Haggada Huitième passage – L’impie que dit-il ?
L’impie que dit-il ?
רָשָׁע מָה הוּא אוֹמֵר:”מָה הָעֲבוֹדָה הַזֹּאת לָכֶם“ ?” לָכֶם“ וְלֹא לוֹ. וּלְפִי שֶׁהוֹצִיא אֶת עַצְמוֹ מִן הַכְּלָל, כָּפַר בָּעִקָּר. אַף אַתָּה הַקְהֵה אֶת שִׁנָּיו וֶאֱמוֹר לוֹ: בַּעֲבוּר זֶה עָשָׂה ה׳ לִי בְּצֵאתִי מִמִּצְרָיִם,”לִי“ וְלֹא לוֹ. וְאִלּוּ הָיָה שָׁם לֹא הָיָה נִגְאָל:
L’impie, que dit-il ? Que signifie pour vous ce service ? « pour vous » et non « pour lui ». Du fait qu’il s’est exclu de la communauté et renie l’essentiel du judaïsme, toi aussi agace le [agace lui les dents] en lui disant (Exode Ch. 13, v. 8) : « C’est à cause de cela (le respect des préceptes Divins) que l’Éternel a agi en ma faveur, quand je sortis d’Égypte » « en ma faveur » et non « en sa faveur », et s’il avait été présent en Egypte, il n’aurait pas été délivré.
1) Explication littérale tirée de la Haggada Higguid léâmo du Rav Saâdoun page 41 (L’impie que dit-il ?)
L’impie, que dit-il ? Cette personne n’est pas jugée a priori, c’est simplement par ses propos qu’on le considère comme impie. Que signifie pour vous ce service ? ce sont les mots du verset (Exode Ch. 12, v. 26)
וְהָיָה, כִּי-יֹאמְרוּ אֲלֵיכֶם בְּנֵיכֶם: מָה הָעֲבֹדָה הַזֹּאת, לָכֶם.
Alors, quand vos enfants vous demanderont: ‘Que signifie pour vous ce rite?
Comme cette personne s’exprime en utilisant un ton de réclamation : « qu’est donc pour vous ce service (textuellement « ce labeur ») », cela signifie que son intention est « quels sont ces efforts laborieux que vous nous imposez en repoussant le repas (par la récitation de la Haggada, la consommation de la Matsa, du Maror, du Korekh[1]) et de troubler la joie de la fête (en ne nous laissant pas prendre le repas) ? ». Du fait que l’impie dise « pour vous » et s’exclut ainsi de la communauté, comme si lui-même n’était pas dans l’obligation d’accomplir ces Mitsvoth, il est considéré comme quelqu’un qui renie l’essentiel (Aboudraham au nom du Talmoud Yéroushalmi). De plus, de ses propos, on comprend que la Torah a peu de valeur à ses yeux. Bien que le Sage dise également « pour vous » les commentateurs ont déjà donné la différence entre eux.
renie l’essentiel du judaïsme, c’est-à-dire qu’il renie les principes essentiels de la Torah et des Mitsvoth comme celles faites le soir de Pessa’h, comme si nous n’y étions pas soumis car en réalité il n’y croit pas.
toi aussi agace le (textuellement fait lui grincer les dents) le langage utilisé ressemble à celui du verset (Ezéchiel Ch. 18 v. 2) וְשִׁנֵּי הַבָּנִים תִקְהֶינָה,« et les dents des enfants en sont agacées », c’est-à-dire ,comme l’explique Rashi : « met le en colère par tes réponses ».
