« Pourim »: Rav Shapira Année 5775
Traduit et adapté par Rav Michael Smadja
Le Talmud demande où est mentionné, en allusion, Moshé dans la Torah dans le livre de la Genèse? Moshé qui devait venir au monde obligatoirement, est automatiquement programmé dans la Torah avant même qu’il ne soit né. Le Talmud répond qu’il est fait allusion au nom de Moshé dans le verset à propos de la venue du déluge « בשגם הוא בשר » lorsque D-ieu annonce à Noah que la fin de tout être arrivera dans 120 ans. Le mot « בשגם » à la même valeur numérique que משה, Moshé, 345 et que de la même manière qu’il restait à l’humanité 120 ans de vie avant sa destruction par le déluge, ainsi Moshé a vécu 120 ans. Que veut nous enseigner le Talmud par cet enseignement ? Le Maharal explique cet enseignement différemment. La Torah ayant été donnée de manière forcée lorsque D-ieu a posé sur la tête des enfants d’Israël la montagne pour les obliger à accepter la Torah. Les Tossaphot demandent pourquoi D-ieu a-t-il obligé les enfants d’Israël à recevoir la Torah, alors qu’ils l’avaient acceptée auparavant de plein gré, et voulaient de tout leur cœur l’accomplir? Comme il est dit lorsqu’ils ont voulu écouter d’eux-mêmes la parole divine ! Le Maharal dévoile que la Torah en elle-même est quelque chose d’obligatoire à l’existence de la création. Il est impossible que le monde puisse se matérialiser sans la Torah. L’homme ne peut exister sans Torah ! C’est-à-dire qu’il y a une obligation que la Torah se révèle dans le monde. Et donc la Torah doit être donnée d’une manière obligatoire forcée et contrainte et non comme une chose que l’on accepte parce que nous l’avons désirée et si nous ne la voulons pas, nous ne l’acceptons pas. La Torah c’est notre oxygène, nous n’avons pas le choix de l’accepter ou non. Et puisque la Torah est appelée au nom de Moshé car c’est lui qui l’a donnée, qui l’a dévoilée au peuple d’Israël et au monde entier, il est évident que son existence est obligatoire forcée et contrainte dans l’existence de la création. Car de la même manière qu’il est impossible que la création puisse exister sans Torah, ainsi il est impossible une création sans la Torah de Moshé car ce n’est qu’elle la Torah. Aucune autre alternative possible.
Toutes choses qui existent, ne deviennent existantes que lorsqu’elles viennent au monde. Alors depuis leur création jusqu’à leur fin, elles existent. Moshé puisqu’il est l’obligation même de l’existence, alors la création fait qu’il est une finalité obligatoire à elle-même. Son existence est l’essence même de la création. Il devait naître obligatoirement. La Torah a fait que Moshé devait exister et donc, il est évident que son nom est incrusté dans la Torah elle-même avant sa naissance car la Torah est le fondement de la création. Moshé étant l’identité même de la Torah et donc, il est obligatoire que son existence soit fait allusion dans la Torah avant sa naissance. Son nom même de Moshé, c’est la fille de Parho qui lui a donné, du fait qu’elle l’a tiré des eaux, de quels eaux parle-t-on? Des eaux du déluge. De ces eaux qui sont l’anti-matière car sans forme. De cette anti-matière, Moshé a été sorti pour arriver dans le monde.
Puis le Talmud demande où est fait allusion Haman dans la Torah et il répond d’un verset où D-ieu demande au premier homme « avez-vous mangé de cet arbre (que je vous ai interdits) ? « המן העץ הזה » « hamin haets hazé » « hamin » peut se lire « haman« . Donc la réalité elle-même de Haman est obligatoire pour l’existence de la création. Qu’est-ce qui oblige la réalité de Haman dans la création? La réponse est évidente: l’un ne peut exister sans l’autre. Une force qui fait pencher d’un côté ne peut être créée dans la nature si ce n’est qu’il y a une force inverse qui est créée aussi et il faut aussi que chacune de ces deux forces soit égale à l’autre. S’il n’y avait que Moshé dans la création sans Haman qui lui faisait face, alors tout serait clair, aucun doute quant à la vérité de la création. De l’obligation que Moshé fasse partie de l’existence même de la création, il y a la même obligation qu’il y ait l’anti-Moshé, une force capable dans la création de déraciner complètement cette force appelée « Moshé ». Dans ce monde, la réalité est telle que cette force soit égale à la force appelée « Moshé ».
