Dix-septième passage – Il devint une nation grande
וַיְהִי שָׁם לְגוֹי גָּדוֹל. מְלַמֵּד שֶׁהָיוּ יִשְׂרָאֵל מְצֻיָּנִים שָׁם. לְגוֹי גָּדוֹל וְעָצוּם כְּמוֹ שֶׁנֶּאֱמַר. וּבְנֵי יִשְׂרָאֵל פָּרוּ וַיִּשְׁרְצוּ וַיִּרְבּוּ וַיַּעַצְמוּ בִּמְאֹד מְאֹד וַתִּמָּלֵא הָאָרֶץ אֹתָם:
Il devint une nation grande, cela vient nous apprendre que les Israélites se distinguaient des autres en Egypte.
« Puissante et nombreuse », comme il est dit (Exode Ch. 1, v7)
Et les enfants d’Israël furent féconds, ils pullulèrent, augmentèrent, devinrent puissants, et remplirent le pays.
1)Haggadah Kos Eliahou du rav Eliahou Ben Harosh page 57
Il devint une nation grande, cela vient nous apprendre que les Israélites se distinguaient des autres en Egypte, le mot מְצֻיָּנִים désigne une marque, un signe distinctif, c’est à dire qu’on pouvait les distinguer, qu’ils étaient reconnaissables. Tous ceux qui les voyaient reconnaissaient qu’il s’agissait d’un enfant d’Israël. Aucun d’entre eux ne portait un vêtement Egyptien ou bien ne se raseait les extrémités du cuir chevelu par exemple, pour ressembler à un Egyptien et être dispensé des travaux pénibles.
Le Ritva nous enseigne qu’on apprend cela à partir du mot לְגוֹי c’est à dire qu’ils étaient identifiables et visibles comme un seul peuple (un caractère distinctif et homogène) ; de cette explication il ressort que le mot suivant [nation] « grande » n’était pas nécessaire d’être rapporté pour prouver cela. A la fin de notre passage le Magguid explique d’ailleurs גָּדוֹל וְעָצוּם.
De plus, il semble que le Magguid veuille expliquer le mot « grand » גָּדוֹל à part (« grand » ne se rapportant pas au mot peuple) et cela correspond à l’explication que nous trouvons dans la Pessikta qui indique qu’il était écrit dans le « palais » de Yossef que l’état devait les nourrir comme il est écrit
וַיְכַלְכֵּל יוֹסֵף אֶת-אָבִיו וְאֶת-אֶחָיו, וְאֵת כָּל-בֵּית אָבִיו–לֶחֶם, לְפִי הַטָּף.
Joseph nourrit son père, ses frères et toute la maison de son père, donnant des vivres selon les besoins de chaque famille.
Comme ils ont commencé à avoir une croissance très importante et donc à devenir très nombreux, les Egyptiens ont cessé de leur fournir leur nourriture. Selon cette explication, le mot « grand » גָּדוֹל est à part et signifie « grandeur, noblesse » car tel est l’usage pour les grands du royaume d’être nourris par l’état de manière éternelle par les caisses du royaume, comme il est écrit :
רַק אַדְמַת הַכֹּהֲנִים, לֹא קָנָה: כִּי חֹק לַכֹּהֲנִים מֵאֵת פַּרְעֹה, וְאָכְלוּ אֶת-חֻקָּם אֲשֶׁר נָתַן לָהֶם פַּרְעֹה–עַל-כֵּן, לֹא מָכְרוּ אֶת-אַדְמָתָם
Toutefois, le domaine des prêtres, il ne l’acquit point. Car les prêtres recevaient de Pharaon une portion fixe et ils consommaient la portion que leur allouait Pharaon, de sorte qu’ils ne vendirent pas leur domaine.
L’explication finale de notre passage (les enfants d’Israël pullulèrent) se rapporte uniquement au dernier mot עָצוּם (nombreuse)
2) Haggadah ‘Hazon Ôvadia de Rabbénou Ôvadia Yossef page 55
Il devint une nation grande, cela vient nous apprendre que les Israélites se distinguaient c’est à dire qu’ils étaient rassemblés dans une seule zone, ils ne sont pas dispersés dans les différentes villes. On peut dire également qu’ils se distinguaient par leur habillement afin que les Egyptiens ne se mélangent pas à eux (au nom du Otséroth ‘Haïm). Les sages nous ont enseigné que par le mérite de trois comportements les Israélites ont été délivrés
- Ils n’ont pas modifié leurs noms (prénoms);
- Ils n’ont pas changé leur langue ;
- ils n’ont pas changé leurs habitudes vestimentaires.