Il n’est pas digne de recevoir une réponse permettant de comprendre et à plus forte raison s’il s’affranchit encore plus des Mitsvoth. Simplement, fait lui des reproches qui lui feront grincer les dents, en lui disant : « tu n’aurais pas été digne de sortir d’Egypte, et c’est à ton propos que la Torah a dit « en vue de cela, l’Eternel m’a fait sortir d’Egypte » et non toi, et si tu avais été présent en Egypte, tu ne serais pas sorti » (Rashi et Aboudraham). De même il n’est pas digne de participer au repas Pascal comme il est écrit :
כָּל-בֶּן-נֵכָר, לֹא-יֹאכַל בּוֹ., que l’on peut traduire par « tout fils étranger n’en consommera pas » ; Rashi explique : « dont les actions sont étrangères (nithnakrou) à son Père céleste »; en conséquence il voit les autres manger et lui ne consomme rien, « ses dents en sont diminuées ». (Aboudraham).[2]
2) Haggada Kos Eliahou – pages 148-149 à la fin de l’ouvrage, recueil de commentaires des Rabbins de Sefrou. Le présent commentaire est pris de Avné Qoddesh de R. Shaoul Yéshouâh Abitbol et son fils R. Réphael Abitbol
L’impie, que dit-il ? Que signifie pour vous ce service ? L’impie, dit en fait : « quelle est donc cette peine considérable que vous vous imposez dans la confection des Matsoth ? » En réalité il dénigre les paroles des sages qui enseignent qu’il faut être attentif même à une infime proportion de ‘Hamets. Car, le ‘Hamets est une allusion à l’orgueil qui est un défaut très important dont il faut s’éloigner le plus possible. Lorsque le Racha’ dit «לָכֶם » pour vous, et non pour lui, il s’avère donc qu’il est satisfait de son orgueil. Toi aussi, fait lui grincer les dents et dis lui : « Hachem m’a fait sortir d’Egypte », car comme il est notoire, c’est par leur grande humilité qu’ils sont sortis d’Egypte, et lui, s’il avait été présent, du fait de son orgueil, il n’aurait pas pu sortir
On peut également expliquer l’étonnement du fils impie lorsqu’il observe le dur labeur pour la préparation des Matsoth pour lesquelles il ne faut pas laisser la pâte se reposer ne serait-ce qu’un instant. Or, la consommation de la Matsa est liée au fait que lors de la sortie d’Egypte la pâte n’a pas eu le temps de gonfler, les juifs ayant emporté leur pâte avant qu’elle ne lève et c’est seulement après qu’ils aient voyagé de Ramsès à Souccoth, qu’ils ont pu faire cuire leur pâte. Mais il y a de nombreux milles (une distance importante) entre Ramsès et Souccoth (et il est donc difficile de croire que la pâte n’a pas pu lever pendant tout ce temps) !!
Toi aussi, agace lui les dents, et indique lui « baâvour zé » grâce à cela, qui se rapporte à la Matsa, Hashem a accompli un miracle formidable en ma faveur à ma sortie d’Egypte, comme nous le disent les sages à propos du verset (Exode, Ch. 19, V4)
אַתֶּם רְאִיתֶם, אֲשֶׁר עָשִׂיתִי לְמִצְרָיִם; וָאֶשָּׂא אֶתְכֶם עַל-כַּנְפֵי נְשָׁרִים, וָאָבִא אֶתְכֶם אֵלָי
Vous avez vu ce que j’ai fait aux Égyptiens; vous, je vous ai portés sur l’aile des aigles, je vous ai rapprochés de Moi.
En fait les anges du service divin les ont portés sur « leurs ailes » de Ramsès jusqu’à Souccoth et, en un court instant, ils ont parcouru de nombreux milles, un chemin de trois jours de marche !!
Le Magguid a bien fait de préciser « moi » et pas « lui » et s’il avait été sur place, il ne serait pas sorti, comme nous l’enseigne le Talmoud dans le Pérek ‘Heleq « Celui qui ne croit pas en la résurrection des morts n’aura pas droit à la résurrection des morts ». Dans notre cas également, comme il ne croit pas à ce miracle de «je vous ai portés sur l’aile des aigles » alors les anges ne l’auraient pas transporté et il serait resté en Egypte.
Ce qu’affirme le Magguid « car il s’est sorti [exclu] de la communauté », c’est-à-dire complètement, cela correspond à un enseignement du Zohar Haqadosh qui enseigne que celui qui mange du ‘Hamets à Pessa’h est comme un idolâtre et un idolâtre sort complètement de la communauté (jusqu’à ce qu’il se repente).
3) Haggada Ôlelot Haguefen de Rav Guidôn Âttiah page 90 – L’impie que dit-il ?
J’ai trouvé une explication agréable : en fait il n’y a pas d’impie ( רשע) mais seulement le mal (רע, c’est-à-dire avec une lettre en moins qui est la lettre Shin ש, ce qui permet un jeu de mots avec Shèn qui signifie dent) comme on le voit dans la lettre du Ramban. Il est écrit (Proverbes Ch. 16 v. 4) :
כֹּל פָּעַל ה׳, לַמַּעֲנֵהוּ; וְגַם-רָשָׁע, לְיוֹם רָעָה.
