Parashat Bamidbar (5775)
Yéhouda Moshé Charbit
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בס״ד
PARACHAT BAMIDBAR
La paracha de Bamidbar débute par un recensement des bné-Israël, répartis en fonction de leur tribu et de leur famille respective. Préalablement à cela, la Torah nomme pour chaque tribu, le nassi, qui en sera le chef pour la représenter. Ainsi, le décompte aboutit à six cent trois mille cinq cent cinquante hommes âgés de plus de vingt ans et aptes à faire la guerre. Ce recensement ne tient pas compte de la tribu des Lévis qui sera dénombrée plus tard. Hakadoch Baroukh Hou décrit ensuite l’organisation du camp en définissant une place précise à chaque tribu, afin d’encadrer le sanctuaire dans les quatre directions cardinales. C’est seulement après avoir fait cela que la Torah recense maintenant les Lévi, en fonction de leur famille et leur attribue un nassi. Un nouveau compte a lieu suite à cela, celui des aînés du peuple, qui doivent être rachetés, car initialement ils appartiennent à Hachem. La paracha se conclut par la définition des règles de transport de la tente d’assignation en répartissant les taches sur la tribu Lévi après que les cohanim se soient chargés de recouvrir intégralement chaque ustensile de la tente.
Dans le chapitre 3 de Bamidbar, le verset 39 dit :
:כָּל-פְּקוּדֵי הַלְוִיִּם אֲשֶׁר פָּקַד מֹשֶׁה וְאַהֲרֹן, עַל-פִּי יְהוָה–לְמִשְׁפְּחֹתָם: כָּל-זָכָר מִבֶּן-חֹדֶשׁ וָמַעְלָה, שְׁנַיִם וְעֶשְׂרִים אָלֶף
Tous les hommes recensés des Lévites qu’ont recensé Moshé et Aaron d’après la parole d’Hachem selon leurs familles, tous les mâles depuis l’âge d’un moins et plus, étaient vingt-deux mille.
Beaucoup de commentateurs s’interrogent sur le nombre de personnes qui composent la tribu Lévi. En effet, le verset mentionne vingt deux milles membres (en réalité, la torah a arrondi, le nombre exacte étant de trois cent supérieur). Ce nombre semble dérisoire face à l’importance des autres tribus qui composent le peuple, ce qui nous amène à demander pourquoi cette différence. Beaucoup de réponses sont apportées par nos sages. Entre autre, celle du Kli Yakar, car elle va nous conduire à mettre en relief la caractéristique de cette tribu si particulière.
Le Kli Yakar apporte une réponse pleine de sens mais qui s’avère finalement difficile à comprendre.
Lors du décret de mise à mort des nouveaux-nés garçons promulgué par Pharaon, nos sages enseignent qu’Amram, chef de la tribu de Lévi et grand de la génération, s’est lui-même séparé de sa femme Yo’héved par crainte de voir sa progéniture être tuée. Sur cela, nos maîtres ajoutent dans le traité sota (page 12a) que « Tous (suivirent son exemple) et divorcèrent de leur femme ». Cependant, le Kli Yakar démontre que cette attitude ne concernait que la tribu de Lévi et non l’ensemble du peuple et ce pour deux raisons. La première provient d’un autre enseignement de ce traité de guémara (page 11b) qui vente le mérite des femmes grâce auxquelles nos ancêtres ont été libérés, en énumérant tous les bienfaits qu’elles apportaient à leur mari lorsqu’ils travaillaient avec difficulté. Il ressort de là un point fondamental : sans l’aide de leur femme, les hommes n’auraient jamais pu survivre ! Cela nous pousse à comprendre que seuls les léviim ont adopté l’attitude d’Amram, car eux n’ont pas subit les souffrances de l’exil et n’ont donc pas de difficulté à se passer de leur conjointe. Les autres n’ont pas pu suivre un tel régime car ils en seraient mort. Cela est doublement avéré par le midrach qui précise que les femmes allaient accoucher dans les champs pour se cacher des égyptiens et protéger leurs nouveaux-nés d’une mort assurée. Cela prouve bien que les femmes étaient encore en contact avec leur mari sans quoi, jamais elles n’auraient pu donner la vie durant la période du décret de Pharaon.
