Parashat Béhar – 5776 – Yehouda Moshé Charbit
בס״ד
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PARACHAT BÉHAR
La paracha béhar traite de deux années particulières: l’année de chémita, c’est-à-dire l’année durant laquelle la terre est mise en jachère, et l’année du Yovel (jubilé). La torah détaille donc les règles à suivre durant ces deux années, en passant par la libération des esclaves, les règles que doit suivre un propriétaire vis-à-vis de son esclave aussi bien hébreu qu’étranger, ou encore le retour des terrains vendus à leurs propriétaires d’origine..
Dans le chapitre 25 de Vayikra, la torah dit :
א/ וַיְדַבֵּר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה, בְּהַר סִינַי לֵאמֹר׃
1/ Et Hachem parla à Moshé sur le Mont Sinaï en disant :
ב/ דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם, כִּי תָבֹאוּ אֶל-הָאָרֶץ, אֲשֶׁר אֲנִי נֹתֵן לָכֶם–וְשָׁבְתָה הָאָרֶץ, שַׁבָּת לַיהוָה׃
2/ Parle aux bné-Israël et tu leur diras : quand vous viendrez vers la terre que je vous donne, la terre se reposera, un repos pour Hachem.
ג/ שֵׁשׁ שָׁנִים תִּזְרַע שָׂדֶךָ, וְשֵׁשׁ שָׁנִים תִּזְמֹר כַּרְמֶךָ; וְאָסַפְתָּ, אֶת-תְּבוּאָתָהּ׃
3/ Durant six ans tu ensemenceras ton champ, et durant six ans tu tailleras ta vigne et tu engrangeras sa récolte.
ד/ וּבַשָּׁנָה הַשְּׁבִיעִת, שַׁבַּת שַׁבָּתוֹן יִהְיֶה לָאָרֶץ–שַׁבָּת, לַיהוָה: שָׂדְךָ לֹא תִזְרָע, וְכַרְמְךָ לֹא תִזְמֹר׃
4/ Mais la septième année, un repos complet ce sera pour la terre, un chabbat pour Hachem, ton champ tu n’ensemenceras pas et ta vigne tu ne tailleras pas.
La torah nous réclame un repos de la terre, comparable au chabbat de l’homme. Ainsi, tous les sept ans, il est formellement interdit de travailler la terre, elle doit se reposer. La question qui se pose est la nécessité d’un repos de la terre. En ce qui concerne l’homme, le repose s’impose car Hachem a agi de la sorte pour la création du monde et l’homme doit calquer son attitude sur celle d’Hachem. Par contre, la terre relève de l’inerte, pourquoi bénéficierait-elle d’un repos semblable à celui de Dieu. Du point de vue du sens simple, il s’agit d’une prolongation du chabbat. En effet, beaucoup de commentateurs expliquent que le chabbat ne durant qu’un jour, est prolongé par la chémita qui dure un ans et durant laquelle nous pouvons réellement faire preuve de notre confiance en Hachem. Toutefois, il semble que la chémita, ainsi que le Yovel qui l’accompagne, cachent une réalité plus profonde. En effet, lorsque nous réfléchissons un peu, nous nous rendons compte que la émouna ne justifie pas parfaitement la chémita, car cette dernière ne s’applique qu’en Israël. S’il s’agit du test de la confiance en Hachem, alors, comme le chabbat, nous devrions la pratiquer où que nous soyons ?
Que signifie donc réellement le repos de la terre ? Que cache cette mitsva si étrange ?
