Parashat Shélah Lékha (5774)
Yéhouda Moshé Charbit
Parashat Shélah Lékha
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בס״ד
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PARACHAT Shélah Lékha
La paracha de Shélah Lékha parle de l’envoi, par Moshé Rabbénou, d’explorateurs vers la terre d’Israël chargés d’en vérifier la qualité, de déterminer la puissance des peuples qui l’habitent etc… Ainsi, douze représentants de tribus sont nommés à la charge de cette mission. Malheureusement, chargés d’une mitsvah, les explorateurs se détournent du chemin de Hachem. À leur retour, dix d’entre eux, profèrent des critiques contre la terre promise, incitant avec eux, le peuple à refuser cette terre. Seuls, Yéhochoua Bin Noun et Calev Ben Yéfouné, deux des explorateurs, s’opposent à leurs confrères affirmant que Hachem tiendrait sa promesse de conduire le peuple dans la terre où coulent le lait et le miel. Le peuple étant en révolte contre Moshé, l’intervention de Hachem ne se fait pas attendre. Ainsi, les dix explorateurs ayant proférer du lachon hara contre la terre d’Israël sont condamnés à mourir de façon atroce. Le reste du peuple se voit priver du droit d’entrer en terre sainte et devra errer durant quarante ans dans le désert, jusqu’à l’extinction totale de la génération qui s’est révoltée. Par la suite, la Torah nous enseigne diverses règles concernant les sacrifices à apporter sur l’autel. La paracha se conclut par la transgression du chabbat par un homme, bien qu’il ait été averti du risque encouru.
Dans le chapitre 13 de Bamidbar, la Torah dit :
א/ וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר׃
1/ Hachem parla à Moshé en disant :
ב/ שְׁלַח-לְךָ אֲנָשִׁים, וְיָתֻרוּ אֶת-אֶרֶץ כְּנַעַן, אֲשֶׁר-אֲנִי נֹתֵן, לִבְנֵי יִשְׂרָאֵל: אִישׁ אֶחָד אִישׁ אֶחָד לְמַטֵּה אֲבֹתָיו, תִּשְׁלָחוּ–כֹּל, נָשִׂיא
בָהֶם׃
2/ Envoie pour toi des hommes et qu’ils explorent le pays de Canaan que je donne aux bné-Israël : un homme par tribu de ses pères vous enverrez, chaque prince parmi eux.
ג/ וַיִּשְׁלַח אֹתָם מֹשֶׁה מִמִּדְבַּר פָּארָן, עַל-פִּי יְהוָה: כֻּלָּם אֲנָשִׁים, רָאשֵׁי בְנֵי-יִשְׂרָאֵל הֵמָּה׃
3/ Moshé les envoya depuis le désert de Parane d’après la bouche d’Hachem. Ils étaient tous des chefs des bné-Israël.
Plus loin, dans le chapitre 14, la torah parle de la récompense de Calev :
כד/ וְעַבְדִּי כָלֵב, עֵקֶב הָיְתָה רוּחַ אַחֶרֶת עִמּוֹ, וַיְמַלֵּא, אַחֲרָי–וַהֲבִיאֹתִיו, אֶל-הָאָרֶץ אֲשֶׁר-בָּא שָׁמָּה, וְזַרְעוֹ, יוֹרִשֶׁנָּה׃
24/ Mais mon serviteur Calev, parce qu’il y avait un autre esprit avec lui et qu’il m’a suivi d’un cœur entier, je l’emènerai vers le pays où il est allé et sa descendance en chassera les habitants.
Plusieurs questions se posent sur ce passage. En effet, sur les premiers mots du texte, Rachi explique qu’Hachem n’est pas l’instigateur de l’envoi des explorateurs. Il autorise simplement cette démarche suite à la demande de Moshé. En effet, les bné-Israël auraient dû avoir confiance en Hakadoch Baroukh Hou lorsqu’il leur a promis que la terre serait bonne. En demandant de la visiter, ils témoignent de leurs doutes. Il apparaît qu’Hachem est parfaitement conscient que l’objectif de cette visite est mauvais. De facto, il semble clair qu’elle ne peu conduire qu’à une faute pour le peuple qui n’a pas confiance dans les paroles du maître du monde. C’est là justement qu’apparait un premier problème. Hachem est parfaitement conscient que les bné-Israël vont fauter. Évidement, par respect du libre-arbitre, il n’empêche pas le peuple d’agir. Toutefois, l’attitude de Moshé rabbénou intrigue. Hachem vient de lui exprimer son désenchantement face à cette initiative. Ce n’est pas son intention première que d’envoyer des explorateurs, il ne fait que permettre cela. Dès lors, Moshé devrait comprendre que cette mission est risquée. Pourquoi n’empêche t-il pas le peuple d’envoyer les méraguélim ? Pourquoi au contraire, reste t-il passif et prend-il un tel risque ?