La tribu de Lévi est donc la seule tribu qui s’est imposée la séparation conjugale de par son statut particulier qui l’affranchissait de l’exil. La raison qui a motivé leur séparation est semble t-il le dernier décret de Pharaon. Il faut savoir que le projet d’infanticide égyptien se décline en trois étapes. Les deux premières sont motivées par la diminution de la population juive en Égypte. La masse grandissante des hébreux inquiétait Pharaon au point de vouloir la contrôler par le meurtre. Initialement, ce sont les femme juives qui sont désignées pour commettre cette atrocité, mais ces dernières bien trop pieuses pour accomplir de tels méfaits, refusent de porter atteinte à la vie des enfants. C’est pourquoi, Pharaon ordonne cette fois à ces propres sujets d’accomplir cette sale besogne. Jusque là, les léviim ne sont pas affectés par le décret. Toutefois, au jour de la naissance de Moshé, les astrologues égyptiens prédisent l’arrivée du libérateur qui mettra fin à l’esclavage. Étant incapable de définir précisément la provenance de ce jeune enfant, Pharaon promulgue un nouveau décret, et inclus même les enfants égyptiens dans la mise à mort durant une journée. Par cela, il s’assure de la suppression du libérateur quelque soit sa provenance. Ce jour précis, même les léviim se sont sentis menacés, ce qui a justifié la séparation conjugale. Ainsi, les hommes et les femmes ne se côtoyant plus, la taux de natalité de cette tribu a forcément chuté, au point de justifier l’écart important de population par rapport aux autres tribus.
Bien que passionnante, l’explication du Kli Yakar comporte deux points d’obscurité. Comment comprendre que la séparation des couples durent si longtemps si, le décret ne concerne les Lévis que durant une journée ? Plus encore, ce décret n’est prononcé qu’au jour de la naissance de Moshé rabbénou (cf Rachi, sur chémot, chapitre 1, verset 22). Rappelons que Moshé est issu des retrouvailles entre Yo’héved et Amram suite à leur séparation. Or, le Kli Yakar explique que ce décret est la cause de la séparation des léviim ?!
Tentons modestement d’apporter un ajout aux propos du Kli Yakar afin de permettre de répondre à nos questions.
Le Sfat Émet analyse un enseignement du midrach sur le téhilim (chapitre 68, verset 7) qui dit « מוֹצִיא אֲסִירִים, בַּכּוֹשָׁרוֹת il rend la liberté avec le bien-être aux prisonniers ». Le dernier mot est la contraction des mots בכיה « le pleure » et שירות « les chants ». De là, le midrach explique que ce texte concerne la sortie d’Égypte, car les bné-Israël qui ont pleuré durant l’esclavage ont ensuite chanté à leur sortie durant la chira. À cela le Sfat Émet ajoute que la raison du choix des léviim pour occuper les fonctions de travail dans le temple se trouve résumée ici. À savoir que durant le temps où leurs frères souffraient de l’exil et qu’eux étaient libres, les léviim n’ont eu de cesses de pleurer pour leurs frères et de prier pour leur rédemption. Plus particulièrement Moshé rabbénou s’est démarqué du lot en allant vers ses frères pour les aider. De fait, comme les léviim sont ceux qui ont pleuré sur le sort de leur frère, alors ils seront ceux qui plus tard, auront le mérite de chanter la louange d’Hachem dans son temple !
Il ressort de cela que les léviim, bien qu’affranchis des souffrances, se sont associés à leur frères dans leurs souffrances. Or, une loi enseigne qu’en temps de souffrance, la cohabitation d’un homme avec sa femme est interdite comme ce fut par exemple le cas pour Noa’h et ses fils durant le déluge. Ainsi, Amram sentant la douleur des bné-Israël, s’est imposé la séparation conjugale, refusant de vivre agréablement pendant que d’autres souffraient. Toutefois, sa fille Myriam lui reproche son raisonnement, rappelant que cette démarche est plus grave que celle de Pharaon qui lui ne vise que les hommes. Par contre, poursuivre un tel comportement, empêche la naissance des filles également. L’attitude est noble, mais elle est surtout périlleuse. C’est alors, qu’Amram reconnaît son erreur et retourne auprès de sa femme.
Nous pouvons toutefois légitimement nous poser une question. Amram avait-il vraiment besoin de Myriam pour se rendre compte du problème ? Ne voyait-il pas le danger ?
Cela montre bien que ce débat entre le père et la fille n’est pas si simple. Comme nous l’avons dit, la motivation d’Amram était finalement hala’hique, de facto, il se bornait au respect de la loi. Mais Myriam lui fait comprendre un détail important. Certes, la loi demande la séparation lorsque le mal s’abat sur le peuple, toutefois, cette loi ne peut s’appliquer sur du long terme ! Si les souffrances sont amenées à se prolonger, cette hala’ha aurait pour conséquence la disparition de toute la tribu ! Admettant l’argument de sa fille et voyant l’exil se poursuivre, Amram revient sur sa décision. Et justement, de cela résulte la naissance de Moshé. C’est-à-dire, qu’ayant démontré son attachement pour le peuple en s’associant à leur douleur, la torah atteste que le retour d’Amram auprès de Yo’héved ne signifiait pas un détachement ni une désolidarisation ! Car au contraire, il a amené le libérateur ! La torah scande par cela à que jamais la tribu de Lévi n’a détaché son esprit de ses frères et de par leur empathie, ils ont mérité de voir naître le libérateur !
