Parashat Vaykra (5775)
Yéhouda Moshé Charbit
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בס »ד
PARACHAT VAYIKRA
Le troisième livre de la torah commence par les règles concernant les offrandes que les bné-Israël étaient sensés apporter au michkan pour expier les fautes qu’ils auraient commises. Ainsi la torah décrit les parties précises de l’animal, qui devront être brûlées dans chaque sacrifice, la manière précise de recueillir le sang de la bête, la manière d’en asperger l’autel, le lieu du sacrifice, et l’attribution des restes de l’animal ou de l’aliment offert entre le propriétaire du sacrifice et les cohanim qui s’occupent de l’office, ainsi que tous les détails annexes à chaque type de sacrifice. Ainsi, la torah traite du sacrifice ola (holocauste) devant être offert lorsque la personne transgresse une faute pour laquelle la torah ne mentionne pas de punition, ou qu’elle n’a pas accompli un commandement positif. Une personne peut également offrir ce type de sacrifice lorsqu’elle a pensé à faire une faute sans l’accomplir concrètement ou si elle souhaite se rapprocher d’Hachem. Vient ensuite le sacrifice minha (oblation) qui est purement volontaire. Après cela, la torah traite du sacrifice chélamim (offrande de paix) qui témoigne de notre amour pour Hachem. Suite à cela, la torah parle du sacrifice hatat qui permet la réparation des fautes commises involontairement. Et enfin le sacrifice acham (expiatoire). La paracha conclut en énumérant les fautes qui entrainent l’obligation pour une personne d’apporter ces sacrifices.
Dans le chapitre 1 de Vayikra, la torah dit :
א/ וַיִּקְרָא, אֶל-מֹשֶׁה; וַיְדַבֵּר יְהוָה אֵלָיו, מֵאֹהֶל מוֹעֵד לֵאמֹר׃
1/ Il appela Moshé et Hachem lui parla depuis la tente d’assignation en disant.
ב/ דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם, אָדָם כִּי-יַקְרִיב מִכֶּם קָרְבָּן, לַיהוָה–מִן-הַבְּהֵמָה, מִן-הַבָּקָר וּמִן-הַצֹּאן, תַּקְרִיבוּ, אֶת-קָרְבַּנְכֶם׃
2/ Parle aux bné-Israël et tu leur diras : « Si un homme d’entre vous veut apporter un sacrifice pour Hachem, de parmi le bétail, du gros bétail ou du petit bétail, vous apporterez votre offrande ».
Le verset que nous avons cité qualifie l’homme par le mot « אדם adam ». De façon générale, la torah emploie plutôt le terme « איש ich ». Bien sûr, cela peut sembler anodin mais chaque détail compte lorsqu’il s’agit de la parole du Maître du monde et nos sages analysent évidement ce passage. Plusieurs midrachim expliquent que cela renvoie à Adam Harichone et ceci se justifie par diverse raison, entre autres, celle que Rachi rapporte : « de même que le premier homme n’a pas apporté d’offrande issue du vol puisque tout était à lui, de même, vous, n’apportez pas d’offrande produit du vol ».
Ce midrach semble cohérent sauf qu’il n’est pas d’une grande utilité. Il est évident que le vol est en soi prohibé, quelle est donc la nécessité de souligner cela lorsqu’il s’agit d’une offrande ? D’autant que l’acte lui-même serait parfaitement incohérent : offrir à Dieu ce que Lui-même a interdit est stupide ! Que cherche donc à nous enseigner ce midrach ?
