Parachat Nitsavim (5775) Yéhouda Moshé Charbit
Parachat Nitsavim
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בס״ד
PARACHAT NITSAVIM
Suite à une paracha extrêmement inquiétante, la paracha Nitsavim vient apaiser les bné-Israël. Effectivement, la paracha de la semaine dernière, ki tavo, annonçait les malédictions auxquelles risquaient de faire face les bné-Israël s’ils fautaient (has véchalom). De fait, notre paracha vient apporter un réconfort et une note d’espoir. Ainsi Moshé rabbénou commence par ré-établir l’alliance entre Hachem et le peuple hébreu. Non seulement les gens présents sont inclus dans ce pacte, mais également les générations futures. Par la suite, Moshé reprend les grandes lignes des malédictions en annonçant l’exil à venir. Toutefois, l’annonce débouche sur la prophétie d’une rédemption pour le peuple. Bien évidemment, cette rédemption ne dépend que du peuple et de ses efforts de retour vers la Torah et les mitsvot. La paracha se conclut par le choix de la vie ou de la mort, ou plus précisément le libre-arbitre. Moshé Rabbénou enjoint donc le peuple à faire le choix de vivre, c’est-à-dire, celui de suivre les lois de la Torah.
Dans le chapitre 29 de Dévarim, la torah dit :
ט/ אַתֶּם נִצָּבִים הַיּוֹם כֻּלְּכֶם, לִפְנֵי יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם: רָאשֵׁיכֶם שִׁבְטֵיכֶם, זִקְנֵיכֶם וְשֹׁטְרֵיכֶם, כֹּל, אִישׁ יִשְׂרָאֵל׃
9/ Vous vous tenez debout, vous tous aujourd’hui devant Hachem votre Dieu : vos chefs, vos tribus, vos anciens, vos officiers, tout homme d’Israël.
י/ טַפְּכֶם נְשֵׁיכֶם–וְגֵרְךָ, אֲשֶׁר בְּקֶרֶב מַחֲנֶיךָ: מֵחֹטֵב עֵצֶיךָ, עַד שֹׁאֵב מֵימֶיךָ׃
10/ Vos jeunes enfants, vos femmes et ton converti qui est à l’intérieur de ton camp, depuis qui taille ton bois jusqu’à celui puise tes eaux.
יא/ לְעָבְרְךָ, בִּבְרִית יְהוָה אֱלֹהֶיךָ–וּבְאָלָתוֹ: אֲשֶׁר יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, כֹּרֵת עִמְּךָ הַיּוֹם׃
11/ Pour que tu passes dans l’alliance d’Hachem ton Dieu et dans son serment, qu’Hachem ton Dieu établit avec toi aujourd’hui.
Sur le début de notre paracha, Rachi (chapitre 29, verset 12) apporte le midrach tan’houma suivant :
« Pourquoi la paracha de nitsavim et celle des malédictions (ki tavo) sont-elles juxtaposées ? Parce que les bné-Israël avaient entendu cent malédictions moins deux (soit 98), sans compter les quarante-neuf malédictions contenues dans torat cohanim (paracha bé’houkotaï). Du coup, leur visage ont pâli et ils dirent : « Qui peut supporter ces malédictions ? » C’est pourquoi Moshé commença à les apaiser en disant : « Vous vous tenez debout aujourd’hui .» Bien que vous ayez beaucoup mis en colère Hachem, Il ne vous a pas exterminés car voici que vous existez (toujours) devant Lui. »
Ce midrach très connu attire notre attention sur deux points. Le premier se porte sur l’attitude de Moshé. Quel est l’intérêt de mettre en garde les bné-Israël en citant un total de 137 malédictions (98 de Ki tavo, ainsi que 49 de Bé’houkotaï), pour finalement les rassurer en prouvant que ces dernières ne sont finalement pas si dangereuses ? En effet, l’objectif des malédictions se basent principalement sur leur aspect dissuasif, la crainte qu’elles provoquent empêchera la transgression de la torah. Dès lors, pourquoi Moshé rassure et atténue la portée des malédictions ?
Secondement, la formulation du midrach est étrange dans la mesure où ce dernier recense « cent malédictions moins deux ». Pourquoi ne simplement pas dire quatre-vingt dix-huit ? Comme nous pouvons le constater c’est uniquement concernant les malédictions de Ki Tavo que cette manière de compter est adoptée, car pour les quarante neuf de Bé’houkotaï, le texte ne dit pas « cinquante moins une ». Pourquoi alors le texte de Ki Tavo adopte t-il cette syntaxe ?
