Le talon du Mashiah – La royauté du Mal
Rabbénou Yérouham
Traduit et adapté par Rav Michael Smadja
Voici que l’existence du mal qui se trouve dans la création, est une création comme il est dit: »et il crée le mal », qui a été créé pour nous enseigner sur l’essence même de l’unité divine comme le dévoile le Ramhal dans »Daat Tévounot », c’est-à-dire quelque chose qui est issu de sa volonté divine tout comme toute la création et qui a un but tout comme toute la création: »arriver au dévoilement final de sa royauté et au bien ultime ».
Le principe est que le mal dans la création est un véritable royaume qui est régi par des règles rigoureuses, »la royauté du Mal » avec une force, une puissance incroyable. Et tout celui qui tombe dans ses filets, ne peut plus s’en extirper car se dressent devant lui ses lois, ses décrets, ses principes sa vitalité, ses sagesses dont il est impossible de s’en extirper. (comment le Mal se manifeste-t-il en nous pour dire que nous sommes continuellement sous son emprise ? En vérité, le royaume du Mal est le royaume de la dualité, le royaume de l’ego ! Nous comprenons maintenant que nous sommes emprisonnés, imbriqués, conditionnés par les règles de son royaume dont il est difficile de s’extraire si ce n’est impossible). Même construction que le royaume du Bien comme il est enseigné dans »Kohélet »: »ceci en parallèle avec ceci, Elokim a fait‘‘ Elokim étant la divinité générant et gérant le monde de la dualité, du monde où le Bien et le Mal se divisent. Car il y a le char de la pureté, conduite de l’unité dite de l’arbre de vie et le char de l’impureté, conduite de la dualité dite de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal. Deux conduites parallèles, deux mondes parallèles et la force du choix navigant entre ces deux mondes.
Ce principe est clairement exprimé dans le livre »les obligations du cœur ». En voici un extrait: »l’homme ne tend vers ce monde que lorsqu’il se détache de la Torah. Le penchant le tirant inexorablement vers les délices illusoires de ce monde, de cette conduite de la dualité, du Bien et du Mal ». En vérité, comment peut-on se détacher des délices procurés par l’étude de la Torah pour se fondre dans ce monde de la dualité et ses délices illusoires et éphémères? Où se trouve l’erreur dans notre perception ?
Plus nous allons être attiré par ce monde, plus la réalité vraie va s’éloignée.
Le point de traverse est au niveau de la perception des sens, à ce moment le mensonge va se diffuser dans l’esprit de l’homme. Comment ? En créant un ego qui lui va se mettre à exister en ressentant le Bien et le Mal. L’ego étant la matérialisation des pulsions du corps qui sont le mauvais penchant. Comment la conscience sera annulée devant l’ego ? Par cette altération de la notion de plaisir. Le véritable plaisir se matérialisant par une perception du divin dans l’information qui est transmise par les sens.
Le fait de vouloir ressentir le bien et le mal est de l’ordre du mauvais penchant c’est-à-dire des pulsions du corps qui veulent perdurer dans le temps en produisant un ego illusoire qui donne l’impression de ressentir les choses, d’attraper les choses en les classifiant par bon ou mauvais. Mais par cela, au contraire, le divin va se voiler et ne plus se percevoir. Car les envies ne sont là que pour limiter le message divin. L’énergie divine étant par définition illimitée donc imperceptible par l’ego et donc doit logiquement le submerger jusqu’à ce qu’il n’existe plus et ne se forme plus au contact des sens. Mais si l’ego se »densifie » par ces envies que produit le corps, alors au moment de la connexion des sens avec le message divin, l’ego va développer ces notions de bien et de mal afin de voiler le message divin afin de se l’accaparer.
L’ego codifie tout instantanément. Il est pratiquement impossible de s’en extraire. Il faut un travail harassant de toute une vie pour l’annuler. Tout d’abord développer une attention exceptionnelle afin de rester conscient le plus possible car sinon, de suite l’ego resurgit et déforme tout message divin. L’ego ne se crée que du fait de cette attirance de la matière vers la matière. Cette attirance ne se matérialise qu’en limitant la perception soit elle bonne, mauvaise ou neutre.
