Lois de Chabbath : Cuire
Cours hebdomadaire du Rishon Letsione Marane Rav Itshak Yossef Shalita du 13 Octobre2018
Lois de Chabbat : cuire
L’interdit de la Torah ; Le dérivé du feu ; verser de l’eau bouillante sur un aliment non cuit ;
Comment faire lorsque la Dafina brûle ?
Rédaction réalisée par le Rav Yoël Hattab – Correction par Mr Eliahou Arki
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Chiour hebdomadaire (13 Octobre 2018) de Maran Harishon Létsion Hagaon Hagadol Rabbénou Itshak Yossef Chlita
Sommaire :
- Cours de Rav Itshak Yossef sur les lois Chabbat: cuire
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Lois de Chabbat
Les 39 travaux interdits le Chabbat sont rapportés dans le traité Chabbat (73a) de la Mishna. L’un des travaux les plus marqués par la Halakha est celui de l’interdit de « cuire ».
Tout d’abord, il faut savoir qu’on apprend les interdits de Chabbat du Mishkane. En effet, la Torah juxtapose les travaux du Mishkane avec le Chabbat, pour nous apprendre que chacun des travaux du Mishkane est interdit durant Chabbat.
Il est écrit dans la Torah (Chemot 26, 14) : « des peaux de béliers teintes en rouge » devant servir en tant que couverture au Ohel dans le Temple. De quelle manière ces peaux deviennent-elles rouges ? Existent-ils des peaux de béliers rouges ? Il est bien évident que non. Ils faisaient pousser certaines fleurs rouges qu’ils faisaient cuire pour extraire un pigment rouge qui servait à teindre les peaux.
Donc, l’un des travaux au Mishkane était bien le travail de cuisson. Il est donc interdit de cuire durant Chabbat.
La cuisson : un interdit de la Torah,
Tout le monde est d’accord sur le fait que cuire est un interdit de la Torah. Le cas le plus classique de cet interdit est de prendre un aliment non cuit et de le mettre à cuire sur le feu.
Le dérivé du feu : un interdit de la Torah selon le Talmud Bavli
Mais il faut savoir que l’interdit de la Torah ne se résume pas à ce cas standard. En effet, le fait de prendre une casserole vide et de la mettre sur le feu, jusqu’à qu’elle devienne brulante. Pour ensuite la retirer du feu et y mettre de l’huile (par exemple), c’est un interdit de la Torah. Et ce, même si la marmite n’est plus sur le feu. Ce procédé est plus communément appelé « Tolédoth Haour » c’est-à-dire le dérivé du feu.
Une preuve. [Comme nous le savons, toucher une voiture n’est pas interdit pendant Chabbat (uniquement si cela ne déclenche pas une alarme), car l’interdit de Mouksé ne se porte que dans le cas où la personne déplace un objet Mouksé. Dans le cas où l’ustensile n’est pas déplacé, c’est permis. Dans le cas d’une voiture, même si les amortisseurs font que la voiture s’abaisse, ce ne sera pas considérer comme Mouksé, tant que la voiture ne se déplace pas] Si une personne pose un œuf cru sur le capot d’une voiture (propre bien sûr) pour le cuire, grâce à la chaleur du métal par la réverbération du soleil, cela sera interdit d’ordre rabbinique durant Chabbat.
La Guemara nous apprend une règle importante : nos Sages interdirent la cuisson même par un dérivé du soleil (Toldot ‘hama, dans notre cas c’est la réverbération du soleil sur le métal de la voiture), de peur qu’on en arrive à cuire sur le feu.
Le fait que nos Sages décrétèrent l’interdiction de Toldot ‘hama, nous apprend que l’interdit de Toldot Haour (dérivé du feu) est un interdit de la Torah,car nos Sages n’auraient pas décrété une Halakha sur un autre décret rabbinique ? C’est donc que l’interdiction de cuire par un dérivé du feu est aussi un interdit de la Torah.
La Guemara dans le traité Chabbat (39a) nous apprend elle aussi que cuire par le dérivé du feu est un interdit de la Torah.
