Le’hem Mishné (Double pain lors du Motsi de Shabbat)
Rav David Pitoun
Le’hem Mishné (Double pain lors du Motsi de Shabbat)
Cette Halakha est dédiée à l’élévation de la Neshama du vénéré père de l’auteur Henri Ishoua PITOUN z’’l
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QUESTION
Quel est la signification du Le’hem Mishné, les 2 pains que nous prenons pour faire le Motsi à chaque repas de Shabbat ?
DÉCISION DE LA HALA’HA
Il est une obligation qui incombe chaque individu du peuple d’Israël, le jour de Shabbat, au moment de la récitation de la Bérakha de Motsi sur le pain à chaque repas, de saisir dans ses mains 2 pains entiers, en souvenir de la double ration de Mann qui descendait dans le désert à chaque veille de Shabbat, puisqu’elle ne descendait pas le jour de Shabbat.
Il faut saisir les 2 pains lors de la Bérakha, mais il faut n’en rompre qu’un seul.
Au moment de la Bérakha sur le pain, on saisie les 2 pains dans les mains, l’un sur l’autre, de sorte que l’un soit dirigé vers le bas, et l’autre dirigé vers le haut.
Il faut rompre le pain inférieur, mais selon notre maître le Rav Ovadia YOSSEF Zatsal, il est plus correct de rompre le pain supérieur
Il est permis de joindre un pain congelé à un autre pain pour Le’hem Mishné.
Si l’on a des gants, Il faut les retirer lors de la Bérakha de Motsi.
Il faut poser les 2 mains sur le pain lors de la Bérakha.
Même les jours de Yom Tov, il faut réciter Motsi sur Le’hem Mishné
Il est impératif de ne couper le pain que lorsqu’on a terminé la Bérakha, car sinon, la Bérakha n’aura pas été récitée sur Le’hem Mishné.
Les femmes sont elles aussi soumises à la Mitsva de Le’hem Mishné
Il ne faut pas placer le morceau de pain dans la main des convives, car on ne place dans la main que lorsqu’il s’agit d’un endeuillé, et il est interdit aussi de jeter le pain de Motsi.
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SOURCES ET DÉVELOPPEMENT
Il est enseigné dans la Guemara Shabbat (117b) :
Rabbi Abba dit : On est tenu de rompre (de faire Motsi) sur 2 pains pendant Shabbat, comme il est dit (au sujet de la Man qui descendait dans le désert) :
« Ramassez le pain pour 2 jours ». C’est-à-dire, 2 pains. Rav Ashé dit : J’ai observé Rav Kahana, et j’ai constaté qu’il saisissait 2 pains dans ses mains lors de la Bérakha, mais qu’il n’en rompait qu’un seul. Son argument est fondé sur le fait qu’il est écrit : « Ramassez le pain pour 2 jours », c’est-à-dire, qu’ils saisissaient uniquement le double pain dans leurs mains, mais ils ne rompaient qu’un seul pain. Rabbi Zera rompait le pain en quantité suffisante pour tout le repas. Bien qu’il ne faut pas se comporter ainsi un jour de semaine, car cela peut être qualifié de gloutonnerie, puisqu’il prend pour lui-même dés le début du repas un très gros morceau de pain, et cela peut s’assimilé à un manque de savoir vivre, malgré tout, le jour de Shabbat, nous n’agissons ainsi que dans le but de montrer de l’affection envers la Mitsva du ‘Oneg Shabbat (manger et de boire le jour de Shabbat).
Récapitulatif des avis de cette Guemara :
- Rabbi Abba : on saisit les 2 pains lors de la Bérakha et on rompt les 2 pains
- Rav Ashé : on saisit les 2 pains lors de la Bérakha, mais on en rompt qu’un seul
- Rabbi Zera (selon RASHI, et du RAMBAM chap.6 des Hal. Bera’hot) : Il ne rompait qu’un seul pain mais suffisamment gros pour lui suffire pour tout le repas
- Rabbi Zera (selon le RASHBA) : Il rompait les 2 pains.
MARAN tranche (O.H chap.274 parag.1) selon l’opinion de RASHI et du RAMBAM, qu’il faut saisir les 2 pains lors de la Bérakha, mais qu’il faut en rompre qu’un seul.
Le Mishna Beroura fait remarquer que sur ce point, l’usage le plus répandu est celui du Shoul’han Arou’h.
Mais certains A’haronim – comme le SHLA Ha-Kadosh (l’auteur du Shéné Lou’’hot HaBerit, le MAHARSHAL, ou le Gaon de VILNA – tranchent qu’il faut rompre les 2 pains.
Il est donc expliqué à partir de là qu’il est une obligation qui incombe chaque individu du peuple d’Israël, le jour de Shabbat, au moment de la récitation de la Bérakha de Motsi sur le pain lors des repas de Shabbat, de saisir dans ses mains les 2 pains, en souvenir du miracle de la Man qui descendait dans le désert.
(Il faut que les pains soient recouvertes sur le dessus par un napperon, comme nous l’avons déjà expliquéà une autre occasion, et une nappe doit également se trouvée sur la table, en dessous des pains.)
