la Torah lichma permet de s’élever au-dessus de toute l’œuvre de la création
Paracha Bamidbar – Réouven Carcéles
Torah lichma
Dans la Paracha de la semaine, la Parachat Dévarim, la Torah nous dit : « Hachem parla à Moché dans le désert du Sinai, dans la tente d’assignation, le premier jour du deuxième mois, la deuxième année de leur sortie d’Égypte » (Nombres chap. 1/1).
Dans notre Paracha, il est question de compter les Bné Israël, par tribu et par famille, tous les camps selon les familles, les hommes de plus de 20 ans, qui constituent l’armée d’Israël, mais notre verset nous montre, comme l’explique le Midrach : le maître du monde aime tant les enfants d’Israël qu’il les compte à tout moment. Quand ils sont sortis d’Egypte, il les a comptés, quand ils ont commis la faute du veau d’or, pour savoir combien étaient restés en vie, à présent, alors qu’il allait faire reposer sa présence sur eux, il les a comptés. Hachem dit à Moché dans tous les détails, d’effectuer ce recensement, et il est dit avec précision à quelle date il doit s’effectuer. Il y a lieu de se poser la question, et de comprendre pourquoi au Sinaï, 613 Mitsvots ont été données, et où on ne trouve dans presque aucune mitsva, l’endroit où elle a été dite à Moché, ni à quelle date, alors qu’on voit bien ici que le verset détaille tout cela minutieusement ? A ce titre, nous savons que nous sommes maintenant proches de la fête de Chavouot, au cours de laquelle Hachem a demandé à Moché de dire aux Bné Israel de se sanctifier, de se purifier, de changer leur vêtement et se garder de toute faute !
Nos sages expliquent (Pessa’him 116b) : à chaque génération, l’homme doit se considérer comme si c’était lui qui était sorti d’Égypte. Le Arizal explique aussi, dans la notion de Pourim, que c’est une chose qui se réanime chaque année, et qu’on doit le vivre sur le moment. Cela signifie qu’il a été institué la notion que chacun, que ce soit aussi à Souccot, Pessah ou Chavouot, doit sentir en lui-même ce qu’il s’est passé à cette époque-là, et la vivre comme si c’était aujourd’hui, car ces choses se prolongent à chaque génération. Et si l’homme ne se représente pas en pensée ce qui est arrivé, alors aujourd’hui non plus, il ne pourra pas recevoir la lumière qui nous arrive en ces jours saints. C’est pour cela, qu’on doit comprendre aussi, qu’aujourd’hui, il y a un concept de trois jours, où nous devons nous sanctifier et nous préparer à recevoir la Torah (comme à l’époque du don de la Torah), faire les préparatifs spirituels pour la mériter.
Le Rav Dessler explique que chaque fois que vient Chavouot, nous devons accéder spirituellement au même point de sainteté que celui que nos ancêtres ont connu au mont Sinaï. Comme nous venons de l’expliquer, c’est de nouveau, au vrai sens du terme, « le temps du don de notre Torah » et nous sommes donc conviés à l’accepter, comme ils l’ont fait eux-mêmes il y a plus de trois mille ans. Le Maître pose donc la question : comment notre génération, avec toutes ses imperfections, peut-elle se comparer à celle qui a reçu la Torah pour la première fois ? Son niveau spirituel était différent du nôtre ! Au moment où ils l’ont acceptée, ils ont retrouvé le niveau d’Adam avant la faute. D’ailleurs la Guemara (Chabbat 88a) précise que six cent mille anges ont alors offert à chacun de nos ancêtres deux couronnes, l’une pour le « nous ferons » et l’autre pour le « nous comprendrons ». Le Midrach nous dit que lorsqu’ils ont entendu directement de D. : « je suis l’éternel, votre D. ! » la Torah s’est installée d’une manière ineffaçable dans leurs esprits. Et lorsqu’ils ont entendu : « tu n’auras pas d’autre D. que moi ! », leur cœur a expulsé le yetser hara (mauvais penchant). Alors comment arriver à ces hauteurs spirituelles aussi extrêmes ?