Une autre preuve. Il est rapporté dans la Guemara du traité Chabbat (40b), qu’une personne qui cuit en utilisant les eaux chaudes de Tibériade, sera Patour (au temps du Bet Hamikdash : exempté de rapporté un sacrifice ‘Hatath), car la chaleur provient du souffre, mais ce procéder est malgré tout défendu (voir Mishna Beroura Siman 318 alinéa 20). On en déduit qu’une personne est Patour uniquement dans le cas d’une cuisson par les eaux chaudes de Tibériade, mais si elle cuit, même par le dérivé du feu, ce sera interdit de la Torah.
Il existe une Mishna, dans le traité Chabbat (38b) venant nous apprendre qu’il est défendu de mettre un œuf cru près du feu, afin qu’il cuise. La Guemara demande « qu’en est-il si la personne à procédé de la sorte ? » la Guemara répond au nom de Rav Yossef qu’il s’agit là d’un interdit de la Torah. Fin de citation. Pourtant, même s’il s’agit d’un dérivé du feu (car l’œuf ne se trouve pas directement sur le feu), ce sera interdit de la Torah. (Nous verrons dans le prochain paragraphe l’avis du Yérouchalmi sur cette Mishna)
Le dérivé du feu : un interdit d’ordre rabbinique selon le Talmud Yérouchalmi.
Cependant, le Ran (42a), le Rashba, le Rambane, et le Ritva, rapportent (sans être d’accord) le Talmud Yérouchalmi, disant que l’interdit de cuire est uniquement lorsque l’aliment est sur le feu. S’il n’y a pas de feu en dessous, la cuisson sera interdite d’ordre rabbinique.
Il est intéressant de préciser que les Mishnayoth rapportées par le Talumd Bavli sont aussi rapportées dans le Talmud Yerouchalmi. Donc la Mishna enseignée dans le paragraphe précédent (en ce qui concerne l’œuf), est aussi rapportée dans le Yérouchalmi, mais il reste sur sa position : il s’agira d’un interdit d’ordre rabbinique, tant que l’aliment n’est pas sur le feu.
Comment tenir la Halakha ?
Dans une telle situation, où le Talmud Bavli est en désaccord avec le Talmud Yérouchalmi, nous avons une règle importante : la Halakha suivra l’avis du Talmud Bavli. Il sera donc, interdit de la Torah, de cuire par un dérivé du feu (même si l’aliment n’est pas sur le feu).
Verser de l’eau bouillante
C’est pour cette même raison, qu’il sera défendu de verser de l’eau bouillante sur un œuf cru, car l’œuf cuit Kédé Klipa, c’est-à-dire la couche extérieure (le blanc). Ainsi que nous l’enseigne la Guemara dans le traité Pessahim[1], le fait de verser une eau bouillante sur un aliment, cela le cuit Kédé Klipa.
Mais pas seulement un œuf. Le Choulhan Aroukh[2] nous enseigne qu’une personne qui verse de l’eau bouillante sur des épices (non cuites) transgresse l’interdit de la Torah de cuire.
Les épices différentes du café
Maran Harav Ovadia Zatsal rapporte dans son responsa Yehavei Daat l’avis du Ginat Vradim, du Chém ‘Hadash et de Rabbi Yossef Haïm Sithone, selon lequel il est permis de verser de l’eau chaude provenant d’un Kli Rishone (premier ustensile : celui qui a cuit l’eau) sur du Café pendant Chabbat. Nous le savons, le café a déjà passé un processus de cuisson, que ce soit en le grillant, comme le café noir (Turque), ou bien cuit[3]. Et c’est ainsi que Maran Harav Zatsal tient la Halakha.
Mais le Gaon Harav Messass Zatsal contredit cet avis. Il rapporte une preuve du Choulhan Aroukh en ce qui concerne les épices : il est interdit de verser dessus de l’eau bouillante.
Il y a 30 ans, nous avons répondu[4] à son interrogation : le Choulhan Aroukh parle évidemment d’épice qui n’a pas passé un processus de cuisson. Ce qui n’est pas le cas du Café.
Conclusion : un aliment qui n’est pas cuit totalement, il nous sera défendu de finir sa cuisson, même par un dérivé du feu, ainsi qu’en versant de l’eau bouillante sur l’aliment en question.
Y a-t-il un avis contraire suite à ce développement ?
