Parashat Bamidbar (5774)
Yéhouda Moshé Charbit
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בס״ד
PARACHAT BAMIDBAR
La paracha de Bamidbar débute par un recensement des bné-Israël, répartis en fonction de leur tribu et de leur famille respective. Préalablement à cela, la Torah nomme pour chaque tribu, le nassi, qui en sera le chef pour la représenter. Ainsi, le décompte aboutit à six cent trois mille cinq cent cinquante hommes âgés de plus de vingt ans et aptes à faire la guerre. Ce recensement ne tient pas compte de la tribu des Lévis qui sera dénombrée plus tard. Hakadoch Baroukh Hou décrit ensuite l’organisation du camp en définissant une place précise à chaque tribu, afin d’encadrer le sanctuaire dans les quatre directions cardinales. C’est seulement après avoir fait cela que la Torah recense maintenant les Lévi, en fonction de leur famille et leur attribue un nassi. Un nouveau compte a lieu suite à cela, celui des aînés du peuple, qui doivent être rachetés, car initialement ils appartiennent à Hachem. La paracha se conclut par la définition des règles de transport de la tente d’assignation en répartissant les taches sur la tribu Lévi après que les cohanim se soient chargés de recouvrir intégralement chaque ustensile de la tente.
Dans le deuxième chapitre de Bamidbar, la torah dit :
א/ וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה וְאֶל-אַהֲרֹן לֵאמֹר׃
1/ Hachem parla à Moshé et Aaron en disant :
ב/ אִישׁ עַל-דִּגְלוֹ בְאֹתֹת לְבֵית אֲבֹתָם, יַחֲנוּ בְּנֵי יִשְׂרָאֵל: מִנֶּגֶד, סָבִיב לְאֹהֶל-מוֹעֵד יַחֲנוּ׃
2/ Chacun selon sa division, selon les signes de la maison de leurs pères, les bné-Israël camperont non loin ; autour de la tente d’assignation ils camperont.
ג/ וְהַחֹנִים קֵדְמָה מִזְרָחָה, דֶּגֶל מַחֲנֵה יְהוּדָה לְצִבְאֹתָם; וְנָשִׂיא לִבְנֵי יְהוּדָה, נַחְשׁוֹן בֶּן-עַמִּינָדָב׃
3/ Et ceux qui campent à l’Est : la division du camp de Yéhouda selon leurs armées ; et le prince des enfants de Yéhouda était Na’hchone Ben Aminadav.
La torah continue ensuite de localiser chaque tribu et demande donc au peuple d’agencer sa disposition de façon précise. Chacun doit être réparti dans un endroit qui lui est propre et le mélange n’est, à priori, pas de mise. Ainsi, les bné-Israël, reçoivent leur drapeau, qui sera le symbole de chaque camps. La question qui se pose ici, est de tenter de comprendre quelle est la signification de cette mise en place. Pourquoi Hachem insiste tant pour que le peuple se déplace dans un tel ordre ? Que symbolisent ces drapeaux qui les accompagnent ?
Pour tenter d’avoir une approche sur le sujet, commençons par remonter à l’origine de ces drapeaux. Le midrach tan’houma (bamidbar, paracha 14) raconte que lorsque les bné-Israël ont reçu la torah sur le mont Sinaï, vingt-deux mille chars d’anges sont descendus pour accompagner Hakadoch Baroukh Hou. Chacun de ces anges portait un drapeau. Lorsque les bné-Israël ont vu cela, ils ont envié les anges et souhaité avoir eux aussi ces drapeaux. En réponse à cela, Hachem a répondu à leur requête et demande à Moshé de leur ordonner de faire des drapeaux.
Il s’avère donc que l’ordre d’Hachem d’avoir un drapeau pour chaque camps, trouve sa source dans le don de la torah, et surtout dans le souhait des bné-Israël de ressembler aux anges. Toutefois, une question se pose. Si en effet, comme l’enseigne le midrach, c’est au moment du don de la torah qu’est apparue cette mitsvah, alors pourquoi attendre ? Pourquoi n’est-ce que dans notre paracha qu’Hachem parle de cela. Si en effet, les bné-Israël ont mérité cela depuis le don de la torah, pourquoi attendre la fin de la construction du michkan pour mettre cela en application ?
