Parashat Kora’h
Rav Moshé Shapira
Parashat Kora’h. Traduit et adapté par Rav Michaël Smadja
Le monde comme il nous apparaît est un monde qui va perdurer six mille ans.
D-ieu a partagé ce temps en trois parties. Les deux premiers millénaires étant la matérialisation du chaos, où le monde intègre les eaux primordiales de la création du monde. Des eaux qui dans leur nature profonde ne peuvent recevoir de »forme ». Leur essence même étant le chaos. Le Rambam explique que le chaos est quelque chose qui n’a pas de forme spirituelle. L’eau ne peut se modeler, reproduire une forme. Et au contraire, l’eau en abondance détruit toute forme.
La Torah est venue donner une forme à la création. Elle a commencé à s’épancher dans le monde pour lui donner une forme à l’an deux mille de la création. Au moment où Avraham Avinou a eu cinquante-deux ans. Car à cet âge, il a commencé à dévoiler et à répandre le nom divin dans le monde. « Les âmes que Avraham a faites à H’aran » le Targoum interprétant ces mots « il les a introduites à la Torah ».
Avraham Avinou amenait tout homme qui s’intéressait à la vérité, à entrer en polémique avec lui sur ce sujet et il leur faisait ressentir de présence du Créateur dans le monde. Il allait de ville en ville et révélait les conclusions qu’il avait découvertes après ses profondes réflexions.
À l’âge de trois ans, il a commencé à réfléchir, à approfondir et à rechercher jusqu’à ce qu’il ait trouvé et atteint la conclusion qu’il est impossible que le monde fonctionne sans direction et donc sans une impulsion extérieure à lui. Cela ne peut être ainsi. Il a ressenti cette énergie qui relie toutes les créatures entre elles et qui fait vivre chacune de ces créatures. Lorsqu’il est arrivé à cette conclusion de manière certaine, »impossible » c’est-à-dire »cela ne peut en être ainsi » comme avoir la certitude que le feu brûle, une certitude expérimentale et non intellectuelle alors, le propriétaire de ce palais s’est dévoilé à lui et lui a dit: »Je suis le propriétaire de ce palais ». Je suis cette énergie créatrice qui s’épanche et qui fait vivre toute existence. Alors Avraham s’est relié d’un lien direct avec le Créateur.
C’est Avraham, celui qui a fait que la Torah a commencé à s’introduire dans la création afin de lui donner une forme. Sept générations après, a été donnée la Torah à sa descendance.
Avraham lui-même a dévoilé seul la Torah c’est-à-dire qu’il a réussi à mettre une forme à la matière. Il a dévoilé et a enseigné à tout celui qui était prêt à recevoir la vérité de son être et de toute la création. Il a voyagé et a révélé la Torah dans le monde. Alors ont commencé les deux millénaires de Torah et le monde reçu sa forme. La Torah étant l’intériorité du monde et donnant »forme » à toute création. Chaque chose recevant sa forme spirituelle de la Torah.
Puisque nous bénissons et nous croyons d’une parfaite croyance qu’ainsi est la forme de toute chose: »Shéhakol niya bidvaro » »tout provient, se crée et existe par sa parole ». La parole du créateur étant la Torah. Toute chose créée dans ce monde est, si l’on peut s’exprimer ainsi, la parole du créateur. C’est la forme spirituelle de toute chose.
L’essence vraie d’une chose, est ce qu’elle dévoile, le pourquoi elle a été créée, ce que j’apprends et comprends d’elle. Ce qui se dévoile à tout celui qui réfléchit en elle.
Exemple: »une chaise » est en fait un assemblage de morceaux de bois. Celui qui ne comprend pas ou ne cherche pas à comprendre le pourquoi de sa création, ne verra que l’aspect extérieur, assemblage de bouts de bois. Mais celui qui réfléchit et qui se demande quelle est son utilité, comprendra que sa création a pour but de s’asseoir dessus et ainsi, atteindra l’essence même de cette création d’un point de vue matériel, j’entends. Et derrière cette volonté, se tapit une pensée beaucoup plus spirituelle, née de l’énergie divine. Car toute pensée est une pulsion électrique qui vient d’une énergie divine. Et donc toute création n’est qu’énergie divine en quelque sorte.
Puisque »tout provient, se crée et existe par sa parole », alors si nous associons toutes les choses de ce monde et nous les rattachions à leur racine, nous découvririons que toute cette multitude de création n’est qu’unité divine. Et c’est cela Torah. Avraham Avinou a été le premier qui s’est tenu sur cette perception de la création. Il est le premier à avoir dévoilé l’essence même de toute création dans ce monde. Sept générations après, le Créateur est descendu et a dévoilé toute la Torah à sa descendance.
