Parashat Noa’h 5774 – Yéhouda Moshé Charbit
Parashat Noa’h
בס״ד
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PARASHAT NOA’H
La paracha de Noa’h raconte comment, 1656 ans après la création du monde, l’homme s’est perverti et adonné à la faute, au point d’amener sur lui la destruction complète par la maboule (déluge). Ainsi, Noa’h seul juste de sa génération, ne méritant pas de subir un tel sort, se voit charger par Hachem de construire une arche destinée à l’abriter lui et sa famille, ainsi qu’un couple de chaque espèce animale peuplant la Terre. Après le déferlement des eaux aboutissant à la destruction de toute vie sur Terre, Hachem ordonne à Noa’h de sortir de l’arche et de repeupler la Terre. Cependant, par la suite, de nouveau les hommes se rebellent contre le maître du monde en se réunissant afin d’ériger la fameuse tour de Babel. Au terme de cet épisode, Hakadosh Baroukh Hou confond tous les langages et éparpille les hommes.
Dans le chapitre 6, la torah dit :
ט/ אֵלֶּה, תּוֹלְדֹת נֹחַ–נֹחַ אִישׁ צַדִּיק תָּמִים הָיָה, בְּדֹרֹתָיו: אֶת-הָאֱלֹהִים, הִתְהַלֶּךְ-נֹחַ׃
9/ Voici les générations de Noa’h. Noa’h était un homme juste et intègre dans ses générations ; avec Dieu Noa’h a marché.
י/ וַיּוֹלֶד נֹחַ, שְׁלֹשָׁה בָנִים–אֶת-שֵׁם, אֶת-חָם וְאֶת-יָפֶת׃
10/ Noa’h a engendré trois fils, Chem, Ham et Yaphet.
יא/ וַתִּשָּׁחֵת הָאָרֶץ, לִפְנֵי הָאֱלֹהִים; וַתִּמָּלֵא הָאָרֶץ, חָמָס׃
11/ La terre s’était corrompue devant Dieu et la terre fut remplie de violence.
יב/ וַיַּרְא אֱלֹהִים אֶת-הָאָרֶץ, וְהִנֵּה נִשְׁחָתָה: כִּי-הִשְׁחִית כָּל-בָּשָׂר אֶת-דַּרְכּוֹ, עַל-הָאָרֶץ׃
12/ Dieu vit la terre et voici, elle s’était corrompue car toute chair avait perverti sa voie sur la terre.
יג/ וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים לְנֹחַ, קֵץ כָּל-בָּשָׂר בָּא לְפָנַי–כִּי-מָלְאָה הָאָרֶץ חָמָס, מִפְּנֵיהֶם; וְהִנְנִי מַשְׁחִיתָם, אֶת-הָאָרֶץ׃
13/ Dieu dit à Noa’h : « la fin de toute chair est venue devant Moi, car la terre est remplie de violence à cause d’eux et voici je les détruis avec la terre.
Dans le chapitre 11, la torah dit :
א/ וַיְהִי כָל-הָאָרֶץ, שָׂפָה אֶחָת, וּדְבָרִים, אֲחָדִים׃
1/ Toute la terre était d’un seul langage et des paroles uniques.
ב/ וַיְהִי, בְּנָסְעָם מִקֶּדֶם; וַיִּמְצְאוּ בִקְעָה בְּאֶרֶץ שִׁנְעָר, וַיֵּשְׁבוּ שָׁם׃
2/ Ce fut lorsqu’ils voyagèrent depuis l’est, et ils trouvèrent une vallée dans la terre de Chinar et ils s’installèrent là-bas.
ג/ וַיֹּאמְרוּ אִישׁ אֶל-רֵעֵהוּ, הָבָה נִלְבְּנָה לְבֵנִים, וְנִשְׂרְפָה, לִשְׂרֵפָה; וַתְּהִי לָהֶם הַלְּבֵנָה, לְאָבֶן, וְהַחֵמָר, הָיָה לָהֶם לַחֹמֶר׃
3/ Ils dirent l’un à l’autre : « Venez, fabriquons des briques et faisons-les cuire dans un four. » Et la brique furent pour eux de la pierre et le bitume était pour eux du mortier.