L’Eternel a tout fait pour un but prédestiné, même le méchant pour le jour du malheur.[3]
Et c’est pour cela que le Magguid dit « agace lui les dents » qui peut se lire « agace lui son (ses) ש Shin » c’est-à-dire fais tomber[4] du mot רשע (impie) la lettre ש et il ne restera que רע (le mal).
De plus, c’est un devoir de répondre à l’impie avec autorité [le bousculer pour lui faire prendre conscience] afin de le faire revenir et le rendre un Tsadiq, un juste. Nous avons une allusion à cela car le mot רשע a pour valeur numérique 570 et le mot שניו (ses dents, ou ses Shin) a pour valeur numérique 366 ; c’est-à-dire que si on diminue (soustrait) שניו (366) de רשע (570) il reste 204 qui est la valeur numérique de צדיק (Tsadik, juste).
J’ai également vu dans le livre זרע קודש que l’Eternel a créé deux murailles dans la bouche de l’homme pour préserver sa langue, ce sont les dents du haut et celles du bas qui protègent sa bouche, sous la forme de murailles, de ne pas dire des choses incorrectes. Cependant, cet impie qui s’enorgueillit avec ses propos et ne préserve pas sa parole, toi « fais lui tomber les dents » car à quoi lui servent ces murailles dans sa bouche ? Ces murailles ne lui sont d’aucune utilité.
4) Haggada Shaâré Armon pages 61-63 au nom de Emeth Léyaâkov
Que signifie pour vous ce service ? Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la différence qu’il y a entre la question du sage et celle de l’impie et la raison pour laquelle nous instaurons de répondre à l’un avec un visage rayonnant et en faisant grincer les dents à l’autre. Le Magguid de Doubna nous explique cela par une parabole.
Il y avait un miséreux qui avait économisé peu à peu afin de pouvoir assumer les dépenses de la fête qui se rapprochait. La veille de la fête il était dans la rue et vit un attroupement autour d’une échoppe où des vêtements étaient vendus. Il se rapprocha et vit que la marchandise était de bonne qualité et bon marché. Il se dit : « achetons un vêtement en l’honneur de la fête, ainsi je ne serai plus vêtu de haillons». Il acheta un vêtement et rentra chez lui. Sa femme croisa les bras et lui dit : « tu as dépensé tout ton argent pour l’achat de ce vêtement ? Qu’allons nous manger pendant la fête ? Sur quoi vas-tu faire Quiddoush et sur quel pain vas-tu faire les bénédictions ? Quelle irresponsabilité ! Quelle impulsivité ! Quel manque de réflexion et d’intelligence !
Le pauvre se rendit compte de son erreur, et répondit : « que faire ? » Sa femme lui répondit « courre et ramène le vêtement au marchand ! ». Il lui demanda « et tu crois qu’il va accepter de me rendre mon argent ? ». La femme prit le vêtement, le vérifia et trouva un petit défaut. Elle lui dit « voilà, montre lui ce défaut et il te rendra ton argent ».
Le pauvre homme prit le vêtement et le ramena au marchand ; il lui dit « Rends moi mon argent ! Regarde ce que tu m’as vendu ! Regarde ici ! ».
Le marchand prit le vêtement et remboursa sans rien dire. Le pauvre reprit son argent et poursuivit son chemin. Les nombreuses personnes ayant assisté à la scène s’étonnèrent. « Pourquoi l’as tu remboursé ? Le défaut était insignifiant, à peine visible ; et même s’il voulait un vêtement impeccable tu aurais dû le lui échanger. »
Le marchand sourit et répondit
- si vous aviez prêté attention à ses propos, vous auriez compris mon comportement. En fait si le problème était le défaut du vêtement, cet homme serait venu en disant « regarde ce défaut, je te demande de remplacer le vêtement», mais lui n’a pas dit cela, ses propos ont débuté par «rends moi mon argent » et seulement ensuite il a argumenté en montrant le défaut. J’ai donc compris qu’il n’était pas du tout intéressé par cet achat et que son objectif était de reprendre son argent. Il voulait l’argent et le défaut n’était qu’un argument pour le récupérer ; s’il en est ainsi, quel intérêt ai-je à lui remplacer le vêtement ? Il se serait évertué à y trouver un défaut ! Il était préférable de lui rendre son argent et de ne plus commercer avec lui .
