Hilkhot Shabbath – Cours N°29 – 19 avril 2015
Rav M. Saksik
Bishoul Cuire – Cours N° 4
Cours enregistré pour le site Jardindelatorah.
Le cours a lieu dans les locaux de l’institution « Od Avinou Hay » que nous remercions.
Cours d’une heure et quart environ. Le cours est assuré via le système Webex quipermet une très bonne qualité de son.
Contenu du cours : Le cours audio est bien plus complet que le résumé. Le résumé ne dispense donc pas d’écouter le cours et les arguments développés.
Introduction et rappels sur la Mélakha de Bishoul
Mélakha complexe mais essentielle du shabbat, nous sommes confrontés régulièrement à cette Mélakha (travail interdit pendant Shabbath).
Source : vient du Michkan où on faisait des couleurs en faisant cuire des graines dans une marmite sur le feu -> permet d’obtenir de la peinture.
Action : prendre quelque chose qui est dans un certain état et de transformer cet état. Transformation d’une chose par l’intermédiaire du feu = Bishoul.
Il existe plusieurs forme de cuisson : cuire avec de l’eau bouillante (Bishoul), cuire au four (Afia), griller à la broche (Tslia), frire (Tigoun). Le point commun de toute forme de Cuisson, que ce soit par l’intermédiaire du feu, de l’eau, c’est de transformer quelque chose par une source de chaleur.
Phrase clé qui concentre tout le principe du Bishoul (définition de la Mélakha):
- Changer l’état d’un aliment ou d’un objet par l’intermédiaire d’une source de chaleur. Phrase clé qui va être étudiée et développée tout au long des cours.
Deux points importants à développer pour comprendre cette notion :
- Le changement d’état
- La question de la source de chaleur.
Le changement d’état se définit par : durcir une substance mole ou ramollir un élément dur par l’intermédiaire du feu.
L’étape pour allumer le feu n’entre pas dans la Melakha de Bichoul, c’est une autre Melakha (Mav’ir); il ne faut pas confondre ces deux Mélakhot.
L’action de poser, d’approcher quelque chose de cette source de chaleur, là c’est l’action de Bichoul. Si je pose une casserole avec des aliments crus sur une source de chaleur quelques minutes avant Shabbath je n’ai pas transgressé la Mélakha car je l’ai fait avant Shabbath.
Pour qu’il y ait la Mélakha de Bishoul il faut :
- L’acte de rapprocher d’une source de chaleur
- Le changement d’état (ramollir ou durcir selon les cas) et c’est à ce moment que la Mélakha est faite
Dès que l’aliment est posé sur la flamme l’action de la Melakha n’est pas immédiate, la Melakha n’est pas directe mais l’action est directe, ça ne rentre pas dans le cadre de Grama (causer, action indirecte, la Torah n’interdisant pas de faire un acte de Grama, ça ne rentre pas dans les Melakhot de Shabbat). Comme cuire prend toujours du temps, même si je ne suis pas encore arrivé au stade de Bishoul, j’ai tout de même fait une action directe et non indirecte [il faut poser sur la source de chaleur et que temps nécessaire à la cuisson se soit écoulé, si on enlève avant on n’a pas transgressé la Mélakha de Bishoul]..
Au-delà de l’action il faut un certain chiour (une mesure, une quantité) pour transgresser pleinement la Mélakha, par exemple pour les aliments il faut une quantité de 18 grammes. Si le Chiour n’est pas atteint c’est tout de même interdit.
Rappelons la définition : changer l’état d’un objet ou un aliment par l’intermédiaire d’une source de chaleur
A) Changement d’Etat condition de la melakha de Bichoul
Si j’approche un morceau de cire d’une flamme, celle-ci va fondre et il y a aura transformation (cire fondue), et je transgresse la Mélakha de Bishoul
Si on pose un morceau de viande dans une marmite d’eau sur le feu, elle va se ramollir, donc c’est un exemple de Melaka de Bishoul ou a contrario le pain qui durcit en cuisant, c’est Bishoul. C’est un changement, transformation de statut -> Melakha de Bichoul
Si mon aliment est mangeable cru : il rentre dans la Melakha de Bichoul, du fait du changement de l’état pour le cas des aliments qui peuvent se manger crus ou cuits (par exemple faire une compote) et c’est interdit par la Torah. Mais si c’est quelque chose d’anormal de le manger cuit, on ne rentre pas dans la Melakha de Bichoul, cela sera un interdit des Hakhamims.
L’eau ou un liquide : plus complexe, mais dans la Guemara il est clair que quelqu’un qui fait bouillir de l’eau le jour du Shabbat transgresse l’interdit de Bichoul, en effet il y a une différence entre l’eau bouillie et non bouillie (transformation, même si on n’a pas ramolli un aliment ou durci un aliment; l’eau qui a déjà bouilli n’a pas les mêmes caractéristiques que l’eau qui n’a pas bouilli et va re-bouillir plus rapidement). Il y a eu un changement d’état.