Toute chose qui n’a pas de forme est considérée comme le chaos, en dehors de la création. Il faut fuir cette perception de la création. Notre obligation dans ce monde est de sortir, de révéler la forme spirituelle de toute chose, l’énergie divine qui la fait exister et par cela, retourner à l’unité de la création. Mêmes nos perceptions ne sont dans leurs formes, qu’énergie divine et propre réalité. Toute la matière n’étant que la matérialisation d’une forme d’énergie qui est la même dans tous les niveaux de la création. Un plan divin avant la création.
Le monde n’est que la matérialisation d’une imbrication d’innombrables parties et à partir du moment où la Torah a été dévoilée et se trouve maintenant dans le monde, toute la nature peut se percevoir comme une seule volonté.
Qu’est-ce que l’obscurité de la nuit si ce n’est une impossibilité de percevoir la lumière qui est la forme même de cette obscurité. Et par cela, l’impossibilité de se rattacher à cette obscurité.
Notre rôle dans la création est de relier la matière à sa forme primordiale. Celui qui ne la rattache pas à sa forme primordiale est considéré comme un homme du désert car le désert est un endroit dénué de forme et qui ne peut perdurer dans le temps. Il est en dehors de de création car celle-ci, non pour le chaos, elle a été créée mais pour y résider. Lui donner un sens est cela la véritable signification du mot »résider ».
Cette forme nous devons y accéder. Elle n’est pas en nous, elle est en dehors de nous. L’homme comme notre monde, n’est que »chaos ». Nous ne sommes que mensonge. C’est pour cela que les anges voulaient brûler Moshé lorsque le créateur a voulu lui donner la Torah car en vérité la Torah n’est que vérité et un ange n’est que vérité. Il ne peut concevoir le mensonge, le faux. Il n’est que vérité. L’homme n’est que mensonge. Même si en vérité il a en lui la vérité divine, a priori il serait un assemblage du bien et du mal mais en vérité la moindre attirance au mensonge, au mal est en fait la révélation qu’il est entièrement »mensonge », entièrement »mal » car la vérité ne peut se révéler en étant imbriqué dans le »mal », dans le »mensonge ». Le bien ne peut se révéler que de quelque chose qui est en dehors de l’homme. Par une perception extérieure à sa conscience, il pourra ressentir la divinité qui est en lui. Par une extraction de son ego, il ressentira la réalité de son être.
Kora’h et sa communauté se sont rebellés contre Moshé. Quel était leur argument ? Un vêtement entièrement tissé de fils de tékhéleth est-il soumis au fil de tékhéleth au niveau des tsitsit ? Moshé répondit que malgré que le vêtement soit entièrement tissé de fils de Tékhéleth, il est soumis au fil de tsitsit de tékhéleth. Alors Kora’h s’est moqué de Moshé aux yeux de tous.
De même, il demande: « une maison remplie de livres de Torah, est-elle soumise à l’obligation de la Mézouza à chacune de ses portes ? » Et Moshé répondit aussi que l’obligation est toujours présente de mettre la Mézouza à chacune des portes de la maison. Alors encore une fois, Kora’h s’est moqué de la réponse de Moshé.
Concrètement Kora’h veut prouver à Moshé que puisque toute la communauté d’Israël est sainte et a reçue elle-aussi la Torah et son message divin, donc elle est capable d’elle-même de s’unir à son Créateur. Pourquoi Moshé devrait-il leur imposer son emprise ?
Kora’h pensait que par lui seul, il pouvait atteindre le bien qui est en lui. Mais cela est impossible. Car le »mal » ne peut se transformer en »bien ». Pour que le bien apparaisse en l’homme, il faut qu’il vienne de l’extérieur de lui. Moshé étant ce transpondeur qui pourra insuffler le bien dans le peuple d’Israël lorsque celui-ci se sera épuré de l’ego qui est la matérialisation du mensonge et du »mal ». Mais en aucun cas, l’ego peut se transformer en »bien ». C’est l’erreur qu’a faite Kora’h. Penser que le bien pouvait se matérialiser tout en étant lui-même le »mal ». Celui qui comme Kora’h, pense qu’il peut atteindre la réalité de son être tout en cultivant son ego, ne mérite pas non pas de vivre mais d’être créé. Il mérite d’être avalé par la bouche de la terre.
Le fait de ressentir que rien ne peut venir de moi est le début de l’annulation de l’ego. Se raccrocher à une aide extérieur, à son maître est le signe que l’ego commence à disparaître et par cela, le bien pourra de facto s’épancher en nous.