De nos jours, malheureusement, les juifs habitant de part le monde (en dehors de la Terre Sainte) prennent des prénoms empruntés aux non-juifs afin qu’on ne reconnaisse pas leur origine ; ce n’est que lorsqu’on rappelle leur souvenir lors des prières pour les défunts qu’on se souvient de leur nom juif, celui qui leur a été donné lors de leur entrée dans l’alliance (circoncision). A ce propos les sages ont expliqué sur le verset (Psaumes Ch. 49, v12)
קִרְבָּם בָּתֵּימוֹ, לְעוֹלָם מִשְׁכְּנֹתָם, לְדוֹר וָדֹר;קָרְאוּ בִשְׁמוֹתָם, עֲלֵי אֲדָמוֹת.
Ils s’imaginent que leurs maisons vont durer éternellement, leurs demeures de génération en génération, qu’ils attacheront leurs noms à leurs terres.
c’est à dire qu’on ne les appelle par leur prénom juif que lorsqu’on les amène dans « leurs terres » c’est à dire celles du cimetière. De la même manière, on explique sur le mode allusif ce que nous disons au moment de la circoncision d’un enfant « de la même manière que Tu l’as fait entré dans l’alliance, fais le rentrer dans la Torah et amène le au mariage » c’est à dire que de la même manière qu’il est appelé « Avraham » le jour de sa circoncision, que son prénom soit conservé ainsi jusqu’à son mariage et qu’il ne soit pas échangé avec un prénom non-juif !
3) Haggadah ‘Hazon Ôvadia de Rabbénou Ôvadia Yossef page 56
Et les enfants d’Israël furent féconds, ils pullulèrent, augmentèrent, devinrent puissants nos sages nous apprennent que les femmes Hébreux avaient six enfants à chaque accouchement (comme des insectes dont le mot Hébreu est de la même racine que le mot « pullulèrent »). A partir de cela il est possible de résoudre la difficulté que soulève le Rav Ibn Êzra sur ce que commentent les sages (Talmoud Bava Vatra, 120a) que Yokhéved (la mère de Moïse) est née sur le chemin lorsque Jacob et ses enfants sont descendus en Egypte ; cela signifie qu’elle avait 130 ans [210-80] lorsqu’elle a enfanté Moïse.
S’il en est ainsi, pour quelle raison la Torah ne mentionne-t-elle pas cet acte surprenant ? C’est un plus grand miracle que celui dont a bénéficié Sarah qui a enfanté à l’âge de 90 ans (et dont la Torah fait mention). Le Magguid de Douvna, le Rav Yaâkov Karnets, répond par une parabole.
Il y avait une fois deux pauvres qui prirent un jour le chemin, l’un d’entre eux a commencé a louer le grand donateur Rabbi Ishaîa, un donateur sans pareil. Un jour, ce pauvre s’était présenté auprès de Rabbi Ishaîa et celui-ci lui avait donné deux pièces d’or. Le second pauvre rétorqua ; Non c’est plutôt Rabbi Moshé qui est le plus grand donateur, qui n’a nul pareil au monde. Je me suis présenté une fois chez lui et il m’a donné une pièce d’or. Le premier pauvre se moqua du second « Non mais dis moi ! Deux pièces d’or c’est quand même mieux qu’une seule pièce d’or !? ». Son ami lui répondit « Dis moi, quand as-tu reçu ces deux pièces d’or de Rabbi Ishaîa ? » ; « c’était à Pourim ». Il rétorqua aussitôt: « c’est bien ce que je disais ! Il n’y a pas plus grand donateur que Rabbi Moshé ! Pourim est un jour de festin et de joie pendant lequel tout le monde donne très généreusement ; et si par la joie donnée par le vin Rabbi Ishaîa t’a donné deux pièces d’or il n’y a là rien de surprenant. Par contre, pour ma part, j’étais chez Rabbi Moshé pendant le mois de Tamouz (à l’époque des deuils sur la destruction des deux temples de Jérusalem) et malgré tout il m’a donné une pièce d’or ; c’est une preuve flagrante de sa nature généreuse ».
La comparaison: Yokhéved (la mère de Moïse) a enfanté en Egypte à une époque de grâce, de la même manière que Pourim est une période de grâce, à cette époque chaque femme avait six enfants lors de chaque accouchement, le verset précise bien (Exode Ch. 1, v12)
וְכַאֲשֶׁר יְעַנּוּ אֹתוֹ, כֵּן יִרְבֶּה וְכֵן יִפְרֹץ; וַיָּקֻצוּ, מִפְּנֵי בְּנֵי יִשְׂרָאֵל.
Mais, plus on l’opprimait, plus sa population grossissait et débordait et ils conçurent de l’aversion pour les enfants d’Israël.
En conséquence il n’y a là aucun événement extraordinaire à ce que Yokhéved accouche à l’âge de 130 ans. Par contre, lorsque Sarah a accouché à l’âge de 90 ans c’était comme le mois de Tamouz, personne n’avait jamais entendu parler d’un miracle aussi surprenant que celui-là ; Cet accouchement de Sarah à l’âge de 90 ans, était une nouveauté vraiment extraordinaire, et c’est pour cela que la Torah le mentionne.