Rav Yéh’ezque-l Lévinnstein
La servitude: le remède pour le jour du jugement
Rabbénou Yona explique que tant que l’homme se tient dans la faute, il ne lui est pas possible de regretter sa faute et de se repentir car sa racine est mauvaise et il ne recherche et ne demande que ce que ses racines lui proposent. Si c’est ainsi, comment peut-on se repentir, faire Téshouva ?
Par exemple, la haine que l’homme a en lui est enracinée au plus profond de lui, et nous savons que ce défaut occupe une grande part dans la Torah car voici « et tu aimeras ton prochain comme toi-même » est une grande règle de la Torah. Et donc la haine de son prochain est le contraire de cette règle et donc va contre la Torah car l’amour de son prochain est le principe fondateur de la Torah. Et la racine de l’homme n’est que « haine de son prochain ». Et tout le temps qu’il n’a pas déraciné ce défaut de son âme, la haine va se multiplier en lui pour phagocyter toutes ses facultés jusqu’à ne plus avoir que de la haine en lui. Comment pourrait-il faire Téshouva ? Comment pourrait-il regretter sur toutes les actions les paroles et les pensées qui découlent de cette haine? (Encore faut-il percevoir que nous sommes guidés par la haine qui est le déclencheur de nombres de petites pensées qui au fur et à mesure s’insinuent dans notre mode de penser et qui deviennent naturelles sans que nous percevions le déclencheur et l’élément moteur, la haine. Exemple: le colportage, la moquerie, le mensonge ne sont qu’un exutoire de la haine potentielle qui est en nous. Nous allons essayer de faire Téshouva sur le colportage, la moquerie que l’on a exprimé mais sur la racine, le combustible qui est cette haine de notre prochain, nous n’en n’avons aucune conscience, donc comment pouvons-nous avoir du regret et faire véritablement Téshouva ?
De même, la colère, nous essayons au mois de Elloul de faire très attention à ne pas s’énerver mais en pratique plus on va essayer de contenir notre colère plus elle va prendre une place importante dans notre esprit car nous voulons éteindre le haut des flammes. Dans un incendie il faut partir des bases des flammes ainsi dans la colère il faut comprendre où est la souche-mère. Celle-ci se trouve en fait dans le manque de confiance en Hachem. Si nous arrivions à nous parfaire dans notre relation fusionnelle d’avec notre créateur, la colère n’aurait plus lieu d’être. La colère est un signe (entre autre) de bipolarité, un détachement d’avec le divin et donc un sentiment indicible d’impuissance et de perte de contrôle de notre vie. Si nous comprenions que tout n’est que volonté divine qui n’est elle-même que bien, la situation dans laquelle nous sommes ne serait plus ressentie comme une perte de contrôle mais plutôt comme une nouvelle direction, un nouveau message divin qui m’indique la direction à prendre, où est mon travail et comment arriver à combler les manques dans ma quête vers l’unitude. (L’union d’avec Hachem qui est le but de la création). De même, pour le défaut qu’est l’orgueil, Rabbénou Yona le décrit comme étant l’épicentre de nombre de fautes et qui renforce le mauvais penchant de l’homme. « Et ton cœur sera hautain et tu oublieras Hachem ton D-ieu« , l’orgueilleux ne se souvient pas et ne reconnaît en aucun cas qu’il y a un créateur. L’orgueil est le sillon des mécréants et de la même manière que le labourage est la seule façon pour arriver à faire pousser une récolte, ainsi les mécréants font de l’orgueil un sillon dans leur cœur.
Maintenant que nous savons que l’orgueil est le principe et le moteur de nombreuses fautes (les fautes seraient les épis de blé et le sillon d’où poussent les fautes serait l’orgueil que l’on cultive dans le cœur comme on laboure le sillon avec la charrue) outre la faute elle-même d’avoir de l’orgueil, il faut savoir que tout celui qui a de l’orgueil est comme un idolâtre servant des dieux étrangers, reniant D-ieu, créateur et source de toute vie. Et ce défaut est ancré profondément dans notre ADN spirituel et donc en potentiel, combien de fautes extrêmement graves sont suspendues au-dessus de notre tête. Ce défaut ne peut se déraciner. Alors comment peut-on espérer faire véritablement Téshouva et regretter? Voici que tant que le défaut n’est pas complètement éradiqué, et donc que la faute est toujours là, il y a impossibilité d’entamer le processus de Téshouva !
