La crainte de la punition- Rav Yéhésquiel Lévinstein
crainte de la punition
Traduit et adapté par Rav M. Smadja
»La crainte de D-ieu est la sagesse ». Il faut développer une grande sagesse afin d’avoir le mérite d’être dans le groupe de ceux qui craignent D-ieu. Il se peut qu’un homme vive une vie entière en ressentant au fond de lui qu’il est une personne craignant D-ieu mais qu’en réalité, il se trompe complètement car en fait sa crainte n’est que superficielle qui n’a aucun lien avec la véritable crainte des cieux.
Les prémices de la crainte divine est dans une conscience de la crainte de la faute. Comme ce que nous enseigne le Rabbénou Yona dans son livre »les portes du repentir »: »et il ramènera vers son cœur la pensée qu’il y a une punition à toute faute et il se nettoiera et il deviendra parfait ». Car ce principe est enfoui dans la nature de l’homme qui est que la majorité de ses actions est commandée par la peur des sévices corporels, ce que l’on appelle communément »l’instinct de survie ». Il est connu que la peur d’une punition réveille plus un homme que la promesse d’une récompense. Car le principe existentiel même de l’homme est de vouloir vivre en toute sérénité et en paix dans ce monde pour pouvoir en profiter, pour cela, il a très peur des épreuves de la vie et des souffrances corporels, physiques et psychologiques. Pour cette raison, la crainte des souffrances qui sont la conséquence des fautes amènera l’homme à la crainte divine. Comme le Ramh’al explique dans son livre »la voie des justes »: »la crainte de la punition est donnée à chacun de nous et même les femmes et les gens simples peuvent se réveiller de leur torpeur spirituelle grâce à la crainte de la punition car la peur des souffrances est la même pour tous. Et donc, le principe premier dans l’obligation du service divin est d’être dans une situation où la connaissance de la punition est présente en nous. Car le seul fait d’avoir connaissance de la récompense promise dans le monde futur n’est pas suffisante et il se peut que l’homme reste dans ses idées et ses conduites précédentes. »
Il semble que si nous faisions une véritable introspection, nous nous apercevrions que cette réalité qui est la crainte de la punition, est occultée de notre esprit et qu’aucune de nos pensées ne soit dirigée vers les conséquences de nos fautes et les souffrances corporelles et psychiques qui en découlent. En premier lieu, il y a une obligation de ressentir et de faire exister en nous cette vérité qui est que la faute crée une véritable réalité qu’il est impossible d’annuler. Elle ne peut s’annuler d’elle-même. Un homme avant et après la faute n’est plus le même psychologiquement. Ses pensées ne sont plus les mêmes, sa perception de la réalité change du tout au tout. La réparation de la faute ne peut se faire que par des souffrances dans ce monde ou pire encore s’il n’est pas méritant, par les souffrances du purgatoire après la mort. Et pour cela, toutes les bénédictions et les malédictions qui sont répertoriées dans la Torah, ne sont que de l’ordre de ce monde présent. Car en vérité, seule l’influence matérielle de ce monde peut être ressentie par notre esprit.
Le premier service de l’homme est d’enlever le mal. C’est-à-dire réparer les racines du mal qui se trouvent en lui qui sont ses mauvaises qualités. Et tout le temps que ces racines se trouvent en lui, même ses Mitsvot et ses bonnes actions sont engendrées par ces racines et donc, n’ont aucune valeur ! Pour cela, il est enseigné dans la Mishna: »tout celui qui a en lui ces trois mauvaises qualités, fait partie des élèves de Bilham le mécréant » et même celui qui est assis au Beth Hamidrach de Avraham Avinou, tant qu’il a en lui ces trois mauvaises qualités, est considéré comme l’élève de Bilham le mécréant. Et puisque les racines du mal sont toujours en lui, toutes ses bonnes actions tirent leur énergie des racines du mal. Ainsi nous enseigne le Ramh’al: tout le temps que l’homme a en lui cette pulsion qui le fait courir après les honneurs, alors toutes ses actions qu’elles soient bonnes ou mauvaises, puisent leur vitalité de cet envie d’honneur qui devient la source de sa réalité. Et ainsi en est-il des autres mauvaises qualités. Et voici ses paroles: »de la même manière qu’il y a un besoin de purifier ses actes, ainsi en est-il des qualités et des pensées. Il est pratiquement plus difficile d’avoir une propreté dans ses qualités que dans ses actions. Car la nature agit plus facilement dans les qualités de l’homme que dans ses actions. Et voici que les qualités sont multiples car chaque action est générée par ses qualités qui sont des pulsions engendrées par le corps ». Le déracinement du mal est un long et dur labeur qui ne peut se faire qu’après avoir ressenti les affres de douleurs corporelles qui sont aptes à venir à cause de ses mauvaises qualités et de ses fautes.
La raison pour laquelle nous ne faisons pas attention à ces pulsions génératrices des mauvaises qualités telles que l’envie, la haine, la colère la jalousie, l’orgueil…est parce que l’homme considère ce monde comme sa réalité et ressent une impression d’éternité et d’impunité car étant le dépositaire et la cause primordiale de tout ce qui s’y passe. Étant certain que rien ne peut se passer sans sa volonté et donc que rien ne peut arriver de négatif. C’est uniquement dans les sujets du monde futur, que l’homme espère et aspire à avoir une récompense et il a peur de ne pas avoir le mérite d’y accéder car il est en dehors de sa perception illusoire.
