Rabbénou Yérouham
‘‘S’écarter du mal est de l’ordre de la Bina »
Traduit et adapté par Rav Michael Smadja
Le principe est que les 248 Mitsvot positives et les 365 Mitsvot négatives sont la racine des membres et des nerfs du corps humain. Chaque membre étant régénéré par une Mitsva positive et chaque nerf par un précepte négatif. C’est l’allusion qui est fait dans l’enseignement du Midrash: »Avraham, de lui-même a étudié la Torah » car son corps a puisé toute l’énergie vitale directement par son contact avec l’unité divine.
Nous comprenons de ceci que »écartes toi du mal » n’est pas un non-acte, une retenue mais un niveau de conscience, une réalité ! La réalité des nerfs n’étant que la matérialisation de ce niveau de révélation divine dans la création. C’est ce que Yiov (Job) enseigne: » ‘écartes toi du mal’ est la Bina ». De même que »écartes toi du mal et fait le bien‘‘ ne veut pas dire que ce sont deux actes, l’un devançant l’autre, sans liant obligatoire entre eux. Mais il est évident que pour atteindre le niveau des Mitsvot positives, il faut passer par le niveau de perception qu’est »écartes toi du mal ». De même que les nerfs ont une utilité dans le corps, ainsi en est-il des Mitsvot négatives !
Les nerfs ont pour mission de relier tous les membres d’un corps entre eux et faire que ce corps soit un corps bien ordonné. Tous les membres fonctionnant en adéquation et en même temps car en temps réel, les nerfs apportent les informations au cerveau qui les redirige par ces mêmes nerfs vers tous les organes. Le moindre défaut dans un nerf et l’information devient tronquée ayant pour conséquence une impossibilité au membre de fonctionner. Ainsi en est-il des Mitsvot négatives, »écartes toi du mal » est en fait le liant et le moyen donné au bien de se matérialiser. Nous voyons que certaines Mitsvot contiennent en elles des membres et des nerfs telle que la Mitsva du Shabbat qui est constituée de Mitsvot positives (honorer, prendre plaisir, festoyer) et de 39 Mitsvot négatives (travaux interdits). C’est un univers en lui-même (le corps étant considéré comme un univers). Celui qui honore le Shabbat sans respecter scrupuleusement ses interdits entre alors dans un univers complètement chaotique où chacun des mondes se gère tout seul où plutôt ayant l’illusion de pouvoir se gérer tout seul, mais en fait ils ne font que fonctionner à vide sans conscience. Celui qui garde les interdits du Shabbat, met un ordre dans cet univers qu’il construit où chaque planète est en corrélation avec toutes les autres planètes de cet univers. Et alors de cet ordre, naîtra une conscience universelle qui va ressentir qu’il y a au-delà de chacune de ces énergies une énergie créatrice et unitaire.
Ainsi est le pouvoir de »écartes toi du mal ». C’est le liant unitaire qui fait ressentir à l’homme qu’il y a au-dessus de lui, une énergie divine illimitée qui se diffuse dans ses limites.
Le fait de savoir que l’homme puisse causer du tort, agir mal, créant en lui une restriction, donne une réalité toute autre à son existence. Une impression de non-domination de sa propre volonté et donc ressentant qu’il y a au-dessus de cette volonté (ou plutôt de ces milliers de volontés) une volonté extérieure qui se diffuse en lui et qui donne vie et existence à toute cette création qui l’entoure et qui est sa propre réalité.
C’est la force de la Bina, du discernement! Remonter jusqu’à la source de cette énergie créatrice et fondatrice.
Ainsi nous pouvons comprendre pourquoi Moshé au départ, avait refusé d’aller délivrer le peuple hébreu. Car il croyait que son acceptation allait engendrer du mal (que cela toucherait l’honneur de Aaron son frère aîné) et donc il ressentait que sa Mitsva positive de délivrer le peuple, ne pourrait se réaliser.
»S’écarter du mal » étant la source de la vie éternelle. Le conduit qui diffuse l’illimité dans le limité. Mais pour cela, il faut au départ se débarrasser de toute notion négative du mal. Il est enseigné que lorsque l’hébreu s’empêche de manger du porc, il ne faut pas qu’il ressente du dégoût et se dire que ce n’est pas bon. Mais au contraire, cela est bon (tout ce que crée D-ieu est pour le bien, est le bien) mais il est interdit d’en consommer. Il faut arrêter au départ d’avoir des »à priori » de bien et de mal car ceci n’est pas la révélation de l’unité divine. Seul, le fait qu’une volonté supérieure m’empêchant d’agir, est le moyen de révéler justement cette volonté unitaire et créatrice qui se diffuse en moi.