu : le chameau car il fait remonter la nourriture mais son sabot n’est pas fendu ; il est impur pour vous.
:ה/ וְאֶת-הַשָּׁפָן, כִּי-מַעֲלֵה גֵרָה הוּא, וּפַרְסָה, לֹא יַפְרִיס; טָמֵא הוּא, לָכֶם
5/ La gerboise, parce qu’elle rumine, mais n’a point le pied corné: elle sera immonde pour vous.
:ו/ וְאֶת-הָאַרְנֶבֶת, כִּי-מַעֲלַת גֵּרָה הִוא, וּפַרְסָה, לֹא הִפְרִיסָה; טְמֵאָה הִוא, לָכֶם
6/ Le lièvre, parce qu’il rumine, mais n’a point le pied corné: il sera immonde pour vous.
:ז/ וְאֶת-הַחֲזִיר כִּי-מַפְרִיס פַּרְסָה הוּא, וְשֹׁסַע שֶׁסַע פַּרְסָה, וְהוּא, גֵּרָה לֹא-יִגָּר; טָמֵא הוּא, לָכֶם
7/ Le porc, qui a bien le pied corné, qui a même le sabot bifurqué, mais qui ne rumine point: il sera immonde pour vous.
:ח/ מִבְּשָׂרָם לֹא תֹאכֵלוּ, וּבְנִבְלָתָם לֹא תִגָּעוּ; טְמֵאִים הֵם, לָכֶם
8/ Vous ne mangerez point de leur chair, et vous ne toucherez point à leur cadavre: ils sont immondes pour vous.
Notre paracha enseigne les critères de la cacherout animale. Ainsi, pour ceux qui vivent sur la terre, la torah exige qu’il s’agisse de ruminants ayant les sabots fendus pour valider leur consommation. L’absence d’un seul critère rend l’animal interdit. À ce titre, la torah énumère quatre espèces particulières, qui ne disposent que d’un seul des deux critères mentionnés. Il s’agit du chameau, de la gerboise, du lièvre et du porc. Les trois premiers sont des ruminants mais n’ont pas les sabots fendus, tandis que pour le dernier c’est l’inverse qui est de vigueur. De façon assez étrange, le midrach rabba (vayikra, chapitre 13, alinéa 5) relie ces quatre espèces aux quatre grands exils que sont Babylone, la Perse, la Grèce et enfin Édom dans lequel nous sommes encore plongés.
La corrélation semble échapper à notre esprit, quel lien relie l’interdiction de consommer ces bêtes avec les quatre exils de l’histoire juive ? En poussant le raisonnement, nous remarquons que le même parallèle est évoqué à un moment similaire à celui de notre paracha. Comme nous n’avons eu de cesse de le dire, la fabrication du michkan suit le même procédé que celle du monde, en ce sens où elle constitue un microcosme. De façon tout aussi surprenante, lors de la création du monde, sur le second verset de la torah, nos sages localisent une allusion aux quatre exils que nous avons cités. Ceci laisse sous-entendre un lien étroit entre ces exils et l’existence du monde. Comment peuvent-ils précéder la faute d’Adam ? Puisqu’ils sont déjà pressentis dans le second verset de béréchit, il nous semble difficile d’en justifier le sens, puisque jusque-là, l’homme n’est accusable de rien ? La sanction était-elle prévue avant la faute ?
Tentons de comprendre.
Sur les quatre espèces animales que la torah cite, le cas du ‘hazir (porc) est atypique. En effet, le Or Ha’haïm (chapitre 11, verset 8) écrit : « C’est une condition (l’interdiction de le consommer) durant le temps pour lequel il ne rumine pas. Cependant, dans l’avenir, il ruminera et redeviendra permis, mais ce n’est pas qu’il restera sans ruminer et sera pour autant autorisé, car la torah ne changera pas (c’est le fait qu’il devienne ruminant qu’il le rendra permis) ».