Le Tiféret Yéhonathan (sur notre paracha) explique que le sens profond de la chémita est de réparer la faute de Caïn qui a tué son frère. Suite à ce fratricide, Hachem punit Caïn et lui dit que même lorsqu’il la travaillera, la terre cessera de lui donner sa force, et dorénavant, il devra errer dans le monde, sans trouver de place fixe. C’est alors que Caïn saisit la gravité de son acte et se repent. Hachem lui accorde Son pardon et lui donne un signe pour le protéger. Nos sages expliquent qu’il s’agit de la lettre »ו vav » dont la valeur numérique est six. Pour dire que durant six ans la terre lui accordera sa force normalement, en réponse à sa téchouva, mais la septième année devra être chômée, elle ne devra pas lui transmettre sa force, en ce sens, la chémita revêt le statut de la punition initialement prononcée contre Caïn. C’est seulement durant cette période que s’applique l’interdit d’user de la force de la terre. D’ailleurs, en entendant que le pardon a été accordé à son fils, Adam Harichone a récité le téhilim du chabbat (mizmor chir léyom hachabbat), afin d’affirmer qu’en acceptant le repos au terme de sept années (comme pour les sept jours du chabbat) il a obtenu l’expiation de sa faute.
Ceci nous permet de voir deux points fondamentaux concernant la chémita et tous deux tirent leur racine dans l’acte de Caïn. Le premier concerne la raison évoquée par la torah pour ordonner la chémita. Hachem insiste sur le fait qu’Il soit le propriétaire de la terre. Or nos sages expliquent qu’une des raisons qui a motivée Caïn au meurtre était son refus de devoir partager l’héritage d’Adam, avec son frère, il voulait être le possesseur de toute la terre. En rappel de cela, Hachem enjoint aux lois de la chémita en rappelant qu’elles doivent être respectées, car la terre Lui appartient !
Plus encore, le Avot déRabbi Nathan (chapitre 41) explique que l’exil des bné-Israël surgit en raison du non-respect de la chémita. À priori, il semble difficile de comprendre le lien entre la transgression et la sanction qui en découle. Mais de notre point de vue, c’est chose simple. Suite à sa faute, Caïn se voit maudit de devoir errer et de ne jamais trouver pied à terre. Pour contrer le mal qu’il a engendré, Hachem met justement en place la chémita. Ainsi, ne pas la respecter, c’est suivre la démarche de Caïn et comme lui se voir puni de l’errance de pays en pays, sans terre où s’installer définitivement.
Le Tiféret Yéhonathan ajoute que le chiffre sept correspond particulièrement à la situation. Comme chacun le sait, le monde a été créé par dix paroles. Dès lors, pourquoi est-ce le chiffre sept qui reflète tant le repos créateur. En réalité, l’analyse des dix premiers chiffres nous révèle une singularité de ce chiffre. En effet, le 1, le 2, le 3, et le 5 sont des chiffres qui engendrent, dans le sens où leur union avec au moins un autre chiffre créateur permet d’obtenir des chiffres inférieurs à 10 : ils sont donc précurseurs des forces créatrices qui interviendront ensuite. De sorte, le 1 uni à lui même (1 fois 1) donne 1, de même le deux donne quatre et le trois atteint le neuf. Le 5 uni avec le chiffre créateur 2 donne 10 qui est encore dans le cadre de la création. En ce qui concerne le 6, le 8, le 9 et le 10, ils sont tous issus d’autres chiffres, ils sont les chiffres engendrés. Le 6 provient de l’union du 2 au trois ; le 8, est issu de 2 et du 4 ; le 9 résulte du 3 avec lui-même et enfin le 10 provient du 2 et du 5. Ainsi, seul le chiffre 7 est neutre, il n’engendre rien et n’est engendré par rien. Il symbolise donc la cessation d’activité créatrice du chabbat et de la chémita, durant lesquels il ne faut rien produire, il s’agit d’être dans l’état de neutralité.
Tentons d’aller encore plus loin dans la compréhension du lien qui unit la chémita avec le meurtre de Caïn.