Peut-être pouvons-nous avancer l’idée suivante. Comme nous l’avons déjà expliqué, au moment du don de la torah, les bné-Israël avaient atteint le niveau des anges. Toutefois, cette phase n’a été que de courte durée, dans la mesure où, ils ont commis la faute du veau d’or et ont perdu de leur sainteté. Ce qu’il est intéressant de noter, c’est qu’après avoir pardonné le peuple, Hachem n’a de cesse de mettre en place des systèmes de réparations pour racheter la faute des hébreux. Comme nous l’évoquent de nombreux midrachim, la construction du michkan, le michkan lui-même, ainsi que ses ustensiles, visaient cet objectif. Or comme nous l’avons remarqué, l’apparition des drapeaux fait suite au désir des bné-Israël de ressembler aux anges. Ainsi, il semble qu’au même titre que la construction du michkan, la disposition du peuple, ainsi que la mise en place des drapeaux, viennent pour justement rétablir les bné-Israël dans la sainteté qui les caractérisait avant la faute du veau d’or. De sorte que nos sages expliquent, que l’effigie des drapeaux n’était pas anodine. Les bné-Israël étaient répartis en quatre camps et chacun de ces groupes portait un drapeau. Sur ces drapeaux étaient dessinés les même représentations que celles figurants sous le trône d’Hachem ! Il s’agit donc de faire correspondre les camps des bné-Israël à l’agencement du monde céleste. De la sorte, il semble que le moment choisi par Hachem pour donner ce commandement est parfaitement justifié. Certes, cet ordre aurait pu être donné dès le don de la torah. Toutefois, il semble clair, que suite à la faute, une fois que les bné-Israël commencent à se repentir et à viser de nouveau la sainteté qu’était la leur, Hachem les aide. À ce titre, il attend cet instant précis pour leur offrir ce qui caractérise les anges, à savoir les drapeaux. Par cela, Hakadoch Baroukh Hou favorise la téchouva du peuple. En ce sens, où, nos maîtres nous enseignent que l’action terrestre permet l’éveil de l’âme. Lorsqu’Hachem « force » le peuple à ressembler au monde spirituel, alors les bné-Israël se mettent subitement à vivre une métamorphose. Bien que n’étant pas d’un tel niveau, ils vivent d’après le même mode de fonctionnement que les anges. Un tel niveau n’est pas facile à supporter, mais le fait de le connaître au quotidien, permet une adaptation menant même à l’acquisition de cet état si saint.
Il est d’ailleurs époustouflant de noter ce que rapporte le verset 39 du chapitre 3. À savoir, que la tribu de Lévi, comptait vingt-deux mille hommes ! Ce chiffre correspond étrangement au nombre d’ange descendus pour accompagner Hachem lors du don de la torah. Or, rappelons que la tribu de Lévi est celle qui, suite au veau d’or, a prit la place des aînés dans le service du temple, de par la dévotion qu’ils ont fait preuve pour aider Moshé à détruire les réchaïm qui ont fauté. En clair, au lendemain de la faute qui a fait perdre au peuple la sainteté similaire à celle des anges, la tribu de Lévi se présente comme celle qui, plus que toute autre, répare la faute. C’est pourquoi, eux, ne disposent pas de drapeau, car dores et déjà, ils ressemblent aux anges porteurs de ces drapeaux !
Rav Yérakhmiel Kram propose un développement intéressant qui se prête à merveille avec ce que nous tentons d’exposer. En effet, le midrach tan’houma (bamidbar, paracha 12) raconte que face à la demande de faire des drapeaux au peuple, Moshé était perplexe. C’est pourquoi, il s’est empressé de questionner le maître du monde. En effet, Moshé s’inquiétait du risque de créer un conflit entre les tribus. Il suffit que l’endroit que Moshé choisit pour une tribu, ne convienne pas à cette dernière et qu’elle soit du coup, jalouse d’une autre tribu. Sur quoi, Hachem lui répond de ne pas s’inquiéter. La disposition que devront adopter les bné-Israël ne sera fixée ni par Moshé, ni par Hachem. C’est Yaakov leur père qui leur a déjà ordonné de ce disposer de la sorte avant sa mort !
Sur cela, Rav Yérakhmiel Kram pose une question simple. Qu’est-ce qui inquiète tant Moshé, dans le fait de demander à telle ou telle tribu de se placer à un endroit et pas un autre. Il n’y a pas tant de différence à être placer au Nord ou au Sud, alors pourquoi les tribus entreraient en querelle pour si peu ? D’autant que dans l’absolu, la réponse qu’Hachem apporte ne semble rien résoudre. Effectivement, même si c’est Yaakov qui a défini la disposition, cela n’en demeure pas que les bné-Israël peuvent (d’après Moshé) être dérangés par celle-ci ?
À cela, le rav répond que la gène ressenti par Moshé ne provient pas d’une dispute potentielle entre les tribus. Au contraire, c’est de leur souhait d’être uni que vient le problème. Il s’agit là, du peuple qui, uni comme jamais, a reçu la torah. Au point qu’Hachem atteste qu’ils étaient « comme un seul homme, comme un seul coeur ». L’union du peuple était parfaite ! Dès lors, lorsque Moshé attribuerait un agencement qui séparerait le peuple, ces derniers ne comprendraient pas. Pourquoi vouloir éloigner les tribus ? N’est-il pas mieux de rester tous ensemble, unis ?