Nous venons de dire qu’il est défendu de verser de l’eau bouillante, d’un Kli Rishone sur un aliment pas totalement cuit. Tel est l’avis du Rosh, de Rabbénou Tam, du Ri, et du Rav Hamaguid au nom du Rambam. Le Beth Yossef trancha cette manière, et nous tenons la Halakha selon cet avis, comme nous pouvons le voir dans le Choulhan Aroukh[5].
Mais il faut savoir que certains pensent autrement. Les Tossafot pensent que le fait de verser d’un Kli Rishone, l’eau ne gardera pas le statut de Kli Rishone (lequel a le statut de l’ustensile qui cuit, donc interdit), mais sera considérer comme un Kli Chéni[6] (voir note 5). Tel est l’avis du Rif, de Rachi, du Rambane, du Rashba et du Rachbam : le fait de verser de l’eau d’un Kli rishone ne cuit pas l’aliment, plus communément appelé Irouy éno mévachél.
Qu’apprenons-nous de cette discussion ?
Introduisons. Il est rapporté dans plusieurs Guemarot, dans le traité Houline[7], le traité Guittine[8], le traité Chabbat[9], que c’est uniquement le fait de faire un travail durant Chabbat qui est interdit de la Torah, mais le fait de profiter de l’interdit réalisé est d’ordre rabbinique : Hi kodesh vééne Ma’asséa Kodesh.
Sur ce, le Choulhan Aroukh tranche la Halakha que lorsqu’une personne cuit un aliment pendant Chabbat, il sera interdit à la consommation durant Chabbat : Si cela est fait volontairement, il sera définitivement interdit au cuisinier d’en consommer, mais à la sortie de Chabbat il sera permis pour les autres. Et si la transgression est involontairement, le plat sera permis pour tout le monde, même au cuisinier, à la sortie de Chabbat.
Mais le Mishna Beroura[10] rapporte l’avis du Pri Mégadim, nous apprenant que si l’interdit réalisé durant Chabbat, est un interdit se révélant être au cœur d’une discussion Halakhique (permis ou interdit), même si la Halakha tient qu’il est défendu de le réaliser durant Chabbat, dans le cas où cela a été fait, on autorisera d’en profiter même durant Chabbat.
En effet, comme nous l’avons spécifié, l’interdit de profiter d’un interdit réalisé Chabbat, est d’ordre rabbinique. Lorsque nous avons en face un cas sur lequel il y a une discussion Halakhique, on la considérera, Bédiavad comme étant une loi Rabbinique. Ce sera donc : Safék DéRabbanane Lakoula. On autorisera d’en profiter durant Chabbat.
Dans notre cas, le fait de verser de l’eau bouillante sur l’aliment en question est au cœur d’une discussion[11]. Même si nous tenons la Halakha, que cela est défendu, dans le cas où cela a été fait, Bédiavad, on pourra consommer l’aliment en question durant Chabbat.
L’avis du Mishna Beroura
Cette généralité, c’est bien le Mishna Beroura qui la rapporte. Cependant, l’avis du Mishna Beroura parait être contradictoire. En effet, Mishna Beroura nous apprend qu’un aliment sera interdit à la consommation durant Chabbat si on a versé dessus de l’eau bouillante durant Chabbat ! Pourtant, la règle est claire : en cas de discussion sur une loi, il sera permis d’en profiter Chabbat si cela a été fait, même si nous tenons la Halakha comme l’avis strict[12] !
Heureux soit celui qui trouvera une réponse à cette contradiction.
La Dafina brûle !
Donc, comme nous l’avons précisé, nous tenons la Halakha que le fait de verser de l’eau bouillante sur un aliment qui n’est pas cuit est un interdit de la Torah.
Il est intéressant de s’attarder sur un cas bien précis qui arrive certaines fois. Si le Chabbat matin, la personne se lève et se rend compte que la dafina va brûler, car il manque de l’eau, pouvons-nous verser d’un Koumkoum d’eau dans la marmite ?
Le Rane rapporte au nom de Rabbénou Yona, ainsi que le Nemoukei Yossef[13] : certains trébuchent dans la faute, sur le fait de verser de l’eau chaude dans la Dafina le Chabbat. Fin de citation[14].