Le Midrach (béréchit rabba, chapitre 22, alinéa 4) dit : « » Et ce fut au terme des jours » : il s’agit d’une discussion entre Rabbi Éliézer et Rabbi Yéhochoua. Rabbi Éliézer dit que le monde a été créé en Tichri ; tandis que Rabbi Yéhochoua soutient qu’il a été créé en Nissan. D’après l’avis qui pense que c’était en Tichri, Ével n’aurait vécu que de Souccot à ‘Hanouka. D’après celui qui situe la création en Nissan, il n’aurait vécu que de Pessa’h à Chavou’ot. Quelques soient les opinions, les deux sont d’accord sur le fait qu’Ével n’a pas existé plus de cinquante jours. »
Ce midrach a amené à beaucoup de commentaires dans la mesure où sa conclusion semble fausse. Il y a bien cinquante jours entre Pessa’h et Chavou’ot, cependant, il y a bien plus entre Souccot et ‘Hanouka. Dès lors, pourquoi Rabbi Éliézer qui affirme que l’existence d’Ével s’est entendue de Souccot à ‘Hanouka, est-il d’accord de lui attribuer une vie de cinquante jours ? Cette question est tellement évidente que beaucoup de commentateurs soupçonnent une erreur dans la transmission du texte et proposent de changer le nombre.
Rabbénou Bé’hayé (béréchit, chapitre 4, verset 3) propose une explication passionnante. À ses yeux, le texte est correct et nos sages ont volontairement limité le nombre à cinquante. Pour commencer, il précise que ce midrach nous fournit la raison pour laquelle la torah demande d’apporter un sacrifice min’ha pendant chavou’ot, car il s’avère que c’est ce qu’ont fait Caïn et Ével. Mais plus encore, cela met en avant la justice d’Hachem qui récompense et punit ceux qui le méritent. Car il s’avère qu’au cinquantième jour, lorsqu’Ével a eu une attitude appropriée et que Caïn a mal agi, ils ont engendré leur salaire. Ainsi, Moshé Rabbénou qui est une réincarnation de Ével, a pu recevoir la récompense de sa vie antérieure, et c’est au terme de cinquante jours après la sortie d’Égypte qu’il a obtenu la torah. Parallèlement, Caïn qui représente le mal, connaîtra sa sanction et sera éradiqué, qui au sens divin, correspond au « grand Yovel » période où Hachem supprimera le mauvais penchant.
Plus encore, en ce qui concerne le sacrifice de Chavou’ot, nous remarquons que la torah demande qu’il soit fait avec du ‘hamets (levain) alors qu’il s’agit d’une chose normalement interdite. Ceci s’explique par le fait que le levain est assimilé par nos sages au mauvais penchant. De sorte, il ne trouve pas sa place sur l’autel des sacrifices. Par contre, le jour de Chavou’ot qui n’est autre que le cinquantième jour, Caïn reçoit sa sanction et Ével reçoit sa récompense. Ainsi, les forces de Caïn disparaissent et celles d’Ével s’éveillent au point d’annuler Caïn. En ce jour, la trace du mal que représentent le ‘hamets et Caïn n’est plus un danger, elle est complètement annulée.
Cela met en avant l’idée selon laquelle, dans un processus de cinquante étapes, c’est à la dernière que s’exprime enfin Ével au détriment de Caïn.
Nous pouvons peut-être maintenant comprendre l’acheminement de la torah dans la réparation de la faute de Caïn. Il s’avère que la torah réclame un repos de la terre tous les sept ans, et que ce cycle se répète sept fois avant d’atteindre le Yovel. Ce procédé est indicateur de la réparation qui a lieu, car rappelons que la terre est maudite par deux reprises par le Créateur. La première fois est lors de la faute d’Adam, lorsqu’Hachem dit (Béréchit, chapitre 3) :
יז/ וּלְאָדָם אָמַר, כִּי-שָׁמַעְתָּ לְקוֹל אִשְׁתֶּךָ, וַתֹּאכַל מִן-הָעֵץ, אֲשֶׁר צִוִּיתִיךָ לֵאמֹר לֹא תֹאכַל מִמֶּנּוּ–אֲרוּרָה הָאֲדָמָה, בַּעֲבוּרֶךָ, בְּעִצָּבוֹן תֹּאכְלֶנָּה, כֹּל יְמֵי חַיֶּיךָ׃
17/ Et à l’homme il dit: « Parce que tu as cédé à la voix de ton épouse, et que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais enjoint de ne pas manger, maudite est la terre à cause de toi: c’est avec effort que tu en tireras ta nourriture, tant que tu vivras.