La comparaison : le roi Salomon dit (Proverbes Ch. 26 v. 4 et v. 5)
אַל-תַּעַן כְּסִיל, כְּאִוַּלְתּוֹ: פֶּן-תִּשְׁוֶה-לּוֹ גַם-אָתָּה – עֲנֵה כְסִיל, כְּאִוַּלְתּוֹ: פֶּן-יִהְיֶה חָכָם בְּעֵינָיו
[v4] Ne réplique pas au sot dans le sens de son ineptie; car toi aussi serais comme lui.
[v5] Réplique au sot selon son ineptie, sans cela il se prendrait pour un sage.
Comment comprendre ces deux versets (contradictoires) ? En fait il y a trois sortes de personnes qui posent des questions sur les raisons des Mitsvoth. Le premier est le Sage, il accepte au préalable le joug de la Torah et des Mitsvoth et seulement ensuite demande à en comprendre les raisons afin de les accomplir avec plus de zèle et de compréhension. A son propos il est écrit (Psaume 111 v10)
רֵאשִׁית חָכְמָה, יִרְאַת ה׳ שֵׂכֶל טוֹב, לְכָל-עֹשֵׂיהֶם
(traduction libre) « Le début de la sagesse : c’est la crainte de D.ieu ; une bonne intelligence pour ceux qui l’accomplissent ». C’est-à-dire qu’il est bien de réfléchir et d’essayer de comprendre mais seulement si au départ on a d’abord la crainte de l’Eternel. Au début on fait partie de « ceux qui accomplissent » et seulement ensuite on approfondit « avec une bonne intelligence ». C’est ce que dit le fils sage lorsqu’il demande : « Que sont ces témoignages, ces décrets et ces lois que l’Eternel notre D.ieu vous a ordonnés ? », il questionne en acceptant le joug divin et c’est pourquoi il mérite d’avoir une réponse ; et cette réponse va l’aider à améliorer son service divin.
Le sot ne prend pas sur lui dès le départ de conserver et d’appliquer les Mitsvoth. Cependant, il existe une sorte de sot qui souhaite comprendre et lorsqu’il comprend, applique ; à son propos notre second verset des Proverbes s’applique « Réplique au sot selon son ineptie, sans cela il se prendrait pour un sage », fais lui connaître la lumière qu’il y a dans la Torah et il se rapprochera de la pratique des Mitsvoth.
Par contre, il existe une autre sorte de sot dont tout l’objectif est de fâcher. Lui, il ne faut pas lui répondre, car si on lui répond dans le sens de son ineptie alors il va rechercher constamment des défauts pour renforcer sa position ; il va poser des questions en refusant les réponses tant et si bien qu’il va amener son interlocuteur à douter. A son sujet, il est dit (le premier verset des proverbes) Ne réplique pas au sot dans le sens de son ineptie; car toi aussi serais comme lui. Eloigne toi de son chemin, « Quand tu te sépareras d’un homme sot, tu n’auras pas appris ce que c’est que des lèvres raisonnables. » (Proverbes Ch. 14 v7). Si tu l’entends dire « Que signifie pour vous ce service ? », comme quelqu’un qui irrite et fâche, et le fond de sa pensée est de déraciner (tout judaïsme) ; en fait il cherche des prétextes, il souhaite trouver des failles. Ne lui réponds pas (premier verset) afin qu’il ne te questionne pas sans cesse, car il ne cherche pas de réponse, seulement la dispute et s’éloigner (des Mitsvoth) comme il le dit lui-même « quel est ce service pour vous » et non pour lui, toi aussi éloigne le, « agace lui les dents », et fais le taire !
[1] le « sandwich » de Matsa et de Maror
[2] Le verbe utilisé הַקְהֵה peut également vouloir dire “diminuer”
[3] Textuellement « le jour du mal » on voit donc que l’impie (« méchant ») est appelé ainsi du fait du mal.
[4] Comme on l’a vu plus haut le mot הַקְהֵה veut également dire « diminuer »
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