Parashat Balak (5773)
Yéhouda Moshé Charbit
Parashat Balak
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בס״ד
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PARASHAT BALAK
Après les victoires d’Israël contre Og le roi de Bachane et Si’hone le roi d’Émorie, qui étaient les deux puissances locales, Balak roi de Moav comprend qu’il ne ferait jamais le poids contre ce peuple. C’est pourquoi il envoie des émissaires auprès de Bilaam, connu pour sa grande capacité à maudire, afin de le charger de l’aider. Balak espérait que Bilaam, par ses malédictions, puisse créer une faille dans le peuple, qui lui permettrait de prendre l’ascendant sur lui. Sur ordre d’Hachem, Bilaam refuse la proposition de Balak. Cependant, le roi de Moav insiste et envoie un second groupe d’émissaires afin de convaincre Bilaam. À cette seconde initiative, Hachem laisse la possibilité à ce dernier de choisir ce qu’il ferait et il décide d’accepter la proposition de Balak. Avec empressement, Bilaam rejoint Balak afin de pouvoir maudire le peuple d’Israël. Toutefois, Hachem aimant son peuple, ne le laisse pas agir à sa guise. Effectivement, par trois reprises, Bilaam demande à Balak de lui ériger sept autels sur lesquels il offrirait sept bœufs et sept béliers à Hachem afin qu’il lui apparaisse et qu’il tente de maudire les bné-Israël. Toutefois, chaque fois qu’il voulait maudire le peuple, des bénédictions sortaient de sa bouche! Déçu de la prestation de Bilaam, Balak le renvoie. Avant de le quitter, Bilaam donne un ultime conseil à Balak. Il lui suggère de faire fauter le peuple par les femmes, car le D.ieu d’Israël a l’immoralité en abomination. Balak s’exécute et le peuple s’adonne à l’immoralité avec les filles de Moav qui les poussent même à l’idolâtrie. La colère de Hachem s’enflamme sur le peuple et une épidémie dévastatrice s’abat sur ce dernier. Afin d’arrêter l’épidémie, Hachem enjoint Moshé à tuer tous les fauteurs. Ce n’est que lorsque Pin’has prit l’initiative d’abattre Zimri, qui fautait en publique, que l’épidémie prit fin emportant avec elle 24 000 victimes.
La paracha commence par les versets suivants:
ב/ וַיַּרְא בָּלָק, בֶּן-צִפּוֹר, אֵת כָּל-אֲשֶׁר-עָשָׂה יִשְׂרָאֵל, לָאֱמֹרִי׃
2/ Et il vit, Balak fils de Tsipor, tout ce qu’avait fait Israël à l’Émoréen.
ג/ וַיָּגָר מוֹאָב מִפְּנֵי הָעָם, מְאֹד–כִּי רַב-הוּא; וַיָּקָץ מוֹאָב, מִפְּנֵי בְּנֵי יִשְׂרָאֵל׃
3/ Moav fut très effrayé à cause du peuple, car il était nombreux, et Moav fut dégouté à cause des bné-Israël.
ד/ וַיֹּאמֶר מוֹאָב אֶל-זִקְנֵי מִדְיָן, עַתָּה יְלַחֲכוּ הַקָּהָל אֶת-כָּל-סְבִיבֹתֵינוּ, כִּלְחֹךְ הַשּׁוֹר, אֵת יֶרֶק הַשָּׂדֶה; וּבָלָק בֶּן-צִפּוֹר מֶלֶךְ לְמוֹאָב, בָּעֵת הַהִוא׃
4/ Moav dit aux anciens de Midiane: Maintenant l’assemblée va lécher tout ce qui est autour de nous comme le boeuf lèche l’herbe du champ ; or Balak était roi de Moav à cette époque.
ה/ וַיִּשְׁלַח מַלְאָכִים אֶל-בִּלְעָם בֶּן-בְּעֹר, פְּתוֹרָה אֲשֶׁר עַל-הַנָּהָר אֶרֶץ בְּנֵי-עַמּוֹ–לִקְרֹא-לוֹ: לֵאמֹר, הִנֵּה עַם יָצָא מִמִּצְרַיִם הִנֵּה
כִסָּה אֶת-עֵין הָאָרֶץ, וְהוּא יֹשֵׁב, מִמֻּלִי׃
5/ Il envoya des messagers à Bilaam, fils de Béor à Péthore qui est près du fleuve du pays des gens de son peuple pour l’appeler en disant: Voici, un peuple est sorti d’Égypte; voici qu’il a couvert l’oeil de la terre et il réside en face de moi.