Pour comprendre cela, référons-nous à un autre texte. Le midrach rabba (sur béréchit, chapitre 17, paragraphe 5) enseigne : « Rav A’ha dit : au moment où Hachem comptait créer l’homme, Il est venu devant les anges du service et a dit : « Créons l’homme ! » Il lui ont alors demandé quelle était sa particularité, ceux à quoi Il a répondu : « sa sagesse est supérieur à la votre ». (Pour le leur prouver) Hachem a présenté aux anges chaque animal qu’Il a créé et leur a demandé de le nommer. Mais les anges en étaient incapable. (Une fois Adam créé) Hachem lui présente les animaux en question, lui demandant de les nommer. Ce à quoi Adam répond : « Celui-ci est un taureau, celui-ci un âne, celui-ci un cheval, celui-ci un chameau ». Hachem demande alors : « Et toi, quel est ton nom ? » Adam répond alors : « Moi, il convient de m’appeler Adam parce que j’ai été créé à partir de la terre (adama) ». Enfin Dieu demande : » Et Moi, quel est Mon nom ? » Adam suggère : » il convient de T’appeller Adonaï (qui signifie mon maître) car Tu es le Maître de toutes créatures ! » »
La lecture de ce midrach nous conduit à plusieurs questions. Pour commencer, qu’est-ce qui différencie les anges de l’homme pour que ce dernier soit capable de nommer les créatures de Dieu alors que les anges en sont parfaitement incapable ? De même, quelle est la nécessité de cette démonstration ? Qu’est-ce que cela apporte ? Et enfin, Adam choisit son propre nom en se basant sur l’outil de sa création, la terre. Cependant, il n’est pas le seul à en provenir, puisque tous les animaux en sont issus ! Pourquoi alors, lui plus que les autres doit-il porter un nom en correspondance avec le matériel qui le compose ?
Le Malbim (sur béréchit, chapitre 2, verset 19) évoque une notion intéressante qui peut nous permettre d’amorcer une réponse. Il explique que toutes les forces éparpillées dans les êtres vivants sont condensées et réunis au sein de l’homme. L’homme est ce qui parachève la création du spectre vivant car il le domine et concentre en lui tous les potentiels des êtres qui le précédent dans leur apparition. Ce principe est tellement concret que nos sages disent que pour savoir si une chose fait partie de la nature humaine, il suffit de vérifier qu’elle existe bien dans le règne animal ! (la réciproque n’est pas nécessairement vraie). De façon plus précise, chaque qualité présente chez l’animal est « précurseur » du trait qui s’exprime chez l’homme.
Cela se justifie par la différence entre la manière dont l’homme et l’animal ont été créés. Certes, tous deux proviennent de la terre. Toutefois, l’animal n’est issu que d’un seul type de terre, tandis que l’homme est né de l’union de toutes les sortes de terre de la planète. Il est alors cohérent de constater qu’Adam dispose de chaque qualité dispersée chez les animaux.
Grâce à cela, nous comprenons pourquoi Adam est capable d’identifier les créatures qu’Hachem lui présente contrairement aux anges. Les anges ne proviennent pas de la même racine que les animaux. Il s’agit pour eux de notion complètement obscur et incompréhensible. Par contre, l’homme partage avec la création un point en commun : leur base. Adam est celui qui exprime chaque critère disséminé dans le monde. À ce titre, lorsqu’un animal se présente à lui, il est parfaitement en mesure de le caractériser. Non pas qu’il devine le nom adéquat, mais plutôt qu’il reconnaît dans l’animal, la partie commune qu’il partage avec lui. Le nom qu’il choisi est en réalité, la qualité dont Adam dispose et qu’il reconnaît en l’animal ! C’est pourquoi, seul Adam peut nommer les créatures et à ce titre, il est le seul à devoir s’appeler Adam. Car les autres créatures ne sont qu’une partie d’un tout, et ce tout n’est autre que l’homme. La terre et toutes les ramifications qu’elle engendre dans la création s’exprime pleinement au travers d’Adam, tandis que la réalisation de l’animal n’est que partielle.
Cela nous donne une approche intéressante sur la nutrition humaine. Initialement, la consommation de la viande était interdite. Ce n’est que suite au déluge que Noa’h et ses fils se sont vus autorisés à la manger. Pourquoi ce changement ?