Cela nous permet d’entrevoir la caractéristique de cette tribu. Comme nous l’avons déjà mentionné à d’autres occasions, le mot Lévi connote l’union. Ils sont ceux qui symbolise l’harmonie dans notre peuple de par l’attitude et la dévotion qui est la leur. Nos sages enseignent que suite à la faute du veau d’or, les aînés, naturellement désignés pour la prêtrise ont perdu ce titre au profit des léviim. En effet, ces derniers n’ont pas sombré dans la faute du veau d’or et plus encore, ont été les seuls à combattre les fauteurs aux côtés de Moshé Rabbénou. Cependant, le Sfat Émet (sur bamidbar, année 650) remarque que la torah dit sur les aînés « לי יהיו Ils sont à Moi (Hachem) ». De façon général, chaque fois que la torah emploi le mot « לי », elle parle d’un décret éternel. De sorte, la désignation des aînés ne peut disparaître. Comment comprendre alors que les léviim se substituent à eux ?
Le Sfat Émet répond qu’à juste titre, ce lien de sainteté particulier des aînés n’est absolument pas rompu et il ne disparaîtra jamais. Seulement, le mal conséquent au veau d’or les affectait et les empêche de révéler ce potentiel ! C’est pourquoi, de nouveau, Hachem se sert des léviim, afin de les associer aux aînés. Ainsi, les aînés fournissent la base de la sainteté et les léviim concluent et accomplissent le travail dans le temple. Non pas que les aînés perdent leur titre, mais plutôt qu’ils ne sont actuellement pas en mesure d’accomplir leur fonction. D’où la nécessité des léviim qui achèvent le travail de ces derniers. La tribu de Lévi n’est pas un substitut, elle comble les manques de ses frères.
Cela nous permet de comprendre pourquoi ils n’ont pas de part en Israël, ne peuvent pas être recensé parmi les autres. Car, ils ne sont pas une tribu ! Ils sont les garants de nos égarements, ils se présentent comme un recours pour aider, compléter et parachever le peuple !
L’existence de cette tribu et de ses attributions nous permet de mieux comprendre le mérite par lequel Moshé rabbénou, l’homme chargé de léguer la torah aux bné-Israël, a vu le jour parmi eux. En effet, la guémara dans le traité chabbat (page 31a) raconte l’histoire suivante : « Il y a eu un incident impliquant un non-juif qui se présenta devant Chammaï et lui dit : « Convertis-moi à la condition de m’enseigner toute la torah pendant que je me tiens debout sur un pied. » Chammaï repoussa alors la personne avec la règle qu’il tenait dans sa main. Il se présenta cette fois chez Hillel et il le convertit en disant : « Ce qui est détestable pour toi, ne le fais pas à ton prochain ; ceci est la torah toute entière, le reste n’est qu’une explication. Maintenant va et étudie. » »
Le Maharcha explique que la phrase proposée par Hillel est basée sur le commandement de la torah « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Cela nous amène à comprendre un point extraordinaire. La tribu de Lévi, en s’imposant la séparation conjugale, en pleurant et en priant par compassion pour ses frères,
a prouvé à quel point, elle se sentait elle-même affligée par le malheur. En ce sens, elle est celle qui a exprimé le commandement d’aimer son prochain comme soi-même au plus au niveau ! À ce titre, ils ont exprimé l’ensemble de la torah et ont mérité de donner la vie à celui qui fera descendre cette torah du ciel !
Nous voyons combien l’empathie, l’amour pour autrui est un fondement de la vie juive, une base qui inclus toutes les autres. Dieu a créé le monde par bonté et nous demande de lui ressembler, car par cela nous pourront pénétrer sa science qu’est la torah. Nos sages enseignent que le beth Hamikdach est détruit à cause de la haine gratuite. Dans une génération comme la notre, qui n’a de cesse que d’espérer la reconstruction de la maison d’Hakadoch Baroukh Hou, combien à fortiori devons-nous faire preuve d’effort et d’attention dans notre comportement avec autrui. Sans doute est-ce là le secret de notre libération prochaine amen ken yéhi ratsone.