ו/ וְעַתָּה לְכָה-נָּא אָרָה-לִּי אֶת-הָעָם הַזֶּה, כִּי-עָצוּם הוּא מִמֶּנִּי–אוּלַי אוּכַל נַכֶּה-בּוֹ, וַאֲגָרְשֶׁנּוּ מִן-הָאָרֶץ: כִּי יָדַעְתִּי, אֵת אֲשֶׁר-תְּבָרֵךְ מְבֹרָךְ, וַאֲשֶׁר תָּאֹר, יוּאָר׃
6/ Et maintenant, viens je t’en prie maudire pour moi ce peuple car il est plus puissant que moi; peut-être réussirai-je à le frapper et je le chasserai du pays car je sais que ce que tu bénis est béni et ce que tu maudis est maudit.
Plusieurs questions sont à mettre en relief sur notre paracha. La première question, la plus évidente, est de se demander pourquoi Balak tente-il de rivaliser avec un peuple qu’il sait élu du maître du monde. Au fil du temps, les prouesses se sont accumulées pour le peuple d’Israël, et la torah atteste que Balak les craignait. Il paraît donc absurde pour ce roi, de s’attaquer à un peuple porté par l’amour d’Hachem.
Secondement, dans le verset 6, Balak affirme que Bilaam a la possibilité de bénir comme de maudire. Pourquoi alors, Balak choisi t-il de demander une malédiction contre les bné-Israël. Pourquoi ne souhaite t-il simplement pas recevoir une bénédiction pour se voir accorder la victoire ?
Et enfin, par la suite, la torah raconte que Bilaam n’arrivant pas à maudire le peuple, Balak le déplace à trois reprises pour qu’il puisse tenter de nouveau. Bien évident, la première comme les deux suivantes se sont soldées par un échec. Cependant, pourquoi trois tentatives ? La première ne suffisait-elle pas pour que ces deux hommes comprennent qu’ils ne parviendront pas à obtenir ce qu’ils souhaitent ?
Pour avoir une approche plus clair des évènements qui se produisent dans cette paracha, il nous faut remonter quelques générations en arrière, lors de la dispute entre Yaakov et Essav. Comme chacun le sait, Essav, en tant que premier né de Rivka, devait légitimement recevoir la bénédiction de la part de son père Yitshak. Cependant, lors d’un compromis entre les deux frères, Essav concède à Yaakov le droit d’ainesse. Néanmoins, Essav refuse de respecter le contrat et tente tout de même de recevoir cette bénédiction, mais baroukh Hachem, Yaakov parvient à se substituer à son frère et reçoit ce qui lui revient de droit. Essav, fou de rage demande à son père de le bénir quand même. Ce qu’Ytshak lui concède. La bénédiction d’Essav sera dépendante de Yaakov. Lorsque le jeune frère suivra le chemin de la torah, alors il dominera Essav. Par contre, lorsqu’il s’en éloignera, se sera Essav le plus puissant.
Ainsi, le rapport de force entre les descendants de Yaakov et ceux d’Essav est régit par ce principe. Tout dépend du respect ou non de la torah par les bné-Israël. Balak, descendant d’Essav, est conscient de cela, c’est pourquoi, il sait qu’il a une chance de victoire. Cette fameuse bénédiction transmise à Essav par Yaakov sera la clef de sa victoire. Cependant, il est conscient que cela ne dépend pas de lui mais des bné-Israël. C’est pourquoi, il n’hésite pas à défier le peuple bien qu’il soit l’élu de Dieu, mais de surcroit, il suit une stratégie minutieuse : il convoque Bilaam !
Quelle est la particularité de Bilaam ? Selon le Or Hahaïm, Bilaam dispose de deux moyens pour maudire les gens. Soit le Ayin Hara, soit le fameux moment de « colère » d’Hachem. Effectivement, la guémara dans Brakhot enseigne qu’il existe un moment particulier où le maître du monde se met en colère. Il ne s’agit pas de prendre les mots de la guémara au sens propre. Il faut plutôt saisir que, par nécessite d’équilibre, il existe un moment où la rigueur divine bat son plein. À cet instant, la miséricorde s’efface devant l’absolue justice. C’est ce moment que choisissait Bilaam pour prononcer sa malédiction et par respect de la justice, si la personne maudite disposait ne serait-ce que d’une faute, il fallait qu’elle soit sanctionnée. De facto, l’entreprise de Bilaam arrivait toujours à ses fins.
Rachi, sur le verset 5, nous rapporte que la raison du choix de Bilaam par Balak est la suivante. Constatant que la force du leader des bné-Israël résidait dans sa bouche, il a fait appel à un homme qui dispose également d’une grande force dans sa bouche. De quelle force parle t-on pour l’un comme pour l’autre ? Pour Moshé il s’agissait de la force de la prière, tandis que pour Bilaam, il s’agissait de celle de maudire. L’objectif de la prière est claire. Faire devancer la rigueur divine par la miséricorde. Ainsi, bien que les bné-Israël fautent, Moshé parvenait toujours à les sauver. Balak comprenant cela, saisit que dans une telle situation, jamais la bénédiction reçue par Essav ne pourra s’accomplir dans la mesure où jamais le peuple n’est sanctionné par Hachem. C’est pourquoi, il fait appel à la personne qui pourrait être capable de créer une brèche et permettre de rappeler les fautes des bné-Israël. S’il y parvient, automatiquement, Balak, descendant d’Essav prendra le dessus sur le peuple. Et c’est ce que tente Bilaam. Bien évidement, Balak sait parfaitement que la bénédiction que pourrait lui octroyer Bilaam serait parfaitement inutile dans la mesure où il est déjà sous le joug des règles imposées par les bénédictions qu’Ytshak a transmit à ses fils. C’est pourquoi, il ne demande pas de bénédictions mais bien des malédictions. Son objectif est de faire apparaître des fautes sur le peuple et par cela, inverser la tendance !