Mais automatiquement, elle est classifiable et quantifiable donc revêtue d’un apparat pour ainsi, donner une réalité illusoire à tout ce qui entoure la personne. Le verset est explicite: »à l’entrée, la faute est tapie‘‘ à l’entrée des portes de la perception, se tapit le Mauvais penchant par la matérialisation illusoire d’un ego de chaque instant qui va créer une dualité dans la perception. C’est en fait cela la véritable tentation vers le Mal, vouloir exister par nous-même, être une créature indépendante. Et pour cela, la perception doit se matérialiser par un ego qui va donner l’impression de perdurer dans le temps, passé-présent-futur. En réalité, le temps tel que nous le percevons est illusoire car il n’est que la résultante de cette envie dégagée par l’envie de la matière. Seul, le moment présent est réel ! Et donc, impossibilité à l’ego de se matérialiser.
C’est le principe même du service de l’homme dans ce monde. D’observer, de reconnaître et de voir la différence entre d’un côté, la royauté divine qui remplit toute la terre de Son honneur et qu’il n’y a rien d’autre que Lui et de l’autre côté, la royauté du Mal. Observer reconnaître et voir la différence entre la conduite divine dite de l’unité et la conduite divine dite de la dualité. Ceci étant tout le sujet de la Torah depuis »au commencement » jusqu’à »aux yeux des enfants d’Israël » qui vient nous apprendre la nature de cette conduite de la dualité, la conduite du Mal, sa bassesse et son avilissement.
Le Sabba de Kelm faisait remarquer que la Torah commence par la faute de l’arbre de la connaissance du bien et du mal qui a induit la conduite de la dualité. La raison en est que la connaissance du Mal est le départ du service de l’homme dans ce monde. Et dès que l’homme ouvre ses yeux et qu’il commence à agir, il sait qu’il doit s’occuper et faire la guerre contre le royaume du Mal et son pouvoir attractif énorme. C’est en vérité un travail extrêmement dur voir quasiment impossible à effectuer: se débarrasser de l’ego qui régit d’une manière illusoire notre vie, conduite causale où il est le maître d’œuvre. C’est ce qui est fait allusion dans le verset: »lorsque se lèvera en ton sein, un faux prophète…et placera sur toi un signe ou un prodige…allons après d’autres dieux …tu n’écouteras pas les paroles de ce prophète…car Hachem votre D-ieu vous éprouve » même si ses paroles te paraissent claires et vraies (et placera en toi un signe ou un prodige) mais saches que c’est Hachem qui t’éprouve. En vérité ce prophète est tout simplement l’ego qui te dirige à chaque perception de tes sens. Il n’est là en vérité que pour nous éprouver et voir si nous nous annulons au profit du divin ou bien croire que nous existons réellement et que nous dirigeons ce monde. Ce prophète nous prouve clairement que tous nos actes ne sont que la résultante de nos pensées, et donc de l’ego qui soi-disant les génère. Mais en vérité, tout n’est que volonté divine car chaque pulsion n’est qu’énergie divine. Aller après le faux prophète c’est aller en fait après l’ego qui naît à chaque instant, matérialisation des perceptions issus de nos sens.
Tout le travail de l’homme est de se tenir avec force devant les événements de la vie, de rester vigilant sans être altéré par les signes et les prodiges que l’ego envoie. Combien faut-il de miséricordes et de prières à l’homme afin de ne pas tomber dans les affres des épreuves qui se dresseront devant lui. Épreuves que le mauvais penchant qui se matérialise par l’ego, dresse devant l’homme durant toute sa vie. Et sur ce point, converge tout le travail de l’homme: se tenir à la naissance de l’ego afin de ne pas le faire apparaitre et par cela, écouter réellement le message divin et non le message de ce faux prophète qu’est l’ego.
C’est l’enseignement du verset: »prenez garde à vous…et ne vous détournez pas et ne servez pas des dieux étrangers… ». Rashi explique: » puisque l’homme s’est séparé de la Torah, il va et s’unit à l’idolâtrie (c’est-à-dire au culte de l’ego) ». Car le but du service idolâtre est de créer un espace vide causé par la dualité où l’homme se désolidarise totalement de son créateur. (la faute du premier homme étant définie par les sages, comme étant de l’idolâtrie).
Comment peut-on affirmer qu’en se séparant de l’étude de la Torah, on entre de suite dans le culte de l’idolâtrie ?
Car en fait Torah et idolâtrie ne sont en fait que des niveaux de perception de la vie. Soit la perception de l’unité où l’ego n’a pas sa place grâce à l’étude de la Torah explicitement sans intérêt personnel, sans que l’ego apparaisse. Soit, passant par une perception faite de causalités où l’ego est le maître d’œuvre et où D-ieu ne devient qu’un intervenant et un intermédiaire servant en fait l’ego. Pure idolâtrie.