Dixième passage – Celui qui ne sait pas questionner
וְשֶׁאֵינוֹ יוֹדֵעַ לִשְׁאַל, אַתְּ פְּתַח לוֹ! שֶׁנֶּאֱמַר: וְהִגַּדְתָּ לְבִנְךָ בַּיּוֹם הַהוּא לֵאמֹר. בַּעֲבוּר זֶה עָשָׂה ה׳ לִי בְּצֵאתִי מִמִּצְרַיִם. יָכוֹל מֵרֹאשׁ חֹדֶשׁ? תַּלְמוּד לוֹמַר בַּיּוֹם הַהוּא. אִי בַּיּוֹם הַהוּא, יָכוֹל מִבְּעוֹד יוֹם? תַּלְמוּד לוֹמַר בַּעֲבוּר זֶה. בַּעֲבוּר זֶה – לֹא אָמַרְתִּי אֶלָּא בְּשָׁעָה שֶׁמַּצָּה וּמָרוֹר מֻנָּחִים לְפָנֶיךָ:
Et celui qui ne sait pas questionner, tu l’initieras, comme il est dit (Exode Ch. 13 v. 8)
Tu donneras ce jour là cette explication à ton fils: C’est à cause de cela que l’Éternel a agi en ma faveur, quand je sortis de l’Égypte.
On aurait pu supposer que le récit doit commencer le premier du mois (de Nissan), mais le verset précise « ce jour là », si c’est « ce jour là » je pourrais supposer que le récit peut débuter le jour, mais le verset précise : « C’est à cause de cela » ; « à cause de cela » ne s’applique que lorsque la Matsa et le Maror sont placés devant toi.
1) Explication littérale issue de la Haggada Ish Mtslia’h page 128
Et celui qui ne sait pas questionner, il s’agit de la catégorie la «moins importante[1]» parmi les enfants, tu l’initieras, littéralement « tu (au féminin) lui ouvriras », même pour lui il nous faut expliquer la sortie d’Egypte, comme il est dit « Tu donneras cette explication » (littéralement Tu guideras), et ce verset n’est pas introduit par une phrase du type « lorsque ton fils te questionnera », on comprend donc qu’il s’agit d’un enfant qui ne sait pas poser de question, ce jour là, en disant : c’est à cause de cela (ou « en vue de cela »), il s’agit de la Matsa et du Maror qui sont devant nous, que l’Éternel a agi en ma faveur a fait des miracles, quand je sortis de l’Égypte. Telle est la réponse du verset au fils.
Au passage, le Magguid pose une question (soulève une difficulté): pourquoi est-il précisé « ce jour là » (la Torah ne donne aucune précision en vain, chaque mot est compté), peut être aurais-je pu me tromper et on aurait pu supposer raconter la sortie d’Egypte depuis le début du mois de Nissan ? En conséquence le verset précise : « C’est à cause de cela » et peut-être pourrais-je me tromper en pensant que le récit peut débuter le jour de la veille de Pessah l’après midi qui est le moment du sacrifice Pascal et ne pas attendre la nuit ? mais le verset précise : « C’est à cause de cela ». Le langage utilisé « C’est à cause de cela » désigne quelqu’un qui montre du doigt et dit « ça », et forcément ne s’applique (littéralement « en vue de cela je ne le dit que ») le verset ne parle que lorsque (au moment où) la Matsa et le Maror sont placés devant toi c’est-à-dire le soir de Pessa’h et à leur propos nous disons à la fin de la Haggada « Matsa zou » (Passage 44) et « Maror zé » (Passage 45), et c’est cela la réponse « C’est à cause de cela » « Baâvour zé » [le « zé » de « Matsa zou » et de « Maror zé »].
2) Haggada Pirsoumé Nissa du Rav Yaâkov Raqa’h pages 227-228
[א] Et celui qui ne sait pas questionner, il est possible d’expliquer comme l’enseigne le Rav Yéféh Toar à propos du Midrash, que lorsque la Torah nous dit (Exode Ch. 12 v. 2) :
הַחֹדֶשׁ הַזֶּה לָכֶם, רֹאשׁ חֳדָשִׁים: רִאשׁוֹן הוּא לָכֶם, לְחָדְשֵׁי הַשָּׁנָה
Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois; il sera pour vous le premier des mois de l’année.
La Torah fait allusion, dans ce verset, au fait d’observer la lune, car grâce à la lune, les Juifs lèvent leurs yeux vers le ciel chaque mois et acceptent (ainsi) la présence divine (la Shékhina). C’est pour cette raison que le décompte des mois est fait selon le cycle lunaire et que nous faisons la bénédiction sur la lune chaque mois. Comme l’enseigne la Guémara (Sanhédrin 42a) : « celui qui fait la bénédiction sur le mois en temps et en heure, c’est comme s’il accueillait la Shékhina ». Il est écrit dans la Torah (Exode Ch. 12 v. 2 et Ch. 15 v. 2)
הַחֹדֶשׁ הַזֶהּ לָכֶם, רֹאשׁ חֳדָשִׁים:
Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois (le mot זֶה est utilisé) ;
זֶה קֵלִי וְאַנְוֵהוּ
Voilà mon D.ieu, je lui rends hommage (le mot זֶה est également utilisé)[2].