ד/ וַיֹּאמְרוּ הָבָה נִבְנֶה-לָּנוּ עִיר, וּמִגְדָּל וְרֹאשׁוֹ בַשָּׁמַיִם, וְנַעֲשֶׂה-לָּנוּ, שֵׁם: פֶּן-נָפוּץ, עַל-פְּנֵי כָל-הָאָרֶץ׃
4/ Ils dirent : « Venez, construisons pour nous une ville et une tour et son sommet sera dan le ciel et faisons pour nous un nom, de peur que nous soyons dispersés sur la sur surface de toute la terre.
Deux évènements majeurs se passent donc dans notre paracha. À deux reprises, en effet, la torah raconte comment une génération a fauté envers Hakadoch Baroukh Hou et a ensuite été punie. En plus d’être reliés dans notre paracha, ces deux moments de l’histoire sont rappelés par la torah, dans la paracha haazinou. Dans le chapitre 32 de Dévarim la torah dit :
:ז/ זְכֹר יְמוֹת עוֹלָם, בִּינוּ שְׁנוֹת דֹּר-וָדֹר; שְׁאַל אָבִיךָ וְיַגֵּדְךָ, זְקֵנֶיךָ וְיֹאמְרוּ לָךְ
7/ Souviens-toi des jours de jadis, méditez les années de génération en génération, interroge ton père et il te racontera, tes anciens et ils te diront.
Le midrach nous enseigne que la répétition du mot « génération » renvoi à deux générations précises, celle du maboul et celle de la tour de babel ! Ces deux évènements ne sont donc pas seulement liés chronologiquement, mais sur un niveau bien plus important et profond. Lequel ?
À priori, au contraire, tous les oppose. Le premier fait suite à une faute concrète, comme la torah le décrit. Les gens se sont livrés à la destruction, au vol, « toute chair s’est pervertie » ! La transgression était donc une action réelle. S’en est suivie une sanction non-négligeable : la destruction du monde par les eaux du maboul. À l’opposé, le second récit de la torah, celui de la tour de babel, ne fait aucune mention de la faute commise. La torah n’explicite que le fait qu’ils se soient réunis et aient construit une tour. Le midrach nous dévoile tout de même une rébellion du peuple, cependant, ils n’ont pas concrètement fait une action interdite. Leur faute se situe donc dans la pensée et non dans l’action. Et de même leur sanction intervient par le changement de leur langage. Aucune punition matérielle, aucune destruction, seulement une confusion générale.
Quel est donc ce lien qui unit ces deux fautes que tout oppose ?
Un midrach enseigne qu’au moment de donner la torah aux bné-Israël, sa voix retentissait d’un bout à l’autre du monde. Les rois des peuples étaient pris de terreur. C’est pourquoi ils se sont tous réunis chez Bilaam et lui ont demandé : « quelle est cette voix que nous entendons ? Peut-être le maboul va t-il s’abattre sur le monde ? ». Bilaam leur répond alors « Hachem trônait lors du déluge, Hachem règne pour l’éternité ! Qu’Hachem donne la force à son peuple ! Qu’Hachem bénisse son peuple dans la paix ». Nos sages expliquent que la réponse de Bilaam est la suivante. Hachem a déjà promis de ne plus détruire le monde par le déluge. Tout ce bruit est dû au cadeau qu’Hachem va donner aux bné-Israël, la torah !
La question évidente qui se pose sur ce midrach est de comprendre pourquoi le don de la torah a fait penser aux nations qu’Hachem comptait détruire le monde ?
Un indice peut se trouver dans les paroles du zohar qui nous dévoile un enseignement particulièrement intéressant. À savoir que le don de la torah aurait normalement dû avoir lieu à la génération du maboul ! Et même Moshé Rabbénou, celui censé la faire descendre sur terre aurait été présent à cet instant ! Cette information est dissimulée dans une des phrases d’Hachem : (chapitre 6)
ג/ וַיֹּאמֶר יְהוָה, לֹא-יָדוֹן רוּחִי בָאָדָם לְעֹלָם, בְּשַׁגַּם, הוּא בָשָׂר; וְהָיוּ יָמָיו, מֵאָה וְעֶשְׂרִים שָׁנָה׃
3/ Et Hachem dit : « Mon esprit ne plaidera plus pour l’homme éternellement, de plus, il n’est que chair et ses jours seront de cent vingt ans ».