B) Quel est le laps de temps nécessaire au changement d’Etat ?
Cette Mélakha a la particularité de nécessiter un laps de temps pour transgresser l’interdit de Bishoul. Par exemple si je mets une pomme de terre à cuire, elle ne cuit pas tout de suite. Quel est le laps de temps pour considérer comme « cuit » ?
1) Les aliments solides
Principe de la Guemara « Maakhal ben Déroussay »: Aliment qui a déjà (suffisamment) commencé à être transformé bien que non transformé entièrement, marque la transgression du Bishoul à partir de ce niveau de cuisson. (Ben Déroussay est le nom d’un brigand qui était « pressé » et consommait à partir de ce niveau de cuisson). Il y a une discussion entre les décisionnaires médiévaux (Rishonim) pour savoir quel est ce niveau de cuisson : certains disent la moitié de la cuisson et d’autres disent le tiers de la cuisson. Nous irons selon l’avis le plus strict car il s’agit d’un interdit de la Torah. Le temps nécessaire pour être considéré comme cuit est donc d’un tiers du temps de la cuisson totale de l’aliment (c’est le temps de Maakhal Ben Déroussay), donc si on enlève l’aliment du feu avant (ce tiers de temps) nous n’aurons pas transgressé l’interdit de Bishoul.
[??] Toute action faite (accélérer, couvrir, remuer) lorsque l’aliment n’est pas arrivé à la totalité de sa cuisson forme un interdit de Bishoul -> donc si on termine pendant Shabbat la cuisson des 2/3 est un interdit de Bishoul.
2) Le pain
Le temps nécessaire pour être considéré comme cuit : La Michna nous dit qu’il faut que le pain commence à avoir une croûte (correspond au tiers de la cuisson pour un aliment solide) pour transgresser la Mélakha de Bishoul. Si la croute se forme, même si l’intérieur du pain n’est pas encore bien cuit, on est dans la Mélakha de Bishoul (équivalent à Maakhal Ben Déroussay de la cuisson).
3) Les liquides
Pour les liquides il y a un autre critère, la Guemara nous dit « Yad Soledet bo » (la main ne supporte pas à l’intérieur) à ce moment-là, si la main ne supporte pas il y a transgression de l’interdit de Bichoul. Si l’eau posée sur le feu atteint cette température de Yad Soledet Bo, j’ai transgressé la Mélakha de Bishoul si elle n’a pas atteint ce niveau de chaleur, je n’ai pas encore transgressé. Il y a une difficulté à définir ce degré de chaleur, Ca va dépendre de chaque personne. La Guemara donne une seconde image pour définir cette température, en la mesurant sur le fait que la chaleur brûle le ventre d’un nourrisson (image théorique bien entendu). Les Poskim indiquent qu’il s’agit de 65°. Un second avis indique que si je peux boire ou manger normalement un aliment, il n’a pas atteint la température de « Yad Solédet Bo »; si je ne peux pas boire un liquide ou manger un aliment, de manière normale, du fait de sa chaleur, alors le niveau de chaleur « Yad Soledet Bo » est dépassé, ce niveau de température est évalué à 45°.
Nous avons donc deux avis pour évaluer ce niveau de chaleur « Yad Soledet Bo ». Comme nous avons un doute sur un interdit de la Torah, nous devrons aller selon l’avis le plus strict selon les circonstances.
On va prendre l’avis le plus strict, mais cela dépendra du cas, la température de 45° est la température retenue pour qu’il y ait Bichoul si l’on souhaite chauffer. Inversement lorsque cette eau est déjà chaude et je souhaite la remettre sur la feu (la plaque électrique) on ne la remettra pas l’objet si cette eau a température inférieure à 65°. Toujours se conformer à l’avis le plus strict pour un interdit de la Torah.
C) Analyse des cas selon les différents niveaux de cuisson
Si je mets un aliment à cuire mais je l’ôte avant le tiers de la cuisson, je ne transgresse pas Bishoul. Pour de l’eau, si je pose de l’eau tiède sur le feu et que je l’ôte avant qu’elle atteigne 45°, je n’ai pas transgressé Bishoul. Par exemple si je mets de l’eau tiède sur la plaque elecrique et je l’enlève avant qu’elle n’atteigne 45°, je n’ai pas transgressé la Mélakha de Bishoul. Cependant les Hakhamim ont interdit de mettre de l’eau directement sur la plaque électrique de peur qu’on oublie cette eau (et elle atteindrait 45°).