Au moment de la Bérakha sur le pain, on saisie les 2 pains dans les mains, l’un sur l’autre, de sorte que l’un soit dirigé vers le bas, et l’autre dirigé vers le haut.
Quel pain doit-on rompre ?
Dans le Beit Yossef (O.H chap.274), MARAN cite le Kol Bo :
« Certains ont l’usage de rompre le pain inférieur et non pas le pain supérieur. Nous avons l’usage de rompre le pain supérieur. »
Mais MARAN ajoute à cela : « C’est ainsi que pense également l’auteur du Hagahot Maïmoniyot (sur chap.8 des Hal.’Hamets et Matsa), mais j’ai vu personnellement des Grands romprent le pain inférieur, et j’ai entendu dire que c’est ainsi qu’il faut agir selon la Kabbala. »
C’est ainsi qu’il tranche dans le Shoul’han ‘Arou’h, qu’il faut rompre le pain inférieur.
Mais en réalité, la chose n’est pas du tout établie, car selon notre maître le ARI, il faut rompre le pain supérieur, et non l’inférieur.
C’est ainsi que tranche également le Rashba dans une réponse Hala’hic, selon qui, l’usage est de rompre le pain supérieur.
Le Ba’H (Baït ‘Hadash) fait remarquer que le fait de rompre le pain inférieur, entraîne l’interdit de repousser une Mitsva (Ein Ma’avirin ‘Al HaMitsvot), car le pain supérieur nous est plus accessible, et malgré cela, nous retardons la Mitsva de rompre le pain, jusqu’à atteindre le pain inférieur.
Par conséquent, même si chacun doit préserver son usage sur ce point, car les 2 usages sont fondés, et les uns comme les autres sont tous les Paroles d’Hashem, malgré tout, notre maître le Rav Ovadia YOSSEF Zatsal précise qu’il est plus correct de rompre le pain supérieur, pour ne pas enfreindre une loi du Talmud selon laquelle, on ne doit pas repousser une Mitsva, et cette loi prime sur un interprétation Kabbalistique.
Même si l’on ne coupe qu’un seul pain, doit-on avoir les 2 dans les mains au moment où l’on coupe ?
Selon l’auteur du Peta’h Hadevir (note 2): il faut avoir les deux pains dans les mains, lorsqu’on coupe le pain.
Selon Rabbenou Zalman : Apres la Bérakha, on pose un pain, et on coupe l’autre.
L’auteur du Kaf Ha’Haïm cite les 2 opinions, mais précise que selon notre maître le ARI zal, ainsi que selon le BEN ISH ‘HAÏ (2ème année, Parasha de Vayera note 15), il faut effectivement avoir les deux pains dans les mains, lorsqu’on coupe le pain.
Les 2 pains doivent être entiers :
Une Matsa ou un pain congelé peuvent-ils être joints à un autre pain pour la Mitsva de Le’hem Mishné ?
Selon l’auteur du Péri Hassadé (tome 2 chap.88) : Shabbat veille de Pessa’h, même une Matsa Shemoura (réservée au Seder) peut être jointe à un pain pour Le’hem Mishné.
Selon l’auteur du Shou’t Shevet Halevi (tome 6 chap.31) : un pain congelé ne peut être joint a un autre pain pour Le’hem Mishné.
Leur Ma’hloket (divergence) dépend des 2 compréhensions des propos de Rabbi Zera dans la Guemara Shabbat 117a citée plus haut.
En clair
Si l’on considère que les 2 pains doivent être coupés, les 2 doivent être mangeables ; selon cela, il est interdit de joindre une Matsa, Shabbat veille de Pessa’h, ou un pain congelé durant toute l’année, à un autre pain pour Le’hem Mishné.
Si l’on considère que seul 1 pain doit être coupé, 1 seul doit être mangeable.
Selon cela, il est permis de joindre une Matsa, Shabbat veille de Pessa’h, ou un pain congelé durant toute l’année, à un autre pain pour Le’hem Mishné.
Or, rappelons nous que selon MARAN dans le Shoul’han Arou’h , 1 seul pain doit être coupe, donc 1 seul doit être mangeable.
Il est donc permis de joindre un pain congelé à un autre pain pour Le’hem Mishné, et de même pour le fait de joindre une Matsa Shabbat veille de Pessa’h.
Ainsi tranchent :
L’auteur du Tsits Eliezer (volume 14 chap. 40), ainsi que le Min’hat Its’hak (volume 9 chap. 42).
Doit-on poser les 2 mains sur les pains pendant la Bérakha ?
MARAN écrit dans le Shoul’han Arou’h (O.H chap.167 Parag.4) qu’il faut poser les 2 mains sur le pain lors de la Bérakha, en correspondance des 10 doigts avec les 10 mots de la Bérakha de Motsi, ainsi qu’avec divers versets traitant de la Parnassa (la subsistance matérielle)
Doit-on retirer les gants lorsqu’on récite la Bérakha de Motsi ?
L’auteur du Mishna Beroura écrit (chap.167 note 23) qu’il faut les retirer.
