La séparation entre Avraham et Loth devait elle avoir lieu ?

La séparation entre Avraham et Loth devait elle avoir lieu ? Réouven Carceles

Séparation Avraham Loth

Dans la Paracha de la semaine la torah nous dit :  Une querelle éclata entre les bergers des troupeaux d’Abraham et ceux de Loth…Abram dit Loth : « qu’il n’y ait pas de dispute entre toi et moi, et entre mes bergers et entre tes bergers, car nous sommes frères,… sépare-toi de moi, si tu vas à gauche j’irai à droite et si c’est à droite je prendrai à gauche… (Genèse chap13, 7,8,9)

Nous trouvons dans le Midrach (Béréchit Rabba) une Ma’hlokete (controverse) sur la conduite d’Avraham envers son neveu, Loth.

La séparation entre Avraham et Loth devait elle avoir lieu ?

Selon Rabbi Yéhouda, D fut fâché qu’Avraham demande à Loth de le quitter et dit : « Avraham est prêt à accueillir n’importe qui et à le rapprocher de lui, mais pas son propre neveu », c’est-à-dire qu’Avraham est prêt à sauver les âmes du monde entier mais pas celle de son proche parent. Selon Rabbi Ne’hémya, par contre, D était fâché contre Avraham parce qu’il paraissait avoir adopté son neveu, alors qu’Il lui déclara, qu’Il donnera a sa descendance ce pays-là, et lui s’attache à Loth qui n’est que son neveu. Les Ba’alei Tossafoth expliquent qu’Avraham était même en danger de mort pour avoir gardé dans son entourage un être indigne et impie. Le Yalkout Reouvéni (lekh lékha) rajoute même, que ce fut la cause de la famine. Sur cela, Rav Dessler Zatsa’l nous explique un principe fondamental, à savoir que dans les Midrachim il n’y a jamais de vraie Mah’lokete (controverse), chaque avis reflétant plutôt une vision différente des choses. Il est donc bon de se poser la question de comment concilier ses deux avis radicalement opposés : Fallait-il se séparer de Loth : oui ou non ?

Il est possible de répondre d’après l’explication du Rav Dessler, qu’il est clair qu’Avraham avait un dilemme, d’une part il se devait de rapprocher Loth d’hakadosh Baroukh hou, et de l’aider à remonter la pente, d’autre part la fréquentation de Loth était devenue dangereuse pour Avraham et risquait de lui porter préjudice, comme l’explique le Midrach Tan’houma, que l’une des choses qui lui incombait était avant tout de faire connaître au monde l’existence de D. Sans Avraham les peuples auraient ignoré l’existence de D dans les cieux. Et, en effet comme le souligne Rachi (13,11), Loth se sépara d’Avraham car il ne supportait plus ni lui, ni son D… Le Rav Dessler énonce donc un principe qui nous aidera à y voir plus clair, bien que l’essentiel de la Avodat Hachem (service divin, application des Mitsvot) ne concerne qu’un homme et lui-même, chacun a aussi le devoir d’aider et d’influencer positivement les gens qui se trouvent autour de lui. Cependant, avant de s’investir dans cette mission difficile, il faut être sûr d’être à un niveau suffisamment élevé permettant d’être les seuls à influencer, sans subir d’influence réciproque négative. Ainsi pour rapprocher quelqu’un de la Torah il faut se hisser à un niveau où nous pourrons l’aider en étant certain de ne pas régresser. Nos sages énoncent un grand principe qui conforte cette idée : « seules les paroles qui sortent du Cœur pénètrent dans le Cœur ». Rav Dessler explique que seul un homme qui a parfaitement intégré un message et fait corps avec lui, peut le faire pénétrer chez son prochain. Par contre, celui qui l’a juste assimilé intellectuellement mais ne le vit pas suffisamment par manque de travail sur lui-même ne réussira pas à le transmettre. En réalité, celui qui n’est pas à un niveau suffisamment élevé et qui veut rapprocher des gens éloignés de la torah ne produira pas d’effets durables sur eux et prends le risque de lui-même régresser. Il faut faire attention à cela. Il est vrai que la Guemara (kétouvot 5) nous explique que quiconque va habiter en terre sainte s’élève spirituellement. Or nous savons que quiconque est supérieur à son prochain, son mauvais penchant est supérieur au sien, c’est peut-être dans ce sens que l’on peut comprendre le Mélo Haomer qui explique que lorsqu’Avraham et Loth sont arrivés en terre sainte, Avraham qui a sans cesse lutté contre son mauvais penchant s’est élevé encore davantage en sainteté mais Loth, qui n’a pas dominé son penchant, est descendu très bas et a pris une mauvaise voie. Les choses se passent toujours ainsi en terre sainte, soit l’homme s’élève soit il descend et chute. Avec beaucoup de réserve, le Rav Dessler explique que si Avraham Avinou avait atteint un point encore plus élevé, ses accomplissements auraient peut-être été encore plus parfaits pour aider son neveu.