Le ‘Hatam Sofer explique à partir de là, qu’en effet, il n’y a pas 98 malédictions mentionnées dans la paracha de Ki Tavo mais bel et bien cent. Seulement, seules deux d’entre elles inquiétaient réellement le peuple. Car ce dernier se savait protégé par le mérite de son ancêtre Yaakov. Le troisième patriarche a vécu 137 ans et le ‘Hatam Sofer explique que chacune de ces années constitue une protection contre les 49 malédictions de Bé’houkotaï ainsi que pour les 98 de Ki Tavo. Dès lors, il reste deux malédictions contre lesquelles le peuple juif ne bénéficie pas de protection et plus que cela, la torah ne les explicite pas ! Toutes les malédictions précédentes sont décrites une à une, cependant, les deux dernières que nous évoquons, restent cachées et ne sont pas dévoilées ! De facto, se sachant démuni de la protection de Yaakov contre ces deux malédictions, et surtout ne sachant même pas à quoi s’attendre, le peuple est légitimement inquiet ! C’est dans ce contexte que Moshé intervient pour les réconforter. À ce titre, Moshé n’affecte pas la portée des malédictions, il ne les rassure pas en leur faisant comprendre qu’elles ne s’appliqueront pas comme nous le pensions. Sa démarche consiste plutôt à leur fournir le moyen de se protéger contre ces dernières, comme nous le dévoile le ‘Hatam Sofer. En effet, d’après lui, Moshé révèle au peuple que la mort des tsadikim (has véchalom) constitue une protection suffisante pour échapper à la sanction ! Et les événements de notre paracha sont la mise en scène d’une démonstration de cette notion.
Tentons d’aller plus en avant sur cette idée. Pourquoi la mort des tsadikim constitue une protection, un rempart pour le peuple ?
Pour comprendre cela, il faut d’abord comprendre l’impact de la torah sur l’état du peuple juif. En effet, dans le verset suivant (chapitre 29, verset 27):
וַיִּתְּשֵׁם יְהוָה מֵעַל אַדְמָתָם, בְּאַף וּבְחֵמָה וּבְקֶצֶף גָּדוֹל; וַיַּשְׁלִכֵם אֶל-אֶרֶץ אַחֶרֶת, כַּיּוֹם הַזֶּה
Hachem les a rejetés de leur terre avec colère, rage et grande fureur et les a jetés dans un autre pays comme en ce jour.
Le « ל lamed » du mot « וַיַּשְׁלִכֵם les a rejetés » est écrit en grand caractère. Nos sages expliquent que cette lettre est intimement liée à la torah (cf, Gaon de Vilna et Aboudraham). À ce titre, le ‘Hida évoque une chose extraordinaire : le mot « וַיַּשְׁלִכֵם les a rejetés » privé du « ל lamed » a la même valeur numérique que « Essav » ! Or, comme nous le savons lors de la succession de Yaakov à son père Yitshak, le second patriarche a caractérisé Yaakov qui se faisait passer pour Essav en disant : « La voix est celle de Yaakov, mais les mains sont celles d’Essav », sur quoi nos sages ont enseigné : « Si la voix n’est pas celle de Yaakov, alors les mains sont celles d’Essav ». La voix est ici une illustration de la torah dans la mesure où cette dernière s’étudie par la parole. De sorte, lorsque nous n’avons pas la « voix de Yaakov » c’est-à-dire la torah, alors nous aurons (has véchalom) « les mains d’Essav » qui nous domineront. Et c’est ce qu’évoque cette lettre majuscule sans laquelle nous obtenons la valeur numérique d’Essav : privé du « ל lamed » symbole de la torah, alors il ne nous reste que la domination d’Éssav. Par contre, cette lettre lorsqu’elle est présente, domine le reste du mot, car la torah nous assure la protection contre toute forme de souffrance.
Sur cela, le Or ha’haïm (nitsavim, chapitre 29, verset 9) explique pourquoi le premier verset de la paracha recense tous les présents : Les chefs, les tribus, les anciens, les officiers ainsi que tout le peuple. L’objectif est ici de faire passer une alliance particulière au peuple hébreu, il s’agit d’une alliance d’interdépendance, chacun devient le garant de son prochain. Dès lors, en fonction de son statut et de son potentiel, chacun doit protéger celui qui lui est inférieur, c’est pourquoi, la paracha classe chaque groupe dans un ordre hiérarchique afin de conférer aux plus importants, la charge de ceux qui leurs sont inférieurs ! C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles même les enfants sont cités, car ils sont l’exemple même de ceux qui sont sous la responsabilité de leurs aînés. Dans la même suite d’idée, le Kli Yakar ajoute que du fait de leur importance, c’est aux chefs d’être punis en premier, car c’est à eux qu’incombent la charge de la réprimande.
