Paracha Ki Tetsé (5774) Yéhouda Moshé Charbit
Paracha Ki Tetsé
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בס״ד
Paracha Ki Tetsé
La paracha ki tétsé énumère de nombreuses lois. En effet, soixante quatorze commandements de la Torah y sont cités. Ainsi, la Torah cite les lois concernant la guerre et les captifs, les lois d’héritage concernant les aînés, la règle à suivre pour le fils rebelle, l’obligation de rendre un objet perdu à son propriétaire, ou encore, l’obligation de protéger nos toits en y plaçant des barrières, ainsi que de nombreuses autres lois. Notre paracha, se conclue par la mitsvah de se souvenir de ce que nous a fait Amalek, en nous attaquant à notre sortie d’Égypte.
Dans le Chapitre 21 de Dévarim, la Torah dit :
י/ כִּי-תֵצֵא לַמִּלְחָמָה, עַל-אֹיְבֶיךָ; וּנְתָנוֹ יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, בְּיָדֶךָ–וְשָׁבִיתָ שִׁבְיוֹ :
10/ Quand tu sortiras en guerre contre les ennemis, Hachem ton Dieu, le livrera dans ta main, et tu captureras son habitant en prisonnier.
יא/ וְרָאִיתָ, בַּשִּׁבְיָה, אֵשֶׁת, יְפַת-תֹּאַר; וְחָשַׁקְתָּ בָהּ, וְלָקַחְתָּ לְךָ לְאִשָּׁה׃
11/ Quand tu verras parmi les prisonniers une femme de belle forme, que tu la désires, et que tu la prennes pour toi comme femme.
יב/ וַהֲבֵאתָהּ, אֶל-תּוֹךְ בֵּיתֶךָ; וְגִלְּחָה, אֶת-רֹאשָׁהּ, וְעָשְׂתָה, אֶת-צִפָּרְנֶיהָ :
12/ Tu l’amèneras à l’intérieur de ta maison : elle rasera sa tête et laissera pousser ses ongles.
יג/ וְהֵסִירָה אֶת-שִׂמְלַת שִׁבְיָהּ מֵעָלֶיהָ, וְיָשְׁבָה בְּבֵיתֶךָ, וּבָכְתָה אֶת-אָבִיהָ וְאֶת-אִמָּהּ, יֶרַח יָמִים; וְאַחַר כֵּן תָּבוֹא אֵלֶיהָ, וּבְעַלְתָּהּ, וְהָיְתָה לְךָ, לְאִשָּׁה :
13/ Elle enlèvera son vêtement de captivité d’elle, et sera installée dans ta maison, elle pleurera son père et sa mère un mois entier ; après cela, tu pourras venir vers elle, avoir des relations avec elle et elle sera pour toi une femme.
יד/ וְהָיָה אִם-לֹא חָפַצְתָּ בָּהּ, וְשִׁלַּחְתָּהּ לְנַפְשָׁהּ, וּמָכֹר לֹא-תִמְכְּרֶנָּה, בַּכָּסֶף; לֹא-תִתְעַמֵּר בָּהּ, תַּחַת אֲשֶׁר עִנִּיתָהּ׃
14/ ce sera, si tu ne la désires pas, tu la renverras pour elle-même, mais tu ne pourras pas la vendre pour de l’argent ; tu ne pourras pas la faire travailler parce que tu l’as opprimée.
La « belle prisonnière » ?
Ce passage de la Torah est une grande énigme dans la mesure où il semble comporter de nombreuses incohérences. Effectivement, nous parlons ici, de tolérer le mal ! La Torah valide un comportement qui semble, humainement et surtout spirituellement inacceptable. Il s’agit de permettre à un homme parti faire la guerre de « forcer » une femme non juive, captive suite à la défaite de son peuple, à épouser un homme qui la désire. De prime abord, la Torah semble parler d’une « belle femme ». Cela semble donc indiquer que la seule motivation de l’homme est physique ! Il paraît inconcevable de voir la Torah autoriser un tel comportement.
La réponse fréquemment utilisée à cette question est de considérer que la Torah fait ici un « écart » de par la grandeur du mauvais penchant qui s’abat sur les hommes en tant de guerre. Le yester hara semble alors devenir insurmontable au point que la Torah, qui connait les limites de l’homme, permet ce qu’elle n’aurait pas permis en temps normal. La formulation employée par les sages est la suivante : « la Torah n’a parlé que contre le mauvais penchant ». À savoir qu’elle a préféré permettre cette attitude plutôt que l’interdire dans la mesure où, le risque de succomber au mal aurait été trop grand. Ainsi, pour ne pas multiplier les fautes, la Torah ne déclare pas cela comme mal.