Nous voyons déjà que l’état d’impureté du porc n’est que temporaire, mais sera amenée à disparaître, car la nature même de la digestion de cet animal sera modifiée. Cependant, ce qui intrigue, c’est la formulation employée par le Or Ha’haïm, dans le passage en gras. Que signifie le fait qu’il »redevienne » permis ? L’aurait-il déjà été ? De même, qu’est-ce-qui opérera le changement de l’impureté vers la pureté concernant cet animal ?
Comme nous l’avons dit plus haut, le porc symbolise le règne d’Édom dans les quatre royautés. Il s’agit des descendants d’Essav. De façon contraire au trois autres espèces animales citées dans la torah, l’interdiction de manger du porc se trouve être le défaut des parties hautes de son corps dans la mesure où il ne rumine pas. Par contre, ses parties basses, elles, présentent les critères de la cacherout, puisque ses sabots sont fendus. Le Yisma’h Moshé (sur tolédot) explique pourquoi l’animal corrélé à Essav présente un signe de cacherout au niveau des sabots. Ceci se justifie par le fait, qu’au moment de la naissance des enfants de Rivka, le second enfant tient le talon d’Essav. C’est d’ailleurs à ce titre que son nom lui sera conféré, comme le souligne sur place Rachi. En effet, le mot talon se disant »עקב ‘ékev » la torah appelle donc le second enfant »יעקב Yaakov ». Il est intéressant de souligner que le nom du troisième et plus grand des patriarches soit basé sur cette simple anecdote. Bien-sûr, si le nom, qui dans la torah est chargé de tant de sens, est choisi en rapport à cette histoire, c’est qu’elle contient un événement important. Et justement, le Yisma’h Moshé y voit là la transmission par Yaakov à Essav, d’une dose de sainteté qui se positionnera au niveau de son talon. C’est pourquoi, l’espèce qui symbolise Essav, contrairement aux autres, dispose de signes de pureté au niveau des parties basses, à savoir du sabot.
Cependant, qu’est-ce-qu’amorcera la purification de ses parties hautes, pourquoi deviendra-t-il ruminant ?
Pour avoir une approche adéquate, il nous faut remonter à la mort d’Essav. En effet, Le Pirké déRabbi Éliézer raconte que lors de l’enterrement de Yaakov, Essav est venu protester réclamant l’héritage du tombeau. C’est lors de cet événement que, ‘Houchim, le fils de Dan, malentendant et incapable d’attendre pour offrir une sépulture à Yaakov, sortit son épée et lui trancha la tête qui roula jusque dans le tombeau. À cet instant, Yitshak attrapa la tête de son fils et pria pour son salut. Bien évidemment ce passage intrigue. Comment la tête de ce racha a-t-elle pu finir dans un lieu si saint ? Pourquoi, Yitshak depuis son lieu de repos, la saisit, comme pour témoigner qu’elle a bien sa place dans un tel endroit ?
À cela, le Chlah Hakadoch (Matsa hachira) apporte un commentaire intéressant. Il explique que le mal est parvenu depuis la faute à saisir une part de bien. Or, l’ange du mal n’est autre que celui d’Essav. Les sources mystiques le nomment (ne pas prononcer) »סמאל ». Dans sa composition, ce nom est la contraction de deux mots : »סמ sam » et »אל el ». Le premier signifie le poison et le second renvoie à Hachem. En ce sens que, la force principale du mal contient dans son essence une source divine, qui est enracinée dans une enveloppe extrêmement négative. À la fin des temps, nos sages enseignent que Dieu égorgera l’ange du mal. Au sens du Chlah Hakadoch cela ne signifie pas sa disparition mais plutôt sa purification. Hachem supprimera l’expression négative de cette entité, le poison qui entoure sa source de vie, pour ne plus laisser que »אל el » qui correspond à l’expression du bien. C’est en somme ce qui s’est produit lors de la mort d’Essav. Le frère jumeau de Yaakov, bien qu’auteur de nombreuses fautes et de grandes souffrances pour le troisième patriarche, dispose lui aussi d’une étincelle de sainteté enfouie au plus profond de son être. Cependant, cette dernière est encadrée par des forces négatives puissantes. Toutefois, lorsque le poison est retiré, lorsque la mort fait son apparition, alors la partie positive peut émerger à nouveau. Cette partie se centralise dans la tête d’Essav qui peut dorénavant trouver sa place entre les bras de son père Yisthak dans le tombeau de Ma’hpéla.