Secondement, l’argument des explorateurs semble incohérent. Ils affirment que les peuples vivants en Israël sont trop puissants pour que les bné-Israël puissent les vaincre. Rachi précise même une chose effarante. Les méraguélim insinuent ici qu’Hachem lui-même ne pourrait les vaincre has véchalom. Comment des hommes qui ont vu tous les miracles de la sortie d’Égypte, peuvent-ils affirmer une chose si incohérente ?
Le troisième point d’interrogation porte sur le second passage que nous avons cité. Ce dernier parle, à priori, de la récompense de Calev, pour ne pas avoir participé à la calomnie des autres explorateurs. Sur cela deux problèmes se posent. Le premier est de comprendre pourquoi la torah accorde à Calev la récompense d’entrer en Israël ?! Partant du principe que l’interdiction pour les bné-Israël, d’entrer dans la terre, provient de leur faute, il paraît évident que, Calev, n’ayant pas fauté, ne soit pas punit. Du coup, la logique impose que Calev ait ce droit. Pourquoi la torah annonce t-elle cela comme la récompense de sa bonne action ? Secondement, Yéhochoua non plus n’a pas fauté. Pour ne le cite t-on pas en même temps que Calev?
Enfin, la dernière question qui se pose sur le passage des méraguélim porte sur la date de l’évènement. Le midrach enseigne, qu’en conséquence du pleur des bné-Israël à la date du 9 Av, suite au lachon hara des explorateurs, cette date est devenue la date des plus grands malheurs de notre peuple, date à laquelle les bné-Israël continueront de pleurer au fil des générations. Et en effet, comme nous le savons, le 9 Av a été le jour de grandes catastrophes pour les juifs, avec, la plus triste d’entre-elles, la destruction du beth Hamikdach. La question est la suivante : pourquoi punir les générations suivantes pour la faute des explorateurs ? Nous voyons bien que le décret de mort ne concerne que cette génération. Pourquoi alors, continuer à répercuter sur les générations à venir, d’autres malheurs, à priori hors rapport avec la faute des explorateurs ?
Le Sfat Emet propose une explication formidable à nos questions. En réalité, ce passage assez surprenant, est à prendre sous un autre angle. Initialement, nous pensions que l’étape des méraguélim est celle qui a fait perdre à la génération du désert, le droit d’entrer en Erets Israël. Il s’avère en réalité que ceci est complètement faux ! Depuis le début, cette génération n’est pas celle qui doit entrer en Israël. Le temps fixé par Hachem pour que les bné-Israël acquièrent leur pays n’était pas encore arrivé. En somme, bien avant la faute des méraguélim, la génération du désert n’était pas destinée à conquérir le pays d’Israël.
Dès lors, pourquoi mettre en place des explorateurs ? L’envoi d’explorateur à cet instant précis laisse bien entendre que le peuple en question s’apprête en entrer dans le pays ?!
En réalité, depuis la faute du veau d’or, les bné-Israël ont été privés de leur droit d’entrer en Israël. Seul Yéhochoua, qui n’a pas fauté, n’est pas inquiété par cela et pourra clairement entrer dans le pays. C’est d’ailleurs là, la réponse à une de nos questions. Car, sachant que Yéhochoua n’est pas concerné par l’interdit d’entrer, il n’y a plus besoin de le citer avec Calev dans la récompense d’entrer en Erets Israël.
De là ressort une idée particulièrement importante. Celle-ci nous permet de comprendre parfaitement l’objectif de la visite du pays par les explorateurs. Il s’agit de tenter de forcer le temps ! Comme nous venons de l’expliquer, le temps de l’entrée du peuple n’était pas encore arrivé. Toutefois, une tentative est mise en place, celle d’outrepasser la nature, de devancer la date officielle, en s’octroyant le mérite de vivre dans cette terre plus tôt que prévu. C’est ce qu’insinuent Yéhochoua et Calev lorsqu’ils disent : « Si Hachem veu de nous… Il nous mènera dans la terre ». Le message est clair. C’est une condition ! Ce n’est que s’il veu de nous. Mais initialement, ce n’est pas à nous d’entrer, car le temps « naturel » n’est pas encore venue. Toutefois, si Hachem veu de nous, il peu nous élever hors du temps et faire maintenant, ce qui est prévu pour plus tard. Il suffit de lui faire confiance.
C’est justement là que se trouve toute l’erreur des explorateurs. Pour eux, puisque le temps n’est pas venu, il est impossible que le peuple puisse entrer. C’est pourquoi ils sont si inquiet du peuple qui habite la terre. D’après leur raisonnement, « même Hachem » ne pourrait les vaincre, dans la mesure où puisque ce n’est pas l’heure propice, Hachem n’interviendra pas pour les aider. Pour eux, rien ne changerait la date établie, pas même Hakadoch Baroukh Hou. C’est pourquoi ils ont subitement si peur. Entrer dans ce pays représente un risque bien trop grand sans le soutien du maître du monde. Du coup, ils vont tout faire pour empêcher que cela arrive, empêcher d’entrer dans la terre. À cela, Yéhochoua et Calev rétorquent que les habitants seront faciles à vaincre. Là se situe le débat, entre d’une part les méraguélim affirmant l’impossibilité de devancer la date ; et d’autre par, Yéhochoua et Calev qui attestent du contraire. La notion que ces deux hommes tentent d’expliquer est qu’une liaison profonde avec Hachem qui se situe hors du temps, permet d’outrepasser les limites que le temps impose. De sorte que dès maintenant, les bné-Israël pourraient entrer dans la terre promise. En entrant dans le pays, et en prouvant par cela leur parfaite confiance en Hachem, la barrière du temps ne poserait plus de problème.