Rabbénou Yona rapporte deux raisons pour expliquer la problématique :
1ère raison : c’est possible que l’une des deux substances (l’eau ou la Dafina) ne soit pas à une température de Yad Solédéth bo[15]. Donc, en versant l’eau, l’une des deux substances va cuire.
De cette première raison, nous pouvons logiquement nous dire que la problématique est dans le cas où l’une des substances (l’eau par exemple) est tiède. Mais dans le cas où les deux sont à une température élevée, il n’y aurait pas de problème de verser.
2ème raison : même si les deux substances sont bouillantes, à une température supérieure à Yad Solédeth bo, l’eau va se refroidir lorsqu’elle va s’écouler, et va à nouveau cuire arrivant dans la Dafina. En effet, on pourra considérer le fait de verser comme étant un Kli Chéni, qui va se retrouver à nouveau dans un Kli Richone (la marmite de Dafina). Tel est l’avis du Yerouchalmi : Irouy aré hou Kli Chéni, le fait de verser, rend l’eau sous le statut de Kli chéni.
Selon cette seconde raison, même dans le cas où l’eau qui se trouve dans le Koumkoum est très chaude, l’interdit restera.
Le Beth Yossef
Quelqu’un écrivit un livre dans lequel il enseigne que le Beth Yossef rapporte uniquement le premier avis rapporté par Rabbénou Yona. Selon cela, il pense que l’interdit de verser d’un Koumkoum dans la marmite d’une Dafina, n’est que dans le cas où l’une des deux substances est tiède. Mais dans le cas où les deux substances sont chaudes, il n’y a pas d’interdit de cuisson.
Mais celui qui lit attentivement les termes du Beth Yossef, certes abrégé, mais comprend bien que Rabbi Yossef Karo rapporta les deux raisons de Rabbénou Yona.
En voici les termes : (1ère raison) c’est possible que l’une des deux substances (l’eau ou la Dafina) ne soit pas à une température de Yad Solédéth bo. Donc, en versant l’eau, l’une des deux substances va cuire, et par cela la personne va transgresser l’interdit de cuire. (2ème raison) Et même si les deux substances sont bouillantes, si sa température se refroidit, la personne transgresse aussi l’interdit de Bichoul. Fin de citation[16].
Le Beth Yossef rapporte bien les deux raisons, desquelles nous apprenons que même si les deux substances sont bouillantes, lors de l’écoulement l’eau va refroidir et va cuire à nouveau en arrivant dans la marmite.
De plus, ce Rav questionne sur l’interdit lui-même : Lorsque l’eau va s’écouler, peut être que la température va descendre, mais elle ne descendra pas moins que Yad Solédéth Bo[17] . Alors pourquoi est-ce un problème de verser ? De plus, pourquoi devrions-nous différencier entre un Kli Rischone (qui lui va cuire l’aliment) et un Kli Chéni[18] (qui lui va refroidir)[19] ? Nous pouvons remarquer que la substance se trouvant dans un Kli Richone va être (par exemple) de 90° et en arrivant dans le Kli Chéni, elle va descendre à 70°, donc plus que Yad Soledeth Bo ?
Sur toutes ces interrogations, ce même Rav conclut en disant que l’interdit rapporté par Rabbénou Yona est uniquement dans le cas où les deux substances sont à une température exacte de Yad Solédeth Bo. Ainsi, lors de l’écoulement, l’eau va être à une température inférieure à Yad Solédéth Bo et va cuire à nouveau. Mais dans le cas où les deux substances sont assez chaudes, il n’y a pas d’interdit de verser l’eau dans la Dafina !
Comment peut-il avoir de telles conclusions hâtives sur des Rishonims ?! Et selon cela autoriser ?! De plus, pourquoi s’interroger pour savoir sil’eau est assez chaude, pour ne pas descendre pas moins que Yad Solédéth même après s’être écoulé. En quoi cela nous intéresse ? Le fait est, que selon le Yerouchalmie, le Irouy (verser) prend le statut de Kli Chéni et donc, l’eau va continuer à cuire en arrivant dans un nouveau Kli Richone (la marmite de Dafina) !