De même pour un aliment solide, si je le cuis au quart pendant Shabbath et je l’ôte du feu, je n’ai pas transgressé la Mélakha de Bishoul (pas arrivé au tiers).
Si j’ai un aliment déjà cuit au tiers (Maakhal ben Déroussay) avant Shabbath et que je le pose sur la plaque je transgresse malgré tout la Mélakha de Bishoul, tant que l’aliment n’est pas arrivé à la totalité de la cuisson (Kol Tsorko).
Si j’ai une marmite avec un aliment totalement cru, ai-je le droit de le poser sur la plaque électrique quelques minutes avant Shabbath ? Oui c’est permis, cela n’entre pas dans le cas de la Mélakha. Cependant on a : un plat non cuit totalement qui est sur la plaque, dont j’ôte le couvercle afin de voir si la cuisson se déroule normalement, le fait de remettre le couvercle accélère la cuisson de ce fait on ne peut pas remettre le couvercle (tant que la cuisson n’est pas terminée). De même, un plat non cuit totalement qui est sur la plaque et que je remue, alors j’accélère la cuisson (un aliment en surface va aller au fond et va cuire mieux et plus vite) et ainsi je transgresse la Mélakha de Bishoul. Ce cas s’appelle en hébreu « Méguiss »
D’ailleurs le simple fait de bouger la marmite vers une flamme plus puissante (bouger en glissant) rentre aussi dans la Melakha de Bichoul. Tant que mon aliment n’est pas totalement cuit, toute action faite pour accélérer la cuisson rentre dans la Melakha de Bichoul.
- Supposons un aliment arrivé à la moitié de sa cuisson :
Si on augmente une flamme sous une marmite pendant Shabbat on transgresse deux interdits, celui de cuire (Bishoul) et celui de consumer (Mav’ir). Les deux Mélakhoth sont indépendantes l’une de l’autre.
D) Cas des aliments déjà complètement cuits
- Tous ces stades évoqués rentrent dans la transformation, qu’en est-il pour l’aliment déjà cuit totalement ?
L’intérêt étant de le réchauffer, réchauffer ne rentre pas dans la transformation, donc ce n’est pas une Melakha. Ein Bichoul ahar Bichoul, il n’y a pas de cuisson après une cuisson. De passer de l’état de froid à chaud n’entre pas dans le fait de transformer, n’entre pas dans la cadre de Bishoul.
C’est le Michkan et sa construction qui viennent définir les interdits. C’est le point de repère de la Melakha de Bichoul. Réchauffer un aliment froid cuit, ou un aliment chaud et cuit que l’on fait mijoter, n’entre pas dans la Melakha de bichoul, il n’y a pas de transformation de l’état de l’aliment (ça ne ressemble pas du tout à la cuisson dans le Mishkan). Pour un aliment totalement cuit, il n’y a pas le problème de remettre le couvercle ou de remuer. Cela peut être problématique dans certains cas, mais du fait d’autres problèmes que la Mélakha de Bishoul, qui seront évoqués plus tard.
- Cas des croûtons
EX : une marmite de soupe cuite sur le feu, à température élevée, on y fait tremper des croûtons, est ce autorisé ?
On rappelle qu’il y a plusieurs modes de cuisson, cuire avec de l’eau bouillie (bichoul), griller, enfourner, frire.
Le fait de ramollir le croûton (qui est déjà cuit) n’est pas une vraie transformation, mais le fait de changer de mode de cuisson (le croûton a été obtenu après un passage au four, là en le trempant dans de la soupe on change de mode de cuisson); le fait de changer de mode de cuisson s’appelle-t-il transformation ou pas ? Cette question fait l’objet de discussions entre Richonim (décisionnaires médiévaux). Changer de mode de cuisson pose problème pour certains Richonims. C’est un grand débat. On s’appuie sur le fait que manger de la Matsa cuite à Pessah (c’est à dire cuite dans de l’eau après avoir été enfournée) ne nous acquitte pas de la mitsva; ce cas est une preuve pour les Richonim qui disent que le changement de mode de cuisson s’appelle une transformation. Les autres Richonim considèrent que le cas rapporté est spécifique à Pessa’h (car il est écrit וַיֹּאפוּ « Vayofou », les Matsot doivent être cuites exclusivement au four )
Ce cas est une différence entre les Séfaradims et Achkénazimes:
- Rabbi Yossef Caro [Rav des Séfaradim] dans le Shoulhan Aroukh il n’y a pas transformation du fait de tremper les croûtons dans une marmite,
- Pour le Rama [Rav des Ashkénazim], il y a transformation.
- Les Sépharadims pourront donc manger des croûtons mis dans une marmite, à contrario les Ashkenazim n’auront pas le droit car cela rentrera dans la Mélakha de bichoul.
A venir, réchauffer un liquide qui a refroidi…
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