Il est écrit à propos de la première révélation divine qui est apparue à l’esprit de Moshé au buisson ardent, D-ieu lui dit: « qu’y a-t-il dans ta main? » Et Moshé lui répondit: « un bâton« . C’était le bâton de Elokim. Par ce bâton, toutes les plaies d’Egypte ont été exécutées à l’exception de la plaie des premiers-nés qui a été réalisée par D-ieu lui-même. Donc dans l’essence même de ce bâton était inscrite la délivrance des enfants d’Israël et par cette force incroyable, était inscrite intrinsèquement toute la Torah entière. La Torah s’est dévoilée par ces mots du verset: « Je suis Hachem ton D-ieu qui t’a fait sortir de la terre d’Egypte« . Ce dévoilement divin s’est fait uniquement par ce bâton qui porte en lui toute la délivrance d’Egypte et par cette force, elle porte en elle toute la Torah entière. C’est ce qui est appelé « le bâton de Elokim« . Par ce bâton, D-ieu dirige toute la création entière. Et puisque cette conduite de la nature est construite d’une manière où des fois, elle tend d’un côté et une autre fois de l’autre côté. Des fois cette conduite divine doit tendre vers la clémence, le « héssed » et d’autres fois vers la justice, la rigueur, pour cela, cette conduite divine dans ce monde se dévoile ainsi, par ce « bâton de Elokim ».
D-ieu dit à Moshé: « jette le bâton à terre », alors Moshé le jeta à terre et il se transforma en serpent. Alors la Torah précise « Moshé se sauva de devant le serpent« . Ce même bâton que Moshé tenait dans sa main qui était l’essence même de toute la Torah et par celui-ci, le monde est conduit, de ce bâton précisément est sorti un serpent que Moshé lui-même s’est enfui de devant lui! « Et D-ieu dit à Moshé: ‘Envoie ta main et saisit le par la queue’ et Moshé envoya sa main et saisit le serpent et il redevint bâton dans sa main ».
Il faut comprendre que ce même bâton de Elokim qui a dévoilé toute la Torah entière s’il n’avait dévoilé que ce côté de la vérité, la Torah telle qu’elle est, sans dévoiler un côté négatif anti-Torah, alors il y aurait un défaut dans le libre-arbitre. Pour cela, le bâton a dévoilé des forces contraire aux forces de la Torah, la face cachée, le mal, les faces du serpent. Tout le monde comprend que le serpent dont nous parlons est le serpent ontologique qui est la cause de toutes les fautes dans le monde. La Torah étant sa réparation, la perfection le bâton de Elokim, la véritable conduite divine dans le monde. Le serpent se trouve ici pour que le bâton puisse développer son pouvoir de bâton, « מטה« , » maté ». C’est-à-dire « je choisis ce penchant car j’ai la possibilité de pencher « מטה » « maté » de ce côté. S’il n’y a pas deux directions, il ne peut y avoir de tendances, de « מטה« , de « maté » qui veut dire « pencher vers », qui est aussi la signification du « bâton ». La notion de « bâton » est de faire pencher les choses vers le côté exact et de l’écarter du côté mensonger. Le bâton est obligé de dévoiler. D’un côté, c’est le bâton qui est la cause de tous les dévoilements qu’il y a eu en Egypte qui sont les racines de toute la Torah entière. Et de l’autre côté, il est le dévoilement de tous les maux engrangés par le serpent ontologique. Le bâton a en lui cette force de dévoilement.
Nos sages enseignent qu’il y a dans chacune des Mitsvot de la Torah quarante-neuf manières de rendre pur comme quarante-neuf manières de rendre impur. L’un par rapport à l’autre. Pour cela, lorsque le bâton de Elokim s’est dévoilé, se sont dévoilés alors deux côtés. Ce même bâton qui porte en lui toute la Torah, porte en lui ce qui est l’anti-Torah afin que ce bâton ait en lui cette force de bâton qui est le fait de pouvoir pencher vers « מטה« .
Au nom du Gaon de Vilna, il est écrit que la lettre « ה » le « hé » du mot « מטה » « maté », le bâton, fait référence à la cinquantième porte qui se situe au-delà du compte. Dans ces quarante-neuf portes ou paliers, il y a quarante-neuf manières de rendre impur et quarante-neuf manières de rendre pur mais en dehors de ces portes, il y une porte unique où il n’y a pas d’opposé, l’un en face de l’autre, il n’y a que l’unité totale. C’est aussi cela l’explication du « bâton » « מ-ט » « quarante-neuf » et le « ה » du mot « מטה » qui représente la cinquantième porte, la dualité n’existe plus. Par la force de ce « ה » de cette cinquantième porte, nous avons la possibilité de faire pencher les événements vers sa véritable direction.