Même les jours de Yom Tov, il faut réciter Motsi sur Le’hem Mishné, comme le tranchent le RAMBAM et MARAN dans le Shoul’han ‘Arou’h (O.H chap. 529 parag.1), et c’est ainsi que tranche également l’auteur du Mishna Beroura (sur 529 note 1)
Shabbat et Yom Tov, il est impératif de ne couper que lorsqu’on a terminé la Bérakha, car sinon, la Bérakha n’aura pas été récitée sur Le’hem Mishné (2 pains entiers).
Les femmes sont elles aussi soumises à la Mitsva de Le’hem Mishné, car elles ont également bénéficiées du Ness (miracle) de la Man. C’est pourquoi, il faut veiller à ce que les femmes s’acquittent de leur devoir par la Bérakha de Ha-Motsi prononcée par le chef de famille, car nous considérons – dans ce cas – que chaque personne présente rompt le pain avec Le’hem Mishné.
Par conséquent, Le’hate’hila (à priori), il faut veiller à ce que les femmes ne récitent pas la Bérakha de Ha-Motsi pour elles même, car elles s’acquittent de cette Bérakha par celle du chef de famille.
Le chef de famille doit ensuite distribuer le pain à chacun des convives, à partir du pain qui se trouve dans sa main.
Il ne faut pas placer le morceau de pain dans la main des convives, car on ne place dans la main que lorsqu’il s’agit d’un endeuillé, et il est interdit aussi de jeter le pain de Motsi.
Si les convives ont bavardé avant de goûter le morceau de pain du chef de famille, ils doivent – dans ce cas – réciter de nouveau la Bérakha de Ha-Motsi sur un double pain (2 pains).
Rédigé et adapté par R. David A. PITOUN France 5769 [email protected] (à partir des écrits du Gaon Rabbi Ya’akov SASSON shalita)
[D1]RaSHI Rabbi Shelomo ITS’HAKI France 11ème siècle
[D2]RaMBaM ou Maïmonide Rabbi Moshé Ben Maïmon Espagne – Egypte 12ème siècle
[D3]RaSHBA Rabbenou Shlomo Ben Aderet Espagne 13ème siècle
[D4]Maran ou « Notre maître » en araméen. Rabbi Yossef KARO, 16ème siècle, Espagne – Israël, l’auteur du Beit Yossef et du Shoul’han Arou’h
[D5]Mishna Beroura Rabbi Israël Meïr HaCohen de Radin, le « ‘Hafets ’Haïm », Russie 20ème siècle, également auteur de ‘HAFETS ‘HAÏM, et de SHMIRAT HALASHON entre autres.
[D6]SHené Lou’hot Habérit ou Shl’a Hakadosh (Rabbi Yesha’ya Halevi HOROVITS Pologne – Israël 16ème siècle)
[D7]RaSHaL ou MaHaRSHaL, Rabbenou SHlomo Louria Pologne 16ème siècle
[D8]GARA le Gaon Rabbi Eliyahou HaCohen de Vilna Lituanie 18ème siècle
[D9]Kol Bo Auteur inconnu, probablement élève du Or’hot ‘Haïm – 13ème siècle
[D10]ARI zal Rabbi Its’hak LOURIA AHKENAZI, Israël 16ème siècle, principal commentateur mystique de la Torah
[D11]Ba’h (Baït ‘Hadash) Rabbi Yoël SIRKISS Pologne 16ème siècle
[D12]Peta’h Hadevir Rabbi ‘HaIm Pontrimoli Turquie 19ème siècle
[D13] Rabbenou Shneour Zalman Rabbi Shneour Zalman de Lyadie. Grand décisionnaire de la Hala’ha et auteur du Tanya, ainsi que d’un livre intitulé « Shoul’han ‘Arou’h de Rabbi Zalman ». Russie 19ème siècle
[D14]Kaf Ha’haïm Rabbi Yaakov ‘Haïm SOFER Irak Israël 20ème siècle
[D15]Ben Ish ‘Haï Rabbi Yossef ‘HAÏM Irak 19ème siècle Auteur de nombreux ouvrages, dont Shou’t Rav Pe’alim, ‘Od Yossef ‘haï et d’autres…
[D16]Peri Hasadé Rabbi Eli’ezer ‘Haïm DEITSH Europe de l’Est 20ème siècle
[D17]Rabbi Shemouel HaLevi WOZNER Rav de Zi’hron Meïr (Israël) et auteur du Shevet Halevi. Il est l’un des plus important Poskim de notre temps.
[D18]Tsits Eli’ezer Rabbi Eli’ezer Yehouda WALLDINBERG z.ts.l Un des plus grands décisionnaires de notre temps. Décédé en 2006 à Jérusalem. Auteur du livre Shou’t Tsits Eli’ezer.
[D19]Rabbi Its’hak Ya’akov WEISS Grand Rabbin Ashkenazi de Jérusalme, et l’un des plus importants décisionnaires de notre temps. Auteur du Shou’t Min’hat Its’haK. Il est décédé, il y a quelques années.
Article de l’auteur, Rav David Pitoun, initialement publié sur son blog http://ravdavidpitoun.blogspot.com/