On comprend mieux les avis opposés de chacun : d’après Rabi Néh’emya Hachem examina le niveau extrêmement bas de Loth, son manque de volonté d’avancer dans la torah et évalua que même Avraham, ne pourrait pas ramener Loth vers le bien. Cependant d’après Rabi Yéhouda, Hachem attendait d’Avraham qu’il travaille sur lui-même comme nous l’avons expliqué, il aurait même peut-être bénéficié de l’aide divine, la situation exigeait donc une séparation, mais Avraham n’aurait pas dû s’en contenter.

La Paracha évoque plusieurs problèmes actuels qui touchent chaque ben Israël. Chacun a le désir d’intervenir dans l’évolution de son prochain et nous voyons dans notre génération que chacun est capable de prendre la parole pour enseigner ou intervenir dans l’évolution de son prochain. Comment expliquer cette tendance ?

Tout d’abord, il faut apprendre à se méfier des bonnes intentions qui nous animent dans ce domaine car souvent cette envie d’aider les autres à avancer dans la torah est un moyen qu’utilise le mauvais penchant pour nous empêcher d’avancer nous-même. Il est de plus extrêmement plus facile de voir les défauts des autres que de voir les siens, le mauvais penchant sait pertinemment que le véritable objectif, que fixe la torah, est que chacun s’occupe de sa propre évolution, donc il veut nous en empêcher. Et il sait aussi que si nous parvenions à nous améliorer sur nos propres points faibles nous pourrions atteindre un niveau apte à aider les autres. Le Rav Israël Salanter disait, qu’un homme à cause de son Yetser Hara est prêt à faire régner Hachem sur le monde entier sauf sur lui-même. Nous devons prendre conscience que l’homme est un microcosme, et qu’il contient donc en lui tout ce qui existe. Le meilleur moyen de construire le monde est de se construire soi-même, comme le dit le Méssilat Yécharim (chap 1), que le monde et tout ce qu’il contient a été créé pour servir l’homme…si l’homme se laisse attirer par le monde et s’éloigne de son créateur, il se détruit et détruit le monde, mais s’il utilise le monde comme un outil pour servir Hachem, alors il peut s’élever et élever le monde avec lui. Le Rav Israël Salanter explique au nom du Zohar, qu’au niveau spirituel toutes les âmes sont liées et qu’un juif a ainsi la possibilité d’interagir sur d’autres juifs, à distance, en travaillant sur lui-même. Quel bel enseignement, la meilleure façon d’aider l’autre, c’est de s’aider soi-même. Plus un homme aime le Klal Israël (l’assemblée d’Israël) et souhaite qu’il s’améliore, plus les efforts qu’il fera dans sa propre Avodat Hachem (son propre service divin) rayonneront sur l’intériorité d’autres juifs, cette force qu’il a mise dans son travail sur soi va se transmettre de façon automatique d’après cette notion. Nous voyons donc, que celui qui veut réellement aider les autres, doit savoir, explique Rav Dessler, que le meilleur moyen de les influencer dans un domaine donné est de soi-même grandir et se travailler perpétuellement dans ce domaine-là. De même seul un homme rempli de torah peut réellement la transmettre…

Chabbat Chalom

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Cet article, « La séparation entre Avraham et Loth devait elle avoir lieu ? Réouven Carceles » a été mis en ligne le 5 novembre 2019 et mis à jour le 26 octobre 2020