Il est tout d’abord bon de rappeler entre autres les paroles du Maharal, qui définit la Torah comme « intelligence divine », de la même manière que D. est sans limites et sans fin, de même le sont Ses qualités. Le Gaon de Vilna explique, que la Torah est plus étendue en longueur que la terre, plus vaste que l’océan, ce qui signifie, qu’on ne peut pas essayer de la mesurer étant donné que l’unité de mesure dont on aurait besoin est plus longue que la terre. Elle n’est donc pas tributaire des limitations inhérentes au monde physique, d’où la question du Rav Dessler : comment l’homme, avec toutes ses limitations spirituelles et intellectuelles, peut-il se préparer et espérer maîtriser ce jour saint comme l’ont fait nos ancêtres et atteindre ce même niveau spirituel ? La réponse est : « dans le désert » c’est-à-dire avec humilité.
Comment comprendre cette notion ?
La Torah lichma permet de s’élever au-dessus de toute l’œuvre de la création
Nos Sages ont dit dans la Guemara (Nedarim 55a) : »la Torah ne s’acquiert que pour celui qui se rend lui-même dépouillé comme un désert« , c’est-à-dire que l’homme doit s’effacer lui-même, annuler son orgueil, la sensation de l’ego, s’annuler devant l’autre, et se conduire avec humilité envers tout juif. Hazal (nos maîtres de mémoire bénie) ont dit : « la Torah ne se trouve qu’auprès de celui qui se transforme en néant ». Nous ne pouvons espérer la recueillir que si nous savons nous dépouiller de tout égoïsme et de tout prestige attaché à soi-même, nous savons que l’acceptation de la Torah a été précédée de « nous ferons et nous comprendrons », cela veut bien dire que nos ancêtres étaient prêts à Lui obéir avant même de l’avoir comprise. Ce qui revient à dire qu’ils se sont soumis complétement à la volonté de D., d’où l’importance que revêt l’étude lichma (que pour elle-même), comme le souligne le Pirke Avot (6,1) : la Torah lichma permet de s’élever au-dessus de toute l’œuvre de la création.
Simplement le Maharal explique qu’il y a deux niveaux de lichma, et la motivation la plus élevée est bien évidemment l’amour de D. Mais il existe un autre niveau de lichma rapporté dans le Nefech Ha-Hayim qu’on appelle : « lichma chel torah », pour la Torah elle-même, c’est-à-dire qu’on l’étudie pour elle-même lorsqu’on a du plaisir et de la satisfaction à l’étude même. Ce n’est pas la même chose que de l’étudier pour l’amour de D., mais c’est plus méritoire que si on le fait pour des motifs mesquins tirés d’une recherche de profit ou prestige. Cela ouvre donc la voie à un complet lichma. Pourquoi ? car nous savons qu’il y a eu les premières et les secondes tables, qui correspondent à ces deux niveaux. En effet, Moché a brisé les premières tables lorsqu’il a vu qu’elles ne représentaient plus le véritable niveau des enfants d’Israël. Après qu’il eut beaucoup prié et que le peuple juif se soit repentis, D. donna à Moché les nouvelles tables, qui correspondaient à leur niveau moins élevé après la faute. Les choses ont de ce fait évolué de telle manière que nous devons désormais acquérir la Torah pas à pas, avec effort. Le Tanna De-Bei Eliyahou nous dit, qu’il est indispensable, pour sortir de sa léthargie et entreprendre un parcours spirituel, d’avoir une vision de ce qui est le plus élevé, (avant la faute), il est donc possible de parfaire ses midot (traits de caractère) tel qu’il n’y ait plus de conflit entre les premières tables, c’est-à-dire le premier niveau (pour l’amour de D.) et les secondes tables : le second niveau (pour la Torah elle-même).
Shabbat shalom
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