L’allusion à Moshé Rabbénou est nette dans ce passage. Non seulement Moshé a vécut 120 ans, il était celui qui plaidait sans cesse pour nous, mais surtout nous révèle le zohar, la valeur numérique du mot « בְּשַׁגַּם » renvoie directement à Moshé ! Il s’avère donc que l’essence de celui qui devait donner la torah était présente. Les forces en jeu à l’époque du maboul étaient les mêmes que celles du don de la torah ! Si ce n’est, que la génération n’était pas méritante !
Approfondissons.
Quel lien uni le maboul et le don de la torah ? Pourquoi ces deux évènements sont confondus par les nations ? Quelles sont les forces mises en jeu à ces deux instants ?
Un élément de réponse se trouve dans la réponse de Bilaam aux nations. Comme nous l’avons vu, ces dernières pensaient qu’Hachem envoyait le maboul sur le monde ! Bilaam leur dit à ce propos qu’Hachem donne de la force à son peuple et qu’il le bénit dans la paix. Le maboul avait pour objectif de supprimer le mal qui s’était installé dans le monde. Ainsi, il est composé d’une partie destructrice certes, mais également d’un pendant purificateur! De fait, face aux fautent accumulées par les hommes, Hachem annule et supprime le mal par les eaux du maboul.Il s’agissait donc d’une réparation pour le monde ! Et c’est pour cela que Bilaam dit « Hachem trônait lors du déluge, Hachem règne pour l’éternité ! » c’est-à-dire qu’Hachem, en tant que maître, répare la faute de ses créatures ! Puis il continue en disant que dans le cas actuel, celui du don de la torah : « Qu’Hachem donne la force à son peuple ! Qu’Hachem bénisse son peuple dans la paix » c’est-à-dire que cette fois, la réparation du monde ne vient pas par le maboul, mais par ce qui donne de la force aux bné-Israël, ce cadeau ultime de Dieu à son peuple, la torah ! Maintenant que la torah est de ce monde, la réparation peut se faire par son intermédiaire, sans aucune destruction ! Il apparaît donc que lors du maboul et lors du don de la torah, les forces mises en œuvres sont identiques. Elles ont pour objectif de réparer les fautes des hommes. Seule la manière de se manifester sera différente. S’il se trouve que les hommes ne le méritent pas, alors l’aspect destructeur, le maboul, se manifeste ! Par contre, lorsque les hommes le méritent, Hachem donne la force à son peuple, Hachem lui procure cette torah, capable sans détruire, d’effacer les fautes et de purifier la terre !
En ce qui concerne la génération de la tour de babel cette fois, un midrach enseigne que c’est durant cet épisode, qu’Hakadoch Baroukh Hou a choisi les bné-Israël pour peuple. Lorsque le maître du monde est venu pour punir les hommes, il a convoqué tous les anges et les a fait tirer au sort. Chaque ange tirait une nation qu’il devra représenter, tandis que la nation d’Israël est tombée dans le lot d’Hachem ! Le choix des bné-Israël pour peuple est donc intervenu au moment où les autres représentant du monde le refusaient comme maître. Voyant que le désir de ces peuples était de se rebeller contre lui, il fait le choix de prendre le seul peuple qui au contraire souhaite se lier à lui. En l’état, le seul homme de l’époque cherchant de tout son cœur à connaître le créateur, n’était autre qu’Avraham Avinou qui sera par la suite le père des bné-Israël. De facto, c’est évidement sur lui et sa descendance que se porte le choix d’Hachem. Il apparaît donc que la source même de la sanction de la génération de babel provienne, de leur pensée, de leur esprit contradictoire et réfractaire à la torah !