Cela nous permet de répondre à notre troisième question. Nous ne comprenions pas en quoi le droit d’entrer en Israël pouvait être la récompense de Calev. Justement, cela paraît maintenant clair. Au lendemain du veau d’or, Calev ne peu plus prétendre à l’entrer en Erets. Toutefois, lors de la mésaventure des méraguélim, Calev prouve sa foi inébranlable en Hachem, au point de mériter d’entrer en Israël avant l’heure prévue ! Calev n’évite pas une punition, il reçoit bel et bien une récompense.
Quant à l’attitude de Moshé, elle paraît maintenant plus que justifiée. Moshé Rabbénou comprend parfaitement l’enjeu qui se joue. Il sait que les bné-Israël ne peuvent pas entrer dans la terre promise. Il sait également que s’ils prouvent leur adhésion à Hachem, ils pourraient obtenir le mérite d’entrer malgré tout. C’est pourquoi il les laisse tenter leur chance, il prend le risque et espère que les explorateurs seront en tirer partie. D’autant que lui aussi sera bénéficiaire de leur réussite. C’est d’ailleurs pourquoi Hachem lui dit : « Envois pour toi », car si eux peuvent entrer alors Moshé aussi pourra entrer ! C’est pour cela que c’est « pour lui » que les explorateurs sont envoyés ! Ceci nous explique d’ailleurs le décret du 9 Av. Pourquoi la destruction du Beth Hamikdach et encore d’autres souffrances se sont produits en ce jour ? Simplement parce que l’enjeu ici est de forcer l’entrer en Israël pour toute cette génération. La conséquence aurait été gigantesque : Moshé serait entré avec eux ! Or, nous sages enseignent que si Moshé était entré, il aurait construit le beth Hamikdach, et ce dernier n’aurait jamais été détruit ! D’où la punition qui s’écoule sur toutes les générations à venir, car il s’agit d’une simple conséquence de l’échec des explorateurs. Dans le sens où, s’ils n’avaient pas échoué et avait cru en Hakadoch Baroukh Hou, alors ils auraient pût entrer dans le pays en étant accompagnés de Moshé. Par cela, il n’y aurait jamais eu la catastrophe de la destruction du beth Hamikdach le 9 Av !
Une question reste quand-même à éclaircir. Au vu de ce que nous venons de dire, tout l’événement des méraguélim est destiné à tenter de leur permettre d’entrer en Erets-Israël. Ils n’ont pas réussi l’épreuve et du coup, n’ont pas obtenu le mérite nécessaire. Dès lors, le fait de leur interdire l’entrée du pays n’est pas une punition puisque cela ne change rien à l’état où se trouvait le peuple avant le retour des explorateurs. Qu’elle est donc la punition des bné-Israël pour avoir dit ou écouter et cru en ce lachon hara proféré par les méraguélim ?
La réponse se trouve dans le verset 23, du chapitre 14 :
אִם-יִרְאוּ, אֶת-הָאָרֶץ, אֲשֶׁר נִשְׁבַּעְתִּי, לַאֲבֹתָם; וְכָל-מְנַאֲצַי, לֹא יִרְאוּהָ׃
S’ils verront le pays que j’ai promis à leurs pères et tous ceux qui m’ont mis en colère ne la verront pas.
La punition des bné-Israël n’est pas de ne pas entrer ! Cela est déjà établi depuis le veau d’or. La punition est de ne même pas voir ! Cela fait référence à la requête de Moshé avant sa mort de pouvoir au moins contempler le pays qu’Hachem donne aux bné-Israël. Ce mérite que Moshé a eu, les bné-Israël n’en ont pas eu le droit ! Telle est leur punition, être privé de ce mérite de voir la terre promise. Ils ne sont pas entrés, n’ont pas profité ni même entrevue l’héritage qu’ils auraient dû avoir.
Ce qui ressort de notre développement est une notion essentielle qui nous permet de comprendre pourquoi, en tout temps, les bné-Israël ont espéré devancer la venue du Machia’h bien qu’à priori, une date soit déjà fixée. Pour faire simple nous avons tiré les leçons de l’erreur des explorateurs. Eux n’avaient pas comprit qu’il est entre nos mains de sortir des limites imposées par le temps. À chaque instant nous pouvons nous affranchir des dates « prévues » pour créer l’éminence d’un événement initialement lointain. Yéhi ratsone que tous les bné-Israël prennent conscience de leur capacité à faire venir la guéoula et que nous puissions la mériter le plus tôt possible, amen véamen.
Chabbat Chalom.