Lettre d’approbation de Maran Harav Zatsal
Maran Harav Zatsal donna une lettre d’approbation à ce livre. Mais voyons la grandeur d’humilité que Maran Harav avait. Il écrivit dans sa lettre que cet apprentissage n’était pas si clair que ça, etc. Il essaya de lui expliquer de manière douce et avec beaucoup d’honneur, car les paroles de nos sages sont écoutées lorsqu’elles sont dites avec douceurs[20]. Si ce Rav m’avait demandé à moi une lettre d’approbation, je lui aurai dit de manière assez dure que cet enseignement n’était pas selon la Halakha !
Différence entre Kli Richone et Kli Chéni
Et pour répondre à son interrogation en ce qui concerne le fait que la température n’est pas si différente entre Kli Richone et Kli chéni, c’est un Tossfot explicite dans le traité Chabbat : les parois du Kli Richione restent chaudes étant donné que c’est avec cet ustensile que l’aliment cuit sur le feu. C’est pour cela que cet ustensile cuit. D’ailleurs, c’est pour cela aussi qu’il est défendu de mettre un aliment non cuit dans une marmite chaude qui était au préalable sur le feu. Alors que les parois du Kli chéni sont froides et ne font que refroidir l’aliment qui s’y trouve[21].
Donc, à partir du moment où l’aliment sort du Kli Richone, sa température descend d’un niveau. C’est pour cela que lorsque l’on verse de l’eau dans une marmite, elle aura pris le statut de Kli Chéni et sa température descend. Au point, où selon le Rashbam, le Rif, Rachi, et le Erekh Hachoulhan Taïeb, lorsque l’on verse de l’eau sur un aliment, elle ne cuit pas l’aliment en question : Irouy lo mévachél (pour ce qui est de la Halakha sur ce dernier point, on a dit plus haut que durant Chabbat, il est défendu de verser de l’eau sur un aliment non cuit, car l’aliment cuit Kédé klipa, la couche extérieure).
Kalé Habichoul, aliment facile à cuire
Il est tout de même important de souligner que certains aliments sont considérés comme Kalé Habichoul et cuisent aussi en se trouvant dans un Kli chéni. En effet, comme nous l’avons spécifié plus haut, l’œuf cru est dans cette catégorie d’aliment.
On est aussi plus strict en ce qui concerne les sachets de thé, qui sont considérés comme Kalé Habichoul, et donc on sera plus pointilleux et on ne mettra pas de sachets de Thé dans un verre dans lequel on a versé l’eau du Koumkoum[22].
Conclusion : Il interdit de verser de l’eau chaude, même bouillante d’un Koumkoum dans une marmite.
Chaque question a une réponse, il faut juste vérifier dans les Rishonim, comment cela est expliqué. On ne peut pas se tenir sur nos propres interrogations pour conclure une Halakha.
L’avis du Le Rav Messass
Le Gaon Harav Messass Zatsal, autorise quant à lui par rapport à un autre point. Le Choulhan Aroukh[23] nous enseigne que ceux qui ont l’habitude de préparer de l’eau chaude avant Chabbat, en la gardant d’une manière à ce que l’eau reste chaude[24], et versent cette eau durant Chabbat dans leur marmite de Dafina, il faut les empêcher de faire cela (car c’est interdit). Fin de citation.
Selon le Rav Messass, le Choulhan Aroukh parle d’un « thermos », donc la chaleur n’est pas assez chaude. Donc, ce n’est que dans le cas où l’on verse de l’eau tiède dans une marmite de Dafina que cela est interdit, car l’eau va cuire à nouveau. Mais dans le cas où l’eau aussi se trouve sur le feu et donc, a une température assez haute, c’est permis de verser.
Mais on ne peut pas expliquer le Choulhan Aroukh de cette manière, car nous l’avons bien spécifié plus haut : le Beth Yossef rapporte deux raisons à l’interdit, et l’une d’entre elles est que même dans le cas où les deux substances sont chaudes c’est interdit. Donc, voilà une preuve assez explicite, que le Choulhan Aroukh ne parle pas uniquement d’une eau dans un « thermos »
Ne pas apprendre d’une simple lecture
Le Maarsha sur le traité Sota[25] nous apprend : « ceux qui enseignent les halakhot au public, se tenant sur des livres d’Halakhot abrégé, font partie de ceux qui détruisent le monde ! »
La même chose, en ce qui concerne ceux qui enseignent les Halakhot par une simple lecture du Choulhan Aroukh, sans approfondir dans le Beth Yossef et les Poskim !