En définitive, nous obtenons ici une réponse claire à la capacité du tsadik à protéger sa génération. Moshé met en place dans cette paracha une barrière ultime pour le peuple juif. Devant l’inquiétude du peuple face à ces deux dernières malédictions laissées en suspend, Moshé place les bné-Israël sous l’aile des talmidé ‘ha’hamim qui sont l’élite du peuple hébreu. Ces derniers, garants de l’étude de la torah, ont entre leurs mains, la lourde charge d’assurer la domination de Yaakov sur Essav ! À ce titre, leur mort est une réparation et annule les décrets, car lorsqu’eux souffrent (has véchalom), ils subissent à notre place en tant que leaders garants de leurs alliés plus faibles. Comme le note le ‘Hatam Sofer, ceci constitue la raison pour laquelle Moshé annonce cela au peuple le jour de sa mort, car il atteste qu’en quittant ce monde il fournit aux bné-Israël une protection contre les malédictions ! D’ailleurs ceci est sous-entendu dans l’analyse que nous avons sus-mentionnée concernant le « ל lamed« . En effet le mot qui le contient est « וַיַּשְׁלִכֵם les a rejetés » qui peut se décomposer en « ל – וישׁכם », qui peut se traduire par « le lamed les a maintenus » attestant ainsi que c’est bien le « ל lamed » représentant la torah qui permet la subsistance d’Israël !
Toutefois, un dernier détail est apporté par le ‘Hatam Sofer et il s’agit en réalité d’un texte du talmud. Il existe une condition pour que la torah nous protège, car dans les faits nous constatons que le beth hamikdach a été détruit, ce qui signifie qu’à un moment, la torah ne nous a pas protégés. À cela, Hachem lui-même répond : « parce qu’ils n’ont pas récité la bénédiction sur la torah avant de l’étudier » ! La torah ne doit pas être étudiée comme une science ou par loisir intellectuel. Elle doit être étudiée car il s’agit de la volonté d’Hakadoch Baroukh Hou. Ceci est d’une cohérence absolue. Étudier la torah comme une philosophie quelconque, c’est dénigrer tout le caractère divin qui la constitue. Dans un tel contexte, elle ressemble à n’importe qu’elle science profane qui est dépourvue de tout lien avec la sainteté. Par contre, en étudiant la torah en tant qu’ordre issu de Dieu, nous lui conférons tout son attrait spirituel qui s’exprime par une protection des bné-Israël !
Ceci trouve un écho particulier dans le piyout « Et chaaré Ratson » que nous chantons le jour de Roch Hachana et qui décrit la akédat Yitshak. Juste avant qu’Avraham ne sacrifie son fils, les anges se sont présentés devant le Maître du monde afin de le supplier d’épargner Yitshak et la phrase qu’ils emploient est pleine de sens au vu de ce que nous venons de développer: « De grâce, que le monde ne soit pas sans lune!« . La mort d’Yitshak est perçue par les créatures célestes comme la privation de la lumière dans l’obscurité. La lune est bien l’astre qui apporte la lumière dans le noir, ce qui connote parfaitement notre propos: le tsadik est celui qui dans les moments de souffrance protège ses frères. La disparition d’Yitshak revient à plonger le monde dans l’obscurité! Et la réponse d’Hachem confirme cette notion, car Il ordonne à Avraham de ne pas sacrifier son fils et s’adresse aux anges: « Retournez en paix les anges des camps, ce jour est un mérite pour les enfants de Yérouchalaïm, en lui, les portes de la miséricorde J’ouvre! » Le simple fait qu’Yitshak ait eu l’intention de se sacrifier constitue déjà une expiation pour le monde ! C’est dire combien le tsadik représente les bné-Israël et a un impact important sur eux. Cette notion est particulièrement importante parce qu’elle nous éclaire sur notre rapport avec les maîtres de la torah, qui nous permettent d’adopter une attitude conforme aux volontés d’Hachem. Yéhi ratsone que nous puissions un jour atteindre le niveau d’excellence de ces tsadikim qui éclairent dans l’obscurité de l’exil et qu’en cette veille de roch hachana, ils soient pour nous un rempart qui s’ajoute à nos mérites pour qu’Hachem nous accorde une année remplie de bra’hot ! Amen véamen.
Chabbat chalom véchana tova.
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