:יח/ וְקוֹץ וְדַרְדַּר, תַּצְמִיחַ לָךְ; וְאָכַלְתָּ, אֶת-עֵשֶׂב הַשָּׂדֶה
18/ Elle produira pour toi des ronces et des épines, et tu mangeras de l’herbe des champs.
Dans cette malédiction, nous concevons que la force de la terre est déjà amenuisée, elle ne produit plus de choses parfaites mais des épines. Et ensuite, lorsque Caïn faute, la torah ajoute (béréchit, chapitre 4, verset 11 et 12) :
:וְעַתָּה, אָרוּר אָתָּה, מִן-הָאֲדָמָה אֲשֶׁר פָּצְתָה אֶת-פִּיהָ, לָקַחַת אֶת-דְּמֵי אָחִיךָ מִיָּדֶךָ
Et maintenant, tu es maudit à cause de cette terre, qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère! »
:כִּי תַעֲבֹד אֶת-הָאֲדָמָה, לֹא-תֹסֵף תֵּת-כֹּחָהּ לָךְ; נָע וָנָד, תִּהְיֶה בָאָרֶץ
Lorsque tu cultiveras la terre, elle cessera de te faire part de sa fécondité; tu seras errant et fugitif par le monde. »
Sur cela, Rachi souligne que la malédiction ici proférée est une augmentation de la première déjà exprimée sur Adam. Ainsi, par deux fois la terre a perdu de sa force, et a connu une altération de ses capacités. C’est pourquoi, il faut l’intervention de la chémita à double échelle : un premier cycle pour panser les blessures de la première sanction divine, et un autre pour réparer l’amplification de cette première malédiction. C’est pourquoi nous trouvons un cycle de sept ans qui se répète sept fois. C’est ensuite, qu’intervient le Yovel, lorsqu’enfin, Ével, reçoit sa récompense. Durant quarante neuf ans, les forces de Caïn sont repoussées grâce à la chémita, et une fois cela fait, le Yovel peut exister : une période de libération des prisonniers et de la terre, un retour à l’ordre, en somme une période où les forces du mal sont bloquées !
Cela nous amène à une conclusion extraordinaire. Comme nous venons de l’affirmer, les forces d’Ével ne parviennent réellement à s’exprimer qu’au terme de ce processus de quarante-neuf ans. Ce n’est donc que tous les cinquante ans qu’Ével prend les devants et qu’il existe, si l’on peut s’exprimer ainsi. Or nos maîtres enseignent que Moshé est la réincarnation d’Ével. La vie dont le fils d’Adam a été privé lors de son assassinat a donc été remplacée par celle de Moshé. Pour sa part, Moshé a vécu 120 ans, et c’est durant ce laps de temps qu’il a accompli le travail pour lequel il a été envoyé sur terre. En somme, Moshé met 120 ans a compensé la vie d’Ével. Comme nous venons de le voir, dans le calendrier de l’histoire du monde, c’est une fois tous les cinquante ans qu’Ével peut s’exprimer, ce qui signifie, au vu de la vie de Moshé que le procédé doit se reproduire 120 fois. Nous comprenons donc parfaitement pourquoi, c’est au terme de 6000 ans que le monde entrera dans le chabbat hagadol, le repos ultime, car ainsi, la vie d’Ével sera complétée (50×120 = 6000) !
C’est à cette période, après que le machia’h soit venu et ait ramené l’ensemble des bné-Israël à la torah, que nous connaîtrons la plus grande des proximités avec Hakadoch Baroukh Hou, celle d’une fusion parfaite, d’une osmose éternelle amen ken yéhi rastone.
Chabbat chalom.