À cela, Hachem répond que justement, Yaakov avait saisi l’essence même de ses enfants, la spécificité qui les caractérise. À ce titre, il a mis en place le moyen d’exploiter chacune des dispositions de ses fils pour aboutir à l’harmonie parfaite. En clair, il a agencé et emboité les morceaux, afin que ces derniers forment un tout. C’est justement grâce à cela, grâce à l’ordre établi par leur père, que les bné-Israël peuvent être un seul homme avec un seul cœur. Cela est comparable à une armée qui se décompose en armée de terre, armée de l’air, marine … . Plusieurs éléments distincts mais utiles pour composer une armée rigide et organisée. Chacun convient qu’il est préférable de répartir les taches en fonction des capacités plutôt que de donner à tout le monde le même rôle et aboutir au désordre. C’est exactement cette notion qui s’applique ici, pour former l’union, les bné-Israël doivent se répartir en fonction de leur spécificité. Ils doivent saisir que le rôle des uns n’est pas celui des autres. C’est en ce sens qu’ils ressemblent aux anges qui ne rivalisent pas entre eux, qui ne connaissent pas la jalousie et au contraire cèdent la place dès que leur rôle est terminé. C’est d’ailleurs ce que nous affirmons tous les matins « וְנוֹתְנִים רְשׁוּת זֶה לָזֶה לְהַקְדִּישׁ לְיוֹצְרָם (et tous) se donnent la permission l’un à l’autre de sanctifier leur créateur ». La jalousie n’existe pas, chacun a un rôle précis et personne n’empiète sur l’autre. C’est justement cette notion qui doit caractériser les bné-Israël, lors de leur voyage. Par cela, ils pourront ressembler aux anges.
C’est justement l’idée qu’évoque le Ramban lorsqu’il explique l’agencement des trois groupes et de ceux qui les composent. À l’Est doit se trouver le camps de Yéhouda, car c’est de l’Est que la lumière sort. Or la tribu de Yéhouda est celle des rois c’est pourquoi le soleil doit leur donner face. De même, les tribus de Yissa’har et Zévouloune font partie de ce campement, et elles sont respectivement marquées par l’étude de la torah et la richesse. Le premier camp est donc celui qui réunit les critères de la royauté qui se réunissent face à l’arrivée de la lumière.
Vient ensuite le camp situé au Sud. Le Ramban enseigne que de là provient la rosée et les pluies qui apportent la bénédiction. C’est pourquoi, Réouven se trouvera dans ce camp. Car Réouven est un baal téchouva, qualité qui a pour vertu d’éveiller la miséricorde divine afin d’apporter la bénédiction sur le monde. De même, la tribu de Gad se positionne à cet endroit car elle est celle qui représente la force (de combattre le mauvais penchant). Évidement, entre ces deux tribus se trouvent celle de Chimone, afin de l’encadrer de la téchouva et de la force de lutter contre le mal, et par la sorte l’aider à se repentir de sa faute. (les fautes de Réouven et Chimone sont mentionnées dans le livre de Béréchit). Ce camps sera le second à voyager, car le premier, celui de Yéhouda, représente la torah, et le second, représente la téchouva qui doit être la conséquence de la torah.
De l’Ouest, arrivent les neiges et la grêle, le froid et le chaud, qui sont des vecteurs de la puissance d’Hachem. Face à cela se trouve le campement de Binyamine, qui accueillera par la suite le beth Hamikdach, lieu qui exprimera la présence divine. À ce titre, ils sont les troisième à voyager car après la torah et la téchouva, vient le reconnaissance et l’expression de la puissance du maître du monde.
Et enfin, du Nord vient l’obscurité. C’est pourquoi la tribu de Dan est celle qui se trouve dans ce compartiment car par la suite, Yérovam (descendant de Dan) fera sombrer le peuple dans l’idolâtrie. De facto, la tribu d’Acher compose également le quatrième camp car ils doivent repousser cette obscurité et la remplacer par la lumière. De même, la tribu de Naftalie est la troisième composante, de par la bénédiction qui les caractérisent.
Là encore, nous voyons dans les mots du Ramban que chaque tribu joue un rôle qui lui est propre et se voit attribuer le moyen d’accomplir sa tâche. Par le système des camps et des drapeaux, Hachem a mis en place le moyen de rétablir le peuple dans le statut de sainteté qui le caractérisait avant la faute du veau d’or. Mais la condition absolue à l’atteinte de cet objectif et de respecter le rôle de chacun, ne pas envier ni désirer faire ce qu’un autre doit faire. Chaque membre du peuple juif tient une place définie, qui lui est propre. Aucune place n’est meilleure que l’autre, elles ont toutes la même valeur. Seulement certaines personnes peuvent accomplir une mission mais d’autres pas. C’est pourquoi nous ne naissons pas tous avec les mêmes qualités. Certains sont forts, d’autres intelligents, d’autres calmes… . Ces traits de caractère sont ce qui défini nos outils et doivent nous permettre d’accomplir l’objectif qu’Hachem nous a confiés. Viser autre chose, c’est tenter de faire ce pourquoi nous ne sommes pas fait. Yéhi ratsone que chacun puisse atteindre l’objectif qu’Hakadoch Baroukh Hou lui a fixé. Par cela, nous redeviendrons aussi saints que nous l’étions pour le don de la torah et mériterons de nouveau d’accueillir Hachem parmi nous, amen véamen.
Chabbat Chalom.