« Et Moshé s’est sauvé de devant lui (le serpent) ». Moshé ne savait pas comment réagir devant ce serpent car cette force qui se dévoilait devant lui était aussi forte que la sienne. Il doit y avoir toujours un côté inverse, sinon, l’existence ne peut se matérialiser. Si Moshé se trouve d’un côté, alors, à son opposé, il doit y avoir une force égale à la force de la Torah que Moshé développait.
Le Talmud rapporte l’histoire de quatre enseignants de la Mishna qui sont entrés dans le jardin de la sagesse, c’est-à-dire qu’ils sont arrivés à une profondeur extrême dans la compréhension de la Torah, ressentir les choses de telle manière qu’ils en arrivaient à comprendre leur véritable essence pour les dévoiler dans ce monde d’une manière claire et par cela les amener à leur réparation. Dévoiler dans le monde ces profondeurs et en arriver à enlever le mal ontologique de chaque vérité qu’ils comprenaient. C’est ce qui s’appelle « ils sont entrés dans le ‘jardin’« . Et s’ils avaient réussi, le monde aurait fait apparaître alors une autre forme de vérité. Cette entrée dans le ‘jardin’ était dans le temps très proche du moment de la destruction du saint temple, il y a près de deux mille ans. S’ils avaient réussi, le temple n’aurait jamais été détruit.
De ces quatre maîtres qui sont entrés dans le ‘jardin’, un est mort, un est devenu fou, un a renié D-ieu, il est devenu le célèbre ‘Ah’er’ car il est tellement entré dans les profondeurs de la Torah que le côté négatif, l’anti-Torah, était obligée de se dévoiler à lui. Mais lui n’a pas accompli ce que Moshé a fait « et il s’est enfui de devant lui« , lui ne s’est pas enfui et a été attrapé par le côté obscur, le pendant de la Torah. Pour comprendre et réfléchir jusqu’où la force de ce côté obscur peut amener l’homme, ce penchant du bâton lorsqu’il penche vers le mal. Ce maître a médité et s’est enfoncé dans le mal pour le comprendre et ne s’est pas enfui de lui et ne s’est pas éloigné de lui. Et c’est ce qui est arrivé à ce maître qui était l’égal de Rabbi Akiba, l’homme que Rabbi Akiba a choisi pour entrer avec lui dans le ‘jardin de la sagesse’ dans les profondeurs de la Torah qui peut amener la réparation de toute la création jusqu’à son état de perfection. Et Moshé, lui, a eu la présence d’esprit de s’éloigner du mal, de cette force obscure, l’anti-Torah.
D’une telle force, il faut s’éloigner et s’enfuir. Mais ici, D-ieu a dévoilé quelque chose à Moshé « envoie ta main et saisis le serpent par sa queue« . Et lorsque Moshé a fait ceci, alors tout a été fini.
Le Maharal explique ces mots « par sa queue » ainsi « par sa fin » sa partie terminale, c’est-à-dire au but où le mal doit arriver: » envoie ta main et saisis le par la queue » saisis le par sa fin, à ce niveau, le mal n’a pas de réalité propre. Cette force est une force très puissante mais au bout du compte, elle a une fin. Si tu veux la saisir, il faut saisir au moment où elle touche à sa fin car à ce moment, elle n’a plus de réalité. Il faut comprendre que lorsqu’on saisit ce côté du mal à sa fin, lui-même témoigne qu’il est quelque chose de vain, d’irréel.
Comme il est connu qu’il y a deux chemins pour arriver à la vérité. Le premier chemin est le chemin le plus simple, le chemin de départ: nous disons la vérité et celle-ci se reconnaît. La vérité étant un témoignage pour elle-même et devient réalité car c’est la vérité. Mais ceci n’est qu’un seul témoin. Cependant, il y a une meilleure façon de dévoiler la vérité, c’est lorsque le mensonge dévoile qu’il est mensonge. Et alors il devient quelque chose de vain et d’irréel et par cela, la vérité se dévoile d’elle-même. De cette manière, la vérité se dévoile du fait lorsque tous les mensonges crient d’eux-mêmes « nous ne sommes que mensonge ».
Celui qui réussit à saisir ce serpent ontologique, cette force du mal par ce qui est appelé sa « queue », sa « fin », son but, il verra alors que cette force du mal n’a aucune existence. C’est quelque chose sans consistance.