Il s’avère donc que la mort permet à Essav d’exprimer une partie positive que nous ne soupçonnions pas chez lui. Cette dernière se localise dans le haut de son corps, au niveau de sa tête et non pas dans le bas.
À ce titre, nous pouvons comprendre ce qui se produira à la fin des temps. Le ‘hazir, pour lequel, seul le critère de ruminant manque pour entrer dans la catégories des animaux autorisés, subira le même procédé qu’Essav à sa mort. Lorsque le mal sera éradiqué du monde, alors tout comme Essav, la partie haute de son corps pourra exprimer une sainteté jusque-là dissimulée. Dès lors il pourra ruminer, ce qui, s’ajoutant au fait qu’il ait déjà les sabots fendus, lui attribuera les critères de la cacherout.
Il apparaît donc que la suppression du mal engendrera la possibilité pour cet animal de changer de cadre. C’est dans cette suite d’idée que le ‘Hatam Sofer (Torat Moshé, parachat chémini) écrit que la torah n’a enseigné la règle du ‘hazir que maintenant, car jusque-là, elle était en suspend, la loi n’était pas encore définie. Tout dépendait encore de l’état du monde, le mal et Édom qui le représente, seront-ils détruits ou pas. Dans la première hypothèse, alors le défaut inhérent au ‘hazir disparaît et ce dernier est alors permis, dans la seconde, c’est le contraire qui se produit. Or, l’histoire dont traite notre paracha est celle de Nadav et Avihou, qui ont tenté de résorber la faute d’Adam Harichone (cf dvar torah chémini année 5774). Si leur entreprise avait abouti, alors le ‘hazir n’aurait plus exprimé son défaut et se serait révélé permis. Ce n’est qu’une fois qu’ils ont échoué et n’ont pu atteindre leur objectif, que dorénavant la loi peut être déterminée et interdire le ‘hazir.
Le Chem Michmouël (parachat chémini, année 678) poursuit en ajoutant que les quatre royautés et les quatre animaux sont corrélés car dans leur essence, ils sont identiques. De fait, puisque la fin des temps correspondra à la suppression des défauts du ‘hazir pour ne laisser que la partie autorisée, de même en ce qui concerne tous les animaux. Mais plus encore, cela laisse entrevoir que les royautés, aussi hostiles ont-elles été envers les bné-Israël, tirent leur substance d’une entité positive et sainte. Seulement, c’est leur habit terrestre, qui recouvre cette lueur spirituelle et l’emprisonne dans le mal. À juste titre, lorsque le mal sera éradiqué, alors leur expression s’avèrera de nouveau bonne.
Cela nous conduit à appliquer le même raisonnement sur une question laissée en suspend. La présence allusive des quatre royautés de nos exils, avant même la faute d’Adam Harichone, se justifie parfaitement, et ce de la même façon que la mention du ‘hazir dans notre paracha. À savoir, qu’au moment de la création, l’attribut qui allait être accordé aux royautés était en suspend : ces nations seront-elles positives ou négatives ? Plus précisément, elles étaient initialement positives, seulement, le risque de la faute faisait planer sur elles la possibilité de les encadrer par le mal et changer leur expression, la rendant dangereuse et hostile. En clair, tout comme pour le ‘hazir, les choses étaient indécises, naturellement bonnes mais risquant de basculer vers le mal conséquent à la faute.
Ce développement met en évidence l’impact de nos actes sur le monde. Lorsque nos sages enseignent que nos décisions influent sur l’état de l’univers, que notre action peut littéralement bouleverser l’ordre des choses. Compléter ou has véchalom altérer l’oeuvre d’Hachem au travers de nos mitsvot et de nos avérot est donc une chose concrète. L’orientation du monde peut souvent être la conséquence d’une simple décision. Yéhi ratsone que nous puissions raffiner nos actes au point de parfaire définitivement la création d’Hakadoch Baroukh Hou.
Chabbat Chalom.