Les sages nous enseignent que la Shékhina, la présence divine, a complété de nombre des années de servitude et d’exil, et c’est ce que nous dit le Magguid : « cela aurait pu être depuis le début du mois », car alors on élève nos yeux vers les cieux et on accueille la présence divine avec la bénédiction. Ce moment devrait être plus propice pour accomplir la Mitsva de raconter la sortie d’Egypte, et de donner ainsi une allusion au fait que grâce à la Shékhina que nous accueillons à Rosh ‘Hodesh, nous sommes sortis d’Egypte et il est très adéquat de raconter ce miracle à ce moment là. La Haggada poursuit en nous enseignant qu’on ne peut faire ce récit que lorsque la Matsa est présente ; car même la Matsa rappelle la Shékhina (comme nous l’enseigne le Rav Sim’hath Haréguel).
De plus le mot Maror a la même valeur numérique que le mot מות qui signifie « mort » car par la Matsa (qui représente la Shékhina) nous sommes sortis de la mort c’est-à-dire des 49 portes d’impureté dans lesquelles nous nous sommes enfoncés.
[ב] בַּעֲבוּר זֶה « C’est à cause de cela » ; « à cause de cela » [le Rav pointe le fait que l’expression est répétée deux fois] Il est également possible d’expliquer que la Haggada nous dit que c’est grâce aux fils de Yaâkov que nous sommes sortis et également grâce à Moshé Rabbénou, qui avait l’âme de Yossef, que nos ancêtres ont été délivrés d’Egypte, comme le dit le Rav חומת אנ״ך.
C’est ce qu’enseigne le Magguid carזֶה à pour valeur numérique 12, en allusion aux 12 enfants de Yaâkov. De plusבַּעֲבוּר זֶה , il s’agit de Moïse qui est appelé זֶה , comme l’enseigne le Talmoud (Ména’hoth 53b) et c’est pour cela que le texte utilise deux fois בעבור זה (une fois pour les 12 tribus et une fois pour Moïse). Et donc grâce à Moïse et aux enfants de Yaâkov, l’Éternel a agi en ma faveur, quand je sortis de l’Égypte.
3) Haggada Shaarey Harmon page 74
Le Gaon Rabbi Shélomo Kélouguer de Brodi a posé la question suivante : si l’intention du Magguid est de nous donner des enseignements sur Matsa et Maror alors il aurait dû utiliser un pluriel בעבור אלה “en vue de ceux-là”. Pourquoi a–t-il utilisé un singulier בעבור זה ? La réponse est la suivante : en fait le Magguid veut nous dire qu’il faut faire précéder la Matsa au Maror, comme il est dit :
בַּחֹדֶשׁ הַשֵּׁנִי בְּאַרְבָּעָה עָשָׂר יוֹם, בֵּין הָעַרְבַּיִם–יַעֲשׂוּ אֹתוֹ: עַל-מַצּוֹת וּמְרֹרִים, יֹאכְלֻהוּ
c’est au deuxième mois, le quatorzième jour, vers le soir, qu’ils la feront; ils la mangeront avec des azymes et des herbes amères,[3]
La Matsa est un symbole de délivrance et le Maror est le symbole de l’esclavage et l’esclavage a précédé la délivrance, il aurait donc été normal de faire précéder le Maror à la Matsa. Pourquoi donc fait-on l’inverse et consomme-t-on en premier la Matsa et ensuite le Maror ?
En fait, il est connu que même l’asservissement était pour le bien des enfants d’Israël afin qu’ils se purifient pour recevoir la Torah, comme on l’enseigne (Talmoud, Bérakhot 5a) que la Torah est un beau cadeau mais qui ne se donne qu’à travers des épreuves. Par ailleurs, plus l’intensité de l’esclavage était grande, plus le miracle de la sortie d’Egypte était important et plus était important l’honneur de l’Eternel démontré par les miracles. En conséquence, l’esclavage a eu lieu pour qu’il puisse y avoir la délivrance et en était comme une préparation, comme nous disons : « il existait dans la pensée dès le commencement pour être réalisé à la fin ». C’est pourquoi la Matsa (qui est le but, l’objectif – rappelons que la Matsa rappelle la délivrance) précède le Maror (qui est le moyen).
Et c’est ce qui est dit plus haut « toute personne qui multiplie le récit de la sortie d’Egypte est digne de louanges », c’est-à-dire qu’il est possible de raconter la sortie d’Egypte en abrégeant mais qu’il est possible également de s’étendre. L’intention du Magguid est de nous dire qu’on peut raconter uniquement la délivrance, mais qu’on peut également inclure dans le récit les malheurs, l’esclavage qui étaient pour le bien et celui qui agit ainsi est bien plus digne de louanges.
Donnons une parabole, deux ouvriers doivent créer un ustensile, le premier demande les matières premières de la meilleure qualité et les plus onéreux tandis que le second s’efforce de faire un bel ustensile, solide, mais construit avec des matières premières de moindre qualité et bon marché. Qui est le plus à louer ?
Le second ! De la même manière, celui qui loue Hachem pour les bontés dont Il nous a fait bénéficier et pour les miracles qu’Il a accompli en notre faveur, il n’y a rien de particulier à cela. Par contre celui qui Le glorifie même pour les malheurs et les souffrances et les transforme en louanges et remerciements, alors celui là est digne de louanges !
[1] Le texte de cette Haggada dit textuellement « la pire »
[2] La Guémara dit qu’il y a une Guézéra Shava, c’est-à-dire que depuis le Sinaï il y a une transmission de maître à élève indiquant qu’il y a un lien entre deux versets qui utilisent la même expression. Le lien dans notre cas est « tout celui qui fait la bénédiction sur le mois en temps et en heure, c’est comme s’il accueillait la Shékhina ».
[3] On a donc, par le verset, d’abord la Matsa et ensuite le Maror