D’ailleurs les tentatives de Bilaam respectent parfaitement cette ligne de conduite lorsque nous lisons les commentateurs. En effet, dans un premier temps, Bilaam tente une simple malédiction. Il paraît, à priori, que cette dernière ne mentionne aucune trace de faute et qu’elle ne suive pas l’objectif de Balak. Mais se serait là omettre un détail du texte. Rachi nous explique qu’à plusieurs reprises, Hakadoch Baroukh Hou a trompé Bilaam lui laissant croire qu’il était incertain dans ses décisions, qu’il était possible de le tromper. C’est pourquoi, lors de la première visite d’Hachem à Bilaam, ce dernier lui dit que les gens qui l’accompagnent sont les émissaires de בלק בן צפר Balak fils de Tsipor (cf verset 10). Nous remarquons ici que le mot « Tsipor » est incomplet dans son écriture hébreux. Il devrait être écrit, comme partout ailleurs, צִפּוֹר. En effet, la valeur numérique de ce mot est la même que עשיו Essav.
Ainsi le nom même de Balak contient une mention de son origine. C’est pourquoi, Bilaam change le mot et supprime le vav. Il souhaite par cela duper le maître du monde et tenter de lui faire croire qu’il ne s’agit pas de Balak descendant d’Essav mais d’un autre Balak. Et de facto, lorsqu’il tentera de maudire les bné-Israël, il ne s’agira plus d’une lutte entre Yaakov et Essav, mais d’une lutte entre Yaakov et un autre peuple qui n’est pas régit par la bénédiction de Yitshak ! C’est pour cela que dans les deux premières bénédictions, Bilaam ne tente rien de particulier, parce qu’il pense avoir réussit à tromper Hachem et à sortir du cadre de la bénédiction d’Ytshak.
Par la suite, comprenant que sa tentative de tromperie a échoué, Bilaam change de stratégie. Comme nous l’explique Rachi (cf chapitre 24, verset 1), lors de la dernière tentative, Bilaam tente de mentionner les fautes du peuple dans sa malédiction afin qu’elle puisse s’accomplir ! N’ayant pu supprimer la bénédiction d’Ytshak il cherche maintenant à la faire respecter et par cela inverser la hiérarchie. De cette manière, selon la justice elle-même, le peuple d’Israël devra s’incliner face à Balak.
Nous comprenons donc pourquoi Balak a tenté de s’en prendre aux hébreux. Car même protégé par Hachem, lorsque le peuple fauterait, Essav (et ses descendants) prendraient l’avantage. Balak a donc un espoir de victoire. Évidement cet espoir repose sur la possibilité de mentionner les fautes du peuple et non sur une bénédiction personnelle qu’il recevrait. C’est pourquoi, seule la malédiction du peuple est de mise. Et enfin, plusieurs tentatives ont été mises en place, car plusieurs stratégies ont été testées pour briser la bénédiction d’Ytshak.
Cette paracha est donc un témoignage particulier qu’Hachem nous offre. Les évènements racontés ici n’ont été vus d’aucun membre du peuple. En effet, il s’agit du dialogue entre Balak et Bilaam. Personne d’autre n’était donc présent. Nous ne les connaissons que par transmission d’Hachem à Moshé. Cette absence du peuple comme témoin, rappel un point clef de la foi juive. La promesse d’être encadré par Hachem lorsque nous respectons les mitsvot est totale ! Même lorsque des ennemis tenteraient de s’en prendre à nous sans que nous ne le sachions, Hachem nous protègerait. Il convient de comprendre que la protection d’Hakadoch Baroukh Hou ne survient pas que lorsque des ennemis veulent ouvertement s’en prendre à nous. Il paraît évident que ces cas ne représentent qu’une faible partie des sauvetages qu’Hachem effectue quotidiennement pour nous. Théoriquement, nous sommes à chaque instant en danger. Il suffit que nous fautions pour nous exposer à une sanction. Or tout le monde a déjà fauté. Nous ne sommes donc en vie que par la protection qu’Hachem nous accorde. Cependant cette protection n’est totale que si nous respectons la torah. Sans cela, nous serions soumis à Essav (has véchalom). Nous comprenons alors que le seul garant de notre affranchissement est le respect des mitsvot d’Hachem ! Elles seules nous conduirons à une libération totale et rapide biméra béyaménou !
Chabbat Chalom.