Prononcer le Nom d’Hashem tel qu’il est écrit
Rav David Pitoun
Prononcer le Nom d’Hashem tel qu’il est écrit
Le traité ‘Avoda Zara (18a) fait mention du terrible châtiment que les romains infligèrent à Rabbi ‘Hanina Ben Teradyon, et qui fut décrété par le Ciel pour avoir prononcer le Nom d’Hashem tel qu’il est écrit.
Les Tossafot écrivent qu’il s’agit de l’interdiction de prononcer le Nom d’Hashem tel qu’il est écrit en toutes lettres, c’est-à-dire le Nom d’Hashem écrit avec les lettres Youd, puis Hé, puis Vav, puis Hé, il est interdit à tout jamais de le prononcer, même dans le cadre d’une bénédiction ou d’une prière, il est interdit de le prononcer tel qu’il est écrit, mais seulement par le nom de « Adnout » (A.D.O.NA.Ï), c’est-à-dire, le Nom d’Hashem prononcé avec les lettres Alef ; Dalet ; Noun ; Youd. (Il est certain qu’il est interdit de prononcer même le Nom d’Hashem par Adnout, lorsqu’on ne se trouve pas dans le cadre de la prière ou dans le cadre d’une bénédiction ou la récitation du Hallel ou autre, car hormis ces situations, il est interdit par la Torah de prononcer gratuitement le Nom d’Hashem.)
En effet il est enseigné dans une Mishna du traité Sanhédrin (90a) :
- Celui qui prononce le Nom d’Hashem selon ses lettres n’a pas droit au monde futur.
La Guémara ‘Avoda Zara explique qu’en réalité Rabbi ‘Hanina Ben Teradyon agissait ainsi seulement pour apprendre, et malgré cela il fut punit par le Ciel.
Le RADBAZ (dans ses interprétations des enseignements du RAMBAM chap.35) écrit que même si l’interdiction de prononcer le Nom d’Hashem tel qu’il est écrit signifie le prononcer selon ses véritables consones et voyelles, malgré tout, selon l’opinion des Tossafot il s’agit aussi de citer une par une les lettres du Nom d’Hashem, c’est-à-dire, d’épeler ainsi les lettres du Nom d’Hashem : Youd ; puis Hé ; puis Vav ; puis Hé, il est interdit de l’épeler, car cela fait également partie de l’interdit de prononcer le Nom d’Hashem. La personne qui le prononce ainsi n’a pas droit au monde futur.
Telle est également l’opinion de notre maître le ARI Zal (Sha’ar Ha-Mitsvot – Shemot).
Notre maître le ‘HYDA – dans son livre Peta’h ‘Enaïm sur Sanhedrin (101b) – écrit qu’il y a là une atteinte – ‘Hass Vé-Shalom – à l’honneur d’Hashem, similairement à ce que l’on a expliqué dans les règles relatives au respect des parents, qu’il est interdit à un fils d’appeler son père par son prénom, de même il est interdit à quiconque de mentionner le Nom de son père qui est au Ciel. Lorsqu’il s’agit du Nom d’Hashem, la chose est d’autant plus grave, car lorsqu’il s’agit du prénom de son père, il est au moins permis à un enfant d’épeler les lettres, par exemple, si le prénom du père est Ya’akov, le fils est autorisé à épeler les lettres de ce prénom en disant : Youd ; ‘Aïn ; Kof ; Beit. Mais lorsqu’il s’agit du Nom d’Hashem, il est interdit de le prononcer même en épelant seulement les lettres. Selon les enseignements de notre maître le ARI Zal, la prononciation du Nom d’Hashem en épelant les lettres est encore plus grave qu’en le prononçant tel qu’il est écrit.
Par conséquent, de nombreux décisionnaires (voir Likouté Torah – Sha’ar Ta’amé Ha-Mitsvot ; ‘HYDA dans Devash Léfi sect.5 note 23 ; ‘Hessed Lé-Alafim sur O.H 215 note 8 ; Ben Ish’Haï – Vayshla’h note 9 ; ‘Hayé Adam règle 5 chap.27 ; Shou’t ’Hatam Sofer sect. H.M chap.192…) écrivent qu’il faut veiller à ne pas épeler les lettres du Nom d’Hashem même dans le texte du « Leshem Ye’houd » que certains ont l’usage de dire en préliminaire des prières ou avant d’accomplir les Mitsvot. Il faut dire « …Leya’heda Shem Youd Ké Bé-Vav Ké… » et non pas en prononçant la lettre « Hé » (il faut veiller à dire « Ké » à la place du « Hé », car cela représente l’interdit de prononcer le Nom d’Hashem tel qu’il est écrit.
Les décisionnaires débattent au sujet du nom prononcé avec « Adnout » (A.D.O.NA.Ï).
Est-il interdit d’épeler les lettres en disant Alef ; Dalet ; Noun ; Youd, ou bien l’interdit n’existe que lorsqu’on le prononce réellement (de façon injustifiée) ?
Notre grand maître le Rav Ovadia YOSSEF Zatsal tranche – dans son livre Hali’hot ‘Olam (tome 1 page 50) – qu’il n’y a pas d’interdit selon le strict Din d’épeler les lettres du Nom d’Hashem prononcé avec « Adnout » (A.D.O.NA.Ï) conformément à l’opinion du RADBAZ (référence citée plus haut), ainsi que sur l’opinion du Gaon Rabbi Eliyahou MANI dans son livre Zi’hronot Eliahou (page 2) ; du Gaon Rabbi ‘Akiva IGUER (dans une Tshouva chap.40) et d’autres…
(Mais les Tossafot – sur Soukka 5a – écrivent que le monde a l’usage de veiller aussi à ne pas épeler les lettres du Nom d’Hashem prononcé avec « Adnout » (A.D.O.NA.Ï), et les personnes qui prennent en considération cette opinion méritent la bénédiction.)
le Gaon auteur du ‘Hessed Lé-Alafim (sur O.H chap.50 note 11) – écrit que dans les préliminaires de la prière du matin, dans le paragraphe « Abayé Hava Méssader Sédèr Hama’ara’ha… », il faut veiller à marquer un temps d’arrêt entre le mot « Abayé » et le mot « Hava » car cela peut s’entendre comme le Nom d’Hashem tel qu’il est écrit. Le Gaon MAHARYKASH – dans son Siddour Aholé Ya’akov – Rosh Ha-Shana (73b) fait une remarque similaire.
Mais notre maître le Rav Zatsal tranche que même en ce qui concerne le Nom d’Hashem tel qu’il est écrit, si l’on n’a pas l’intention de le prononcer en tant que Nom d’Hashem, on peut autoriser.
Il fonde son opinion sur les propos des Tossafot (sur 35a), ainsi que sur l’opinion de notre le ‘HYDA dans son livre Shou’t Tsapi’hit Bi-Dvash (tome 8 page 22 colonne 4).
C’est pourquoi, il est permis de dire dans la prière du matin « Abayé Hava Méssader Sédèr Hama’ara’ha… » sans marquer un temps d’arrêt entre le mot « Abayé » et le mot « Hava » bien que cela peut s’entendre comme le Nom d’Hashem tel qu’il est écrit. Mais il est malgré tout préférable de marquer un temps d’arrêt entre le mot « Abayé » et le mot « Hava ».