De tout ceci, nous pouvons prendre conscience d’un nombre impressionnant de fautes dont nous n’avons pas idée. Et même à Rosh Hashana et au moment du vidouï à Yom Kippour, nous n’avons aucune connaissance d’elles. Car tout au plus nous allons nous lamenter sur le manque d’intérêt dans l’étude de la Torah, le manque de concentration dans nos Téphilot etc…., mais qui pense à ces défauts que nous avons mentionnés ? Beaucoup de personnes simples pensent que seules les fautes commises par un acte (voler) ou dans l’inaction (ne pas mettre les Téphilin) méritent d’être expiées mais en réalité l’homme se perd par le manque d’envie dans l’accomplissement des bonnes actions. Rabbénou Yona rapporte un verset: « qu’est-ce que te demande Hachem? De faire la justice et de réveiller l’amour de la bonté, l’amour de procurer du bien à son prochain » « aimer faire le bien » comme son sens simple, c’est-à-dire aimer et aspirer à faire du bien à autrui et non comme on a l’habitude de comprendre que le simple fait de donner une pièce à un pauvre suffit à être appelé un »juste » et un « bienfaiteur », le véritable juste est celui qui »aime » faire le bien, »aime » rechercher D-ieu. Rabbénou Yona continue en disant: « l’homme a l’obligation de se fatiguer dans la recherche vers l’accomplissement du bien et de s’efforcer avec intensité à rendre meilleur la situation précaire de son prochain qu’il soit pauvre ou riche ». C’est-à-dire que la même intensité qui est réclamée à l’homme dans son étude des textes de la Torah, cette même concentration, cette même envie est exigée pour essayer de rendre meilleure, la vie de son prochain. Et pas simplement de prodiguer le bien uniquement parce que cela est une Mitsva mais il faut que cela devienne une aspiration qui transpire de tous les pores de son corps. Une aspiration sans limite à prodiguer le bien qu’il soit spirituel ou matériel. Rabbi Israël Salanter disait que la spiritualité d’un homme commence par le souci de la matérialité de son ami. Se soucier du confort matériel de son ami est un signe de spiritualité bien qu’il faut tout faire pour se détacher soi-même de l’envie de la matière.
L’homme doit aspirer à la droiture, au jugement vrai. Car de la même manière que Hachem aime la justice, ainsi l’homme est dans l’obligation d’enraciner en son sein l’amour de l’équité et de la vérité. Et au moment où est ancré en lui cet amour de la vérité et de la justice, se forge en lui une crainte de D-ieu indicible car celui qui aime la vérité et la justice, exige de lui-même une conduite sans équivoque et ne se cache à aucun moment derrière des faux-prétextes, il vérifie chacun de ses gestes, leur motivation et automatiquement reçoit sur lui le joug divin.
En conclusion, essayons de faire une introspection et regardons si tous les critères que nous avons évoqués sont notre pain quotidien ou si nous n’avons que l’habit de l’homme de foi mais qu’à l’intérieur, nous sommes rongés par tous nos défauts.