Poussons le raisonnement. Il s’agit d’une génération qui connait Noa’h, seul rescapé du maboul. Il ne fait donc aucun doute que cette dernière a parfaitement connaissance de l’existence d’Hachem. Le rébellion n’est donc pas une guerre pour affirmer l’inexistence du maître du monde. Il s’agit plutôt d’admettre qu’en effet il est présent, mais de refuser les concepts qui accompagnent la notion du respect de sa divinité. Personne ne nie qu’il a créé le monde, personne ne nie non plus que la torah est l’outil par lequel il a accomplit cette création ! Mais personne ne veut accepter les concepts sous-jacents à cette torah ! Ce contre quoi lutte cette génération est donc finalement la définition même de la torah orale ! C’est ce que dévoile le Arizal qui affirme clairement que les âmes présentes lors de la fabrication de la tour de babel ont pour source profonde la torah orale ! Il s’avère que les forces en action lors de cette faute, sont les mêmes que celles liées au don de la torah orale ! Si ce n’est encore que les hommes n’ont pas été méritant et ont fauté. Cela a provoqué la création de langues profanes par opposition au lachone hakodech, seul langage jusqu’alors ! Au lieu de resserrer la liaison avec Hachem au travers de l’acceptation de sa loi orale, symbole de la compréhension du maître du monde, les peuples ont inversé l’essence des forces en action ! Elles se sont éloignées de cette compréhension si précieuse, au point de ne même plus parler la langue sainte !
Nous pouvons maintenant voir un lien se tisser entre ces deux évènements que sont le maboul et la tour de babel ! Les énergies libérées à ces deux moments sont finalement complémentaires. La première était le don de la torah qui a finalement eut lieu au mont Sinaï. Il s’agissait donc des forces de la torah écrite ! La seconde, était la puissance de la torah orale !
La suite de l’histoire approuve notre développement, car nos sages révèlent que l’exil d’Égypte est venu réparer la faute de la génération du Maboule, tandis que l’exil de Babylonie est venue réparer la faute de la génération de la tour de Babel. Or, par quoi se sont terminés ces deux exils ?
Le premier, l’Égypte, s’est conclu par le don de la torah écrite au mont Sinaï! Le second, Babylonie, s’est fini par l’évènement de Pourim, moment au cours duquel les bné-Israël ont réellement accepté la torah orale ! Et c’est d’ailleurs en Babylonie que la torah orale a prit tout son envol, notamment par la rédaction de l’oeuvre majeure du judaïsme : le talmud Bavli !
Le maboul et la tour de Babel étaient donc des moments de libération des forces de don de la torah. Tous les évènements étaient prêts pour respectivement recevoir les deux composantes du bien le plus précieux de ce monde : la torah écrite accompagnée de sa jumelle, la torah orale ! Seules les fautes des hommes ont inversé la tendance au point de transvaser le bien vers le mal, le don vers l’apocalypse. Le point positif à retenir de tout cela est l’idée de seconde chance. En effet, imaginons la scène. Hachem prévoit un jour d’une importance extrême, au cours duquel il compte dévoiler son bien ultime, ce trésor caché qui a précédé la création du monde. Et finalement, une fois ce jour venu, il est finalement contraint d’inverser le cours des choses et de détruire les personnes a qui étaient destinées ce cadeau qu’il réserve depuis si longtemps ! La déception devait être colossale. Et pourtant, Hachem accorde une seconde chance et finit par accorder aux hommes le moyen d’effacer l’erreur commise pour finalement recevoir ce cadeau ! Ceci est très évocateur pour notre génération. Effectivement, une question est fréquemment posée. À écouter les rabanim, à plusieurs reprises, Machia’h était à nos portes. Il devait se dévoiler à tel instant mais nous avons fauté, ou encore à tel autre moment, mais nous avons loupé le coche. L’histoire du judaïsme semble truffée d’occasions manquées. À terme cela pourrait devenir démoralisant et nous mener has véchalom à perdre espoir de voir un jour arrivé celui que nous attendons depuis des siècles. Mais, ce que nous évoque cette paracha est justement le patronyme de ce que nous pourrions appeler des occasions ratées ! Mais dans les faits, le constat est là baroukh Hachem ! Les occasions que nous avons manqué n’ont pas empêché le maître du monde de suivre ses plans et de finir par accorder la torah à son peuple. Pour cela, il nous a offert d’autres chances de nous rattraper. Et il ne fait absolument aucun doute que bientôt, une nouvelle occasion se présentera à nous. Ne la laissons pas filer ! Saisissons là, agrippons-nous à cette nouvelle chance lorsqu’elle se présentera à nous, et amenons grâce à nos mérites le machia’h tsidkénou, biméra béyaménou amen ken yéhi ratsone !!!!
Chabbat Chalom.
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