Les examens de Maran Harav Ovadia Yossef Zatsal
Maran Harav Zatsal venait dans notre Kollel Hazon Ovadia dans les années 5733-5735 pour nous faire des examens[26], certaines fois à l’oral, d’autre fois à l’écrit, une fois par mois à Roch Hodesh.
Lorsqu’il y avait un Kolleman qui ne savait pas répondre, il devenait rouge de honte. Une fois il demanda à un Kolleman de lire le Beth Yossef qui se trompa dans sa lecture[27]. Maran Harav lui cria « pourquoi n’as-tu pas préparé comme il faut ? ». Je me suis toujours demandé, comment se faisait-il que le Rav fît honte de cette manière. N’est-il pas écrit qu’il est préférable de se jeter dans une fournaise plutôt que de faire honte à son ami ? Jusqu’à ce que je vis un jour le Rambam[28] disant que cet enseignement est dit lorsqu’il s’agit de l’homme et son ami, mais lorsqu’il s’agit d’une personne transgressant un interdit concernant l’homme avec Hachem, le Rambam nous apprend qu’on peut lui faire honte[29]. L’étude de Torah étant une Mitsva concernant l’homme envers Hachem, c’est permis. Mais il ajoute que c’est seulement dans certaines situations.
Surtout qu’il est évident que l’on se doit d’être compréhensif. D’ailleurs Maran Harav Zatsal avait pour habitude d’accuser haut et fort les professeurs qui frappaient les élèves[30]. Ce procéder ne faisait qu’éloigner l’enfant, alors qu’il faut lui procurer de l’amour afin qu’il se rapproche.
Lorsqu’un élève répond faux à une question il faut tout d’abord lui dire des mots apaisants et gentils comme « tu es intelligent et ce n’est pas digne de toi ».
Maran Harav nous apprit comment étudier et ne pas prendre des livres abrégés.
Le Gaon Harav Chalom Cohen, président du conseil des Sages
Il y a deux ans, le Gaon Harav Chalom Cohen Chlita, prit la parole à l’occasion de la Hazkara de Maran Harav Zatsal. Il cria lui aussi sur cette mauvaise habitude de lire les livres abrégés, sans rentrer dans l’étude approfondie.
Il parla bien entendu des Kollelmans. Pour ce qui est des personnes qui n’ont pas le temps d’étudier, il est évident qu’ils peuvent prendre par exemple, le Hazon Ovadia ou bien le Yalkout Yossef, lire la Halakha et la note en bas de page.
Mais pour un Kollelman, il a le temps d’étudier comme il faut. Qu’ils ouvrent les livres, le Beth Yossef, la Guemara, les Rishonims, le Choulhan Aroukh et ensuite, le Hazon Ovadia et Yalkout Yossef avec les notes.
Revenons : c’est pour cela qu’il est vrai que le Choulhan Aroukh parle d’une eau qui n’est pas assez chaude, mais on ne peut pas se suffire d’une simple lecture du Choulhan Aroukh. Le Beth Yossef est explicite : même si l’eau est bouillante c’est interdit de verser.
L’interrogation du Gaon Harav Chalom Cohen, président du conseil des Sages
Lorsque j’étais encore jeûne j’étudier à la Yeshivat Porat Yossef[31]. On recevait à chaque fois les brochures « Kol Sinaï[32] ». Maran Harav écrivait à l’intérieure des Tshouvot d’Halakha et on était stupéfait par sa facilité d’écriture.
Une fois, le Roch Yechiva le Gaon Harav Chalom Cohen, nous donna cours sur justement ce sujet. Il apporta la brochure ou était écrit la Tchouva de Maran Harav Zatsal (sur ce sujet) et il posa une question : Pour quelle raison interdire de verser de l’eau chaude du Koumkoum dans sa marmite de Dafina ? On peut faire un Safék Sféka[33].