Une telle explication engendre beaucoup d’incohérences. En premier lieu, il semble difficile d’accepter que la Torah tolère de faire une faute sous prétexte que cette dernière est insurmontable. Il serait plus cohérent de simplement ne pas créer le yester hara en question plutôt que de le créer puis de l’autoriser !
De même, le Or Hahaïm souligne que les gens occupés à faire une mitsvah sont protégés des agressions du mauvais penchant. Or, la guerre est bien une mitsvah ! Puisque les soldats envoyés au combat sont astreints à l’accomplissement d’une mitsvah, ils ne peuvent donc pas être soumis au mal. D’autant qu’il ne s’agissait que de tsadikim ! Ce n’était pas des gens normaux mais au contraire, des gens extrêmement saints et éloignés de la faute !! Dès lors, le yetser hara de la femme captive ne peut les atteindre et jamais ils n’auraient commis de faute ! Comment nos sages peuvent donc dire que ce passage de la Torah trouve sa justification de la difficulté à surmonter le mauvais penchant ?
Pire encore, il faut comprendre que l’union dont il est question ici est une mitsvah à part entière ! Dire qu’il s’agit d’une tolérance envers le mal paraît alors inconcevable car cela reviendrait à affirmer que la mal est bon ?! (has véchalom)
De même, le mot employé par la Torah « יְפַת-תֹּאַר une femme de belle forme » indique clairement que cette dernière est belle. Pourtant nos sages enseignent que même si la femme est laide, il est permis de la prendre ! Pourquoi la Torah précise t-elle d’une part que la femme captive est belle pour que nos sages viennent inclure une personne repoussante ?
Il apparaît donc clair que ce passage est bien trop incohérent pour être compris de façon simpliste. C’est pourquoi, le Or Hahaïm ainsi que d’autres commentateurs y apportent un éclaircissement.
En premier, il faut rappeler ce que nous avons déjà vu ensemble. Depuis qu’Adam Harichone à consommé le fruit de l’arbre, le bien et le mal se sont entremêlés. Cela a eu des conséquences au niveau des âmes qu’Hakadoch Baroukh Hou a créées. De sorte que, certaines d’entres elles se sont retrouvées prisonnières des forces du mal. Le résultat est qu’il existe aujourd’hui des néchamot saintes mais qui contiennent une petite partie de forces négatives, et réciproquement, nous trouvons des âmes impures qui renferment des étincelles de sainteté.
Il faut comprendre que le mal correspond sur un plan spirituel, à la non-existence. En effet, il n’est que pure invention et ne se base que sur le mensonge, à savoir sur une notion qui n’est pas réelle mais fictive. Puisque le mal représente la non-existence, il ne devrait pas exister. Ce qui lui donne la possibilité de survivre est une base réelle, une base de bien. En clair, le bien est ce qui nourrit le mal. En fautant, nous transférons du bien, de la vie, aux forces du mal qui trouvent ainsi le moyen de se manifester. Ainsi, lorsqu’Adam a fauté, il a littéralement donné vie au mal qui s’est emparé de la vitalité qui se trouve dans le bien. Des parties de néchamot sont donc captives et encerclées par les forces du mal et leurs permettent de survivre. Tout l’objectif des bné-Israël au cours de l’histoire est de remettre les choses en ordre et d’exfiltrer ces parties d’âmes afin de les restituer aux forces du bien. Pour cela, nous devons faire les mitsvot qui permettent un tel transfert.
Lorsqu’une partie de néchama se trouve encerclée par le mal, il arrive que cette dernière parvienne à faire pencher la personne vers le bien. Cela explique pourquoi certains goyim cherchent à se convertir d’eux-mêmes et donne place à de grands personnages, comme ce fut le cas pour Routh Hamoavia. Par contre, il arrive que le bien ne parvienne pas à s’extraire et reste littéralement bloqué dans les forces du mal, sans réussir à les orienter vers le bien. Il devient alors difficile de pouvoir sauver cette néchama de façon naturelle et il faut dans ces conditions réussir à « raviver » la vitalité de cette âme. Or comme le souligne le Or Hahaïm, au moment où il accomplit une mitsvah, l’homme se voit investi d’une lumière divine qui repousse le mal. De là, découle une explication somptueuse de ce passage si énigmatique.