Mais cette impression d’éternité ne jaillit de son for intérieur que parce que sa confiance est imparfaite, il ne sait pas et il n’a pas une confiance aveugle dans cette vérité que tout vient de D-ieu comme il est dit: »à Toi D-ieu, la grandeur, la puissance et la beauté…car tout est à Lui dans les cieux et sur la terre ». De ce verset, nous apprenons qu’il est interdit à l’homme de croire que ce monde est à lui, qu’il lui appartient et qu’il le dirige. À tout moment, il doit se préoccuper de le voir disparaître. Et cela aura pour conséquence d’ébranler cette impression d’éternité qui se diffuse en lui et de ce fait, il commencera à avoir peur d’être puni dans ce monde même, des fautes qu’il aura commises dans sa vie. Et puisqu’il aspire à vivre une vie sereine et tranquille, à ce moment, se diffuse en lui cette obligation intuitive et instinctive de craindre les souffrances de ce monde que peut entraîner son comportement vis-à-vis de D-ieu. Donc la crainte de la punition physique qui n’est qu’une »basse » crainte (car elle est issue de son attachement à ce monde matériel) révèle en vérité une profonde sagesse. Le début de la sagesse en vérité: ce monde ne nous appartient pas c’est-à-dire que tout ce qui s’y passe n’est pas induit par mes actions mais par une volonté supérieure qui dirige sous couvert de la nature, sous couvert d’une conduite dite de cause et effet, une conduite divine extrêmement complexe.
Le Rambam dans son livre »le guide des égarés » explique à propos des dix choses qui ont été créées la veille du premier Shabbat de la création ainsi: »D-ieu a créé ces dix choses au départ de la création et non après, car il n’y a aucun changement dans sa volonté et tout est fixé au commencement. C’est ce que les sages enseignent: «au moment où l’homme a été créé, a déjà été créée en lui sa part de paradis et sa part d’enfer». Et donc, lorsqu’un homme agit, est inclus à l’intérieur même de cet acte, sa désagrégation et sa punition. C’est ce qui est enseigné: de lui-même, le mal apparaît sur celui qui faute ».
Ainsi explique Rabbénou Yona: »comment ne peut-on avoir pitié de notre corps car par la transgression d’un interdit, se développe de lui-même ce »gène », ce »virus » qui est en potentialité depuis la création de ce corps ». Tout se trouve dans la définition chromosomique du corps. Son passé, son présent et son futur. La possibilité de faire le bien et donc en lui se trouve cette part de paradis et la possibilité de faire le mal et donc cette part d’enfer. En agissant, nous ne faisons que mettre en action, déclencher un processus qui est sous-jacent et incrusté dans notre héritage chromosomique, depuis le début de la création.
Et celui qui ne croit pas en cela, démontre qu’il n’a pas une véritable confiance dans le décret divin et au contraire, il dévoile la réalité d’une non-perception de la vérité. Pour cela, même au moment où des pensées de « Téshouva », de repentir, montent à l’esprit de l’homme, ces pensées n’agiront jamais au niveau de son corps, tout au plus, ils agiront au niveau de son monde futur mais prendre conscience que la faute puisse altérer ce monde présent et son propre corps, cela lui est impossible car il ne peut lui venir à l’esprit que la faute s’insinue en lui jusqu’à pervertir sa perception de la réalité. Car s’il avait conscience de ce »traumatisme » causé par la faute, il n’en serait jamais venu à fauter. Et par ce fait, la Téshouva ne peut l’atteindre qu’au niveau du monde futur.
Pour cette raison, il nous incombe de réveiller en nous cette peur viscérale de la faute. Et si ce sentiment de peur ne se réveille pas en nous, il est impossible de concevoir cette notion de repentir, de Téshouva. Car la faute agit réellement dans ce monde et sur notre corps et tant que cette vérité n’est pas ancrée en nous, il nous est impossible de percevoir ce qu’est une faute et par cela de se repentir réellement. Ressentir cette proximité d’avec D-ieu qui se dilue est une des conséquences de la faute. Mais encore faut-il que nous ressentions cette proximité. Et le fait même de ne pas ressentir cette proximité est la conséquence directe de la faute.
Et pour arriver à ressentir la proximité divine de plus en plus, il nous faut travailler la Téphilla, la prière journalière car celle-ci élève l’homme si elle est bien accomplie. De même il faut se renforcer et arriver à annuler toutes ces pensées égotiques qui se diffusent dans notre esprit et qui nous font croire que seule ma force et la puissance de mes actes, font que j’ai une influence directe dans ce monde. De même, il faut se renforcer dans l’étude de la Torah d’une manière désintéressée car la peine développée dans la compréhension de la Torah est le moyen de transformer ses mauvaises qualités et ses défauts tels que l’orgueil, la jalousie, la colère….en énergies positives sans altération.
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