Expliquons : Nous venons de rapporter que selon Rabbénou Yona le fait de verser de l’eau est interdit. Mais le Rane contredit cet avis. Même si nous tenons la Halakha comme Rabbénou Yona, le fait est qu’il y a une discussion à ce sujet (1er Safék)
De plus, il existe une discussion dans les Rishonims s’il y a cuisson après une première cuisson, sur un aliment liquide. Selon le Rambam, le Rashba, le Rane le Rambane, et le Meiri : il n’y a pas de cuisson après une première cuisson même sur un aliment liquide. Alors que selon Rachi, Tossafot, Rosh et Rabbénou Yona, il y a une cuisson qui se fait même après que ce liquide a déjà cuit. Contrairement à un aliment sec. Tel est l’avis du Choulhan Aroukh[34] (2ème Safék).
Pourquoi ne pas dire Safék Sféka et autoriser de verser de l’eau chaude du Koumkoum dans sa marmite de Dafina ?
C’est une question très forte. Mais après plusieurs années lorsque j’écrivis le Choulhan Aroukh j’appris que ce n’était pas une question. En effet, nous avons une règle qu’on ne dit pas Safek Sféka lorsque le Choulhan Aroukh est explicite. Et cela, même si on peut trouver 10 Sfeikot.
Le Rav Messass Zatsal disait que la coutume au Maroc était de permettre de verser de l’eau du Koumkoum dans la marmite. On peut dire que telle est la coutume au Maroc, et si la personne repart habiter là-bas elle pourra. Mais en Israël la Halakha doit être suivit comme Maran Hachoulhan Aroukh : donc c’est interdit. Que ce soit pour les Marocains, les Temanims, etc.
Alors, comment faire ?!
Il existe 3 façons pour éviter que sa Dafina brûle. Tout d’abord, la veille de Chabbat, la personne met dans la marmite, un sachet cuisson rempli d’eau. S’il manque de l’eau, la personne n’aura qu’à percer le sachet qui se trouve à l’intérieur.
Deuxième solution : prendre une louche, l’intégrée dans l’eau bouillante durant 2 à 3 minutes, afin qu’elle prenne le statut de Kli rishone. Et ensuite prendre l’eau avec la louche et l’intégrer dans la marmite de Dafina (mais ne pas verser l’eau. Uniquement après avoir mis la louche dans la Dafina, déposer l’eau).
Troisième solution : demander à un Ashkénaze pour lui c’est permis…. Fin du cours
[1] 76a
[2] Siman 318 Halakha 10
[3] Selon le Choulhan Aroukh, on ne tient pas compte du type de cuisson par lequel l’aliment est passé : il n’y a pas de cuisson après cuisson, qu’il s’agisse d’une cuisson en le grillant ou bien en l’ayant cuit sur le feu.
[4] Tout cela, c’est avec tous le respect dû au Gaon Harav Messass. Une semaine avant son décès j’étais chez lui et il m’a proposé du Etrogue cuit avec du miel. Je gouttais et il me demanda si c’était bon. Je lui répondis que oui. Il me dit alors, « sache que mon seul bonheur dans ce monde c’est l’étude de Torah ».
[5] Yoré dé’a Siman 110 et Orah Haim Siman 318 halakha 10.
[6] Nous avons une généralité disant que le second ustensile (Kli chéni), c’est-à-dire, l’ustensile dans lequel on a versé l’aliment du Kli Rishone, ne cuit plus, car la température ne va que descendre. Dans notre cas, considérer l’eau versée comme étant un Kli chéni, nous amène à dire que cette eau ne va pas cuire l’aliment en question. Donc il est permis de verser cette eau sur l’aliment. Cet avis se tient sur le fait que lorsque l’eau se trouve en l’air, la température est déjà descendue.
[7] 15a
[8] 53a
[9] 38a
[10] Siman 318 alinéa 2
[11] Comme nous l’avons rapporté plus haut.
[12] Certains ont essayé de dire que selon le Mishna Beroura l’interdit de consommer l’aliment est dans le cas où la personne à verser et que l’écoulement ne s’arrête pas. Mais dans le cas ou l’écoulement s’arrête alors, on autorisera l’aliment Bédiavad. Mais même cette explication n’est pas évidente, car sur cela aussi il y a une discussion.