Rabbénou Yona écrit: « sache que des qualités supérieures sont inclues dans les commandements positifs…. Le souvenir des bontés d’Hachem envers nous (ceci est le but de toutes les Mitsvot) …la sainteté (c’est-à-dire que tous les actes d’un homme doivent être accomplis avec de la profondeur intérieure et spirituelle c’est-à-dire que chaque détail dans l’accomplissement de la Mitsva doit être dans le but d’accomplir la volonté divine) de même est inclue la crainte d’Hachem » (la crainte de Hachem ne s’exprime pas par la peur de la punition qui est une peur égocentrique, tournée vers soi-même mais plutôt une peur qui se diffuse dans tout le corps lorsque la non-perception d’Hachem s’appréhende, l’incapacité à pouvoir mettre une définition à la nature d’Hachem. Comme l’exprime le Rambam lorsqu’il veut effacer les idées reçues de matérialisation de D-ieu dans la Torah, il n’a pas d’œil pour voir, pas d’oreille pour entendre pas de main pour toucher, ni de bouche pour parler il ne se déplace pas, il ne se met pas en colère (car cela sous-entend un changement lié à la perception de l’extérieur alors qu’il n’y a rien d’autre que Sa volonté, il ne peut être atteint pas l’acte d’un homme) et donc si à ce moment tu te demandes: alors qu’est-ce qu’il est ? A ce moment tu te rapproches de Lui car tu commences à percevoir l’indicible et tu commences à avoir peur de l’insondable, de l’informe et de ce qui ne peut se percevoir par un esprit structuré et donc limité, la peur du vide. Cette impression de vertige, c’est cela la véritable crainte d’Hachem). De même est tapie dans l’accomplissement des mitsvot la qualité d’être en permanence en symbiose avec Hachem, en contact permanent avec le divin, ressentir l’unitude divine de toute la création. Rabbénou Yona fini son exposé en prévenant que toute créature qui ne fixe pas sa peine et le principal de ses aspirations dans ces sujets pour lesquels il a été créé, (car c’est pour retourner vers l’unité d’Hachem qu’il a été créé) comment peut-il espérer sortir méritant du jugement ? Il rajoute en demandant: « qui arrive à percevoir et à ressentir que la non-recherche de cette véritable crainte de D-ieu est une faute ? » Car en fin de compte que reste-t-il de notre service divin si ce n’est un service mécanique, sans réflexion aucune avec une crainte de D-ieu d’un niveau infantile. Celui qui ne met pas son pouvoir de réflexion dans l’acquisition de la crainte de D-ieu, se contentant d’une crainte puérile, (peur de la punition) sa punition sera plus terrible que la destruction du temple (Ce sont les mots de rabbénou Yona). « Que le sage ne se vante pas de sa sagesse ni le riche de sa richesse. Ce n’est que par cela qu’un homme sera loué: celui qui se sert de son esprit pour me connaître » (peut-on le connaître ? Impossible et interdit. Seule la connaissance de Sa volonté dans ce monde peut être perçue, l’unité de toute la création). Ceci est le principe fondateur de toute la création et notre service doit être dirigé dans cette direction: comprendre, intégrer et percevoir sa proximité et la manière pour cela est « voici, je suis Hachem qui désire dans la réalisation de la justice et de la bonté » aspirer et transpirer cette envie d’être juste (avec soi-même) et d’être bon (avec les autres). La seule solution est d’accomplir tous nos actes avec le plus de conviction possible. Se concentrer au moment de l’acte, réfléchir au moment de sa réalisation, essayer de scruter la moindre pensée, la moindre sensation que l’on ressent au moment de l’accomplissement des Mitsvot. Et la seule manière d’y arriver est de se considérer comme un serviteur sans conscience personnelle. Annuler ses propres velléités d’indépendance. A propos du sujet de départ « avoir de la reconnaissance envers son créateur« . Pour arriver à acquérir cette qualité, il faut commencer à prendre conscience des bienfaits que notre entourage nous prodigue. Ceci est un premier grand pas. Sortir de son « égocentricité », croire que tout nous est dû. La reconnaissance du bien que l’on nous fait, va créer en nous une sensation d’impuissance et de ce fait automatiquement nous allons nous tourner vers notre créateur. Nous allons nous tourner vers l’extérieur alors que notre âme animale fait un travail inverse. Tout est tourné vers l’intérieur, vers l’ego, tout étant centré sur lui. Notre travail est de s’extirper de cet ego et intégrer un autre ego, l’ego de la création, ne devenir qu’un avec tout l’univers. Un enfant au départ ne fait que prendre, tout ce qu’il touche est à lui, petit à petit il s’ouvre à l’autre et lui propose des bonbons pour enfin lorsqu’il devient grand, avoir la possibilité de sortir de l’étroitesse de son esprit pour englober tout l’univers. Le travail n’est pas d’annihiler l’ego mais de le sortir de sa matière et ainsi s’unir à l’ego commun à toute la création, la conscience universelle. Et tout ceci passe par la reconnaissance de l’autre et ceci passe par la reconnaissance du bien que l’on nous fait.