Aimer son prochain comme soi-même Paracha Kédochim – Réouven Carceles
Aimer son prochain comme soi-même
*
Rejoignez notre Canal Telegram silencieux ouvert à tous
*
Dans la Paracha de la semaine (Kedochim) la Torah nous dit : « Tu ne te vengeras pas et tu ne garderas pas rancune aux enfants de ton peuple, tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis Hachem » (Lévitique chap. 19, 18).
Nous nous trouvons dans une période triste entre Pessa’h et Chavouot, comme nous le rappelle la Guemara dans Yebamot (62b), qui explique ce tragique événement, qui est la mort des 24.000 élèves de Rabbi Akiva pendant cette même période, et qui a plongé le monde dans un état de destruction. Le commentateur Maharcha explique cette affirmation du Talmud : chacun d’entre eux ne se souciait pas de l’honneur de la Torah de son prochain, car le terme « kavod » (honneur) est associé à la Torah, c’est la raison pour laquelle ils sont décédés de cette façon, car la torah c’est la vie. Chacun ne pensait qu’à sa réussite personnelle sur le plan spirituel et de l’étude de la Torah, en se désintéressant totalement de la Torah acquise par les autres élèves.
Comment est-ce possible ?
Il est évident que les 24.000 élèves de Rabbi Aliva étaient des Tanaïm (sages de la Michna), érudits d’un niveau extraordinaire, ils accomplissaient tous les ordres de la Torah et de nos sages, y compris les mitsvot comme celles d’aider les pauvres, visiter les malades et les endeuillés etc… Et ceci non pas par mesure de piété, mais par obligation stricte. Ils respectaient toutes les halakhots évidentes qui sont la base de la relation entre l’homme et son prochain ! Alors comment Hachem a-t-il pu envoyer une épidémie sur 24.000 Tanaïm, lumières de la génération, quand bien même ils avaient fauté. Au point que ce décret fut tellement puissant, que le monde entier fut plongé dans l’obscurité et la destruction au niveau spirituel et que nous observons un deuil éternel de génération en génération, durant trente-trois jours du Omer, période que nous vivons en ce moment, durant laquelle il est entre autres interdit de se raser, d’écouter de la musique, etc… ?
En parallèle, il est bon de faire le lien avec notre Paracha de la semaine, où il est en effet écrit : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Rachi sur place, nous dit que Rabbi Akiva lui-même a enseigné à ce sujet, que c’est un grand principe dans toute la Torah… De plus dans le Pirké Avot (chap. 3), il rajoute que chaque homme est très précieux car il a été créé à « l’image » d’Hachem ; les Bné Israel sont encore plus précieux parce qu’ils ont reçu la Torah. Alors comment ces élèves ont-ils pu parler négativement les uns sur les autres et manquer de respect envers leurs camarades ? De ce fait, la Guemara (Nedarim) pose la question : comment applique-t-on la mitsva d’aimer son prochain comme soi-même ?
Il est possible de répondre, d’après ce qui est écrit dans Pirké Avot (chap. 2, michna 7) : « marbé torah marbé haim », lorsque tu multiplies la Torah, tu multiplies la vie. Rabbenou Yona ajoute, se plonger dans la Torah (se fatiguer dedans) allonge les jours de ta vie, nous voyons donc, un lien étroit entre le développement de la Torah et celui de la vie. Comment comprendre cette notion ? Rabbenou Yona explique, qu’un sage qui est érudit et qui ne souhaite pas que sa sagesse augmente, la michna nous annonce qu’il disparaîtra bien vite. En l’occurrence, les élèves de Rabbi Akiva voulaient que leur sagesse grandisse mais pas celle de leurs amis. C’est pour cela que la michna poursuit en disant, que celui qui utilise la Torah comme une couronne s’en ira. C’est-à-dire qu’il faut étudier la Torah avec une intention pure et non pour qu’elle nous fasse grandir et qu’elle nous octroie de la valeur. Il y a une mise en garde qui concerne ici justement l’erreur des élèves de Rabbi Akiva qui souhaitaient se distinguer de leurs camarades par un niveau plus élevé que celui des autres. Puisque la Torah est liée à l’essence de la création et à l’essence de la vie, ils ont voulu la limiter et l’empêcher de se développer chez les autres. Hachem les a, mesure pour mesure, limité dans leur vie, c’est de cela dont il est question dans le Pirké Avot et la Guemara dans Yavamot. Les élèves de Rabbi Akiva périrent pendant le Omer, qui est justement une période où nous nous préparons à recevoir la Torah à Chavouot.