La Torah commence en disant : « כִּי-תֵצֵא לַמִּלְחָמָה Quand tu sortiras en guerre » pour nous préciser l’état particulier dans lequel la scène se déroule, celui de l’accomplissement d’une mitsvah. À cet instant, la personne en question est vêtue d’un habit de sainteté qui repousse le mal. Dès lors, la torah poursuit en parlant de la « יְפַת-תֹּאַר une femme de belle forme ». Comme nous l’avons expliqué, il se n’agit pas de la beauté telle que nous l’entendons communément, car nos sages ont enseigné que cela s’applique même si la femme est laide. Il s’agit plutôt d’une femme qui a en elle de la beauté spirituelle, qu’elle dispose d’une part de néchama emprisonnée par les forces du mal ! Cette néchama est captive. C’est pourquoi la Torah poursuit et dit « וְלָקַחְתָּ לְךָ que tu la prennes pour toi ». Hachem suggère ici de sauver cette néchama en la prenant littéralement afin de l’extraire du mal qui l’entoure.
Cependant, la Torah met en place un procédé important afin de permettre d’être sûr qu’il s’agit bien d’une néchama pure et non d’une ruse de notre mauvais penchant. Ainsi, avant de se marier avec cette femme, l’homme devra la laisser trente jours dans sa maison, elle devra se raser les cheveux et se laisser pousser les ongles. L’objectif de la manœuvre est de rendre cette dernière repoussante. Dès lors, s’il ne s’agit que de notre mauvais penchant qui cherche à nous faire fauter, alors évidement, la femme ne nous attirera plus et nous comprendrons que nous étions dans l’erreur. Par contre, si après toute cette démarche, elle nous paraît toujours aussi belle, cela sera bien la preuve que la beauté que nous lui trouvons n’est pas physique mais bien spirituelle. Qu’il s’agit d’une de ces néchamot perdue entre les mains des forces du mal et que nous n’agissons pas sous l’emprise du mauvais penchant. Dès lors la Torah nous demande d’accomplir une mitsvah ! Celle de nous marier avec elle, afin de sauver cette néchama. Le contact spirituel que cela provoquera permettra au bien de se libérer de l’entrave que lui imposent les forces du mal.
Ainsi nous comprenons les paroles de nos sages sous un autre angle. Lorsque ces derniers disent que la Torah n’a parlé que contre le yester hara, ils ne cherchent pas à justifier la faiblesse de l’homme. Une telle explication sous-entendrait qu’il s’agit bien d’une faute mais qu’elle est tolérée ! Has véchalom ! Lorsque Hazal disent que la Torah parle contre le yester hara, ils nous expliquent en fait, que cette mitsvah de la « יְפַת-תֹּאַר une femme de belle forme », vise le yester hara, cherche à le combattre, à lui retirer les forces qui lui permettent d’exister ! Car, dès l’instant où Hakadoch Baroukh Hou guide un soldat vers une de ces néchamot, il met le yester hara en péril. Car leur union permettra la libération de cette âme et supprimera la sève des forces du mal. Privées de leur source de vitalité, elles sont vouées à disparaître !
Un exemple explicite nous est donné dans la Torah lorsque Dina, la fille de Yaakov a été violée par Chékhem. Bien qu’abominable, cet acte a eu une conséquence positive. La néchama d’un grand tsadik était emprisonnée dans l’âme de ce racha. Nos sages dévoilent que le contact avec la néchama de la fille de Yaakov a permis à cette partie positive captive de Ché’hem d’être extraite. Cela a permis la naissance de Rabbi Hanina Ben Téradione, quelques générations plus tard.
Nous voyons donc combien Hachem se soucie de chacune des néchamot qu’il a créées. Quand bien même nous fautons et nourrissons le mal, Hakadoch Baroukh Hou met en place le moyen de restituer les choses dans leur état d’origine. Il existe toujours un chemin vers le retour au bien. Il existe toujours le moyen de réparer et de supprimer le mal engendré. Comme nous l’avons expliqué, le mal ne tire ses forces que de nos fautes. Il n’existe que si nous lui fournissons une partie de notre vie, une partie de notre source divine, cette néchama qu’Hachem nous accorde. Elle est bien trop précieuse pour que nous puissions nous permettre de ne pas en prendre soin. En ce mois d’Eloul, chacun sait combien il a endommagé ce cadeau qu’Hachem lui a confié et surtout chacun sait ce qu’il a à faire pour réparer ! Puissions-nous profiter de ce mois pour retourner de tout notre cœur vers Hachem et qu’il accepte notre téchouva ! Amen véamen.
Chabbat Chalom.