Une des réponses fournies par nos sages consiste à dire que les fautes de l’homme au travers des générations ont fait descendre le niveau de l’humanité dans son ensemble. Chaque faute engendre la dispersion d’étincelles de sainteté. La mission de l’homme est de rétablir ces étincelles dans leur état d’origine en les hissant à un niveau supérieur. Initialement, les étincelles issues des fautes n’étaient descendues qu’au stade végétal. À ce titre, la nutrition humaine exclusivement végétarienne convenait parfaitement, car en mangeant, l’homme incorporait la sainteté cachée dans l’aliment. Cependant, avec l’amplification du mal et le nombre croissant de faute, la sainteté est descendue de plus en plus bas, au point de résider dans l’animal justifiant la nécessité de libérer ces étincelles au travers de leur ingestion. Dès lors, la consommation de la viande est devenue non seulement permise mais aussi nécessaire !
Toutefois, en quoi la consommation permet-elle à ces étincelles de retourner à leur état initial ?
La réponse se base sur ce que nous venons d’expliquer. L’animal constitue une forme incomplète. Il dispose de certaines qualités communes avec l’homme, cependant, elles sont inachevées. C’est en s’infiltrant dans l’homme, et devenant partie intégrante de son être, que l’animal parvient à une expression plus poussée de la qualité dont il dispose. À ce titre il vit une élévation ! Cette dernière est ce qui permet le retours de chaque étincelles de sainteté à son état d’origine.
Ce développement nous permet de comprendre notre première question. Il peut en effet, sembler inutile de rappeler qu’Adam ne pouvait commettre de vol pour faire une offrande dans la mesure où tout lui appartenait, et, qu’à ce titre nous devons calquer notre attitude sur la sienne. Cependant, ce que cherche peut-être à nous faire comprendre ce midrach est l’objectif même des sacrifices. Nos sages enseignent que normalement, ce n’est pas l’animal qui devrait se trouver sur l’autel, mais bien la personne qui a fauté. Toutefois, Hakadoch Baroukh Hou nous accorde un substitut nous laissant la vie sauve. Mais il convient d’avoir à l’esprit au moment du sacrifice qu’en réalité c’est nous qui devrions subir un tel châtiment.
En ce sens, le midrach nous rappel que tout appartenait à Adam Harichone. Nous pouvons comprendre cela au sens simple et dire qu’il s’agit d’une possession matérielle. Ou, dans un sens un peu plus subtil, le midrach enseigne que tout appartient à Adam en tant qu’extension de son être. Adam est l’aboutissement de toutes les forces dispersées au sein de la création. Dès lors, chaque créature est une partie de lui ! C’est d’ailleurs ce que sous-entend le verset lorsqu’il dit « אָדָם כִּי-יַקְרִיב מִכֶּם Si un homme d’entre vous veut apporter ». Nous comprenons généralement ce texte au travers de la traduction que nous lui avons donné. Mais littéralement, il signifie : l’homme qui apporte de vous ! C’est littéralement une partie de son être qu’il présente en sacrifice, car l’animal contient une partie de ce qui constitue l’homme !
Peut-être est-ce là une raison pour laquelle le sacrifice d’Yitshak est toujours cité en référence. En effet, ce dernier représente l’attitude à adopter pour un sacrifice : offrir sa propre vie et comprendre que nous devrions être à la place de la bête ! Non pas qu’Hachem cherche notre mort has véchalom. Mais plutôt que comme Yitshak, nous devrions êtres capables d’accepter d’être l’offrande faite à Hachem.
Cela nous laisse entrevoir la gravité de nos actes qui théoriquement seraient passibles de la mort. Mais plus encore, cela nous montre la miséricorde d’Hachem qui une fois de plus, pardonne et offre une solution alternative qui épargne notre vie. La méssirout néfech (don de soi) est requise dans chacune de nos actions. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de la téchouva qui veut de nous un regret total et un changement profond ! Comprendre que la mort aurait pu s’abattre sur nous en conséquence de nos fautes, c’est comprendre que le mal représente l’antithèse de la vie, et c’est justement la vie qu’Hachem nous demande de choisir.
Chabbat Chalom.