Hachem a voulu, par son décret, prévenir cette génération et toutes les générations futures qu’il ne faut pas se tromper sur l’essence de la Torah, il n’y a pas de place dans la Torah pour la concurrence ou pour la jalousie, dans la mesure où la Torah est d’essence spirituelle. La Torah a été donnée à nous tous, nous étions tous présents, mais chacun a reçu un potentiel de développement bien spécifique à lui, à son essence. Pourtant c’est la même Torah, mais chacun a le pouvoir de la révéler selon sa personnalité, c’est propre à chacun, et le fait de ne pas écouter l’autre c’est la limiter, c’est renier la Torah de D, empêcher son développement et avoir un œil étroit et avare par rapport aux autres et à Hachem lui-même, surtout lorsque la faute est faite par un sage de la Torah. Il faut savoir que Chacun a un rôle précis à accomplir, un Tikoun (réparation) à faire, sans lesquels le monde n’arrivera pas à sa perfection. Le Ramban explique, que cela commence lorsqu’un homme se doit d’aimer son prochain dans tous les domaines et espérer que son ami, bien aimé de lui, reçoive tout le bien possible dans ces domaines, que ce soit l’argent, les beaux vêtement, l’honneur, l’intelligence et la sagesse. Il ne doit pas espérer que l’autre ait seulement comme lui et ne le dépasse pas dans ce qu’il possède, mais il souhaitera que son ami reçoive encore plus que lui et sans limite. En effet, lorsqu’il s’agit de notre bonheur personnel, on ne met pas de limite, et dans aucun domaine, c’est ainsi qu’il faut expliquer : « ton prochain comme toi-même ». Le Iqar Siftei Hakhahamim, enseigne que celui qui respecte les commandements relatifs aux rapports interpersonnels observera assurément les autres préceptes de la Torah, c’est un grand fondement car c’est peut-être ce qu’il manquait aux élèves de Rabbi Akiva.
A ce titre, Le Keli Yaqar rapporte au nom des sages dans la Guemara Chabbat (31a) un grand principe pour tous. Il est rapporté l’histoire de ce prosélyte qui demanda : « enseigne moi la Torah tout entière alors que je me tiens debout sur un seul pied ! » et auquel Hillel, en réponse à sa requête, enseigna le verset : tu aimeras ton prochain comme toi-même, en ajoutant : « Tout ce qui t’est détestable, ne le fais pas à ton ami ! Le reste de la Torah constitue l’explication de cette injonction, va donc l’étudier ! ». C’est aussi ce qu’affirment nos maîtres (Makot 24a), que toute la Torah est dans ce verset (Havaqouq 2,4), c’est peut-être dans ce sens que le Zohar écrit, que tous les compagnons d’études qui ne s’aiment pas les uns les autres disparaissent du monde avant leur heure. Mais ceux qui, au contraire, s’apprécient comme les élèves de Rabbi Chimone Bar Yoh’ai qui s’aimaient d’un amour profond mériteront qu’Hachem leur révèle les secrets de la Torah comme il l’a fait pour Rabbi Chimon et ses élèves. Lui, qui était un élève de Rabbi Akiva, avait compris le message de son maître et la leçon à tirer du décret des 24.000 anciens élèves. C’est grâce à cela qu’Hachem leur révéla tous les enseignements du Zohar et dont nous fêtons d’ailleurs son dévoilement le 33ème jour du Omer (lag baOmer). Il ressort que la faute des élèves de Rabbi Akiva résidait donc dans la manière dont chacun d’entre eux voyait la Torah des autres, mais la véritable erreur, comme nous l’avons précisé au nom du Siftei Hakhahamim, fut un manque de savoir-vivre ou de générosité, et donc un manque d’amour et de respect pour la Torah, qui se développait chez leurs compagnons d’étude, c’est lié. C’est pour cela que le Tana de-bé Eliyahou (chap. 28) rapporte que le Maître du monde déclara aux enfants d’Israël : « mes fils bien-aimés, je vous demande uniquement de vous aimer, de vous respecter et de vous révérer les uns les autres ».
Chabbat Shalom
*
Fin de l’article « Aimer son prochain comme soi-même Paracha Kédochim – Réouven Carceles » a été mis en ligne le 29 avril 2019 et mis à jour le 7 juillet 2020.
*
Pour retrouver tous les cours de Réouven Carceles sur notre site
Retrouvez le texte de la Paracha sur Sefarim.fr
L’mage associé à cet article (image modifiée) provient du site Pixabay avec la mention « Libre pour usage commercial Pas d’attribution requise »