Téchouva partielle et Téchouva complète – Paracha Balak – Réouven Carceles
Téchouva partielle et Téchouva complète
Balak a compris la vérité
Dans la Paracha de la semaine, Paracha Balak, la Torah nous dit : « Hachem ouvrit la bouche de l’ânesse, elle dit à Bilam : que t’ai-je fait, que tu m’aies frappé ces trois fois ? » (Bamidbar chap. 22, 28).
Cette section de la Torah nous présente le roi de Moav, Balak fils de Tsipor, qui vit tout ce qu’Israel avait fait aux Amorréens, les deux plus grandes victoires d’Israel contre Og, roi de Bachane, et Sihone, roi de Emori, les deux plus grandes puissances de l’époque.
Les commentateurs expliquent que Balak n’a pas simplement vu ce qu’il s’était passé mais qu’il fut assez sage pour comprendre la vérité. Balak saisit que tout ce qui touchait aux Israélites, y compris leurs guerres, transcendait l’ordre naturel. Leurs victoires sur les autres nations ne provenaient ni de leur courage ni de leur force mais de l’aide divine, et que toutes les armes du monde ne suffiraient pas pour les combattre. Il arriva donc à la conclusion que la seule façon de détruire les Israélites était de bouleverser leur destin par la magie noire ; il décida donc d’avoir recours au célèbre Bilam Ben Béor. Ce Bilam, que nos Sages dans Pirké Avot, qualifient d’orgueilleux, de jaloux, avide de pouvoirs, de plaisirs et d’argent, et qui pourtant possédait des dons de prophétie et de capacité à maudire, pourtant ne sortiront de sa bouche que des bénédictions car telle est la volonté d’Hachem et telle est la prophétie qu’Hachem placera dans sa bouche. A ce titre, il est intéressant de remarquer qu’au moment où l’ânesse vit l’ange d’Hachem (verset 27), notre verset cité plus haut nous dit, qu’Hachem ouvrit la bouche de l’ânesse, pour dire à Bilam : « que t’ai-je fait pour que tu m’aies frappé ces trois fois ? ». Le Pirke Avot parle ici d’une nouvelle créature : « la bouche de l’ânesse », qu’Hachem utilise pour transmettre un message de réprimande à Bilam. Il y a lieu de se demander, pourquoi Hachem a-t-il besoin de passer par cette création bizarre et pourquoi ne pas s’adresser à lui directement comme à son habitude ou par l’intermédiaire d’un ange ? De plus il est bon de remarquer plus loin dans le texte (verset 34) que Bilam dira à l’ange de Hachem : « j’ai pêché, je rebrousse chemin », comment est-ce possible ?
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Téchouva partielle et Téchouva complète
Nous pouvons essayer d’amener un élément de réponse d’après une notion que rapporte le Sefer Beth Eloqim, à propos de la Téchouva, que le but est de se rapprocher d’Hachem alors que la faute avait mis une distance. Pour que la Téchouva soit entière, la personne doit sincèrement revenir vers D. et regretter de s’être éloignée de lui, on ne doit pas seulement faire Téchouva pour être sauvé de la punition, il faut travailler doublement pour réparer son erreur, c’est-à-dire les dommages et apaiser Hachem afin qu’il nous rapproche de lui et nous agrée comme si nous n’avions pas fauté. Le Beth Eloqim explique qu’il y a plusieurs niveaux de Techouva : une Techouva partielle et la Techouva entière. Le premier niveau est atteint quand l’homme se rend compte qu’il va être puni pour ce qu’il a fait, c’est un niveau de crainte, qui le pousse à regretter et à avouer ses fautes à Hachem, c’est dans ce sens que le Midrach nous dit que tout celui qui dit : « j’ai fauté » neutralise l’ange accusateur qui vient pour le punir.