De ces deux manières de voir la vérité, se dévoile la même chose. Et encore plus, par le serpent, la vérité se dévoile d’une manière plus claire qu’avant que ne se dévoile le serpent. Le bâton avant qu’il ne se transforme en serpent, exprimait une vérité, il dévoilait ce qu’il devait dévoiler, exprimant la vérité mais qui sait ce qu’il sera lorsqu’il dévoilera le serpent. La preuve en est que le serpent s’est dévoilé à Elicha ben Abouha après qu’il soit entré dans les profondeurs de la Torah pour dévoiler à lui le pendant de la Torah qui est « anti-Torah », l’autre côté de cette vérité dévoilée à lui et alors toute la vérité s’est oubliée. Cette homme dont la vérité était claire pour lui jusqu’à son extrême réalité, s’est transformé pour devenir un athée reniant la réalité du créateur, profanant Shabbat et transgressant toute la Torah. Un maître de la Torah, l’alter-ego de Rabbi Akiba.
Lorsque le côté obscur se révèle, de son extrémité lui-même, se dévoile qu’il n’est que mensonge sans aucune réalité. Donc de ce côté de ce bâton, de ce dévoilement du serpent de ce bâton, se dévoile encore plus que ce bâton est le bâton de Elokim plus que ce que le bâton peut dévoiler par le côté clair de la vérité. C’est l’explication des mots « et il (le serpent) redevint bâton dans sa paume ». L’obscurité faisant apparaître la vérité totale.
Le Talmud demande où est-il fait allusion à Haman dans la Torah? Et de répondre « Hamin haets azé? » « Est-ce de cet arbre, vous avez mangé? » demande D-ieu au premier homme. Ce verset qui fait allusion à Haman, exprime une question: « est-ce possible? », » de l’arbre que je t’ai interdit de manger, tu as pu en manger? » c’est quelque chose d’impossible et pourtant tu l’as fait! Une existence sans réalité, c’est cela l’essence même de Haman. De la même manière que Moshé est une obligation pour que la matière perdure, c’est-à-dire qu’elle puisse exister et que Moshé n’existe pas, de même, la création ne peut exister sans Haman. Haman est cette force incroyable qui est l’anti-Moshé. C’est le pendant de Moshé.
Quand sera la fin de Haman? Quand sera le moment où il pourra être pris par sa queue? C’est-à-dire le moment où Haman deviendra le bâton de Elokim, la puissance divine révélée?
Haman avait une telle influence dans les mondes supérieurs que le Roi des Rois comme le précise le Zohar, celui qui dirige le monde, pouvait inverser sa conduite divine, jusqu’à ce que le Roi des Rois signe un décret de mort sur Son peuple. Quelle puissance avait Haman ! De la même manière que la présence divine parlait de la gorge de Moshé, c’est-à-dire que la Torah parlait elle-même sortait de la gorge de Moshé, ainsi par la bouche de Haman, le mal lui-même s’exprimait, le mauvais penchant, le Satan. Le serpent parlait par la bouche de Haman. Ces paroles étaient de la même sorte que les paroles du serpent qui ont amené la mort dans le monde. Le serpent a parlé avec la première femme et par cela, a entraîné l’homme à fauter et ainsi a amené la mort dans le monde. Moshé est la bouche de la Torah et Haman est la bouche du serpent. Si Haman avait réussi à détruire le peuple d’Israël, il aurait réussi à détruire toute la création car celle-ci ne tient que par la Torah qui est proclamée par le peuple d’Israël. Le décret du roi est toujours en potentialité, il n’a jamais été annulé. Seul un autre décret a permis aux juifs de se défendre. Et donc de tout temps ce décret est sur nos têtes.
Grâce à Moshé, nous avons reçu la Torah sur le mont Sinaï mais contraints et forcés pour nous montrer que la Torah est notre vie et que nous n’avons pas le choix de la faire où pas comme respirer, nous ne devons pas choisir si nous devons respirer ou non. Mais ce n’est pas une véritable acceptation. Est venu Haman et grâce à lui, nous avons reçu la Torah de notre plein gré par amour pour le miracle. C’est aussi cela la force de Haman, si nous arrivons à saisir le mal par sa queue comme Moshé, alors nous comprendrions que ce mal n’est qu’illusion et qu’il n’est que volonté divine. Par lui, nous comprendrions encore mieux l’unité divine. Lorsque Haman a rencontré à la porte du roi, Mordékhaï, il a réalisé que toute la matérialité était vaine. C’est cela le but du mal, ressentir que ce n’est que pure illusion comme toute la matérialité et que derrière elle se cache, l’unité divine absolue