[13] Traité Baba Batra (10)
[14] Le Rosh dans le traité Chabbat chapitre Kira, nous dit : que faire si le peuple juif est attaché à la Mitsva d’Oneg Chabbat (en s’autorisant certaines choses pour accomplir cette Mistva).
[15] Cette température est expliquée, littéralement par le fait que si un enfant y met son doigt, il le retire de suite. Le Chmirat Chabbat Kéilkhéta rapporte au nom du Gaon Harav Chlomo Zalman Auerbach Zatsal, que cette température est évaluée entre 43° et 45°. Maran Harav Zatsal ne tint pas cela et évalua cette température par le fait de prendre un verre de thé (par exemple) : si la personne retire ses lèvres et attend que le liquide refroidisse, c’est Yad Solédéth bo. Dans le cas contraire, la température est inférieure.
[16] En général lorsqu’il y a deux raisons, la seconde est là pour renforcer la première, qui n’est pas suffisante. Comme nous pouvons retrouver dans les Tossafot.
[17] L’eau qui se trouve dans le Koumkoum est proche des 100° !
[18] Un Kli Chéni ne cuit pas l’aliment, mais uniquement les Kalé Habichoul, c’est-à-dire les aliments qui cuisent facilement, comme un œuf, dont il est considéré que mettre un œuf dans un Kli chéni est interdit.
[19] Cette interrogation vient par le fait que selon Rabbénou Yona, dans sa seconde raison, considère l’écoulement de l’eau comme passant au statut de Kli Chéni
[20] Mais cela n’arriva pas pour ce Rav qui ne changea en rien sa position erronée.
[21] Lorsque Maran Harav Zatsal donnait cours ici, il recevait lui aussi un verre de thé. Le thé était assez chaud (pas comme maintenant…), donc il le versait dans un autre verre pour que les parois du verre refroidissent le Thé. On voit donc que le fait de verser dans un autre ustensile, le liquide (ou bien l’aliment) ne fait qu’être refroidi.
[22] La préparation d’un thé : on verse l’eau du Koumkoum dans un verre et de ce verre on verse dans un second verre qu’on utilisera pour notre Thé. Ce verre sera considéré comme Kli Chlichi, 3ème ustensile.
[23] Siman 253 Halakha 4
[24] Aujourd’hui on appelle ça un thermos.
[25] 22a
[26] J’ai dit une fois au nom du Rav Ben Tsion Hazan, qu’un Kollel sans examen c’est comme une maison de retraite. Il est très important de faire des examens dans un Kollel. Mis à part cela, il faut que les Kollelmans fassent leurs examens au Rabbinat. Certains viennent me demander de les faire devenir Rav de telle ou telle ville. Mais je leur dis que s’ils ne font pas leurs examens au Rabbinat c’est impossible. Avant, il y avait plus de facilité, car le Rabbinat pouvait donner le titre de « Grand en Torah » à une personne, pour lui permettre d’être Rav d’une ville sans devoir passer les examens. Jusqu’au moment où le Bagatz (parti politique assez contre les religieux) interdit de tels procédés sans avoir des critères spécifiques à respecter. C’est pour cela que chaque Kollelman doit faire ses examens au Rabbinat. C’est aussi une façon d’avoir une autre ambiance au Kollel lors de l’étude, en sachant qu’il y a un examen final.
[27] À l’époque ce n’était pas comme aujourd’hui. Les anciennes éditions étaient difficiles à lire.
[28] Chap.7 Hilkhot Dé’oth.
[29] Le Rambam rajoute plusieurs choses à son sujet : on peut le maudire, etc.
[30] À l’époque il n’y avait pas de lois interdisant aux professeurs de frapper avec les règles.
[31] Au début on était chez les Sefaradim et ensuite chez les Ashkénazim, car on peut apprendre de tous quelques choses et évidemment des Sefaradim aussi.
[32] C’était dans ces brochures que les Psakim de Maran Harav ont débutées à être connu aux yeux du public. Elles sortaient par Rabbi Menaché Halévy Za’l.
[33] Il existe une généralité disant que dans le cas où sur un même point Halakhique il existe deux doutes, comme par le fait que ce sujet est discuté sur deux points différents, on pourra être plus souple.
[34] Siman 318 Halakha 4, 7-8