Le deuxième niveau nous montre que la Techouva ne sera entière que lorsque le fauteur prendra conscience qu’il a énervé le Maître du monde et qu’il s’est éloigné de lui, qu’il a sali son âme, d’ailleurs ceci est visible par une perte de sensibilité à l’importance de la Torah et des Mitsvot. C’est donc par une prise de conscience, qui viendra, lorsque le fauteur, aura une volonté véritable de réparer, de se rapprocher d’Hachem, et de se reconstruire. C’est un niveau supérieur, différent, mais en tout cas, tout ceci, nous oblige à comprendre ici une notion importante, que, si l’esprit est conscient de la puissance d’Hachem, de ses punitions et de la gravité des fautes, il en vient alors à dire à l’instar de Bilam : « j’ai fauté ». Il est vrai que c’est déjà une Téchouva, même si elle est partielle, car la personne a rapproché son esprit d’Hachem qui s’était aussi éloigné de lui, mais c’est un niveau où le corps et le cœur ne sont pas encore rapprochés de D. Cela reste au niveau de la peur de la punition, mais en revanche si, dans un deuxième temps, cette Techouva entraîne des prises de décision et des actes qui perdurent dans le temps, alors c’est un niveau différent, supérieur où le cœur et le corps se rapprochent de D, la Techouva sera alors entière et complète, on passe du niveau de la crainte à celui de l’amour de D.
De ce fait, Bilam, que nos sages appellent un rusé, impie, est l’exemple type de celui dont l’esprit est conscient d’Hachem mais dont le cœur et le corps sont bien loin de suivre Ses voies. Il a une conscience tellement grande de la punition, qu’il n’a pas de mal à dire : « j’ai fauté », mais en aucun cas il décidera de changer, de ne plus suivre ses désirs, ou de renoncer à la recherche de l’argent et des honneurs. A ce titre, le Kéli Yakar nous dit que c’est aussi une des raisons pour lesquelles D. le réprimanda, afin qu’il ne s’enorgueillisse pas d’avoir mérité la prophétie. Et le problème de cette Techouva, est que quand bien même une personne telle que Bilam, déciderait d’un changement, il est évident que quelques instants plus tard et dès la première occasion, son corps et son cœur prendront le pas sur l’esprit et se remettront à fauter.
Mais il faut quand même garder à l’esprit, qu’il est possible de passer par ce premier niveau de Techouva (la peur de la punition), mais il faut ensuite passer à un niveau supérieur, et nous savons que Bilam est en effet capable d’accéder à des niveaux extrêmement élevés de perception d’Hachem, pour avoir reçu de lui la prophétie, et de pouvoir puissants, mais son corps et son cœur ne peuvent suivre les voies d’Hachem afin de faire une Techouva complète. Car pour cela il aurait fallu qu’il mette son corps totalement de côté en le privant de tout, pour s’élever spirituellement, mais ce n’est pas possible, pourquoi ? La réponse est que seuls les Bné Israel portent en eux ce potentiel où le corps et le cœur ne font qu’un, pour s’attacher à Hachem, c’est une notion qu’Hachem a ancré en chacun de nous, et c’est exactement le message qu’Hachem voulait transmettre à Bilam lorsqu’il donna à son ânesse la possibilité de parler et même de lui faire une réprimande : voilà Bilam à quoi tu ressembles : à un animal qui parle. Car tu restes toujours un homme bestial, bien que tes facultés intellectuelles et prophétiques soient très élevées, Hachem a envoyé une ânesse avec des capacités plus élevées que la normale, afin qu’il ressente ce qu’il est lui-même. C’est un enseignement pour nous-mêmes, car nous devons tous grandir dans notre Téchouva, nous avons le potentiel pour que le corps et le cœur intègrent ce que l’esprit sait, c’est-à-dire la conscience de la puissance d’Hachem, pour pouvoir passer d’une Téchouva partielle à une Téchouva complète.
L’homme a aussi en lui, cette dimension de Bilam, c’est-à-dire atteindre de hauts niveaux de connaissance d’Hachem sans pour autant appliquer quoi que ce soit dans sa vie, c’est pour cela qu’il faut faire un travail essentiel de ramener dans le cœur, toutes nos connaissances de Torah et de Moussar. C’est-à-dire que cette connaissance d’Hachem ne doit pas être comme celle de Bilam dans nos têtes, mais il faut que nos corps soient concernés afin de l’assimiler au fond de nous. Il ne suffit pas de dire des paroles de Torah et notamment de Moussar, même pour les autres, il faut essayer de voir si ces paroles-là sont en adéquation avec tous nos actes, chaque parole de Moussar doit nous permettre de faire un bilan de tous nos actes et même de tous nos sentiments afin de voir s’il s’agit d’une connaissance intellectuelle que nous lisons ou si nous vivons avec elles, alors nous accéderont à une Techouva complète et nous pourrons nous attacher à Hachem par amour.
Chabbat shalom
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